Itinéraire(s) d’une petite reine en Rhône-Alpes
Publié le 09/07/2009 à 10:42 - 24 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux
Daniel Rudge à Wolverhampton, dans le Staffordshire en Angleterre, s'était lancé dans la fabrication des vélocipèdes dès 1874. En 1886, la maison Rudge envoie l'un de ses coureurs-représentants, Duncan, visiter les clubs vélocipédistes français. A Saint-Etienne, il rencontre le Club des Cyclistes Stéphanois, qui compte parmi ses membres les frères Gauthier. Ceux-ci après avoir été limeurs à la Manufacture Nationale d'Armes de 1872 à 1875 travaillaient dans l'atelier de mécanique de leur père et construisaient des vélocipèdes à leurs heures perdues... Les frères Gauthier sympathisent avec l'Anglais, essayent à tour de rôle sa machine... et bricolent, dans le petit atelier de leur père, la première bicyclette française, copiée en secret sur le modèle montré par Duncan. Célébrons dignement cet été l'épopée de la bicyclette en Rhône-Alpes.
Passez l’été en roue libre : faites la vélorution
La Vélorution (jeu de mot mêlant vélo et révolution) est un mouvement dont le but est de promouvoir l’utilisation des moyens de transports personnels non polluants (bicyclette, patin à roulettes, skateboard). Définition de Wikipédia
Toutes les villes communiquent abondamment sur leur implication dans le développement des modes de déplacement doux, et donc aussi en Rhône-Alpes, et côté vélo, cet été est propice à une découverte très tendance de…
Bourg-en-Bresse : le réseau cyclable de l’agglomération représente 35 km de pistes, dont 24 km sont sur le territoire de Bourg-en-Bresse. La ville compte également plus de 560 bornes à vélos.
Grenoble : la ville a reçu le prix du Guidon d’or 2009, attribué par la Fédération Française des Usagers de la Bicyclette. Elle a aménagé 10 km de doubles sens cyclables à l’automne 2008, qui s’ajoutent aux 8 km existants. La quasi-totalité des rues à sens unique du centre, même les plus étroites, sont accessibles aux cyclistes dans les deux sens.
Chambéry : Chambéry métropole présente aujourd’hui 70 km d’itinéraires cyclables. La Vélostation sur le parvis de la gare propose un gardiennage et des vélos à louer.
Lyon : moins 20% de voitures à Lyon qu’il y a 8 ans.
Le Plan de déplacements « modes doux » du Grand Lyon (2009-2014) prévoit une augmentation de 30 km de piste par an, soit 180 km d’ici 2014 et +50 km pour Lyon, pour un investissement de 90M€. En 2014, le vélo devrait disposer de 500 km au total de pistes, soit 20% du réseau de voirie. L’objectif est de tendre à 5% des déplacements vélocipédiques alors qu’aujourd’hui, la marche représente 34%, le vélo 2,5%, les TCL 17% et la voiture 47%. Pour ce faire, les grandes opérations d’urbanisme (Confluence, rives du Rhône et de la Saône, Part-Dieu…) tiennent compte du vélo dès leur conception.
L’augmentation des pistes cyclables représente un enjeu pour la sécurité, car elle contribue, comme le dit Gilles Vesco, président du Grand-Lyon, à « faire descendre les vélos des trottoirs ».
Vélo’v compte aujourd’hui 343 stations, 4 000 vélos en cours de renouvellement (plus légers, plus rapides) et 55 000 abonnés. Deux études sont engagées avec le SYTRAL (Syndicat Mixte des Transports pour le Rhône et l’Agglomération Lyonnaise) tendant à compléter l’offre de Vélo’v, l’une sur la location de longue durée, l’autre sur l’implantation de parcs de stationnement sécurisés.
Vélo’v : au cœur des projets du Grand Lyon (2006),
Le vélo et les alternatives à la voiture dans le Grand Lyon (2008).
Pour en savoir plus sur le Plan de déplacements : un article de Lyon citoyen, juin 2009, intitulé « La rue en douceur ».
Quittez les villes
Les plus courageux sortiront des villes. Il existe de très nombreux guides de randonnées pour tous les niveaux. En voici une sélection.
