Femmes

Mais que veulent-elles donc ?

- temps de lecture approximatif de 9 minutes 9 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

Freud l'avouait lui-même à la fin de sa vie : après plusieurs décennies passées à étudier la psychologie féminine, il n'avait pas réussi à trouver la réponse à cette question : « Mais que veulent-elles donc ? » Heureusement depuis la mort de Freud, quelques réponses ont été apportées à cette question si compliquée.

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Voici donc une liste historique et non exhaustive de ce que veulent les femmes, en plus d’une jolie robe et d’un nouveau rouge à lèvre…

Des droits politiques, et pourquoi pas le droit de vote !

Olympe de Gouges, de son vrai nom Marie Gouze, naît à Montauban en 1748. Veuve assez jeune, elle monte à Paris et se lance dans le théâtre avec sa troupe. Olympe écrit beaucoup : des pièces de théâtres (L’esclavage des noirs en 1788), mais aussi des textes politiques. Proche des Girondins pendant la Révolution, elle s’affirme comme républicaine et s’engage dans de nombreuses luttes en faveur de l’instauration du divorce, de l’abolition de l’esclavage et, adressée à Marie-Antoinette, rédige la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Arrêtée en août 1793 pour son attitude critique envers Robespierre, elle est finalement guillotinée en novembre.

A relire sans modération sur Gallica : le texte de la Déclaration.
Article premier : La Femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits.
Article X : la femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune.

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Née en 1893, Louise Weiss, Alsacienne d’origine, est une européenne convaincue. Agrégée de lettres à 21 ans, elle s’oriente vers le journalisme et fonde la revue L’Europe nouvelle en 1920, notamment pour rapprocher la France et l’Allemagne. Les années 30 voient ses combats se concentrer sur le soutien aux réfugiés à partir du début de la guerre, et sur le droit de vote des femmes, avec son association La femme nouvelle. Symboliquement Louise Weiss va jusqu’à se présenter aux élections municipales de 1935 et législatives de 1936. Auteur de romans, de récits de voyages, de documentaires, elle s’éteint à l’âge de 90 ans.

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En Europe, le droit de vote a été accordé aux femmes en Finlande en 1906, en Norvège en 1913, en Pologne en 1918, en Allemagne en 1919, en Angleterre en 1928, en Espagne en 1931, et en France en avril 1944.

L’éducation et l’instruction…

Eugénie Niboyet naît en 1796 à Montpellier dans une famille de lettrés. Elle lance à Lyon le journal Le conseiller des femmes, le 2 novembre 1933, un hebdomadaire de 16 pages dont elle est la directrice. Sa carrière de journaliste la conduira à participer à d’autres journaux féministes.

Convaincues qu’il appartient à notre sexe de retremper le caractère de l’homme, nous avons conçu le projet de fonder à Lyon, ville populeuse où les femmes sont en majorité dans les ateliers, dans les fabriques, un journal-pratique ayant pour but d’améliorer leur condition, dans toutes les positions sociales.

Qu’on ne s’y trompe pas : Eugénie ne choisit pas la voie de la révolution, loin de là. Admettant de manière assez naturelle la législation très défavorable aux femmes aussi bien que les « différences » entre sexes, elle souhaite l’élévation intellectuelle et morale de la femme, dans le respect de la religion.

N’oubliant jamais que le sentiment religieux est notre appui le plus solide, nous puiserons dans les livres divins tous nos préceptes, certaines que si Dieu est pour nous, nul ne sera contre nous.

Néanmoins, le journal a pour but de faire prendre conscience aux femmes du rôle qu’elles peuvent jouer au sein de leur famille d’abord, mais aussi dans la société toute entière, pour le bien de tous.

Car, si de droit et de fait, la femme est, dans l’ordre naturel et numérique, la moitié de l’humanité, il nous semble juste et nécessaire qu’elle prenne sa part du mouvement ascendant imprimé à notre civilisation.

Conçu donc pour l’élévation intellectuelle de la femme et in fine son émancipation, le journal propose des exemples de vies à suivre ou au contraire à fuir, des considérations sur l’éducation, des comptes-rendus de concerts ou de pièces de théâtre et montre un goût particulier pour les poèmes de Marceline Desbordes-Valmore.

A lire sur Eugénie Niboyet, le livre de Michèle Riot-Sarcey, La démocratie à l’épreuve des femmes. Trois figures critiques du pouvoir 1830-1848, Albin Michel, 1994.
Et dans l’Echo de la Fabrique, le numéro du 5 janvier 1834 consacre une critique flatteuse au journal d’Eugénie Niboyet.

