Lucy WATTS

Submergé

- temps de lecture approximatif de 2 minutes 2 min - par Tori

Lucy Watts est née en 1988 à Chambéry. Humour et absurdité sont des thèmes récurrents dans ses œuvres. Elle a d’ailleurs fondé « The Society For Putting Humour Back Into Art » (SFPHBIA), dont elle est la seule membre. Elle tourne à la dérision les codes du marketing, et par ce biais, soulève les travers de la société de consommation.

Lucy WATTS. Submergé, lithographie offset sur papier vélin en 3 passages, 121,5 x 80,5 cm, Paris : Michael Woolworth, 2019 ©Lucy Watts. Don commande publique CNAP DGCA, 2019

Submergé

En explorant le thème du « Quotidien », Lucy Watts nous offre un personnage en plongée, équipé d’un scaphandre orange vif, placé au centre, complètement décontextualisé. Il flotte sur un fond violet tapissé de huit ouvertures rectangulaires comme des écrans cathodiques brumeux. Sur ce fond, des taches bleu-turquoise pourraient évoquer de la fumée, des morceaux de ciel ou des mers vus de l’espace. Un écho au bleu du hublot qui obture le visage du plongeur.

 

Protection ou enfermement

On ne sait pas qui se cache derrière cette carapace épaisse : femme ? homme ? Y a-t-il encore quelqu’un dedans ? Cette protection orange n’est pas sans rappeler les uniformes des prisonniers américains. Le sujet est-il enfermé afin de se préserver d’une société connectée-désincarnée, ou  équipé pour en jouir à satiété ? Une société où le flux d’information nous submerge et nous impose de regarder le monde à travers un écran. Un hublot comme une fenêtre ouverte sur le monde mais un monde câblé et coupé du monde réel, vivant. Il n’y a rien de figuré dans les écrans sur le fond comme dans ce hublot qui n’a pas d’yeux. Pas de visage : les écrans renvoient quelque chose d’aveugle comme le regard qui devient une tache. On ne sait pas ce qu’il exprime, nous n’avons pas accès à ses émotions.

La matrice

Les câbles qui le rattachent à la vie évoquent le cordon ombilical qui alimente le petit être en construction, protégé et couvé. Ce corps enveloppé dans sa combinaison, détaché et submergé, se recroqueville sur lui comme le fœtus dans un ventre artificiel. Une figure qui n’a pas de visage, pas de regard, juste un reflet qui n’exprime rien d’humain.

La matrice n’est pas seulement l’utérus  mais aussi la pièce maîtresse qui permet de réaliser une estampe.

L’artiste, Lucy Watts, comme à son habitude, applique ici des aplats de couleurs vives, presque enfantines. Pour chaque couleur l’artiste utilise une matrice (une pierre calcaire ou plus communément aujourd’hui une plaque d’aluminium cintrable) afin de réaliser une lithographie. L’artiste dessine chaque couleur sur une pierre ou plaque différente, qui sera encrée dans la teinte choisie. Une image en trois couleurs comme celle-ci s’obtient par trois dessins sur trois pierres différentes, la superposition de l’ensemble sur la feuille de papier donne naissance au motif dans son intégralité. Ici un passage en orange, un autre en turquoise et un dernier en violet pourpre. La superposition du turquoise et de l’orange donne naissance au vert et la superposition du turquoise et du violet produit un violet profond.

 

Submergé, englouti, envahi, inondé par le monde des medias de masse, un monde qui peut conduire à l’isolement, au confinement intellectuel, au retrait et à la distanciation physique.

 

Cette lithographie fait partie d’un ensemble de 12 multiples sur le thème « Quotidien » commandées par le ministère de la Culture, le Centre national des arts plastiques (Cnap), en partenariat avec l’Association de développement et de recherche sur les artothèques (ADRA). 12 artistes ou collectifs d’artistes ont été sélectionnés : Hugo CAPRON, Julien CARREYN, Jennifer CAUBET, Benjamin HOCHART, Chourouk HRIECH, Suzanne HUSKY, Pierre JOSEPH, Carlos KUSNIR, le collectif F&A LAMARCHE-OVIZE, Aurélie PAGES et Antoine DOROTTE, Julien TIBERI, Lucy WATTS.

Vous pouvez retrouver et  emprunter ces œuvres à l’artothèque de la Bibliothèque municipale de Lyon Part-Dieu.

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