Portrait du mois

Victor Vermorel

- temps de lecture approximatif de 13 minutes 13 min - Modifié le 06/03/2018 par Laurent D

Victor Vermorel est un homme politique et industriel français né le 29 novembre 1848 à Beauregard (Ain) et mort le 13 octobre 1927 à Villefranche-sur-Saône. Sénateur du Rhône de 1909 à 1920, il était aussi constructeur de machines agricoles, et auteur d'ouvrages sur le vin et la vigne.

Victor Vermorel
Victor Vermorel

29 novembre 1848 naissance de Victor Vermorel à Beauregard dans l’Ain. Son père, Antoine Vermorel, tient un modeste atelier de mécanique où il se consacre à l’invention de nouveaux outils agricoles. Victor grandit à Villefranche-sur-Saône.

1860 Alors que la plupart des jeunes quittent l’école à 12 ans, Victor est envoyé à l’internat du lycée de Bourg en Bresse. C’est un bon élève qui collectionne chaque année des prix et accessits en langue allemande, en calcul, histoire, géographie, en instruction religieuse… Il est remarqué par le ministre de l’instruction publique, Victor Duruy en visite officielle au lycée : «  Victor réussira dans tout ce qu’il entreprendra ».

1864 Alors que l’année scolaire n’est pas terminée Victor doit quitter le lycée pour rejoindre son père à l’atelier familial où il apprend la forge et tout ce qui concerne le métier. A 15 ans Victor se retrouve à travailler à la fabrication d’une nouvelle machine agricole, le tarare dit Moulin tracnai.

Il découvre avec son père l’univers des concours agricoles et se passionne pour les nouvelles machines qu’on y expose. En 1865 il emporte sa première médaille d’argent lors d’un concours où il fait du beurre en 11 minutes (son père mettait alors 20 minutes).

Avide de tout savoir et de tout comprendre. Victor passe ses soirées et ses temps libres dans les livres ou sur son carton à dessin. II aide aussi à l’instruction de ses jeunes camarades d’atelier et leur enseigne le dessin et la géométrie.

1869 Victor se présente au tirage au sort des conscrits. Il tire le n°55, mauvais numéro qui l’engage à un service militaire de 7 ans. Comme la loi militaire le lui permet (le conscrit peut payer un remplaçant) il échange son numéro avec un autre conscrit moyennant la somme de 1600 francs.

Insatisfait de sa vie laborieuse dans l’atelier paternel et assoiffé  de savoir, Victor décide de partir en Allemagne sans en avertir ses parents « Mon voyage sera utile soit pour la langue allemande, soit pour apprendre à travailler, et puis un peu de vache enragée ne me fera pas de mal. » Il se fixe à Bruchsal. Sans argent il refuse toute aide financière de la part de son père. Il trouve à s’employer dans un atelier travaillant essentiellement comme ouvrier mécanicien.

Ses parents le presse de rentrer à Villefranche. Son père est souffrant.

1870 La France entre en guerre avec l’Allemagne. Victor, qui était censé aider son père à l’atelier, est incorporé à la garde nationale mobile du Rhône en août 1870.. En septembre Victor prend part au  siège de Belfort.

1871 Démobilisé Victor retrouve sa mère qui a assumé seule le maintien de l’activité artisanale familiale. Son père est décédé l’année précédente. Il se retrouve pleinement responsable de l’atelier.

Il entre à la loge maçonnique Bienfaisance et Amitié  de La Croix-Rousse (celle à laquelle son père avait adhéré en 1868 et 1869).

Tout en travaillant Victor Vermorel participe à tout ce qui réfléchit, parle, débat à Villefranche, dans le contexte de la république naissante. La politique le déçoit : « Quel monde ! Mon Dieu, est-ce pour cela que vous l’avez créé ? Peut-être ai-je mis mes lunettes obscurcies par les vapeurs de l’enfer, car je le vois noirâtre. Ne ferais-je pas mieux de m’occuper d’agriculture et ne travaillerais-je pas mieux pour l’humanité en trouvant une bonne machine (…) qu’en me portant en ergoteur de place publique ? » [Journal 16 janvier 1872]

1872 Soupçonné d’appartenir à  L’Association Internationale des Travailleurs son domicile fait l’objet d’une perquisition par la police. Il est convoqué à Lyon par le juge d’instruction.

