Populisme, fascisme…Les mots (maux) ont une histoire.

- temps de lecture approximatif de 12 minutes 12 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

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La période de la campagne électorale se révèle propice aux caractérisations rapides, raccourcis abusifs, dénominations impropres. On qualifie une telle de démagogue, un tel de populiste,..On passe allègrement de populiste, à réactionnaire voire fasciste…comment s’y retrouver ? Quelques pistes de réflexions.

[actu]Populisme, vous avez dit populisme[actu]

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serment du jeu de paume
APMCJ

S’il reste inscrit dans les principes fondateurs de la République – « gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple » – le mot de « peuple » ne fait plus recette dans la communication aujourd’hui. Ses dérivés non plus . Fini le temps du Front populaire, des bals populaires, de l’éducation populaire, des maisons du peuple ; populaire aujourd’hui en est réduit pour l’essentiel à qualifier , du côté de ce qu’il est convenu d’appeler le « people » , les vedettes et les produits de l’industrie du spectacle (auxquels se mêlent allègrement les politiques en quête de popularité).

Et le populisme ? Il se décline maintenant dans des expressions polémiques : « dérive populiste », « tentation populiste », « danger populiste »…..Comme le rappelle Pierre-André Taguieff dans l’article qu’il a rédigé sur cette notion dans l’Encyclopédie Universalis : « un populiste dans le langage médiatique, est soit un « fasciste » soit un démagogue. Il s’ensuit que le populisme semble se définir soit par une orientation anti démocratique, soit par son allure pseudo démocratique. Dans ce dernier cas, il se réduit à une corruption de l’idée démocratique ou à un mésusage tactique de la référence à la démocratie. A considérer cependant les populismes historiques, ni l’antidémocratisme ni le pseudo-démocratisme n’y apparaissent comme dominant »

Pour approfondir cette réflexion :

Un excellent numéro de la revue Hermès
Peuple, populaire , populisme, CNRS.
- Le résultat du référendum français sur le Traité constitutionnel européen, les commentaires dont ce résultat a fait l’objet dans les médias et dans le discours politique ont remis à l’ordre du jour, le mot de « Peuple » et ses dérivés « Populaire » et « Populiste ».

Pas de mots plus chargés que ceux-là, ni plus tiraillés entre des représentations contradictoires. La cause en est, sans doute, que nos démocraties modernes, tout en continuant d’identifier le « Peuple » au principe de souveraineté qui les fonde, sont portées, pour des raisons qu’il convient d’interroger, à vider de leur substance historique et sociale les « classes populaires ». Mais c’est aussi que le « Peuple » et ses formes dérivées servent d’objets autant que de concepts à des disciplines diverses et que chacune d’elles en construit des définitions singulières. L’objectif de ce numéro est non seulement de dresser la carte de ces migrations théoriques, mais aussi de relier les représentations et usages du « Peuple » aux rapports de force qui s’établissent entre différentes conceptions de la chose politique et sociale, ainsi qu’à différentes traditions nationales, culturelles et scientifiques. Du « Peuple » de la démocratie athénienne aux « populismes » diversement interprétés dont l’Europe est le nouveau foyer d’émergence, de la philosophie politique aux théories et discours des médias, de la sociologie des pratiques culturelles à l’histoire littéraire, c’est toute une généalogie critique qui se trouve ici analysée, études de cas à l’appui.

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peuple marche sur Versailles

On consultera avec profit l’article de Pierre-André Taguieff, dans :
Encyclopédie universalis, Encyclopaedia Universalis France
- Sommaire :
1. Populismes latino-américains : le modèle historique du “national-populisme”
2. Vers une typologie des populismes
Deux types de populismes : le protestataire et l’identitaire

Populismes agraires et populismes politiques
Le national-populisme autoritaire en France : un type idéal

Figures du populisme à l’Est : national-communisme, national-christianisme
3. Le populisme entre le mythique et le médiatique
Un discours mythique
Télépopulisme : le modèle italien
De l’ère des masses à l’âge de l’individu spectateur ?

On peut aussi consulter :
L’illusion populiste, par Pierre-André TAGUIEFF,Berg International.

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Illusion populiste
Berg International

Populisme. Vieilles pratiques, nouveaux visages, par Henri DELEERSNIJDER,Luc Pire.

