France, terre d’asile ?

- temps de lecture approximatif de 14 minutes 14 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

Chaque jour ou presque, la presse fait part d'un nouveau « drame de l'immigration » : une centaine de clandestins venant de Libye et souhaitant se réfugier sur l'île de Lampedusa en Italie noyés le 1er avril, un migrant retrouvé mort dans le tunnel sous la Manche le 5 avril, un demandeur d'asile afghan mort poignardé le 6 avril à la suite d'une bagarre dans le square Villemin à Paris.

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Peu après la polémique qui accompagne la sortie du film Welcome, de Philippe Lioret, il est opportun de faire le point sur la façon dont l’Europe et la France traitent la question de l’accueil des immigrés clandestins, à un moment où l’on commence à parler de “délit de solidarité”. Au-delà de l’aspect de l’aide à la personne, il faut tenter d’appréhender ce qui se passe, depuis 2003, du côté des préfectures. Comment fait-on, lorsqu’on est fonctionnaire, pour choisir qui, parmi les demandeurs qui se pressent devant les guichets des préfectures, obtiendra la nationalité française ou sera reconduit à la frontière ? Comment la France se place-t-elle, au sein de l’Europe, par rapport à l’accueil des clandestins ? Quel rôle peut jouer l’Europe pour définir une véritable politique d’accueil et d’immigration européenne ?

L’essentiel pour comprendre

Accueillir ou reconduire : enquête sur les guichets de l’immigration, Alexis Spire, Raisons d’agir
Dès la premier chapitre, Alexis Spire pose les termes du débat : « Affirmation de la souveraineté de l’État et promotion de l’identité nationale d’un côté, défense des droits de l’homme et devoir d’hospitalité de l’autre : depuis près de trente ans, ces exigences contradictoires sont désormais ancrées dans le débat public. » Les enjeux de l’immigration, légale ou illégale, sont donc importants. Mais l’enquête d’Alexis Spire montre que les lieux où se pressent des demandeurs de papiers (préfectures, bureaux de la main d’œuvre du Ministère du travail, centres chargés de délivrer des visas) ne sont pas à leur hauteur.

Les dossiers “Immigration” sur vie-publique.fr

Une présentation et des archives sur la politique française de l’immigration, les nouveaux textes sur l’immigration et l’asile depuis 2003, le discours de Brice Hortefeux du 18 septembre 2007, le rapport de Thierry Mariani sur le projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration.

Atlas des migrations : Les routes de l’humanité, 200 cartes, tous les chiffres, Le Monde-La Vie, 2008

Depuis toujours, les hommes se sont déplacés, poussés par la recherche de terres cultivables ou chassés par les conflits. Les tensions économiques, les crises politiques, les guerres, les catastrophes naturelles continuent à jeter les migrants sur les routes. Ils représentent aujourd’hui 3 % de la population mondiale (191 millions de personnes) et constituent virtuellement le cinquième pays du monde.

Les mots de l’immigration, Sylvie Aprile, Stéphane Dufoix, Belin

Ce dictionnaire examine les mots touchant au domaine des migrations et de l’exil : mots courants de tous les registres de langue, réalités sociales et politiques, termes administratifs, du passé comme du présent.

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La législation sur l’entrée et le séjour des étrangers

En France, c’est l’article L622-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, mis à jour au 1er décembre 2008, qui règlemente l’accueil des étrangers. En voulant se donner les moyens de punir les passeurs, la loi permet de punir également les citoyens qui aident sous toute forme les clandestins.
Dans ce contexte, il est important de comprendre comment la France se place par rapport à la politique européenne de gestion des flux migratoires.
La directive européenne du 28 novembre 2002 définissant l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers fait la différence entre une aide à but lucratif et une aide à but humanitaire. Il semble alors nécessaire, en France, de faire la différence, au niveau législatif, entre aide à but lucratif et aide humanitaire, collective et individuelle. C’est ce qui se passera le 30 avril prochain à l’Assemblée Nationale, avec la proposition de loi du Groupe socialiste, radical et citoyen visant à supprimer ce qui est désormais appelé « le délit de solidarité ».

Loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité
Cette loi durcit les conditions requises pour héberger un étranger et fixe à deux ans (contre un précédemment) la durée de vie commune pour que le conjoint étranger puisse obtenir la carte de résident. Elle crée un fichier d’empreintes digitales et de photos à partir des visas et des contrôles à la frontière, prolonge la durée maximale de rétention administrative (32 jours) et alourdit les sanctions contre les “passeurs” de clandestins.

Entrée et séjour des étrangers en France, les textes, Groupe d’Information et de Soutien des Immigrés, Les Notes juridiques, 2008.
Cette « Note juridique » a pour but de mettre à la disposition de tous ceux qui en ont besoin les principaux textes en vigueur concernant l’entrée, le séjour et l’éloignement des étrangers. Elle comporte pour l’essentiel le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda). Ainsi conçue, cette publication constitue le complément du Guide de l’entrée et du séjour des étrangers en France (La Découverte, 2008).

A découvrir : le site du GISTI

Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés

La Convention de Genève définit les modalités selon lesquelles un État doit accorder le statut de réfugié aux personnes qui en font la demande, ainsi que les droits et devoirs de ces personnes. Elle a été adoptée du 28 juillet 1951.

Convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides

Cette Convention définit le statut d’apatride, c’est-à-dire une personne qu’aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation. »

Règlement de Dublin du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers.

Le Règlement de Dublin a été voté afin de mettre en place une politique commune, incluant un régime d’asile européen commun « à ceux qui, poussés par les circonstances, recherchent légitimement une protection dans la Communauté. » Il détermine donc les compétences en matière d’asile entre chaque pays. Il fixe les critères relatifs au pays compétent pour traiter la demande (État avec lequel le requérant a le plus de liens, familiaux par exemple, ou premier État dans lequel il est arrivé) et évite qu’un requérant débouté ne dépose une autre demande d’asile dans une autre État de l’Union européenne. Dans les faits, il permet parfois aux États de renvoyer les migrants vers le premier État de l’Union dans lequel ils sont arrivés, et ainsi de se décharger de leur responsabilité d’accueil (c’est ce qui est reproché, notamment, à l’Angleterre).

Directive européenne 2002/90/CE du Conseil du 28 novembre 2002 définissant l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers.

Cette directive déclare que chaque État membre « adopte des sanctions appropriées à l’encontre de quiconque aide sciemment une personne non ressortissante d’un État membre à pénétrer sur le territoire d’un État membre ou à transiter par le territoire d’un tel État, en violation de la législation de cet État relative à l’entrée ou au transit des étrangers ; à l’encontre de quiconque aide sciemment, dans un but lucratif, une personne non ressortissante d’un État membre à séjourner sur le territoire d’un État membre en violation de la législation de cet État relative au séjour des étrangers ».

Les orientations de la politique de l’immigration, Rapport au Parlement, La documentation française

Ce rapport du gouvernement au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique de l’immigration est relatif, pour l’essentiel, à l’année 2007.

Sur les politiques migratoires

France – Allemagne, Politiques d’immigration et identités nationales, janvier-février 2009
Principaux pays d’immigration en Europe, les attitudes de la France et de l’Allemagne face aux enjeux associés aux migrations divergent sur certains points. La politique française d’immigration restrictive a mis en place des outils d’intégration en direction des nouveaux arrivants en situation régulière et questionne son modèle d’intégration républicaine. Pendant ce temps, suite à la chute du mur, l’Allemagne a du accueillir plusieurs millions d’étrangers et d’Aussiedler et a réformé son droit de la nationalité (jus soli) et conduit une politique d’immigration sélective en fonction des besoins de son économie. Dans ce cadre général, le dossier d’Hommes & Migrations apporte des éclairages et des analyses principalement sur la situation de l’Allemagne.
Sommaire sur le site de la revue.

