Lingui
Les liens sacrés
Mahamat-Saleh Haroun
lu, vu, entendu par Mad - le 01/06/2022
En plein cœur du Tchad, on suit les conditions de vie difficiles d'Amina, une femme pieuse et pauvre. Rejetée par sa famille et la société en général, elle élève seule sa fille de 15 ans, Maria. Leur vie bascule soudain. Et les deux femmes devront lutter pour disposer de leur corps comme elles l'entendent.
Amina recycle des pneus dans les faubourgs de N’djaména. Sa vie est rythmée par son travail harassant et son groupe de prière. Et par l’existence de sa fille, Maria, lycéenne. Mais le comportement de cette dernière change brutalement. Alertée, Amina découvre alors que sa fille ne va plus au lycée car elle est tombée enceinte. C’est un choc, d’autant que la jeune fille refuse de garder l’enfant. Tout d’abord pétrie de craintes religieuses, Amina tente de convaincre Maria de garder ce bébé et de le faire reconnaître par son père. Devant son mutisme et sa fervente obstination, elle va finalement se battre aux côtés de son enfant. Elle se redécouvrira alors, tissant et renouant au fil de ses rencontres des liens forts, ces lingui, qui soudent à travers toutes les épreuves.
Lingui, c’est le combat qui unit deux femmes pour leur survie. C’est aussi un manifeste d’une cruelle actualité pour le droit à l’avortement légal. Le réalisateur et scénariste, Mahamat-Saleh Haroun, à qui l’on doit notamment le percutant Une saison en France, y dénonce également l’hypocrisie de la religion, ici présentée comme sexiste et aveugle aux problématiques rencontrées par les femmes. Il évoque la violence patriarcale sourde qui peut surgir n’importe où, et une justice inexistante, excepté lorsqu’on l’administre soit même.
Si le film est parfois maladroit et semble plonger complaisamment dans l’image d’un martyr presque manichéen, il a le mérite de mettre en lumière une tranche de vie située dans un contexte social et géographique très méconnu.
Lingui, c’est surtout un film sur ces liens sacrés entre femmes, celles qui partagent leurs embrouilles ou leur débrouille, qui se soutiennent inconditionnellement et qui se pardonnent, qui se retrouvent ou se découvrent, qui dansent ou qui prient. On y est à la fois dépaysé et ramené cruellement aux problématiques féministes d’aujourd’hui qui traversent les sociétés partout dans le monde.
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