Étiquetage nutritionnel : des tests et quelques polémiques…

- temps de lecture approximatif de 6 minutes 6 min - Modifié le 21/06/2017 par Bib4

Quel logo aidera le mieux les consommateurs à identifier au premier coup d’œil le produit alimentaire doté de la meilleure nutritionnelle et guider ses choix d’achat ? Un test est en cours sur fond de polémique…

Aliments, Achat
Aliments, Achat

A partir du 26 septembre 2016 et pour 10 semaines, 4 types de logos sont testés dans 40 supermarchés de 4 régions (dont Auvergne-Rhône Alpes). Plus de 2 millions d’étiquettes seront ainsi collées sur la face avant de 1.300 produits, aux rayons traiteur, conserves, pains et viennoiseries industrielles. Vingt supermarchés serviront par ailleurs de magasins témoins.

Il s’agit d’évaluer 4 systèmes d’affichage dont certains ont les faveurs de la communauté scientifique tandis que d’autres sont plébiscités par l’industrie agroalimentaire…pour n’en retenir qu’un seul qui sera celui préconisé par les pouvoirs publics.

Verdict attendu en décembre 2016 puis mise en œuvre sur les emballages au cours du premier semestre 2017.
Comme l’impose la réglementation européenne, la mesure restera facultative et reposera sur le volontariat des entreprises de l’agroalimentaire et des distributeurs.

 

Focus sur les 4 dispositifs à départager

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Deux systèmes synthétiques  :

  • Nutri-Score : Système élaboré par l’Inserm et l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle dirigée par le professeur Serge Hercberg (par ailleurs président du Programme National Nutrition santé). Ce système à cinq couleurs répartit les produits en cinq catégories sur la base d’un score caractérisant la qualité nutritionnelle du produit, à partir des teneurs en nutriments majeurs.
    Ce système, préconisé par le Haut conseil de la santé publique (HCSP), testé et validé par plus de 20 publications scientifiques internationales  avait été jugé le mieux à même d’orienter les choix des consommateurs vers une alimentation plus équilibrée, selon une étude comparative publiée en 2015. Mais les représentants de l’agroalimentaire le jugeant stigmatisant pour certains aliments, avaient réclamé une étude en conditions réelles d’achat. Vous pouvez tester ce système via l’application développée par le site Que Choisir.
  • Le repère alimentaire « Sens » (Système d’étiquetage nutritionnel simplifié ): système à quatre couleurs initié par l’enseigne Carrefour et adopté par toutes les enseignes de la Fédération du commerce et de la distribution.
    Il comporte une indication sur la fréquence de consommation recommandée, construite à partir d’une classification réalisée sur la base de la teneur du produit en nutriments majeurs. Les fréquences de consommation (très souvent / souvent / modérément / occasionnellement ou en petite quantité) sans indication de la portion recommandée risquent d’induire l’acheteur en erreur.

Deux systèmes analytiques  :

  • Nutri Repère : Dispositif déjà utilisé et  soutenu par l’Association nationale des industries alimentaires (et conçu par l’industrie agroalimentaire), les repères nutritionnels journaliers, visualisant la contribution en pourcentage et valeur absolue d’une portion d’aliment aux apports nutritionnels de référence en énergie, matières grasses, acides gras saturés, sucres et sel ;
  • Nutri couleurs : système mis en oeuvre au Royaume-Uni depuis plusieurs années (« Traffic Lights »), fondé sur une échelle à trois couleurs fournissant la contribution en pourcentage et valeur absolue d’une portion d’aliment aux apports nutritionnels de référence en énergie, sucre, sel, matières grasses et acides gras saturés.

Sources :

 

Les éléments de la polémique

Dans un article du Monde, en date du 17 septembre 2016, Pascale Santi et Stephane Horel retracent les éléments de la polémique :

« Au terme de vifs débats, l’article 14 de la loi santé, promulguée le 26 janvier, prévoit la mise en place d’un dispositif pour améliorer l’information nutritionnelle figurant sur les produits. Il vise à rendre plus compréhensibles les informations actuelles, qui ne sont guère lisibles par les consommateurs, et à inciter les Français à écarter les produits riches en gras, en sel et en sucre, pour lutter notamment contre la progression de l’obésité, qui touche 17 % de la population.