 1873 Victor Vermorel est intégré à la loge Fraternité progressive de Villefranche nouvellement affiliée au Grand Orient.

1874 En compagnie de jeunes gens passionnés comme lui de sciences naturelles il fonde l’Union Philomatique dont le but est « la culture de la science et sa vulgarisation » ainsi que l’exploration scientifique de la région beaujolaise. Vermorel y tient de nombreuses conférences sur des appareils techniques, notamment dans le domaine de la photographie. L’Union Philomathique compte Claude Bernard comme membre honoraire.

Victor Vermorel est candidat sur la liste Radicale aux élections municipales de Villefranche-sur-Saône. Il est élu dès le premier tour.

1877 Mariage avec Georgette Pierre, fille d’un propriétaire agricole. Ils achètent une maison qui leur permet d’agrandir le magasin de machines. Georgette devient alors la plus fidèle associée de Victor. C’est pour l’entreprise familiale le début d’une marche rapide, foudroyante, vers les succès, les honneurs et la renommée.

– Démission du conseil municipal.

1878 Victor Vermorel dépose son premier brevet qui ouvre une ère de réussite commerciale. Il se fait bien vite une place dans les milieux agricoles et industriels. Il voyage beaucoup à l’étranger, suit tous les congrès, et s’informe constamment sur les problèmes et les besoins dans les domaines de l’agriculture et de la viticulture.

1880 Le Phylloxera frappe durement le beaujolais, où de nombreux viticulteurs sont ruinés. Très sensible à cette question et déterminé à éradiquer le “puceron devastateur” , Vermorel se documente et se présente à plusieurs congrès où il rencontre des chercheurs dans ce domaine.

La même année Il décide de créer une revue intitulée le Progrès agricole et viticole, dans le but d’informer les viticulteurs et les agriculteurs de la région sur les problèmes agricoles et viticoles et sur les solutions proposées pour les résoudre.

1881 Il fonde le « Comice agricole et viticole du beaujolais » dans le but de favoriser la cohésion, les efforts et les liens des agriculteurs et vignerons beaujolais.

1883 Contre le phylloxera Vermorel s’emploie avec Victor Pulliat, ampélographe et créateur de la Société Régionale de Viticulture de Lyon à soutenir l’option des américanistes (adoption des porte-greffes issus des plants américains résistants au phylloxéra).

1884 Un nouveau mal venu d’Amérique menace la vigne ; le  mildiou. Vermorel intervient à nouveau. Il rencontre lors d’une conférence à Montpellier l’entomologiste américain Riley venu expliquer une nouvelle méthode de lutte contre le phylloxera : n’y croyant plus guère, il estime cependant qu’il est” toujours bon d’entendre un savant même égaré ».

1888 Il présente au public une pompe-pulvérisateur contre le mildiou dénommé « pulvérisateur Éclair». Cette invention est couronnée d’un succès immédiat apportant à Victor, comme l’écrit son épouse, « Le début de la fortune et des grosses affaires ».

Victor achète la propriété des Roches pour s’y installer. Puis en 1889, s’inspirant du travail de John Bennet Lawes, il fait de ce pavillon une station viticole, afin de mener des études approfondies sur la vigne. C’est le premier établissement privé de ce genre en France. «Le progrès par l’expérience», telle est la devise de Vermorel pour la Station.

1891 les Vermorel se rendent acquéreur d’une propriété à Liergues, connue sous le nom de Château du Convert. La propriété est rebaptisée « domaine de l’Éclair», et devient un véritable champ d’expérimentation rattaché à la station viticole où sont menées des expériences de vinification. Pour diffuser les résultats menés dans sa station, est crée la Revue trimestrielle de la Station Viticole.

– Vermorel est de nouveau élu conseiller municipal de Villefranche.

1890 il est nommé officier du mérite agricole

1893, Il profite de fortes dissensions au sein du conseil municipal pour être nommé second adjoint.

