L’homme, une espèce en voie d’extinction?

- temps de lecture approximatif de 9 minutes 9 min - Modifié le 24/04/2019 par Maud C

La biodiversité définit la diversité de la vie sur terre. Intimement liée à l’histoire de la vie, apparue sur Terre il y a 3.8 milliards d’années, elle est partout. On la trouve dans les écosystèmes marins, terrestres et aquatiques, sous des formes variées qui vont de la bactérie microscopique au mammifère le plus complexe.

GIOVANNI_MARCELLO @ Pixabay
GIOVANNI_MARCELLO @ Pixabay

Les sociétés industrielles ont consacré l’existence de ce concept en 1992, à Rio, lors de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement. Cette prise de conscience institutionnelle a mis en lumière un triste constat : depuis son apparition sur Terre, et sa mainmise sur la nature, qu’il transforme à des fins utilitaires, l’Homme est tenu responsable de l’accélération de la disparition des espèces et de la mise en péril de la biodiversité, dont il fait lui-même partie.

L’extinction des espèces: quelles réalités ?

Erosion de la biodiversité, disparition des espèces, printemps silencieux, sixième extinction… sont des termes qui reviennent régulièrement dans l’actualité. Quelles réalités se cachent sous ces concepts anxiogènes? Comment sont définies et quantifiées ces extinctions ?

L’Institut national de conservation de la nature (IUCN) a, dans cet objectif, conçu un outil qui permet de constituer un inventaire mondial le plus complet de l’état de conservation global des espèces végétales et animales. Il s’agit de la Liste rouge mondiale des espèces menacées, qui s’appuie sur une série de critères précis pour évaluer le risque d’extinction de milliers d’espèces et de sous-espèces. Ces critères, basés sur différents facteurs biologiques associés au risque d’extinction : taille de population, taux de déclin, aire de répartition géographique, degré de peuplement et de fragmentation de la répartition, s’appliquent à toutes les espèces et à toutes les parties du monde. Selon la dernière mise à jour de cette liste, datant de 2018, 26 840 espèces sont classées menacées sur les 96 951 étudiées. Parmi elles, 40% des amphibiens, 14% des oiseaux et 25% des mammifères sont menacés d’extinction au niveau mondial, de même que 31% des requins et raies, 33% des coraux constructeurs de récifs et 34% des conifères. Afin de déterminer leur degré de vulnérabilité, l’IUCN classe chaque espèce ou sous-espèce selon l’une des catégories suivantes :  Éteinte à l’état sauvage, En danger critique, En danger, Vulnérable, Quasi menacée ou encore Préoccupation mineure.

Lettre au dernier grand pingouinEn 2018, plusieurs espèces ont été ajoutées à la Liste rouge de l’IUCN. C’est le cas de la banane malgache (Ensete perrieri), entrée sous le statut En danger critique. Cette parente de la banane de culture ne pousse plus que dans cinq lieux à l’état sauvage. Sa population sauvage est menacée par les incendies des zones forestières à destination de l’agriculture. Physemacris papillosa, une sauterelle d’Afrique du Sud, rejoint les espèces regroupées sous le statut En danger. Cette espèce extrêmement rare a été répertoriée seulement trois fois en 118 ans. Les menaces potentielles  incluent la destruction des habitats du fait de l’élevage du bétail, du développement urbain, et le changement climatique qui entraîne une augmentation des sécheresses. L’Abutilon pitcairnense jaune, s’est éteinte en 2018, du moins au niveau sauvage. Cette espèce de plante, découverte sur l’île de Pitcairn, dans l’océan Pacifique sud en 1898, a vu ses derniers spécimens périr dans les forêts de l’île suite à l’importation d’espèces d’arbres non-natives, utilisés pour le bois de chauffage.

Hormis ces récentes menaces, d’autres disparitions d’espèces ont été comptabilisées ces dernières décennies. L’Otarie du Japon en 1974, le Crapaud doré en 1989, le Rat-kangourou du désert en 2002 ou encore la Tortue de Pinta en 2012, ne sont que quelques exemples de ce malheureux déclin de la biodiversité. C’est l’une de ces espèces “porte-drapeau”, qu’a choisi le journaliste Jean-Luc Porquet comme témoin de cette sixième extinction de masse. Sa Lettre au dernier grand pingouin tisse une relation épistolaire intime, érudite et rêveuse entre l’Homme, sourd et indifférent face au sort funeste de la biodiversité et l’oiseau privé d’ailes, disparu au 19e siècle. Apparu il y a 3 millions d’années, le grand pingouin était chassé pour sa chair nourrissante, ses plumes imperméables, ses gros œufs, sa peau solide et ses os faciles à sculpter. Disparu d’Amérique au début du 19e siècle, réfugié dans les régions arctiques puis sur des îles volcaniques au large de l’Islande, l’espèce s’est définitivement éteinte en 1844 sur l’île d’Eldey, non loin du Cercle polaire, tué par des pêcheurs.

