A l'ombre des trottoirs
Publié le 04/12/2007 à 14:54
- 19 min -
Modifié le 30/09/2022
par
Admin linflux
[actu]L’essentiel pour comprendre[actu]
Pour revenir sur l’histoire de la prostitution et démonter l’idée reçue introduisant notre propos, (re)venez sur le point sur l’actu réalisé à l’occasion des 60 ans de la loi Marthe Richard.
La prostitution, Malika NOR, Le Cavalier Bleu Comme pour tous les titres cette collection, l’ouvrage reprend et décortique les “Idées reçues” concernant la prostitution. Un éclairage à la fois distancié et approfondi qui permet d’avoir une première approche du phénomène.
La prostitution est-elle une soumission ? , Marie-Élisabeth HANDMAN, Sciences Humaines Une présentation claire des différents points de vue sur la prostitution. Mal nécessaire pour les uns, lieu même de la soumission des femmes pour les autres, la prostitution a très mauvaise presse. Est-ce parce que le stigmate qui pèse sur cette sexualité vénale est celui de l’esclave, ou bien au contraire celui de la femme trop libre ?
La condition prostituée, Lilian MATHIEU, Textuel
Cette étude croise observations de terrain et analyse de son traitement social et idéologique. Son objectif déclaré est de restituer toute l’hétérogénéité de cet « espace social » face à ces discours humanistes ou pragmatiques souvent réducteurs et inadaptés aux situations vécues. L’auteur suggère d’envisager la prostitution avant tout comme un moyen de subsistance. Elle naît en effet de la rencontre entre une représentation pulsionnelle de la sexualité masculine et une précarité matérielle touchant massivement les femmes. Elle est une « zone de relégation dont l’entrée suppose toujours une forme de contrainte » et un univers violent nécessitant des « savoirs faire protecteurs », elle n’en reste pas moins composite dans les manières de l’exercer et de l’assumer.
Commentaires : Voir : “Le plus vieux métier du monde”
[actu]
Quels visages de la prostitution aujourd’hui ?[actu]
Prostitution : marchés, organisation, mobilisations, -Travail, Genre et société, octobre 2003
_Des articles très divers dans ce numéro de par les points de vue choisis et les thématiques abordées : alliances et mésententes entre prostituées et féministes depuis les années 1975, coup d’oeil historique sur le régime de Vichy et la réglementation de la prostitution par les occupants, préoccupations d’actualité avec le trafic des femmes aujourd’hui en Europe du Sud-Est, réflexions psychanalytiques autour des enjeux psychiques de la démarche prostitutionnelle, sans négliger les analyses sur la clientèle.
Le livre noir de la prostitution, Christian GETTNER, La pieuvre noire
Ce livre lève le voile sur la stupéfiante faune des prostitués occasionnels. Aboutissement de deux ans d’enquête, ce livre propose au lecteur une initiation aux nouveaux codes de la prostitution clandestine, avec ses règles, ses pièges, ses lieux chauds et cercles très fermés et leurs pratiques.
Le sexe et l’argent des trottoirs-> Catherine DESCHAMPS, Hachette Littératures
Se fondant sur une observation de plusieurs années sur le bitume parisien, l’ethnologue Catherine Deschamps déroule un ensemble de questionnements associés à ce qui caractérise la prostitution au plus près des “faits de trottoirs”. Le récit tiré de cette expérience de terrain nous entraîne dans l’univers de la prostitution, avec un regard et une méthode empruntés à l’ethnographie qui se révèlent très féconds. Cet ouvrage dresse un rapport sur la prostitution à l’heure de la mondialisation. L’auteure souligne les dangers qui menacent les professionnels (souillures, maladie, exigences du client) et s’intéresse au rapport commercial introduit par le client.
Les clients
Les clients de la prostitution : l’enquête, Saïd BOUAMAMA et Claudine LEGARDINIER, Ed. Presses de la Renaissance
Ce livre reprend les résultats d’une enquête réalisée la demande du mouvement du NID en 2004 qui avait pour objectif principal d’étudier l’ampleur et les caractéristiques des préjugés véhiculés sur l’homme en tant que client de la prostitution afin de mettre en place des messages de prévention. 95 clients ont accepté de parler de ce qui les pousse à recourir à la prostitution et de leurs justifications face à ce choix. Le client se considère souvent comme une victime et tente d’occulter la réalité de la violence prostitutionnelle, qui serait seulement le fait du proxénète. L’immense désir de normalité avancé par ces hommes remet en cause nos modèles éducatifs, encore marqués par une vision inégalitaire des sexualités masculine et féminine.