Vers un droit à la mobilité, Migrations Société, n°121, vol.21, janvier 2009-04-23
Sommaire

Regards croisées sur les politiques françaises d’immigration, Migrations Société, n°117-118, vol.20, mai 2008
Numéro consacré à un colloque qui a réuni des acteurs français et européens de l’immigration, institutionnels, politiques et associatifs, chercheurs universitaires spécialistes des politiques migratoires. Il veut rappeler les avancées, les erreurs, les peurs, les immobilismes durant les trente dernières années.
Sommaire

Atlas mondial des migrations : réguler ou réprimer, gouverner, Catherine Wihtol de Wenden, Le Mémorial de Caen / Autrement
Le profil des migrants change, leur nombre augmente et les politiques, nationales ou régionales, sont souvent inadaptées, créant des situations dramatiques. Les débats et les actions menées oscillent selon les cas entre régulation et répression. L’auteur démontre le caractère au mieux limité, au pire absurde, de cette alternative. Il faut au contraire adapter les politiques et leur donner du sens, que les migrants, les pays d’accueil et de départ tirent le meilleur profit de la mobilité. L’actualisation de cet ouvrage pointe deux phénomènes incontournables pour les prochaines années : trouver un statut pour les réfugiés environnementaux, élaborer un droit universel à la migration.

Pour un autre regard sur les migrations : construire une gouvernance mondiale, Bertrand Badie, Rony Brauman, Emmanuel Decaux…, La Découverte
A partir d’analyses pluridisciplinaires, cet ouvrage donne un regard différent sur les migrations et propose des pistes concrètes. A rebours des politiques contre-productives de fermeture des frontières, une ” bonne mobilité ” abaisserait les coûts des migrations et en régulerait les flux et les incertitudes par une assistance et une information adéquates. Les auteurs préconisent une gouvernance mondiale qui associerait, aux côtés des États, les syndicats, les entreprises et la société civile.

Le temps des immigrés : essai sur le destin de la population française », de François Héran, Seuil
Les projections démographiques annoncent que la migration sera d’ici une génération le principal, voire l’unique facteur de croissance de la population. Aucun pilotage du solde migratoire, aucun ralentissement du regroupement familial ne sera de taille à inverser cette tendance, sauf à rêver d’immigration zéro ou d’un chimérique baby-boom. Effet d’une infusion durable et non d’une intrusion massive, le brassage des populations dans la société française est un défi à relever, au même titre que le vieillissement. Pour y faire face, mieux vaut discuter des principes que de briser des tabous. Quitte à repenser nos conceptions du volontarisme et de la souveraineté.
A voir en ligne, la conférence de François Héran à la Bibliothèque municipale de Lyon.

Camps d’étrangers, Marc Bernardot, Ed. du Croquant
L’auteur propose une sociologie historique des camps d’étrangers en France depuis la Première Guerre mondiale. A partir d’enquêtes et sources d’archives il s’agit de mettre en perspective la manière dont les pouvoirs publics, et principalement la police nationale, ont mis en place et géré des lieux d’internement administratif des étrangers. Cet ouvrage questionne tout d’abord le terme de camp, objet difficile et source de polémiques qui décrit une réalité multiforme. Il examine ensuite la technique de la mise en camp et les formes variées que prennent les camps d’étrangers selon les contextes et les objectifs des pouvoirs publics, la lutte contre un ennemi de l’intérieur, l’accueil ” humanitaire ” provisoire, l’épuration politique, l’expulsion de l’étranger. Il s’intéresse enfin à ces populations mises au secret de migrants, de déplacés, de réfugiés, d’exilés.

Immigrés clandestins, qui sont-ils ?

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Entre chagrin et néant. Audiences d’étrangers, de Marie Cosnay, éditions Laurence Teper – la Ligue des droits de l’homme.
Ce livre présente des dialogues saisis lors d’audiences de sans-papiers, présentés au juge des libertés et de la détention de Bayonne, de mai à septembre 2008. Il dénonce la rétention et les expulsions en Europe et en France. En essayant d’aller plus loin que des « cas » purement administratifs, Laurence Teper s’efforce, à travers ces dialogues, de rendre aux personnes leur dignité. A travers ces témoignages, les conditions de vie difficiles des sans papiers dans les centres de rétention sont mises en lumière.