 

 

Les fauteurs de troubles de l’érosion de la biodiversité

L’histoire de la planète compte cinq grandes extinctions de masse, surnommées Big Five par les paléontologues : l’Ordovicien (autour de -445 Ma), le Dévonien (-360 Ma), le Permien (-248 Ma), le Trias (-206 Ma) et le Crétacé (-65 Ma). Ces grandes extinctions se caractérisent par un événement bref sur l’échelle géologique (au maximum quelques millions d’années), au cours duquel au moins 75 % des espèces animales et végétales présentes sur la Terre et dans les océans disparaissent (source: Extinction des espèces, Wikipédia). Elles sont dues à des causes universelles telles que le soleil, les météorites, le volcanisme ou la vitesse de variation du noyau terrestre.En route vers l'extinction finale ! et si on misait plutôt sur la biodiversité ?

A ces cinq extinctions massives, pourrait s’ajouter une sixième crise biologique, qui aurait débuté il y a 10 000 ans et concernerait surtout la mégafaune (les mammifères de plus de 45 kg). Le facteur principal serait l’Homme, qui rien que sur les cinq derniers siècles, aurait provoqué la disparition d’environ 900 espèces animale ou végétales.

Dans sa bande-dessinée En route vers l’extinction finale ! et si on misait plutôt sur la biodiversité ?, l’auteur-illustrateur Gilles Macagno énumère les causes de l’érosion de la biodiversité liées à l’Homme, avec humour et engagement. En voici quelques exemples, non exhaustifs:

  • La chasse, notamment celle du gibier, a fait 3 millions de victimes chez les faisans en 2013-2014. Sont rattachés à cette catégorie l’élimination des nuisibles (les corbeaux, les ragondins, les fouines…) mais aussi le braconnage pour la fabrication de remède naturel (le rhinocéros blanc pour sa corne) et le commerce des peaux (le castor, le vison).
  • La pêche, dont les prises ont été multipliées par cinq en cinq ans. La pratique du chalutage de fonds se généralise afin d’aller chercher le poisson de plus en plus profond.
  • L’agriculture intensive est une des causes les plus néfastes pour la biodiversité. Le labourage rend les sols décapés par le ruissellement des eaux, ce qui entraîne une fuite des organismes vivants. Les engrais minéraux rendent inutile tout un écosystème de microfaune et de microflore qui participait à la fertilisation naturelle. Cela sans compter la fabrication d’OGM qui induit une sélection de races et variétés sur des critères tels que le succès reproducteur, la résistance aux infections et donc une diminution de la diversité intra-race. C’est notamment le cas pour les cépages et l’élevage bovin.
  • La domestication de la nature, qui a débuté avec la sédentarisation de l’Homme, a touché 200 animaux et 700 plantes rien que durant le Néolithique.
  • Les pollutions sont définies comme les rejets dans la nature de tous les résidus de notre activité et sont, en partie, responsables du dérèglement climatique. On y trouve les plastiques, les hydrocarbures, les produits chimiques, les gaz, les médicaments, les métaux lourds, les déchets radioactifs, les bruit, la lumière mais aussi les microparticules qui dont l’accumulation à forte dose se révèle toxique. Le fluor, qui se dégage des usines d’incinération, en fait partie.
  • La déforestation sert, en Asie, à la production industrielle d’huile de palme et en Amazonie, à celle de viande et de soja. On estime que 13 millions d’hectares de forêt disparaissent chaque année dans le monde.
  • Le tourisme mondial induit un dérangement de la faune, le piétinement des sols, la destruction d’espaces naturels pour l’hébergement, la pollution des eaux de mer et des déchets, relâchés notamment par les bateaux de croisière.
  • Les objets de notre quotidien, catégorie plus insolite, contribuent également à perturber l’équilibre de la biodiversité. Exemples : nos véhicules sont responsables de 700 000 hérissons écrasés chaque année et l’extraction chimique des roches qui composent nos smartphones entraîne une pollution massive des cours d’eau et la destruction d’habitats naturels.

