Les “invisibles” face à la maladie

- temps de lecture approximatif de 13 minutes 13 min - Modifié le 06/12/2017 par Pam

Les femmes, les plus de 50 ans et les étrangers, des populations de plus en plus exposées au sida, et peu médiatisées.

Contre le Sida, Keith Haring
Contre le Sida, Keith Haring Fresque murale, Patian (Own work) [CC BY-SA 3.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons

Le VIH chez les femmes

 

 

Trop longtemps, sida et homosexualité masculine ont été souvent associés. Mais on oublie que les femmes représentent un tiers des nouvelles contaminations par le VIH chaque année en France. Si de nombreuses initiatives de sensibilisation sont tournées vers la communauté gay, un collectif, VI(H)E Plurielles, marrainé par Princess Erika, a décidé de s’intéresser aux femmes. En vingt ans en France, le nombre de femmes contaminées par le VIH a doublé.

Chez celles nées en France, on a vu apparaître, au-delà des prostituées et des toxicomanes, une nouvelle catégorie de femmes à risques, souvent diagnostiquées tardivement. Selon le Dr Karine Lacombe, infectiologue au CHU de Saint-Antoine à Paris, il s’agit des femmes de plus de 50 ans qui “n’ont pas le réflexe du préservatif” lorsqu’elles refont leur vie après une séparation et un divorce.

Les quelques 50.000 femmes séropositives qui vivent en France éprouvent par ailleurs des difficultés à recevoir un suivi gynécologique approprié alors qu’elles sont plus sensibles à la contamination.

(source : Huffington post)

 

Des chiffres sans appel :

ONU   :

– En 2015, à l’échelle mondiale, environ 17,8 millions de femmes (de 15 ans et plus) vivaient avec le VIH, représentant 51 % de toute la population d’adultes vivant avec le VIH

– 58 % des nouveaux cas d’infection par le VIH chez les jeunes de 15 à 24 ans en 2015 touchaient des adolescentes et des jeunes femmes

– Les différences régionales concernant les nouveaux cas d’infection par le VIH chez les jeunes femmes et la proportion de femmes (de 15 ans et plus) vivant avec le VIH par rapport aux hommes sont considérables, et elles sont encore plus importantes entre les jeunes femmes (de 15 à 24 ans) et les jeunes hommes infectés :

  • En Afrique subsaharienne, 56 % des nouveaux cas d’infection par le VIH ont touché des femmes, et ce taux a été encore plus élevé chez les jeunes femmes de 15 à 24 ans, représentant 66 % des nouveaux cas d’infection.
  • Aux Caraïbes, les femmes ont représenté 35 % des adultes nouvellement infectés, et 46 % des nouveaux cas d’infections ont touché les jeunes femmes de 15 à 24 ans.
  • En Europe de l’Est et en Asie centrale, 31 % des nouveaux cas d’infection par le VIH ont touché des femmes ; toutefois, le taux des nouveaux cas d’infection touchant les jeunes femmes de 15 à 24 ans a atteint le 46 %.
  • Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, les femmes représentent 38 % des adultes nouvellement infectés, alors que 48 % des jeunes femmes de 15 à 24 ans sont nouvellement infectées.
  • En Amérique latine, les femmes ont représenté 29 % des personnes nouvellement infectées, alors que 36 % des jeunes femmes de 15 à 24 ans ont été nouvellement infectées.
  • Dans la région de l’Asie-Pacifique, 32 % des nouveaux cas d’infection ont touché des femmes, le chiffre des personnes affectées atteignant les 41 % chez les jeunes femmes.
  • En Europe occidentale, en Europe centrale et en Amérique du Nord, 22 % des nouveaux cas d’infection ont touché des femmes, ce taux étant plus élevé chez les jeunes femmes de 15 à 24 ans, avec 29 % de nouveaux cas d’infection.