Vingtième siècle ,revue d’histoire. N. 56, octobre-décembre 1997, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, sur les populismes, très complet.
Il est consultable en ligne à la bibliothèque sur la base Persée, portail de revues en sciences humaines et sociales.



Prolongeant les réflexions réunies dans ce numéro des chercheurs grenoblois, historiens, sociologues ou philosophes du politique, ont rassemblé quelques-uns des meilleurs spécialistes européens pour éclairer, à partir de plusieurs points de vue disciplinaires, les ressorts et la portée du phénomène désigné par le mot « populisme », dont ils rappellent avec raison qu’il fonctionne autant comme épouvantail que comme principe de mobilisation ou catégorie d’analyse. Sans prétendre en faire le tour, l’ouvrage qui est le fruit de ces échanges offre, pour la recherche, un bilan et des perspectives également utiles :

La tentation populiste au cœur de l’Europe, Olivier IHL, Janine CHENE, Éric VIAL, Ghislain WATERLOT, La Découverte

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harangue
assemblee nationale

[actu]Populisme et fascisme ….[actu]
Eclairages sur quelques débats toujours en cours.

La fonction du populisme…

Monde diplomatique,Le Monde .
- propose un article de Serge Halimi , inititulé “Le populisme , voilà l’ennemi”( novembre 2006). Il pose la question de la transformation du populisme en « un épithète informe apposé au tout-venant (le Ku Klux Klan et M Ross Perot, Arletty et Bruce Springteen, les généraux Peron et Boulanger, Tolstoï et Frantz Fanon, l’historien humaniste Jules Michelet et M Jean-Marie Le Pen…) ». Selon lui, « chacun devrait avoir compris la fonction idéologique de l’amalgame : dissimuler les vrais rapports de pouvoir en fabriquant une catégorie qui fait diversion, substituer l’étude d’analogie de styles à l’analyse des clientèles sociales et des programmes. Ici, comme souvent le consensus se nourrit du relâchement intellectuel et de l’inculture historique. C’est ainsi que tel un virus, l’adjectif « populiste » contamine le journalisme et l’analyse sociale. »

On retrouve ce type d’interrogation dans plusieurs articles de la revue Hermès précédemment citée
Peuple, populaire , populisme, CNRS :

- Nonna MAYER, dans son article « Votes populaires, votes populistes » , analyse chiffres à l’appui les résultats du Front national en 2002.

Sa conclusion : « Autrement dit, les populistes n’appartiennent pas nécessairement aux classes populaires, les classes populaires ne sont pas nécessairement populistes, tous les populistes ne sont pas d’extrême droite et le terme n’épuise pas la complexité des raisons qui amènent à voter , lors d’une élection donnée, pour Jean-Marie le Pen et son parti, ni la diversité des soutiens.. “

- Annie COLLOWALD, dans son article « le populisme : de la valorisation à la stigmatisation » du populaire s’interroge aussi sur la notion de populisme appliqué au Front national :
« lancée en 1984 par le philosophe politique Pierre-André Taguieff qui la réimportait des débats américains sur la nouvelle droite (Taguieff ;1985) la notion était alors un simple label du FN parmi d’autres (« national-capitalisme », « national-libéralisme ») ; elle insiste sur un aspect des idées et des valeurs nationalistes du parti frontiste destiné à distinguer la nouveauté de cette « droite radicale » du fascisme et des extrêmes droites passées. Ces autres étiquettes n’en étaient pas moins alors prédominantes dans le débat public. Elles avaient pour particularité d’attirer l’attention sur les dirigeants et militants frontistes (leur passé, leur carrière, leurs ressources politiques) et non sur les électeurs. Le déplacement opéré sur ces derniers n’est pas innocent pour la compréhension des conditions de réussite politique du Front national. Celles-ci ne sont plus recherchées dans le capital politique collectif du parti, dans les pratiques militantes de ses représentants ou encore dans l’offre politique actuelle et la concurrence entre élites politiques, mais dans la seule relation nouée entre Jean-Marie le Pen et ses troupes électorales et plus précisément encore dans les dispositions préalablement ajustées des électeurs aux thèses idéologiquement autoritaires portées par le FN. En ce sens l’explication se ferme et, en se simplifiant, se fait tautologique : seuls des électeurs illégitimes socialement peuvent se retrouver dans les idées illégitimes de ce parti. En exonérant d’emblée les élites sociales de tout penchant pour le FN puisque, protégées par leur diplôme et leur niveau de vie, elles sont insoupçonnables de toute crédulité pour des thèses « simplistes » et racistes, l’explication rejoue ainsi sur un plan apparemment descriptif (les résultats de sondages électoraux, Mayer, 2002) l’idée de la supériorité morale des élites sociales. »

On retrouve cette réflexion plus détaillée dans son livre
Le « populisme du FN » un dangereux contresens, par Annie Collowald, Editions du croquant.