**** à vélo dans l’Ardèche
120 ballades en Ardèche : haut Vivarais, Boutières Eyrieux, montagne ardéchoise, Ardèche méridionale ,
**** à vélo dans la Drôme
****à vélo dans le Rhône
VTT autour de Lyon, par Sylvain Dumas, Christophe Jonard, Jean-Pierre Laurendon…. 50 circuits dans le Beaujolais, l’est lyonnais, les Monts du Lyonnais (2006)
52 balades en famille à vélo autour de Lyon, par Lionel Favrot. Un guide destiné aux familles qui pratiquent le vélo occasionnellement (2004)
Circuits pédestres et VTT, Monts du Lyonnais, par Jean-Noël Cutzach
**** à vélo dans la Loire
La Loire à vélo : 100 parcours , réalisé par les Cyclos randonneurs saint-chamonais
Circuits pédestres et VTT, Monts du Forez, Hautes Chaumes et Jasseries
Cyclo, métro, vélo (2007). Le vélo, l’autre façon de découvrir l’agglomération stéphanoise : 200 photos couleur, 68 pages de découvertes touristiques, 10 circuits de cyclotourisme avec fiches parcours et cartographies
**** à vélo en Isère
52 balades en famille à vélo autour de Grenoble
Les V Topo Alpes Grenoble se déclinent en trois niveaux, 55 circuits faciles pour la famille et l’initiation, 56 circuits sportifs pour initiés, , 53 circuits extrêmes pour experts
**** à vélo en Savoie et Haute-Savoie
Randonnées en Savoie : VTT ou VTC ou à pied : 545 km de découvertes, 36 balades ,
**** bientôt à vélo en suivant le cours du Rhône
Exit la « véloroute », voici la ViaRhona. C’est un itinéraire cyclable continu, passant par de nombreux sites remarquables, empruntant de nombreux types de voies (chemins de halage, pistes cyclables en voie propre,…). Il longe essentiellement les berges du Rhône sur 415 km en Rhône-Alpes , dont plus de 80 sont déjà praticables. Accessible aux vélos comme à tous les promeneurs, touristes et riverains, cet itinéraire dont de nombreux secteurs sont en « voie
verte » (itinéraire en site propre spécifique, notamment sur les digues CNR) permet de redécouvrir le fleuve sous son plus beau jour. ViaRhona bénéficiera d’un marquage dédié, avec une charte graphique propre, pour être
clairement identifiée et plus facilement appropriée par les usagers. En attendant ViaRhona, dont la réalisation est prévue pour 2013, on peut emprunter l’itinéraire proposé sur le site Du Léman à la mer
Restez dans la course
A ne pas manquer ni cette année, ni l’année prochaine :
- Le passage du Tour de France 2009 en Rhône-Alpes : Martigny > Bourg-Saint-Maurice le 21 juillet, Bourg-Saint-Maurice > Le Grand-Bornand le 22 juillet, Annecy le 23 juillet, Bourgoin-Jallieu > Aubenas le 24 juillet, Montélimar > Mont Ventoux le 25 juillet.
- Lyon Free VTT les 12 et 13 septembre 2009 : 7e édition de ce raid VTT urbain à travers Lyon
- Les 24 heures de l’INSA : rendez-vous mai 2010. Un must, les vélos folklos, dont 7 ont pris le départ de la 35° édition 2009 : Au menu, des bulles, des marsupilamis, des poisson carnivores, des réalisations mécaniques sorties d’esprits tourmentés, mais toujours la même bonne humeur et la joie monter sa création.
- Les week-ends Vélocio : rendez-vous juin 2010
- Critérium du Dauphiné Libéré : rendez-vous juin 2010. Le premier Tour de France date de 1903, le premier Critérium de 1947. Lance Armstrong, vainqueur en 2002 et 2003 la considère comme la plus belle après le Tour de France.
- L’Ardéchoise, rendez-vous juin 2010. Imaginée en 1988, sa première édition date de 1992
- Calendrier des randonnées VTT en Rhône-Alpes
**** lectures
La grande histoire du Critérium du Dauphiné libéré, 1947-2007, de Thierry Cazeneuve.
Histoire sportive d’Annonay : des origines à 1997, de François Chomel. Le premier Vélo-club annonéen date de 1889, suivi de nombreuses autres associations. La ville d’Annonay décida comme Valence, de créer un vélodrome à ciel ouvert, au bord de la Cance, imédiatement après son confluent avec la Deûme. Inauguré le 7 septembre 1890 par des manifestations sportives qui eurent un immense succès, le vélodrome fut emporté 15 jours plus tard par une violente crue. Le vélodrome fut reconstruit en 1892. Le VTT eut son premier club en 1988 et le cyclotourisme en 1975.