Cécile Brunschvicg s’engage dans le militantisme grâce à son mari le philosophe Léon Brunschvicg, membre de la Ligue des droits de l’homme. Née en 1877 dans une famille bourgeoise d’origine alsacienne, elle n’avait pu pousser très loin ses études. Son engagement en faveur des femmes la conduisit à présider l’Union française pour le suffrage des femmes de 1924 à 1946. Puis Léon Blum, lorsqu’il constitue son gouvernement en 1936, lui offre le sous-secrétariat d’état à l’Education nationale, sous la tutelle de Jean Zay. Avec Irène Joliot-Curie (Recherche scientifique) et Suzanne Lacore (Protection de l’enfance), elles sont les premières Françaises à entrer dans un gouvernement, alors qu’elles ne bénéficient pas du droit de vote ! En un an, jusqu’en juin 1937, elle essaya d’agir en faveur de la scolarisation des enfants et créa notamment les cantines scolaires. Cécile Brunschvicg reprit ses activités de militante féministe après-guerre et jusqu’à sa disparition en 1946.
Le fonds Cécile Brunschvicg a été déposé au Centre des archives du féminisme (Université d’Angers). Pillé par les Allemands en 1940, emporté à Moscou par les Russes, le fonds a finalement été restitué en 2000 par le gouvernement russe à la France.
A voir sur le site musea de l’université d’Angers, une expo en ligne consacrée à Cécile Brunschvicg.

Cécile Formaglio, conservatrice à la BnF, viendra présenter le fruit de son travail de doctorat sur Cécile Brunschvicg le mercredi 1er décembre à la bibliothèque de la Part-Dieu.

Disposer de son corps

En octobre 1972, Marie-Claire comparaît devant le tribunal de Bobigny pour avoir avorté clandestinement, acte interdit depuis la loi anti-avortement de 1920. Sa mère et trois autres femmes comparaissent un mois plus tard pour avoir procédé à l’avortement ou s’en être rendues complices. Marie-Claire a alors 16 ans et elle a été violée. Son avocate Gisèle Halimi choisit de faire le procès politique de l’avortement.

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En novembre 1972, c’est le grand procès de Bobigny. Grand parce qu’il a mis en pièces la loi de 1920, provoqué un immense débat dans l’opinion publique, mobilisé aux côtés des inculpées des professeurs de médecine et des prix Nobel, changé les mentalités déjà mûres pour une nouvelle loi. Le procès de Bobigny entre même par effraction au Parlement.

Voici ce qu’en dit Gisèle Halimi elle-même dans la préface du livre publié par l’association qu’elle a fondée, Choisir la cause des femmes, en 1973, sur le procès.
Il faudra attendre la loi Veil de 1974 pour voir l’avortement autorisé sous certaines conditions.
A revoir, le film de François Luciani, Le procès de Bobigny (2006), avec notamment Sandrine Bonnaire et Anouk Grinberg.

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Et sur les « faiseuses d’ange », Une affaire de femmes, de Claude Chabrol (1988), avec Isabelle Huppert dans un rôle inspiré de Marie-Louise Giraud, guillotinée en 1943 pour avoir pratiqué des avortements.
Gisèle Halimi sera présente à la bibliothèque de la Part-Dieu le vendredi 26 novembre pour présenter son livre Ne vous résignez jamais ! (Plon, 2009).

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La magnifique filmographie de Delphine Seyrig ne saurait faire oublier qu’elle fut une féministe de la première heure, en plus et en même temps qu’une grande actrice. Signataire du fameux manifeste des « 343 salopes », publié par le Nouvel Observateur le 5 avril 1971, elle tourne en 1975 avec Chantal Akerman Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles, l’histoire d’une mère célibataire enfermée dans une vie de routine et de prostitution à domicile, jusqu’au jour où le plaisir enfin rencontré fait tout basculer. Delphine Seyrig est aussi passée de l’autre côté de la caméra, en tant que réalisatrice féministe. On retiendra notamment Maso et Miso vont en bateau, co-réalisé en 1975 avec Carole Roussopoulos, en réaction à l’émission de Bernard Pivot diffusée le 30 décembre 1975 pour fêter (!) la fin de l’année de la femme. Et surtout Sois belle et tais toi, documentaire que Delphine Seyrig réalise en 1976 à partir d’interviews d’actrices françaises et étrangères.
A revoir, le documentaire de Jacqueline Veuve (2005) : Delphine Seyrig, portrait d’une comète.

Et aujourd’hui ?

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La conclusion est de l’historienne Christine Bard, dans son livre Ce que soulève la jupe, Autrement, 2010 :
Les femmes d’aujourd’hui sont citoyennes, peuvent porter les armes et contrôler leur fertilité, mais renâclent face à la perspective d’une Grande Renonciation aux parures féminines. Ce qui laisse toute sa modernité à l’appel d’Olympe de Gouges, auteure de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, qui demandait en 1792 à ses concitoyennes d’« abjurer l’aristocratie de la beauté, qui les divise et les pousse à médire les unes des autres. »

Cet article fait partie du dossier Féministes tant qu’il le faudra !.

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