Couleurs de l’incendie
Pierre Lemaitre
lu, vu, entendu par Raphaële - le 09/03/2018
Le second volet de la trilogie de Pierre Lemaitre confirme la plume fluide et documentée de l’auteur du désormais célèbre « Au revoir là-haut », auréolé de son prix Goncourt. A l’instar de son maître, Alexandre Dumas, l’écrivain nous livre ici une histoire de vengeances spectaculaires, qu’il transpose sur fond d’avant-guerre. Y sont soulignées avec une ironie grinçante les malversations financières qui commençaient déjà à sévir en France.
C’est l’histoire de Madeleine Péricourt. Ceux qui ont lu, ou vu Au-revoir là-haut se remémoreront ce personnage discret mais fort, vouant un amour tout particulier à son frère Edouard, jamais vraiment revenu de la Grande Guerre.
Madeleine, fille aimée, femme riche, épouse libre, amante satisfaite, mère épanouie, se retrouve victime, en l’espace de quelques mois, de quelques pages, d’une société d’hommes, de banquiers, de spéculateurs : elle devient alors une orpheline déclassée, délaissée, trahie, dont l’unique enfant est devenu un paraplégique à l’article de la mort.
Cette chute mélodramatique et symbolique, n’est pas sans rappeler celle, suicidaire, de son frère, qui n’aura jamais pu s’adapter au monde qui l’entourait, puis par la suite celle de son fils sur le cercueil de son grand-père. Cette déchéance entraîne Madeleine dans les affres de la revanche froide, réfléchie, implacable. Elle utilise, avec le talent d’un Monte-Cristo des temps modernes, les moindres failles des adversaires qu’elle veut faire tomber, car, à l’aube d’un conflit dont le monde ne se relèvera jamais totalement, on en revient encore et toujours à cela : la chute, redoutable et inévitable.
Le cortège grand guignolesque des personnages secondaires qui entourent l’héroïne, la mise en lumière – effarante de vérité historique – des fraudes fiscales explosant dans les années 30, l’évocation cynique du maelström artistique et économique de l’entre-deux guerres, qui rythme le propos du livre et change à jamais le destin des protagonistes, donnent à ce roman, en effet, les couleurs de l’incendie, dévastateur et chatoyant. Lesquelles rappellent « le triomphe imprudent qui prime la querelle, le sang que préfigure en carmin le baiser », s’il faut citer le poème d’Aragon qui en a inspiré le titre. Le dernier opus de Pierre Lemaitre se dévore d’une traite, et nous le recommandons chaudement, particulièrement aux amoureux.ses d’épopées romanesques et de romans feuilletons.
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