L’Info retrouvée
Lyon découvre « La Vie embellie par le travail »
Publié le 15/09/2021 à 11:15
- 2 min -
Modifié le 27/09/2021
par
Laurent D
Cette rubrique propose de revenir sur des événements survenus à Lyon et dans la région au cours des deux derniers siècles, dans les domaines les plus divers, à travers un article de la presse locale de l’époque, une photographie, ou une illustration
13 juillet 1934. Une équipe d’ouvriers retire les derniers échafaudages qui ont servi à mettre en place sur la façade ouest de la nouvelle Bourse du travail, place Guichard, la grande mosaïque décorative du peintre lyonnais Ferdinand Fargeot. Cette vaste peinture murale que les lyonnais peuvent à présent découvrir occupe une surface de plus de 172 m², la plus importante, par les dimensions, à tout le moins, qui existe en France. Une foule de personnages divers se développe en une longue frise de 26,50m de long et de 6,50m de haut. Pour le journal Le Progrès, qui rend compte de l’événement, l’impression produite par l’œuvre dans son ensemble est une impression d’harmonie et de tranquillité : « L’idée réfléchie, délibérée de la paix sociale, de la vie, bonne pour tous par l’entente, la coopération, l’entraide solidaire des travailleurs à tous les degrés ». Elle répond à la commande de l’architecte en chef de la ville, Charles Meysson, également constructeur du bâtiment, pour lequel la mosaïque devait avoir une fonction sociale, prenant exemple sur les Etats-Unis où des milliers de fresques d’art social couvrent alors les murs des établissements publics. Pour Charles Meysson la peinture de la Bourse du travail représente : « l’immense montée, tranquille, rieuse, sans cris, sans fanfare, de toute la cité travailleuse vers une vie spirituelle collective au-dessus des anciennes misères des trop longues et trop lourdes journées ». Ferdinand Fargeot, lui, qualifie son œuvre « d’allégorie du travail ». Il avait déclaré à un journaliste qui l’interrogeait sur celle-ci : « Si vous voulez un titre, mettez : “La Vie embellie par le travail”.
Mais, comme toute chose en art, la mosaïque de Fargeot est loin de faire l’unanimité. En cette période de crises économiques et politiques que sont les années 30 (chômage massif, grèves, instabilité…), on reproche à l’artiste, « tout entier livré à son rêve », de témoigner d’un total mépris de la réalité du moment historique très éloigné du monde heureux, réconcilié, qu’expose sa peinture murale. « Fargeot aurait-il des tendances de visionnaires ? ».
D’autre part, fidèle à la coutume, Ferdinand Fargeot a prêté à certains des personnages qui peuplent sa peinture les traits de personnalités lyonnaises, dont le Maire, Edouard Herriot. La présence de ces personnages politiques sur la mosaïque suscite des critiques au sein du conseil municipal et même une plainte contre Fargeot car il l’a fait sans leur accord. Devant la protestation de ses conseillers municipaux Edouard Herriot répliquera « Si l’on pouvait me faire disparaitre de la mosaïque de la bourse du travail, je le demanderais ».
Querelle dérisoire ? La presse, en tout cas, soutient l’initiative du peintre, « N’est-il pas dans la meilleure et plus ancienne tradition classique que peintres et sculpteurs fassent figurer dans leurs œuvres, amis ou ennemis, flattés ou caricaturés, leurs contemporains ». « Le résultat, répétons-le est remarquable, il est digne du magnifique et si complet palais que la municipalité de Lyon vient de mettre à la disposition des organisations ouvrières ».
Sources consultées
• La Mosaïque de la Bourse du travail, in le Progrès du 14 juillet 1934
• La décoration de la nouvelle Bourse du travail, in Lyon républicain, 4 juillet 1934
• La Mosaïque de la Bourse du travail. Œuvre du peintre Ferdinand Fargeot (1880-1957), in revue Rive Gauche, n°94, septembre 1985
• La Mosaïque de la Bourse du travail à Lyon, in Cahiers de Rhône 89, n°19, 1997
• Bulletin Municipal- Lyon, août1934
Partager cet article