1894 Création de la Revue Internationale de Viticulture et d’Œnologie.

1895 Démission du conseil municipal motivée par son opposition à la construction d’un théâtre, préférant voir les crédits utilisés pour lutter contre les taudis et aux travaux de distribution de l’eau.

1896 naissance de la Société des Sciences et Arts du Beaujolais. Vermorel en devient l’un des premiers membres. Il réussi même à faire rentrer les photographes et pionniers du cinéma Auguste et Louis Lumière, ses amis, en tant que membres titulaires.

1898 Vermorel ajoute une branche automobile à ses usines. La première voiture, la «Vermorel»,sort avec succès et obtient deux grands prix à l’Exposition universelle de Paris en 1900.

1900, Vermorel fait construire dans le parc des Roches un observatoire météorologique pourvu des appareils enregistreurs les plus perfectionnés, afin de poursuivre des recherches sur l’autre plus grand fléau des vignes: les intempéries, et plus particulièrement la grêle.

1901 Il publie avec Pierre Viala, scientifique spécialiste des pathologies de la vigne ce qui sera sa plus grande œuvre dont il est par ailleurs le mécène : une ampélographie en sept volumes, résultat de 10 années de travail pour une équipe de 91 scientifiques, contenant 32000 pages et enrichie de cinq cent planches en couleur et de 840 gravures pour présenter 52000 cépages du monde entier.

 

1905, Vermorel décide de se lancer dans la fabrication d’automobiles en petite série. Il rachète l’usine de Claudius Givaudan, un grand ingénieur qui devient son collaborateur.

En mai la grève générale éclate à Villefranche. Cent cinquante ouvriers de l’usine Vermorel, sur un total de 240 participent au mouvement. Mais lorsqu’ils reviennent travailler, Vermorel décide de licencier un tiers de son personnel. Son image de paternaliste en souffre.

 

1907 Il est élu conseiller général du canton de Villefranche.

3 mois plus tard il est nommé 2e vice-président du conseiller général du Rhône. Il veut favoriser le travail, l’instruction générale et professionnelle et éviter les agitations sociales « qui ne profitent qu’à la réaction ». Cette même année, fort de ce succès, il est fortement sollicité pour se présenter à la députation,

1908 Il est élu maire de Liergues à l’unanimité.

1909 , il accède au rang de sénateur du Rhône en tant que radical-socialiste. Son action de sénateur est des plus discrètes.

1913 élu vice-président du Conseil général du Rhône.

Creation de l’école d’agriculture d’hiver. S’inspirant des cours d’agriculture qui existent en Allemagne, il met en place des cycles d’études entièrement gratuits : « Au lieu d’enlever des élèves à la culture pour les instruire et de leur faire passer ainsi deux ou trois ans dans une école d’où ils sortent bien souvent pour déserter les travaux agricoles, les cours d’hiver retiennent l’élève seulement 4 mois (…) La pratique agricole est faite par eux dans leur famille pendant les huit autres mois de l’année et cette pratique vaut bien, à notre avis, celle qu’on leur apprendrait à l’école ».

1914  Vermorel décide de s’engager pleinement dans l’effort de guerre et met au service de la défense nationale toutes ses productions, notamment ses pulvérisateurs qui se révèlent être un moyen efficace de lutte contre les gaz asphyxiants et permettent de sauver des milliers de vies.

1918, Victor Vermorel se voit retirer la vice-présidence du Conseil général : une coalition radicale-socialiste ne lui pardonne pas d’avoir voté, dans le cadre de la Haute-Cour de justice où il siège comme délégué du Sénat, la condamnation de l’un des leurs, le député radical-socialiste Jean-Louis Malvy, accusé d’intelligence avec l’ennemi en temps de guerre alors qu’il était ministre de l’Intérieur.

Ce vote sonne le glas de son engagement politique. Il consacre alors son énergie à ses autres passions et à sa famille.

Victor Vermorel décède d’une embolie le 13 octobre 1927.