Les routes clandestines : l’Afrique des immigrés et des passeurs, Serge Daniel, Hachette Littératures
Dans un périple de plusieurs mois qui l’a conduit de Lagos, capitale du Nigeria, à Ceuta, enclave espagnole en territoire marocain, en passant notamment par Lomé et Accra, Gao au Mali et Tinzaouatène à la frontière entre le Mali et l’Algérie, Serge Daniel a partagé le sort des immigrés clandestins en route vers l’Europe. Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Comment font-ils ? Les parcours de ces déshérités sont d’abord des aventures humaines singulières.

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Autour du film Welcome

Entretien avec Jean-Claude Lenoir, de l’association Salam, Isabelle Regnier, Le Monde, 11/03/09
Cet entretien avec un des fondateurs de l’association Salam témoigne de la réalité vécue par les migrants et ceux qui leur viennent en aide à Calais. Il permet en outre de comprendre en quoi les images du film Welcome se rapprochent ou non de la réalité : par exemple, Jean-Claude Lenoir déclare que la délation, à l’œuvre dans le film de Philippe Lioret, n’existe quasiment pas à Calais. En revanche, les clandestins sont soumis à des matraquages et des gazages assez quotidiennement.

L’association calaisienne Salam, qui combat toutes les formes de racisme et de discrimination, est née après la fermeture du centre de rétention de Sangatte en novembre 2002. Elle a pour objectif d’apporter une aide humanitaire aux migrants (soins, hygiène, nourriture, vêtements), de renseigner et de soutenir dans leurs démarches administratives les demandeurs d’asile, d’informer et de sensibiliser l’opinion publique sur la situation des migrants dans le Calaisis, et de mener des actions en faveur des populations de pays en difficultés. Enfin, elle soutient juridiquement les membres de l’association.

France Terre d’Asile est une association fondée en 1970, qui a pour mission de maintenir, de développer et de garantir en France la tradition de l’asile, en veillant notamment à l’application de toutes les conventions internationales pertinentes. Il s’agit pour l’association d’aider toutes les personnes en situation de migration de droit, en particulier celles répondant aux définitions de « réfugié » et « d’apatride » précisées par les conventions internationales. L’association vient également en aide aux personnes ne bénéficiant pas du statut légal de réfugié ou apatride.

Née en 1939, la Cimade « a pour but de manifester une solidarité active avec ceux qui souffrent, qui sont opprimés et exploités et d’assurer leur défense, quelles que soient leur nationalité, leur position politique ou religieuse. » Elle a pour mission d’accueillir et d’accompagner plusieurs dizaines de milliers de migrants et de demandeurs d’asile. Elle contribue ainsi à leur insertion par l’organisation de formations spécifiques. Elle apporte également son expertise et ses conseils aux étrangers afin qu’ils puissent faire respecter leurs droits, de concert avec des associations étrangères de défense des droits des migrants. Enfin, seule intervenante dans les centres de rétention administrative jusqu’au décret du 22 août 2008, elle avait pour mission d’accompagner et de défendre les droits des étrangers contraints de quitter le territoire.
La Cimade a notamment publié en mai 2008 Devant la loi. Enquête sur les conditions d’accueil des étrangers dans les préfectures, coécrit par Sarah Belaïsch, Mylène Chambon, Alexis Spire et Pauline Vermeren.

Le Réseau éducation sans frontières, ou RESF, est un réseau composé de collectifs, de mouvements associatifs, de mouvements syndicaux et de personnes issues de la société civile militant contre l’expulsion d’enfants scolarisés en France liée à celle de leurs parents en situation irrégulière. Le Réseau, ayant pour but de permettre aux personnes scolarisées en France de rester sur le territoire si elles le souhaitent, demande donc, non seulement la régularisation des jeunes étudiants et lycéens majeurs, mais également celle des parents d’enfants scolarisés en France (au nom de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et les jeunes mineurs étant déjà en situation régulière). À plusieurs reprises, des membres de RESF ont caché et pris soin d’enfants scolarisés dont les parents sont menacés par des expulsions.

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Les polémiques autour de la dénomination du Ministère « identité nationale et immigration » et de l’inauguration de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI) repose la question du lien entre construction nationale et immigration.

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Qu’est-ce que l’immigration choisie, orientation de la politique migratoire de la France instaurée par la loi du 24 juillet 2006.

Cet article fait partie du dossier Etranges étrangers….

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