Mes amis, mes amours… (et on s’arrêtera là)

L’amour, l’amitié et la sexualité en 10 essais parus en 2024

- temps de lecture approximatif de 12 minutes 12 min - Modifié le 04/11/2024 par Pseudo

Nos façons de se rencontrer, se fréquenter et s’aimer évoluent. Au rythme des technologies, des changements de mœurs et des lois. Amoureux et amis d’hier ne sont pas plus ceux d’hier que de demain.

cop. Pixabay

Comme un besoin de comprendre ce qui change vite et radicalement, sociologues et journalistes n’ont jamais autant publié sur ce sujet universel.

Mêlant parfois enquêtes de terrains et récits intimes, sur le principe de “l’observation participante”, ils proposent des ouvrages aussi sensibles qu’analytiques.


Sélection d’essais parus en 2024 sur notre manière d’aimer… les autres et soi-même !

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Nota bene : Sélection très féminine car 9 essais sur 10 sont signés par des femmes. Ceci n’est pas une orientation volontaire mais le miroir de l’édition dans le domaine. Alors, messieurs, on se déconstruit et on donne son avis !

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1. Amitié

Dans ce brillant essai sociologique et culturel sur les amitiés, Alice Raybaud – journaliste au Monde – s’attache à redorer le blason d’un affect complexe, puissant et constructif.

Dévaluée au profit du couple, comme cellule nucléaire du lien adulte dans notre société, l’amitié est reléguée dans nos représentations à ce qui s’apparenterait presque à une marque de la jeunesse.

Dans nos pratiques, elle s’amenuise souvent à l’orée de la vie adulte, son sort souvent scellé par une relation amoureuse qui la fait passer au second plan.

Dans un monde particulièrement clivant, l’amitié est un vaste territoire à reconquérir et entretenir, colonne vertébrale de notre construction sociale et individuelle, politique et philosophique.

C’est ce que démontre avec talent Alice Raybaud.

Plus de détails dans notre coup de cœur !

2. Crush

« Crusher », avoir un « crush ». La sociologue Christine Détrez est partie à la rencontre d’un panel de jeunes de 13 à 25 ans pour comprendre ce qui se cache derrière cet anglicisme.

Parce qu’après tout : si c’est une nouvelle façon d’aimer (ou commencer à aimer) alors autant le prendre au sérieux !

Le crush c’est le coup de cœur, la légère obsession, le penchant qui reste léger et surtout… inavoué.

Celui qu’on porte à un inconnu, un ami, une célébrité… Bref, celui dont on attend finalement peu si ce n’est un peu de piment intérieur. Le petit fantasme qui coûte pas cher mais qui vaut son pesant d’or.

Celui qui, à l’aune des réseaux sociaux, sans conséquence, pourra s’évanouir tout aussitôt.

Le crush est aussi une représentation de l’attachement contemporain, fruit d’une culture populaire tout à la fois façonnée, consommée et relayée par les jeunes.

Le crush : petit mot mais grosse complexité ! Une enquête inédite sur la nouvelle cristallisation amoureuse à l’aube du 21e siècle.

3. Aimer est un sport collectif

Première édition française d’un livre paru en 2021 Outre-Atlantique, Gay Bar. Pourquoi nous sortions le soir, est le récit socio-autobiographique du romancier américain Jeremy Atherton Lin.

Il y raconte son éclosion sociale, sexuelle et intellectuelle dans le New-York homosexuel des années 1990 et dans l’atmosphère ardente des bars gay, des salles de concert et autres lieux underground.

Nostalgie de lieux et d’ambiances où se mêlent l’amour, la sexualité, le débat et la solidarité.

Une ode à l’amitié militante et un plaidoyer pour l’anti-repli affectif, qui se lit autant au passé qu’au présent.

4. Petite pause

Catherine Gray est une journaliste qui a soif d’expérience.

Et une vague tendance à être accro. Accro à l’alcool, aux hommes… entre autres.

Après son essai “The Unexpected Joy of Being Sober” (“Le bonheur inattendu de la sobriété“) sur son sevrage alcoolique, elle publie en 2018 The Unexpected Joy of Being Single, dont nous bénéficions en 2024, d’une première traduction française :

Mon année sans les hommes.

Elle y raconte son parcours amoureux intense et ininterrompu jusqu’à l’épuisement qui lui donna l’idée d’une expérience plus intéressante : celle d’une année de célibat.

Un essai un peu gonzo sur les bords, drôle et réjouissant.

Bienvenue dans le monde de la sobriété amoureuse et de ses trésors inattendus !

