Le chiffre du mois
21, c’est le rang de la France dans le classement de Reporters sans frontières 2024
Publié le 23/05/2024 à 14:31 - 4 min - Modifié le 22/05/2024 par méduse boîte
Chaque année, Reporters sans frontières (RSF) réalise et publie un classement, en fonction du degré d’avancement de la liberté de la presse, de 180 pays ou territoires. En 2024, la France a gagné trois places par rapport à l’année précédente.
Un classement établi sur cinq critères
RSF a retenu comme définition de la liberté de la presse : « la possibilité effective pour les journalistes, en tant qu’individus et en tant que collectifs, de sélectionner, produire et diffuser des informations dans l’intérêt général, indépendamment des interférences politiques, économiques, légales et sociales, et sans menace pour leur sécurité physique et mentale. »
Dans leur classement annuel, la situation d’un pays est appréhendée à travers un questionnaire, basé sur cinq indicateurs contextuels, qui découlent directement de cette définition : le contexte politique, le cadre légal, le contexte économique, le contexte social et culturel et la sécurité, qui comprend aussi un « score exactions ». Ce dernier comptabilise entre autres le nombre de journalistes détenus et/ou tués dans un pays. Pour chacun de ces critères, un sous-score est calculé. Le score final du pays est la moyenne de ces cinq sous-scores. Chaque question et sous-question a le même poids dans le calcul du score.
Les réponses aux questionnaires, qui sont proposés dans 24 langues, sont données par des spécialistes de la liberté de la presse, notamment des journalistes, chercheurs, ou défenseurs des droits humains.
Le classement est publié chaque année au moment de la journée internationale de la liberté de la presse (le 3 mai), avec les données recueillies pendant l’année écoulée. Cependant, il est aussi censé représenter la situation des pays au moment de la publication du classement, même si il y a eu des évolutions durant l’année. Les données sont actualisées régulièrement, et dès qu’une nouvelle exaction est comptabilisée. Un changement drastique de situation qui implique des conséquences sur la liberté de la presse dans un pays, comme une guerre, un coup d’état, ou la mise en place d’un politique de répression, même s’il a eu lieu après le début de collecte des données, sera représenté dans le résultat final.
Le score de chaque pays peut aller de 0 à 100, avec des paliers indiquant le degré général d’avancement de la liberté de la presse, qui sont représentés sur la carte par des couleurs :
- Entre 0 et 40/100, situation très grave (en rouge foncé)
- Entre 40 et 55/100, situation difficile (en orange foncé)
- Entre 55 et 70/100, situation problématique (en orange clair)
- Entre 70 et 85/100, situation plutôt bonne (en jaune)
- Entre 85 et 100/100, bonne situation (en vert)
Ainsi, la classification ne dépend pas de la comparaison entre les pays mais bien du respect des critères dans chaque pays. C’est à dire que si le pays classé 1er ne présente pas une situation satisfaisante, il ne sera pas indiqué en vert. En 2024, seulement les 8 premiers pays sont classés comme ayant une situation satisfaisante.
Retrouvez la méthodologie détaillée ici et la carte interactive par là.
La France, 21e cette année : un progrès ?
La France a gagné 3 places par rapport à l’année dernière, en passant de 24e à 21e, mais affiche un score global légèrement moins bon, de 78,72 contre 78,65 en 2023. On constate par ailleurs que le niveau semble plus bas dans le monde entier. Le score du 1er pays, la Norvège, a diminué de façon plus significative, puisqu’il est passé de 95,18 à 91,89, et aucun autre ne l’a dépassé. L’observation de plusieurs autres pays du haut du classement tend à confirmer cette tendance à la baisse.
Pour revenir à la situation de la France, le cadre légal a été jugé favorable, puisqu’aucune exaction n’a été recensée et que la liberté de la presse est garantie par la loi. Plusieurs problèmes apparaissent sur d’autres plans.
D’une part, on constate un manque de financement du côté des media publics, notamment les media audiovisuels, tandis que les media privés appartiennent de plus en plus à de grands groupes dirigés par des hommes d’affaires bien souvent étrangers au monde médiatique. On pense par exemple au groupe Bolloré, qui possédait déjà CNews, Paris Match, Europe 1 et le Journal du dimanche, qui a absorbé en 2023 le groupe Lagardière. Cette tendance pose la question de la pluralité des media, puisque même s’ils sont divers et nombreux, ils finissent par être soumis à des enjeux d’intérêts propres au groupe qui les détient. On le vit notamment avec le virage à l’extrême-droite pris par CNews, ce qui interroge sur la place de l’opinion par rapport à celle des faits.
D’autre part se dessine un enjeu sécuritaire, puisque les journalistes se sont trouvés régulièrement confrontés à des violences policières, ou de la part de manifestants. Plusieurs journalistes bénéficient encore d’une protection policière, en raison de menaces terroristes qui continuent de peser depuis les attentats dans les locaux de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo en janvier 2015.
La fiche de RSF consacrée à la France, avec les sous-scores et les critères détaillés, est consultable ici.
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