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populisme
ed du croquant

Le populisme est une des données du fascisme, pas la seule. Les deux notions ne se superposent pas loin de là.

Définition(s) du fascisme …

Le fascisme, par Pierre MILZA, Le monde de….
- Un lexique de base sur ce thème. Evènements, biographies, analyses théoriques, historiographie du sujet…, présentés alphabétiquement.

Du fascisme, par Pascal ORY, Perrin.
- Une étude historique complète sur le fascisme, lisible à la façon d’un manuel et avec le ton corrosif d’un essai. Ce livre essaye de répondre des questions simples et donc redoutables, telles que : qu’est-ce que le fascisme, d’où vient-il, pourquoi eut-il tant de succès, pourquoi a t-il été vaincu, est-il toujours vivant ?

Les réponses de l’auteur sont synthétiques, mais fondées sur l’analyse critique d’une abondante bibliographie.

Le fascisme en action, par Robert O. PAXTON, Seuil.
- Tente de définir l’idéologie fasciste. Etudie, dans cet objectif, comment naissent les gouvernements fascistes et comment ils prennent leur place dans un système politique en crise.

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Fascisme en action
Seuil

La révolution fasciste,par George L. MOSSE, Seuil.
- L’aspect le plus original de son approche est d’analyser le caractère séducteur et attractif des fascismes sans en confondre les différentes versions. En rappelant les origines révolutionnaires des fascismes, la forte charge utopique, la prétention d’offrir une « troisième voie » entre capitalisme et communisme, la célébration de la communauté nationale, la réactivation des mythes romantiques et mystiques, l’exaltation du mouvement et de la vitesse et en expliquant la manipulation des images de la beauté masculine, Georges Mosse éclaire les fondements symboliques et idéologiques des fascismes-

La France immunisée contre le fascisme ?

Ni droite, ni gauche, l’idéologie fasciste en France,par Zeev STERNHELL, Seuil.
- Maints historiens ont nié l’importance des courants fascites en France. D’autres se sont plus à décrire comme « fascistes » de simples apparences. Z Sternhell ne s’est pas attardé à l’étude des groupuscules , plus ou moins bottés, s’exerçant à mimer les faisceaux de combat ou les SA hitlériens. Il a voulu saisir en profondeur, à travers les multiples assauts lancés contre le libéralisme et le marxisme, le phénomène d’imprégnation fasciste dont la France porte la marque ineffaçable, à la veille de l’effondrement de 1940.

Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France , par Michel WINOCK, Folio histoire.
- Recueil de textes et d’articles sur l’histoire du nationalisme, du fascisme et de l’antisémitisme en France depuis le XIXe siècle. Ce livre pourrait s’intituler : « Le moi national et les maladies. A partir d’une définition ambivalente du nationalisme (nationalisme et nationalisme fermé), l’auteur déploie l’éventail des passions nationales, de boulanger à De Gaulle – mais aussi de Drumont à Le Pen, en tentant de définir des notions abstraites ( bonapartisme, fascisme ,antisémitisme, national-populisme, causalité diabolique, etc.) à travers des récits et des portraits.

Le mythe de l’allergie française au fascisme ,sous la dir de Michel DOBRY, Albin Michel.
- La thèse de l’immunité française par rapport au fascisme, énoncée dès les débuts des années 1950, a dû son succès initial à la possibilité qu’elle offrait alors de tourner la page de Vichy et de “laver” les composantes des droites autoritaires de toute parenté avec les fascismes authentiques (italien et allemand). Devenue une sorte d’histoire officielle, elle est régulièrement recyclée . Ce livre remet entièrement en cause l’imagerie « apaisante » et en définitive apologétique que la thèse immunitaire propose de notre passé et sans doute aussi, un peu, de notre présent.

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