Complément sur l’enquête :
L’homme en question. Le processus du devenir-client de la prostitution
Qui profite de la prostitution ?, Mona CHOLLET, Le Monde Diplomatique]
Masculin et féminin dans la transaction
La prostitution féminine est celle dont on parle le plus communément. Or la part d’hommes dans cet « espace social » (L. Mathieu) ne doit pas être négligée par l’analyse et celle-ci tend d’ailleurs à montrer la présence du féminin dans cette transaction.
Prostitution : les uns, les unes, les autres, WELZER-LANG Daniel, MATHIEU Lilian, BARBOSA Odette, Métailié
Ce livre, quoiqu’un peu ancien, donne à voir une dimension peu connue, mais apparemment ordinaire, de la prostitution : le recours à des travestis par des hommes hétérosexuels.
Les cow-boys de la nuit : travailleurs du sexe en Amérique du Nord, Michel DORAIS, Montblanc L’auteur, chercheur canadien, travaille depuis de longues années sur la sexualité masculine. Cet ouvrage, étude clinique de la prostitution masculine (40 récits de vie permettent de dégager quatre scénarios : la dérive, l’appoint, l’appartenance, la libération), s’intéresse à la prostitution masculine en Amérique du Nord.
[actu]Mutations internationales de la prostitution[actu]
“Pornification” du monde
A l’échelle mondiale, le commerce des corps des femmes, des hommes et des enfants, est sans limite et source de fabuleux profits. Aspect pervers d’une mondialisation, cette merchandisation des corps contribue au développement des trafics, conduit à une industrialisation du sexe marchand et banalise l’idée que l’on peut consommer de la sexualité fondée sur la violence et la soumission.
Les trafics du sexe : femmes et enfants marchandises, Claudine Legardinier, Milan
Synthèse pédgogique et forte, sans voyeurisme ni sensationnel, pour décrire ce phénomène mondial de réduction d’un nombre croissant de femmes et d’enfants à l’état de marchandises sexuelles.
La mondialisation des industries du sexe, Richard POULAIN, Ed. Imago
Analyse rigoureuse du système complexe des industries du sexe, cet ouvrage dénonce clairement le libéralisme économique de la mondialisation des marchés qui a permis l’expansion de cette industrie lucrative qui exploite le corps des femmes et des enfants au nom de la domination masculine.
Prostitution et migration
La chute du Mur de Berlin a introduit une nouvelle donne. On a pu constater alors une arrivée massive de filles des pays de l’est sur les trottoirs de nos villes. Victimes de réseaux internationaux très violents, ces femmes subissent des atrocités que les médias relaient souvent. Mais si la proportion d’étrangers incriminés dans les affaires de proxénétisme augmente, c’est aussi que dans le contexte de la mondialisation, les sources d’approvisionnement se diversifient : Afrique, Asie et Amérique du Sud.
L’esclavage sexuel : un défi à l’Europe, sous la direction de Matiada Ngalikpima, Les Editions de Paris, Fondation Scelles La traite des êtres humains touche en Europe entre 120 000 et 500 000 personnes. D’après Interpol, un proxénète y gagnerait approximativement pour une fille 110 000 euros par an. L’élargissement de l’Union européenne à dix nouveaux pays membres du centre et de l’est de l’Europe a encore accentué le défi auquel elle se trouve confrontée. La prostitution africaine se situe juste derrière celle des filles de l’est en nombre de victimes.
Dans cet ouvrage, la Fondation Scelles, membre de la Fédération Abolitionniste Internationale, ancre la question de l’exploitation sexuelle dans l’espace européen. Il analyse à la fois les pratiques des réseaux de trafiquants sur le territoire européen, et les actuelles politiques mises en oeuvre dans les pays européens (législatives, policières et sociales).