**** un regard dans le rétroviseur
Les premières courses de vélocipèdes sont organisées avant 1870. Le sport joue un rôle déterminant dans l’engouement que suscite la bicyclette dès ses balbutiements et la presse s’en empare dès qu’elle en mesure les enjeux.
Dès son n°25 du 7 juin 1891 le Progrès illustré relaie le succès de la course Bordeaux-Paris. D’où l’idée, en 1894, d’organiser ses propres courses… Je savais bien, déclare Jacques Mauprat dans son édito du 5 août 1894, que la bicyclette était une merveilleuse machine et d’un emploi chaque jour de plus en plus répandu. Mais, je confesse ingénument qu’avant les fêtes vélocipédiques du Progrès je n’aurais pas cru que le cyclisme put à ce point passionner les foules. Or, les faits sont là. Pendant quatre jours Lyon tout entier n’a été occupé que des courses Lyon- Paris-Lyon et Lyon-Dijon-Lyon. Qui l’emportera de Rivierre et de Meyer ? Lequel des amateurs enlèvera la première place dans le second tournoi disputé par l’élite des cyclistes de la région ? – telles étaient les questions que chacun se posait avec une sorte de fièvre, en s’arrachant les suppléments successifs que le Progrès faisait paraître sur chaque course .
Le Progrès illustré décide le même jour d’ouvrir une chronique vélocipédique :
M. Delaroche, après l’immense succès des Courses de Lyon-Paris-Lyon (1040 kil.) professionnels, et Lyon-Dijon-Lyon (417 kil. ) amateurs, a décidé de créer, dans le Progrès illustré, une Chronique vélocipédique très complète. A partir du prochain numéro, toutes les semaines Le Progrès illustré donnera tous les renseignements concernant le sport vélocipédique, formations de sociétés, réunions sportives, courses, matchs, itinéraires de route pour Messieurs les Cyclistes amateurs…
Formez le peloton
Outre l’organisation de sorties et de courses sur des parcours particulièrement attractifs, les associations cyclistes défendent leur mode de transport favori.
Certaines se sont réunies au sein de la Fédération française des Usagers de la BICYclette (Fubicy) qui compte 160 membres dont 19 en Rhône-Alpes. C’est la région la plus dynamique après l’Ile-de-France.
Liste des 19 associations membres de la Fubicy en Rhône-Alpes
**** quelques associations à Lyon
La Ville à vélo
Pignon sur rue
Lyon vélo
Vélorution Lyon
Lyon Free VTT
Lyon VTT
Promotion bicyclette
**** un regard dans le rétroviseur
Le Bicycle-Club est à la première association lyonnaise et l’une des sociétés fondatrices de l’Union Vélocipédique de France, née en 1881. L’UVF a pour objet la réglementation et l’organisation des compétitions. A chaque course, elle est le théâtre de violentes polémiques entre les coureurs. Elle compte 35 sociétés et 170 membres individuels en 1889.
Le « manifeste » du Club des Cyclistes Stéphanois, fondé en 1881, comprenant 17 membres dont les frères Gauthier et Paul de Vivie, s’inscrit en droite ligne des discours hygiénistes de la fin du XIXe : Les exercices de locomotion pris avec modération étant d’une bonne hygiène et une distraction d’un effet moralisateur très puissant, le but de la constitution du club est :
Article 1, D’offrir à ses adhérents l’avantage de faire en compagnie d’amateurs choisis, d’agréables promenades, courses et voyages au moyen de machines appelés monocycles, bicycles, tricycles… même mues par la vapeur, l’électricité ou tout agent propulseur.
Article 2, Pour arriver à ces fins, de répandre l’usage de ces instruments si délaissés dans notre région, le conseil d’administration facilitera par ses études, ses renseignements, sa compétence, les rapports et les diverses transactions entre les constructeurs, les amateurs et les sociétaires pour les achats, ventes, échanges et réparations de ces machines….
