Chasseurs d'images
L’arrivée du Tour de France à Aix-les-Bains
Photographe : Nicolas Jarinoff, 16 juillet 1958.
Publié le 31/07/2021 à 12:52 - 3 min - par dcizeron
Avec l’été, revient le Tour de France. Les exploits des coureurs rythment les vacances. Et chaque année le succès populaire de la plus grande course du monde se confirme.
Une nouvelle dimension pour le Tour de France
Le Tour de France est une fête, une grande attraction pour les territoires traversés. A partir des années 50-60, des personnalités et chanteurs suivent le tour dans les villes étapes. Ils contribuent à son succès. Pour citer les plus célèbres compagnons de route : Tino Rossi, Line Renaud, Charles Trenet et Annie Cordy, ainsi que l’accordéoniste Yvette Horner sur le véhicule de la marque Suze dans la caravane du Tour. Les médias en font l’écho. D’abord, la presse. Puis, à partir des années 50, avec les premières diffusions du Tour à la télévision, sous la forme de résumés d’étape et d’images de l’arrivée. La course est entrée dans une nouvelle dimension. En 1958, le passage de certains cols est diffusé pour la première fois en direct grâce à des caméras fixes qui attendent les coureurs au sommet des cols.
C’est justement en 1958, à l’arrivée d’une étape copieuse de montagne que Nicolas Jarinoff a photographié les coureurs, à la sortie de l’Hôtel de Ville d’Aix-les-Bains.
Une étape de titans
Il pleut ce jour-là. C’est sous un vrai déluge, glaçant, que les coureurs affrontent les cols du Lautaret, du Luitel, de Porte, du Cucheron et du Granier. Charly Gaul, l’ange de la montagne s’envole dès le col du Luitel escorté par Bahamontès.
Un an plus tôt, Charly Gaul avait abandonné le Tour de France 1957 dès la seconde étape, en Normandie, victime de la canicule. Il préfère le froid, le vent, les éléments déchaînés. Cette même année Roland Barthes en faisait une “Mythologie” :
« Charly Gaul est le nouvel archange de le montagne. Ephèbe insouciant, mince chérubin, garçon imberbe, gracile et insolent, adolescent génial, c’est le Rimbaud du Tour. A certains moments Gaul est habité par un dieu ; ses dons surnaturels font alors peser sur ses rivaux une menace mystérieuse. Le présent divin offert à Gaul, c’est la légèreté : par la grâce, l’envol et le plané (l’absence mystérieuse d’efforts), Gaul participe de l’oiseau ou de l’avion (il se pose gracieusement sur les pitons des Alpes, et ses pédales tournent comme des hélices). Mais parfois aussi, le dieu l’abandonne, son regard devient alors “étrangement vide”. Comme tout être mythique qui a le pouvoir de vaincre l’air ou l’eau, Gaul, sur terre, devient balourd, impuissant ; le don divin l’encombre. »
Roland Barthes, Mythologies, Paris, Ed. du Seuil 1957
A partir du col de Porte Charly Gaul s’en va seul vers la victoire, toujours plus aérien. Il décramponne Bahamontès, qui craque. On ne le rattrapera plus. Passé le Granier, il reste pourtant 36 km de plaine. Mais il est déjà trop tard. Un sandwich pour éviter la fringale puis les 36 km avalés, Charly Gaul lève les bras. Il devance à l’arrivée Adriaensens et Favreo de respectivement 7 et 8 minutes.
Nicolas Jarinoff a photographié l’arrivée de cette étape d’anthologie. Si l’on ne voit pas le vainqueur il donne un aperçu de cette ferveur populaire que rien n’arrête, même pas le déluge.
Bibliographie
- Jean-Paul Ollivier, Le Tour de France et les Alpes, Libris, Seyssinet, 2002.
- Jean-Noël Blanc, Le grand braquet : le tour : 23 étapes de légende, L’Arhipel, Paris, 2003.
- “Aix-les-Bains dans la légende du Tour : 1931-1998” Arts et mémoire, Société d’Art et d’Histoire d’Aix-les-Bains, No 11, 1998.
- Les Alpes et le tour : les champions, les exploits, le palmarès de 1903 à 2008 à travers les archives du Dauphiné Libéré, Ed. Le Dauphiné Libéré, Veurey (Isère), 2009.
- une bibliographie supplémentaire sur le cyclisme en littérature : A véli véli véli vélo
Et si vous vous posez des questions sur le cyclisme, cet “Actu en 10 question” : Le retour de la Petite Reine.
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