– Les gouvernements reconnaissent de plus en plus l’importance de l’égalité des sexes dans les interventions face au VIH qui sont menées à l’échelle nationale. Cependant, seulement 57 % (sur les 104 pays qui ont soumis des données) d’entre eux disposaient d’un budget spécifique

 

Rfi :

Les femmes, premières victimes du Sida dans le monde.

Fin 2015

  • 37,6 Millions de personnes séropositives
  • 2,3 Millions d’adolescentes et de jeunes femmes
  • 1100 jeunes femmes infectées chaque jour
  • Faits aggravants : les violences conjugales augmentent le risque de contracter le VIH, 45 % des adolescentes ont vécu une première expérience sexuelle forcée, 3 sur 10 adolescentes ou jeunes femmes entre 15 et 24 ans ont de réelles connaissances sur le VIH.

 

20 minutes:

Les femmes sont plus touchées que les hommes par le sida (63% de tous les jeunes adultes de 15 à 24 ans vivant avec le virus sont des femmes) et c’est la principale cause de mortalité des femmes en âge de procréer.

Sur les 2,2 millions d’adolescents qui vivaient avec le sida dans le monde en 2011, 1,3 million étaient des filles.

Aux Etats-Unis, qui accueillent la conférence internationale biennale sur le sida pour la première fois depuis 22 ans, ce sont les femmes noires qui sont les plus touchées par l’épidémie derrière les homosexuels afro-américains.

Dans de nombreux pays les femmes ne sont pas en mesure d’exiger que leur partenaire utilise un préservatif et elles sont aussi plus souvent victimes de rapports sexuels forcés.

 

Inist :

La proportion de femmes atteintes de sida a presque doublé en 20 ans .

Selon le rapport de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) de 2009, les cas de sida dans la population hétérosexuelle augmentent, avec un pourcentage 3 à 8 fois plus important chez les femmes que chez les hommes.

Les pressions sociales, culturelles et économiques qui ne permettent pas aux femmes d’assurer leur prévention et génèrent leur plus grande vulnérabilité vis-à-vis du VIH sont révélatrices des limites de l’émancipation des femmes au niveau de leur sexualité.

La découverte de séropositivité VIH concerne plus fortement des femmes de nationalité étrangère.
En 2006, les femmes représentent 36% des découvertes de séropositivité au VIH. Parmi ces femmes, la moitié sont de nationalité africaine avec une forte proportion originaire du Cameroun et de Côte d’Ivoire.

La plupart des femmes ont été contaminées lors de rapports hétérosexuels, une proportion minime a été infectée suite à un partage de seringues (3% des femmes françaises).

La prévalence des co-infections VIH et hépatites chroniques chez les femmes est proche de celle observée chez les hommes : prévalence de l’hépatite C chronique (ARN VHC positif) à 17,6% et de l’hépatite B chronique (Ag HBs positif) à 4%.

 

Dreamstime Femmes Sida

 

Quelques articles significatifs  :

Act Up Paris :

PrEPs (traitement antirétroviral qui pourrait être utilisé par une personne séronégative afin de la protèger du risque de contamination lors de rapports sexuels), inclusion des femmes dans la recherche médicale, premiers Etats généraux Femmes et sida, addictions au féminin, sexualité, prévention, … de nombreuses questions sous l’angle féminin analysées sur cette page (ainsi que des adresses utiles : contacts Act Up, Aides, ALS, CRIPS, …)

 

La Croix :

Dans le monde, le sida reste la première cause de mortalité chez les femmes de 15 à 44 ans, chaque heure en Afrique, environ 34 jeunes femmes , chaque semaine, 7 000, ont contaminées par le virus du sida.