Paul de Vivie, dit Vélocio (1853-1930), stéphanois, a été constructeur de cycles, grossiste, détaillant, commissionnaire en rubans, directeur de revue, technicien, et le propagateur du cyclo-tourisme en France. Sa revue Le Cycliste est la tribune de cette affrontement entre ces deux philosophies du vélo : celle du coureur (l’UVF) et celle du touriste, c’est-à-dire la sienne. Il existe, dit-il, « quelque antipathie secrète entre l’état de coureur et celui de touriste ». Les coureurs sont des adversaires, les touristes de compagnons de route…Cette réserve [contre les coureurs] s’explique aussi par les tricheries de tout genre qui émaillent les records aussi bien que les compétitions officielles. Un certain M. Bonnoure claironne en 1890 qu’il va battre un record fantastique. Le voilà parti. Mais, à l’arrivée, on s’aperçoit… qu’il a pris le train ! Cela fait évidemment scandale… Des cyclistes se voient ainsi refuser leur inscription à des courses de peur qu’ils emportent le prix en lieu et place des membres du club organisateur de la course. (Paul de Vivie, dit Vélocio)
Dans son Cycliste Paul de Vivie crée “Les consultations du Dr Vélo” qui dispense ses conseils en selle et guidon et préconise les substances dopantes douces, noix de kola fraîche (Kola-Vélo) et caféine.
La création du Touring Club de France est accueilli avec enthousiasme par Paul de Vivie en 1890. Le TCF se démarque de l’UVF en souhaitant réunir dans un seul faisceau toutes les bonnes volontés éparses sur notre territoire, donner aux touristes l’assurance de rencontrer dans chaque ville un compagnon aimable qui lui indiquera les hôtel, les mécaniciens, les sites à visiter…afin de fonder une sorte de franc-maçonnerie vélocipédique et travailler ainsi au développement du sport que nous aimons tous.
Il organise des concours dont la finalité est l’amélioration du matériel : freins, changements de vitesse… Après ces épreuves, les machines sont démontées et examinées par des experts. Un rapport est publié et les meilleures bicyclettes sont désignées à l’attention des touristes…. Extrait d’un article de T. Veyron, in L’Industrie du cycle à Saint-Étienne.
Le TCF participe avec d’autres associations à l’amélioration de la réglementation. C’est seulement en 1874 qu’une première réglementation du préfet de police avait reconnu le vélocipède comme un moyen de transport et non plus simplement un objet de loisirs. Des règlementations municipales « vélophobes » sont rapidement promulguées. En 1894, une des rares dispositions législatives qui protègent les cyclistes est celle qui menace d’amende ceux qui auront excité ou n’auront pas retenu leurs chiens lorsqu’ils attaquent un cycliste. Sous la pression des associations, le gouvernement propose en 1896 une réglementation sous la forme d’arrêtés départementaux types, exhortant les maires à “conserver l’unité de la réglementation”. Après diverses polémiques – pourquoi ne pas l’assimiler au cheval ou même établir un règlement spécifique ? – la réglementation concernant les vélocipèdes est alignée sur celle concernant les voitures… ou presque.
Le Touring Club aura également une action significative dans l’amélioration du réseau routier (la poussière des routes empierrées est l’ennemi du cycliste). Il encourage la création de pistes cyclables, le goudronnage des routes, ou le percement de voies nouvelles comme celle de l’Estérel, inaugurée en 1903. Il édite des cartes et des guides.
**** lectures
Paul de Vivie, dit Vélocio : l’évolution du cycle et le cyclotourisme, par Raymond Henry
Reparcourez l’histoire du cycle
La tradition de l’industrie du cycle à Saint-Etienne perdure aujourd’hui à travers l’entreprise Stronglight (groupe Zefal) qui fabrique pédaliers, plateaux et direction ou encore les Cycles Mercier France Loire à Andrézieux-Bouthéon , fournisseur pour le Grand Lyon des Vélo’V.
De la fin du XIXe siècle juqu’au milieu du XXe, Saint-Etienne a été le pôle d’excellence de l’industrie du cycle, cumulant miraculeusement le savoir-faire des armuriers, l’inventivité des ateliers de mécaniques et la puissance des grandes entreprises métallurgiques.
En témoignent les collections du Musée d’Art et d’Industrie de Saint-Etienne qui abordent l’histoire du cycle comme une histoire des techniques, mais aussi des évolutions sociales.