Et aussi
Prostitution : l’esclavage des filles de l’est, Jelena BJELICA, Paris Méditerranée et Amis de Paris-Méditerranée
De la Roumanie à la France, Jelena Bjelica remonte les filières du crime organisé et de la prostitution. Rencontres, témoignages, son récit donne la parole aux femmes bafouées et aux organisations qui les défendent.
Lilian Mathieu est critique sur l’usage de la notion de « traite », centrale dans les discours de nombreuses associations ainsi que dans les réformes législatives. Il y a pourtant bien eu depuis le milieu des années 90 une arrivée massive de femmes des pays d’Europe de l’est et d’Afrique noire dans les métropoles d’Europe centrale. Mais, souligne-t-il encore, d’une part, sous le discours humaniste se cache une perception ambivalente des victimes, à la fois « innocentes jeunes filles à sauver des griffes de leur souteneurs et de leurs clients et […] dangereuses et indésirables créatures dont le corps social doit être purgé » (p. 34). D’autre part, en mettant l’accent sur les filières du proxénétisme, les médias ont occulté le fait que les femmes ne sont pas uniquement victimes mais poursuivent volontairement des projets migratoires.
Bien des travaux sur la prostitution donnent à voir l’une ou l’autre de ces deux perceptions divergentes. Par exemple :
Prostitution et immigration des femmes Latino-Américaines en Espagne”, Laura OSO CASAS, in Les Cahiers du Genre, Travail et Mondialisation, confrontation Nord/sud, 40/ 2006, pp. 92-11
« Sex and the City » : la prostitution à l’ère des migrations mondiales, Lillian S. ROBINSON, Migrations, 2002 Comme caractéristique du développement capitaliste, la migration économique a toujours entraîné le travail sexuel. À l’heure de la mondialisation, cela signifie pour beaucoup de femmes, qui émigrent du village à la grande ville dans leur propre pays ou du pays natal à l’étranger, un choix imposé par les circonstances. Cet article examine surtout la décision d’émigrer, les moyens empruntés et la situation à l’étranger de celles – la grande majorité, d’ailleurs – qui n’ont pas été victimes d’un trafic, mais qui ont exercé ce choix imposé. Le rôle dans l’émigration des travailleuses sexuelles et des clients « émigrés » en tant que touristes sexuels fait partie de la discussion, ainsi que d’autres caractéristiques économiques et culturelles.
[actu]La prostitution au regard de la morale et du droit[actu]
Au cours de l’histoire, trois raisons ont été invoquées pour limiter la liberté sexuelle : les bonnes mœurs, argument relégué avec le déclin de la religion ; la dignité, affectant un rôle paternaliste à l’Etat incompatible avec l’idéologie libérale ; et plus récemment, l’égalité des sexes justifiant un interventionnisme accru.
Voir : La liberté sexuelle, Daniel BORILLO, Daniele LOCHAK , PUF, pp 65- 88.
Les politiques publiques
Rappel des principaux textes de loi nationaux et internationaux :
Jean François Chassaing, « Le consentement. Réflexion historique sur une incertitude du droit pénal », in La liberté sexuelle , Daniel BORILLO, Daniele LOCHAK (dir.)(pp.65- 88).
A la suite de la Révolution Française, le consentement devient en droit le critère principal permettant de juger de la légitimité d’une pratique sexuelle. Bien que largement réprouvée d’un point de vue moral, la prostitution des femmes majeures, de même que le fait pour un homme d’en retirer des gains, sont dépénalisés dès lors qu’ils ne reposent pas sur la contrainte. Toutefois, à la faveur d’une volonté politique de moralisation et sur la base de motifs sanitaires, la prostitution est de plus en plus encadrée (sans évolution juridique) par la police des mœurs dès la fin du XIXe siècle. Hormis pour le proxénétisme, de nouveau pénalisé dès le début du XXe siècle, le législateur ne se prononce pas sur la prostitution avant la loi de 1946, dite Marthe Richard, du 13 avril 1946 (Loi n° 46-685) interdisant les maisons de tolérance sur tout le territoire français (et mettant fin au contrôle sanitaire policier) au nom de la dignité de la femme.