5. Aimer la nouveauté

Libérés de la masculinité. Comment Timothée Chalamet m’a fait croire à l’homme nouveau :

c’est le titre du livre d’Aline Laurent-Mayard dans lequel il est un peu question de la Chalamania…

… mais surtout de notre nouvelle possibilité (et notre intérêt) à aimer celui qui est libéré des carcans du genre !

A l’image de Timothée Chalamet et d’une nouvelle génération qui assume de ne pas rentrer dans les cases de la virilité ou féminité excessive.

Empathie des genres et des sexes, vulnérabilité assumée et ambiguïté heureuse pourraient-elles devenir le futur de l’amour hétéro ? 

6. L-G-B-T-Q-I……….. A !

C’est donc le fameux A souvent oublié ou méconnu du sigle universel.

Discret et déconcertant A d’asexuel.le

Ce témoignage éclairant d’Anna Mangeot est l’un des premiers sur ce sujet encore largement tabou dans le paysage des sciences humaines et sociales.

Peut-on aimer sans désir ?

Sans dolorisme et avec franchise, Anna Mangeot lève le voile sur cette orientation sexuelle (et non cette pathologie) qui toucherait environ 4 % de la population mondiale.

Elle a pris la plume pour expliquer ce qu’est vraiment l’asexualité, la démystifier et montrer qu’elle ne rend pas inapte à l’amour.

7. Compagnonnage

Entre essai et autobiographie, Ovidie nous gratifie une fois de plus d’un livre brillant et original.

Son « autobiographie canine » comme elle aime à la présenter où elle raconte sa relation profonde à son chien Raziel et plus largement des chiens qui ont peuplé et « sauvé » sa vie.

Un livre tendre où il est question d’amour et de deuil entre hommes, femmes et chiens.

Mais également un livre sans appel. Car la théorie sociologique défendue dans les interstices autobiographiques est que la condition des femmes et des chiens est commune.

Et cette place commune dans la société est souvent peu enviable : victimes de la violence masculine intrafamiliale, du jugement esthétique et de la stigmatisation. Être chienne(s) n’a jamais été un compliment.

Mais femmes et chien.ne.s partagent aussi le même destin, celui de se sauver mutuellement.

Un magnifique livre au croisement du féminisme et de l’anti-spécisme.

8. Aimer et croire

Comment aime-t-on quand on est un jeune adulte dans les années 2020 et que l’on est croyant ?

Si l’heure est au durcissement des valeurs religieuses, des nouveaux bouleversements tels que les mouvements contre le « mariage pour tous », l’extension de la PMA et les scandales sexuels dans l’église entrent en collision avec la réalité d’une contemporanéité de l’amour et de la sexualité.

Dans ce travail de recherche ambitieux, la sociologue Marion Maudet a enquêté durant 10 ans auprès d’un panel de jeunes musulmans et catholiques français.

9. Balance ton conte

L’amour romantique est un conte magnifique (cœur avec les doigts).

Enfin…

Il est surtout hétéronormé et biaisé puisqu’il raconte qu’il est le seul réceptacle du bonheur amoureux, voire du bonheur tout court.

D’un autre côté, le célibat est perçu comme une tare sociale et pathologisé.

Ça, c’est pour les représentations. Or, la réalité fait un (gros) pas de côté :

Le couple ploie sous ses trop lourdes responsabilités. Les divorces explosent. Les célibataires représentent 40 % de la population.

Le pourcentage du célibat « de choix » est en hausse chez les hommes comme chez les femmes.

Un célibat qui devient le lieu d’une émancipation et d’un bonheur féminin nouveau… sans parler de l’éclosion de l’amour libre.

Bref, on est loin de l’image de la “vieille fille” ou du “vieux garçon” désespérés ! Alors pourquoi cet écart entre la représentation et le réel ?

La journaliste Aline Laurent-Mayard analyse les mécanismes constitutifs de la « culture du romantisme », déroulant tout au long de la vie un « script romantique » qu’il est préférable de suivre que cela nous rende heureux… ou non !

10. With my bro

D’où vient votre ami le plus intime, où est-il né, qui l’a conçu, à quoi aspire-t-il ?

Oui, nous parlons bien ici de sextoys !

Womanizer, Lelo, Iroha… toutes formes, toutes époques et autant d’outils synonymes d’innovation et de libération sexuelle.

Amandine Jonniaux nous propose une plongée sociologique dans l’univers de la sextech de l’Antiquité à nos jours.

Design, économie, progrès, évolution des mœurs, égalité hommes-femmes, féminisme…

Un hommage vibrant au vibro.

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