A visiter aussi cet été, le Musée Barthélémy Thimonnier. Tout les chemins de la mécanique mènent au vélo, la fabrication des armes (Etienne Mimard, fondateur de Manufrance) ou celle des machines à coudre (Barthélémy Thimonnier). Le musée présente les grandes inventions qui ont fait évoluer la vélocipédie, de la draisienne aux vélos de course, en passant par les bicycles, tricycles…
**** un regard dans le rétroviseur
Karl von Drais est l’inventeur en 1817 de la draisienne, une trottinette à courir debout, dont s’empare le parisien Pierre Michaux qui la dote aux alentours de 1861 de pédales sur la roue avant, une amélioration qu’il ira breveter aux Etats-Unis en 1866. Le vélocipède est né. Il aura la vie courte : alors que les querelles qui opposent les deux principaux constructeurs français, Michaux et Olivier, ont déjà largement fait chuter les ventes, la guerre de 1870 éclate, envoyant les jeunes vélocipédistes au front.
En 1885, John Starley, lance la “Rover Safety Bicycle”, un engin à deux roues de même diamètre, un cadre en tube d’acier et une transmission par chaine. Le vélocipède est mort, vive la bicyclette. Il inspira les frères Gauthier déjà cités, ex-limeurs à la Manufacture Nationale d’Armes de 1872 à 1875, pirates géniaux de la maison Rudge et constructeurs de la première bicyclette française en 1886.
En 1886, Paul de Vivie, crée l’Agence Générale Vélocipédique dont la mission est de se procurer bôna fide et au comptant, franco dans toutes les gares de France, des machines de tous systèmes et de toutes provenances (chaque machine revêtue de sa marque d’origine) à des prix exceptionnels. N’ayant pas de stock, et par conséquent, ni frais généraux à couvrir, ni risque de mévente à couvrir, elle peut se contenter d’une simple commission.. Paul de Vivie devient l’agent à Saint-Etienne des marques les plus réputées, surtout anglaises. Il exhorte les industriels stéphanois à se lancer dans la fabrication à grande échelle. (Paul de Vivie, dit Vélocio)
En 1885, la Manufacture Française d’Armes et de Cycles d’Etienne Mimard et Pierre Blachon avait créé l’Hirondelle, société pour la fabrication en France des vélocipèdes et des automobiles. La Superbe est le premier modèle commercialisé à partir de 1889, dont on soit certain qu’il ait été fabriqué par la Manufacture, même si les accessoires sont d’origine anglaise. Celle-ci avait fait travailler les frères Gauthier, en se ménageant un large bénéfice sur la vente des machines. Ils livrent jusqu’à 100 machines par mois en 1892, garantissent les machines, s’engagent à remédier gratuitement aux défauts de fabrication, sont taxés par la Manufacture s’ils ne tiennent pas les délais. La fabrication intégrale dans les ateliers de la Manufacture ne date que de 1894, dans l’usine modèle du cours Fauriel.
Rapidement, les frères Gauthier ont l’intuition du rapport étroit qui doit unir réunions sportives, expositions de machines, publicités donc et diffusion de l’innovation. Participation à des courses locales ou à des randonnées spectaculaires (Saint-Etienne-Chambéry, aller et retour en 12 heures en 1886), collaboration en 1891 à la création du Vélo-Club Forézien rassemblant 51 adhérent pour « développer le goût du cyclisme et préparer les vélocipédistes militaires », désir de présenter une dernière création à l’Exposition Universelle de Paris de 1889, tous les ingrédients d’une véritable stratégie d’entreprise moderne et dynamique sont ici contenus en germe. Manque simplement le nerf de la guerre, les disponibilités financières que le « capitalisme » (pour reprendre l’expression même de Pierre Gauthier) refuse, ne voulant prendre au sérieux « l’enfantillage » que constitue cette industrie nouvelle, ce qui entraîne le lâchage des fils par le père au moment où apparaissent les premiers concurrents sur la place de Saint-Etienne.(A. Vant in L’Industrie du cycle à Saint-Etienne )
36 industriels du cycle se fédèrent en Chambre syndicale de l’Industrie des Cycles de Saint-Etienne et du bassin de la Loire fin 1897, dont l’objectif est « de développer et consolider entre ses membres les liens d’une bonne confraternité et de concourir à la défense et au développement du commerce et de l’industrie des membres de la société et de la corporation ». La Chambre syndicale crée son bulletin officiel en 1898, L’Industrie du cycle. La propagande vélocipédique de la Chambre prend des formes inattendues : Les pays où les exercices physiques dont les plus à l’honneur sont aussi ceux qui comptent le moins d’illettrés : au fur et à mesure que l’usage de la bicyclette se généralise, l’ignorance disparaît (1902). Dans les années 1930, la Chambre lance des publicités collectives à destination des médecins : Vous faites de la brique pilée dans votre base de nuit, cela s’appelle la gravelle. Votre sang s’empoisonne par le manque d’exercice. Faites de la bicyclette !(1929) (A Vant)
L’industrie du cycle connaît trois phases. La première va de 1886 à 1922, période pendant laquelle elle se développe lentement et se structure, sous l’impulsion de grands patrons comme Etienne Mimard ; de 1923 à 1950, elle connaît un âge d’or, avec un pôle de plus de 150 entreprises ; le déclin s’amorce à partir de 1951. Etienne Mimard meurt en 1944 cédant la moitié de ses actions à la Ville de Saint-Etienne. Devenue Manufrance, l’entreprise continue de fonctionner jusqu’en 1986.
