Brève
Il y a 100 ans, le 23 novembre 1924 soit dix ans après sa mort, Jean Jaurès entrait au Panthéon
Publié le 22/11/2024 à 18:50 - 3 min - par Hélèna
Mais cette décision ne fut pas unanime...
Né à Castres en Occitanie en 1859, Jean Jaurès est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands hommes politiques français.
Normalien, professeur agrégé en philosophie, il montre dès son début de carrière à l’université un intérêt certain pour la politique avec pour modèle Gambetta. Il est de ce fait élu à l’âge de 26 ans seulement comme député du Tarn en 1885. A l’assemblée, on le distingue pour ses talents d’orateur, sa volonté d’instiguer des réformes sociales et son fervent soutien à Jules Ferry.
Conseiller municipal de Toulouse, proche des milieux ouvriers et socialistes, il se radicalise avec l’intention de rassembler et d’unir les républicains en faveur des ouvriers. Il soutient alors la grève des mineurs de Carmaux en 1892. Il dénonce également la corruption des dirigeants lors du scandale de Panama.
C’est, toutefois, avec l’affaire Dreyfus que Jaurès entre finalement dans l’histoire. Alerté par la montée du nationalisme et de l’antisémitisme, il s’engage ardemment à la défense de Dreyfus. En humaniste convaincu, il se proclame abolitionniste et refuse la peine de mort. Avec l’objectif de réunir les ouvriers, il fonde en 1904 le quotidien de gauche, l’Humanité. Dans le même temps il soutient la laïcité et la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905. Il participe également activement à la création du parti socialiste de la SFIO.
Dès lors, en pacifiste acharné, Jaurès consacre les dernières années de sa vie à la défense de la paix dans une Europe de l’entre-deux-guerres de plus en plus disposée au casus belli. Il s’oppose alors à la prolongation de la durée du service militaire en 1913 et prononce plusieurs discours en faveur de la paix notamment après l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand à Sarajevo le 28 juin 1914 qui met le feu aux poudres. Dans son tout dernier discours, le 29 juillet 1914 à Bruxelles, il proclame :
« Nous, socialistes français, notre devoir est simple. Nous n’avons pas à imposer à notre gouvernement une politique de paix. Il la pratique. Moi, qui n’ai jamais hésité à assumer sur ma tête la haine de nos chauvins par ma volonté obstinée, et qui ne faillira jamais, d’un rapprochement franco-allemand, j’ai le droit de dire que le gouvernement français veut la paix ».
Il est assassiné deux jours plus tard au Café du Croissant par Raoul Villain, un nationaliste exalté.
Comme pour beaucoup d’autres événements, la panthéonisation de Jean Jaurès est instrumentalisée. Elle intervient dans un contexte où la gauche au pouvoir doit se consolider, après la victoire du Cartel des gauches contre le Bloc national. Le Cartel décide donc d’utiliser Jaurès comme symbole, ignorant les propres volontés du défunt qui aurait, au détour d’une promenade, confié à Aristide Briand :
« Il est certain que je ne serai jamais porté ici. Mais si j’avais le sentiment qu’au lieu de me donner pour sépulture un de nos petits cimetières ensoleillés et fleuris de campagne, on dût porter ici mes cendres, je vous avoue que le reste de ma vie en serait empoisonné. »
La cérémonie, théâtralisée, pompeuse et kitsch ne fait pas l’unanimité notamment auprès de la droite qui la ridiculise ainsi qu’auprès des communistes qui organisent leur propre marche au même moment, exacerbant les tensions entre les blocs de la gauche. Ainsi, dans l’Humanité de ce même jour, Paul Vaillant-Couturier y publiait un article intitulé « Le deuxième assassinat de Jaurès ».
Une sélection à lire dans nos collections :
- Jean Jaurès, Jean-Numa Ducange, éditions Perrin, 2024.
- Jaurès, contemporain, dirigé par Vincent Duclert, éditions Privat, 2018.
- Le grand Jaurès, Max Gallo, éditions Tallandier, 2020.
- Ainsi nous parle Jean Jaurès, textes présentés par Marion Fontaine, éditions Pluriel, 2014.
- Jaurès le prophète : mystique et politique d’un combattant républicain, Eric Vinson, Sophie Viguier-Vinson, éditions Albin Michel, 2021.
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