Sous la pression des industriels, le ministère de la santé a décidé de faire évaluer « en conditions réelles d’achat » différents systèmes – alors même que Marisol Touraine avait assuré fin 2015 à l’Assemblée nationale qu’il n’y avait pas d’expérience nécessaire. La Direction générale de la santé a alors mis en place un comité de pilotage et un comité scientifique pour procéder à une étude de terrain. […] »

Rigueur scientifique de l’étude et conflits d’intérêt des membres qui la pilotent

« La DGS a ainsi mis en place deux comités : le comité de pilotage d’un côté, le comité scientifique de l’autre. Mais les conflits d’intérêts sont particulièrement présents à tous les niveaux dans les deux structures. Comme le montre cet article des Décodeurs :

« Le comité de pilotage est coprésidé par Christian Babusiaux, qui est président de chambre honoraire à la Cour des comptes… mais aussi président du Fonds français pou l’alimentation et la santé, organisation de lobbying scientifique de l’industrie agroalimentaire, dont sont membres les plus grands groupes du secteur.
Plusieurs autres membres de ce comité de pilotage sont également des représentants de la grande distribution et de l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA). Cette dernière est ouvertement hostile à un système d’étiquetage coloré, qui figure parmi les propositions étudiées
. »

En revanche, « Le Pr Hercberg a en outre affirmé avoir été écarté du comité scientifique du test des quatre logos au motif qu’il présenterait un “conflit d’intérêt moral, intellectuel et affectif”. Les scientifiques directement à l’origine d’un des logos testés ne pouvaient pas faire partie de ce comité, car on aurait pu considérer que leur participation influençait le cahier des charges, a justifié Benoît Vallet. Quant à la présence des industriels et des distributeurs au sein du comité de pilotage, “l’étiquetage étant facultatif, l’adhésion des industriels et des distributeurs au système finalement choisi est un facteur très important de succès”, a argumenté le directeur général de la Santé. »

Pression sur une partie de la communauté scientifique…

Dans un article publié le 16 septembre 2016 Médiapart dénonçait les pratiques des représentants de l’industrie agroalimentaire et de la distribution qui, par une lettre adressée le 22 juin 2016 au ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll exigeaient qu’on « mette fin » à des travaux du laboratoire du professeur Serge Hercberg, président du Plan national nutrition santé (PNNS). En cause, une recherche scientifique sur l’étiquetage nutritionnel simplifié qu’ils jugent inappropriée…
[article à lire dans son intégralité via notre base de données Europresse]

Un coût estimé à 2,2 millions d’euros pour une mise en œuvre qui restera facultative

Le rapport de cette expérimentation devrait être remis au Ministère en décembre et aboutir à la recommandation des pouvoirs publics après l’avis de l’Anses à une seule mesure dont l’application sera facultative comme l’impose la réglementation européenne, et reposera sur le volontariat des entreprises de l’agroalimentaire et des distributeurs.

 

« Soyons directs, ce qui intéresse les industriels c’est votre argent. Pas votre bonheur ni votre santé » rappelle l’ancien industriel Christophe Brusset dans son livre  Vous êtes fous d’avaler ça !

 

A piocher dans nos rayons avant d’acheter dans ceux des grands magasins :

  • Savez-vous vraiment ce que vous mangez ?: savez-vous-vraiment-ce-que-vous-mangezMême s’il date de 2007 cet ouvrage propose un bon mode guide pratique comprendre le langage des étiquettes alimentaires et faire ses choix en toute connaissance de cause

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • Les alimenteurs : Un DVD éclairant sur le poids du  lobby de l’industrie agro-alimentaire face aux pouvoirs publics…

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