On passe ainsi d’un système réglementariste dans lequel la prostitution est autorisée et soumise à des règles précises (maisons de tolérance, carte sanitaire, inscription au fichier de police) à un système abolitionniste dans lequel la police intervient sur sa conséquence publique et lutte contre le proxénétisme. Les personnes prostituées elles-mêmes ne sont considérées comme délinquantes que dans le cas de « racolage actif ». Des services sociaux sont appelés à mettre en oeuvre la prévention de la prostitution et un accompagnement pour les personnes désirant quitter la prostitution (lois du 13 avril 1946 et du 25 novembre 1960).
Sur un plan international, la convention de Genève du 2 décembre 1949 va dans le même sens, se référant au phénomène de « traite » des êtres humains, insistant sur la dimension de la dignité humaine et relativisant la notion de consentement.
La loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003 crée de nouveaux délits et sanctions concernant notamment la mendicité, le squat et la prostitution. Dans ce dernier cas, le délit de « racolage passif », c’est-à-dire « le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder au racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations sexuelles en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération », est puni de 2 mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende (article L. 225-10-1).
Prostitution : légaliser ou pas ? L’UNESCO décrit les différent régime juridiques pouvant encadrer la prostitution et donne des exemples à travers le monde ainsi que les points de vue contradictoires qui alimentent le débat en France entre abolitionnistes et libéraux.
Action publique et prostitution, sous la direction de Jean DANET et Véronique GUIENNE, PUR
Maitre de conférence en droit et professeur de sociologie, Jean Danet et Véronique Guienne ont dirigé cet ouvrage pluridisciplinaire dans lequel ils se sont efforcés de déconstruire ce que l’on présente comme la prostitution et abordent l’action publique comme étant à la fois ce qui a fabriqué cette population mais aussi comme étant une réponse aux préjugés. Ils y analysent les politiques publiques mises en place depuis 2003 sur les questions relatives à la prostitution.
Lois sur le racolage passif
La prostitution à Paris, dir. Marie-Elisabeth HANDMANN, Janine MOSSZ-LAVAU, La Martinière
Cet ouvrage analyse finement les répercussions de la Loi sur la sécurité intérieure dans le milieu de la prostitution.
Démontant les mécanismes de la stigmatisation qui frappe les prostitué(e)s, il propose aussi des mesures en leur faveur.
Selon Lilian Mathieu, la Loi sur la Sécurité Intérieure « a servi de paravent humaniste à une politique de répression de l’immigration ‘non choisie’ qui, dans ses applications concrètes, s’avère violemment préjudiciable pour les personnes qu’elle prétend pourtant libérer de la contrainte, sans parvenir à réellement entraver l’action de ceux qui les exploitent et les violentent ». Il insiste sur « ses conséquences délétères (violences policières, dépendance accrue à l’égard des proxénètes, plus fortes exposition aux agressions, dégradation de la situation sanitaire, moindre accès aux organismes d’assistance,etc)… ».
Lire cet entretien de Lilian Mathieu dans Le Courrier : Sarkozy met les prostituées sous pression depuis 3 ans
[actu]Travail social et médiation[actu]
De fait, la loi sur la sécurité intérieure a bouleversé les conditions d’exercice de la prostitution des acteurs présents sur le terrain. Voir par exemple le travail de : MFPF
Collectif des droits des femmes
Toutefois, dans les faits, l’alliance s’est avérée impossible entre les positions manichéennes présentes sur le terrain du débat sur la prostitution.
Associations abolitionnistes
Ni “mal nécessaire”, ni “fatalité”, ni “métier”, la prostitution ne se réduit pas à une démarche privée. Une approche globale de ses causes, de ses conséquences et de ses enjeux peut enrayer son développement et conduire à sa disparition.
Associations de santé communautaire à parité avec les prostituées
Cabiria
Voir leurs Rapports d’activité
PASST
Voir Transgenres : combat contre la discrimination, C. CAVRAL
Organisations défendant le « travail du sexe »
[actu]Points de vue de prostituées[actu]
Une sélection :
La passe imaginaire, Griselidis REAL, Verticales Phase deux
–Histoire d’une prostituée, Clara DUPONT-MONOD, Cabiria
–J’ai des choses à vous dire, Claire CARTHONNET, Laffont
L’action sociale conduit-elle à stigmatiser les prostituées ? Voir…
Comment identifiait-on les prostituées au Moyen Age ? Voir…
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