Les informations et citations de cet article proviennent en grande partie de l’ouvrage: Victor Vermorel connu et méconnu : Actes du colloque de Villefranche-sur-Saône, 14 et 15 octobre 2016 


Dans les collections de la bibliothèque

Les automobiles Vermorel à Villefranche-sur-Saône (1898- 1930)
Histoire de Villefranche-sur-Saône 
Une exploitation viticole en Beaujolais : le domaine de l’Eclair à Liergues près Villefranche (Rhône) : propriété de Mr. Victor Vermorel
Victor Vermorel : 1848-1927
Victor Vermorel : 1910-1944

En texte intégral

– Ampélographie. Tome 1 à 7 / publiée sous la direction de P. Viala, V. Vermorel.
La Bibliothèque privée de Victor Vermorel à Villefranche-sur-Saône
Le Congrès national viticole de Bordeaux du 30 août au 5 septembre 1886, et les vignes américaines du Midi
La vigne américaine et la viticulture en Europe
Le Vigneron moderne, établissement et culture des vignes nouvelles
Les vins du Beaujolais, du Mâconnais et Chalonnais : étude et classement par ordre de mérite, nomenclature des clos et des propriétaires…
Victor Vermorel connu et méconnu (p.65-76)

En images

– Extrait du DVD Victor Vermorel – Un industriel aux multiples facettes

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De nombreux documents de ou sur Vermorel sont conservés à la Maison du Patrimoine de Villefranche sur Saône. C’est également le cas de la Médiathèque de Villefranche sur Saône qui possède quant à elle la majorité des documents ayant appartenu à Vermorel.


Hommage

La municipalité de Villefranche-sur-Saône a demandé au peintre et fresquiste caladois Michel LAPORTE de créer la fresque des Caladois, en 2000. Elle immortalise des personnages, natifs de Villefranche ou de la région, et qui ont marqué l’histoire de la ville ou fait avancer la recherche. Victor Vermorel est le 3ème personnage en partant de la gauche. La fresque orne un mur rue Grenette à l’angle de la rue Nationale.

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Sur les traces de Vermorel à Villefranche

Les bâtiments de  l’usine ont disparu, la station viticole subsiste dans sa vocation agricole.

  • la Maison Vermorel. Cette vaste demeure a été construite entre 1904 et 1909 par Victor et Georgette VERMOREL à proximité des usines où étaient fabriqués des milliers d’appareils agricoles, dont le célèbre pulvérisateur, ainsi que des centaines de voitures. En 2007 la ville de Villefranche a reçu en donation de la famille AUBOIN-VERMOREL cette villa.
    La demeure est inscrite aux Monuments Historiques depuis septembre 2016. Aujourd’hui un projet de réhabilitation est proposé ; faire de la Maison Vermorel un lieu de création où puissent se rencontrer le monde de la culture et celui de l’entreprise.
  • Le Château de l’Eclair : Bâti dans la deuxième moitié du XIXème siècle par les Guinon, riches soyeux lyonnais, la bâtisse, alors connue sous le nom de Château du Convert, s’acheva en 1871. C’est en 1891, que Victor Vermorel s’installa à Liergues, en rachetant le château et son vignoble. Il le rebaptisa Château de l’Eclair, en référence à son invention, un pulvérisateur à dos appelé Eclair. Le château et son domaine sont situés au nord de la commune de Liergues.
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 Retro presse

  • Mars 1907, Victor Vermorel pressé par le Comité démocratique caladois se présente à l’élection cantonale partielle de Villefranche, le précédent conseiller général est mort et il lui faut un successeur. Vermorel dit avoir été sollicité par des maires et citoyens, en pleine crise viticole et mévente et sollicite les suffrages en dehors de tout comité. Le 3 mars le scrutin est très serré et Vermorel gagne avec une centaine de voix d’avance. Son adversaire le candidat Auray dépose un recours. L’élection est contestée. C’est à lire dans Le Stephanois du 9 mars 1907.
  • Le dimanche 3 décembre 1893 la société régionale de viticulture donnait son banquet dans les salons du restaurant Monnier, place Bellecour. Compte rendu à lire dans Le Salut Public du 4 décembre 1893.

 

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