**** lectures
Un dossier en ligne Notre fin de siècle appartient à la bicyclette réalisé à partir des articles du Progrès illustré. Il permet de mesurer l’évolution du statut des femmes dans les 30 derniers années du XIXe siècle.
La vélocipédeuse : femme émancipée ou femme objet ? C’est la question que pose Anne Henry dans un article intitulé « De la fantaisie aux arts utiles, les clés du succès du vélocipède » (in Le vélocipède, objet de modernité, 1860-1870.
En 1870, on rencontre des vélocipédeuses lors des courses, mais l’esprit sportif semble bien loin des préoccupations des spectateurs, qui trouvent plutôt dans ces spectacles une attraction insolite et, pour certains, une occasion inespérée d’apercevoir des jambes dénudées…En général, les messieurs considèrent les vélocipédeuses avec circonspection, voire avec un certain amusement… mais certains hommes défendent l’idée selon laquelle le vélocipède peut aider la femme « à profiter de l’égalité que lui a conférée la nature… ». De plus, conduire un vélocipède oblige à réagir rapidement et à prendre des initiatives.
30 années plus tard, le discours a changé. Dans le n°227 du 21 avril 1895 du Progrès illustré, Jacques Mauprat, s’appuyant sur l’opuscule de Just-Lucas Championnière, intitulé La Bicyclette fait une apologie drolatique de cette nouvelle pratique féminine :
Oui, s’écrie-t-il, la faible femme a fait ses preuves sur la bicyclette. Elle est arrivée à des performances très satisfaisantes ; et cela non seulement sans préjudice pour sa santé, mais pour son plus grand bien, au contraire de ce que l’on observe pour la danse à outrance dont je parlais tout à l’heure.
Cette introduction de la femme dans le monde du sport est une révélation pour elle et sera presque la source d’une révolution dans les moeurs de la société, en commençant par le costume et en finissant par la régénération de bien des qualités perdues par l’inactivité musculaire.
Toutes les jolies « sportswomen » peuvent donc se rassurer et pousser la pédale avec tranquillité. Non seulement leur chère santé ne court point de risques, mais elles rénovent les races, conjurent la dépopulation, et ainsi contribuent indirectement à la défense nationale.
Que de choses dans la bicyclette ! Et qui eût pu croire que le salut de la société française lui viendra par la femme cycliste ! En vérité, je vous le dis, la bicyclette est Dieu, et le docteur Lucas Championnière est son prophète. Et de se moquer des tentatives du Préfet de police de Paris de réglementer le port de la culotte…( n°244 du 18 août 1895).
Le vélocipède, objet de modernité, 1860-1870 : ouvrage publié à l’occasion d’une exposition, Saint-Etienne, Musée d’art et d’industrie, 12 juin-13 octobre 2008, rédaction, Fabrizio Coppola. Présentation des collections du Musée d’Art et d’Industrie de Saint-Etienne, histoire du vélocipède en France. Ouvrage bilingue.
Sur le site de la prospective du Grand Lyon, Millénaire 3 : Histoire de Manufrance, à télécharger.
Fonds Bernard Maigrot. Bernard Maigrot a réalisé en 1982 un documentaire sur l’histoire de la Manufacture pendant les années Mimard, en collaboration d’Yves Lequin et produit par FR3(Manufrance). Il a déposé à la Bibliothèque une partie des archives de son film, constituées de photographies et de diapositives.
Article sur l’histoire de la bicyclette dans Wikipedia
L’Industrie du cycle à Saint-Étienne : mythes et réalités, aspects économiques, techniques, culturels et sociaux : rapport de recherche, décembre 1982-avril 1984
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