Etonnants envahisseurs : ces espèces venues d’ailleursLes activités de l’espèce humaine ne sont pas les seules à bouleverser les écosystèmes naturels. Parfois ce sont d’autres espèces qui menacent la biodiversité locale : animales ou végétales, elles ont été introduites volontairement ou non par l’Homme ou par leurs propres moyens. Ces espèces exotiques envahissantes ont fait l’objet d’un ouvrage de Vincent Albouy, entomologiste: Etonnants envahisseurs : ces espèces venues d’ailleurs. L’auteur évoque l’année 1500, repère que les scientifiques ont adopté pour définir les populations indigènes et exotiques : toutes celles présentes sur un territoire avant 1500 sont réputées indigènes. Parmi ces invasions biologiques, certaines ont été très médiatisées telles que le frelon asiatique. Cet insecte, dont quelques reines hivernantes sont arrivées en France en 2004, cachées dans un lot de poteries importées de Chine, s’est répandu en une quinzaine d’années dans tout l’Europe de l’est. La sensibilisation des médias et du grand public à cet envahisseur s’est faite via les apiculteurs qui redoutent son impact sur les ruches.

 

 

L’Homme : une menace pour son propre écosystèmeChroniques du vivant : les aventures de la biodiversité

L’impact de l’Homme sur la biodiversité est immense, de par sa présence massive, ses capacités d’adaptations et ses activités, qui lui donnent un pouvoir illimité sur les autres formes du vivant. Pour la première fois dans l’histoire de la vie, c’est une forme de cette même vie, celle de l’espèce humaine, qui met en péril les autres. Dans sa quête de progrès, l’Homme aurait-il oublié qu’il est lui-même issu de la nature ? En détruisant cette dernière, l’espèce humaine court-elle à sa propre perte ?

François Letourneux, ingénieur du génie rural, des eaux et des forêts et Nathalie Fontrel, journaliste radio, ont co-écrit: Chronique du vivant : les aventures de la biodiversité. Ils rappellent que l’Homme est relié à toute autre forme de vie : « La biodiversité, c’est tout ce que nous mangeons, ce que nous buvons, ce qui nous habille. […] Nous les hommes, en faisons partie. […] Nous sommes des mammifères. Nous sommes omnivores, comme les ours. Nous sommes vivipares, comme les souris. »

Selon les auteurs, l’Homme a modifié ses liens avec la nature lors de sa sédentarisation, au néolithique. Initialement chasseur-cueilleur, l’Homo Sapiens est devenu cultivateur et éleveur, ce qui lui a permis de mieux se nourrir et de procréer davantage. Cette transition démographique s’est accompagné d’une révolution culturelle : l’Homme s’est extrait de la nature pour en faire un partenaire et parfois un adversaire. Cette progression est synonyme de plus de production, d’élimination des nuisibles (les mauvaises herbes, les insectes) mais aussi des espèces alliées (les insectes pollinisateurs, les oiseaux insectivores, les vers de terre). Les conséquences de cette hégémonie sont tristement connues. Selon le dernier bilan démographique de l’INSEE, l’espérance de vie commence à stagner après une hausse consécutive sur les années dernières années. Serait-ce l’ultime alerte ?

Sommes-nous tous voués à disparaître ? : Idées reçues sur l'extinction des espècesEric Buffetaut, Directeur de recherche au CNRS, spécialiste de la paléontologie fait le point sur la question de la disparition de l’espèce humaine dans son ouvrage de vulgarisation scientifique Sommes-nous tous voués à disparaître ? : Idées reçues sur l’extinction des espècesEtudiée par de nombreux chercheurs, cette éventualité prendrait l’une des trois issues suivantes:

  • L’accumulation néfaste des activités humaines pourraient rendre la planète inhabitable.
  • La disparition de l’Homme pour cause naturelle, comme l’extinction du Soleil qui engendrerait une glaciation, le passage d’un astéroïde ou d’une comète trop près de la Terre. En 1910, de nombreux articles alarmistes ont été rédigés dans la presse au sujet de la comète de Halley.
  • La transformation de l’espèce humaine, dont les plus anciens représentants remontent à 200 000 ans. En effet, une espèce peut cesser d’exister de deux façons : soit elle disparaît sans laisser de descendants, soit elle se transforme en une autre espèce. C’est le cas de la plupart des espèces animales et végétales du monde actuel. Pourquoi l’homme échapperait-il à cette réalité de l’évolution?

Pour conclure, l’auteur précise que l’espèce humaine est certainement vouée à disparaître. Cependant la date, les causes et les circonstances de cette disparition relèvent, pour l’instant, plus de la science-fiction que d’une prospective scientifique, étayée par des faits.

 

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One thought on “L’homme, une espèce en voie d’extinction?”

  1. LeChevalierBlanc dit :

    Ce n’est PAS l’humanité qui VA disparaître dans CE siècle, mais les hommes et SEULEMENT eux comme l’avait dit Jésus : vous périrez TOUS. (bible Jérusalem, Luc 13, 5). Et PAS à cause du réchauffement planétaire, mais à cause de CELLE que cite Noah harari à la page 352 des éditions Albin Michel de son livre Homo deus………

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