Et il met l’accent sur l’inégalité entre hommes et femmes, la première étant d’ordre biologique (lors d’un rapport sexuel, le risque de transmission du virus est deux fois plus élevé de l’homme vers la femme, qui présente une surface plus grande de muqueuses exposées aux sécrétions sexuelles et aux micro-déchirures pouvant faciliter la transmission du virus) et la seconde étant sociale et économique (en situation de dépendance économique vis-à-vis de leur mari, seules les femmes financièrement plus autonomes négocient plus facilement l’usage du préservatif).

 

Site Durable :

Malgré la baisse des taux de contamination dans le monde, le nombre de personnes vivant avec le VIH ne cesse d’augmenter. Conséquence directe dans les pays pauvres : très souvent, les femmes séropositives subissent le rejet de leur famille et de la société et sombrent dans l’extrême pauvreté. Des programmes d’aide enclenchés ont permis à des centaines de milliers de femmes de se faire soigner, d’obtenir un emploi, de devenir autonomes et de financer l’éducation de leurs enfants, ce qui a des répercussions notables sur le développement économique et social de leur pays.

 

Revue humanitaire :

Ce sont les sociétés à travers le monde, les facteurs socio-économiques, les inégalités juridiques et culturelles, les inégalités en matière d’éducation, etc., qui les mettent dans une situation de plus grande vulnérabilité sociale et économique, et donc de plus grande exposition aux risques, notamment par rapport au sida : l’illettrisme touche plus les femmes que les hommes (21 % contre 12 %), l’accès à un travail rémunérateur est plus difficile pour une femme, certaines normes sociales entraînent l’ignorance des questions sexuelles chez les femmes (seules 38 % des jeunes femmes sont capables de décrire les principaux moyens d’éviter l’infection par le VIH contre 80 % des jeunes hommes). Soulignons le « scandale » du préservatif féminin, méconnu, d’un coût dix fois plus élevé que celui de son homologue masculin et qui pourtant donne à la femme une réelle maîtrise de sa protection comme le permettrait l’usage des microbicides pour lesquels la recherche est aujourd’hui prometteuse et porteuse de grands espoirs.

Ainsi, en 2003, puis en 2004, les premiers états généraux « Femmes et sida » ont été marqués par une prise en compte de la parole des femmes atteintes et/ou concernées par le VIH.

 

Unaids :

Présentation du rapport Les femmes s’expriment dans lequel l’ONUSIDA analyse l’impact du VIH chez les femmes et le rôle majeur joué par celles qui vivent avec le virus dans l’éradication du sida.

Fort de 30 témoignages de femmes vivant avec le VIH, il permet de prendre conscience d’une manière directe des effets de l’épidémie et des actions menées pour réduire la propagation et l’impact du sida.

 

Article Act Up Paris :

La lutte contre le sida vue sous l’angle de la lutte féministe avec un focus sur la journée du 8 mars (Journée Internationale de Luttes pour les Droits des Femmes) et pour mot(s) d’ordre :

L’épidémie se féminise :

loin d’être une fatalité biologique, c’est une injustice sociale !

Silence = Mortes !

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=JQtoNcz6gjo

 

Le VIH chez les plus de 50 ans

 

Un risque de contamination qui augmente

Tandis que les taux de contamination restent stables chez les 15-49 ans, la propagation du virus chez les plus de 50 ans demeure préoccupante. En 2011, ceux-ci représentent 17 % des découvertes de séropositivité en France contre 12 % en 2003. Selon une étude réalisée cette année, ils concernent une infection sur 6 en Europe en 2015. Selon cette même étude, le risque de contamination est majoritairement hétérosexuel et le diagnostic intervient le plus souvent à un stade avancé de l’infection. 40 % des plus de 50 ans déclarent n’avoir jamais utilisé de préservatif dans les cinq années précédant l’enquête.

Selon l’Onusida en 2013, cette population représente 3.6 millions de personnes infectées par le virus. La majorité se trouve dans des pays à revenu faible. Dans les pays à revenu élevé ils représentent un tiers des adultes concernés.

Les facteurs d’une invisibilité

Cette chiffres conduisent à un renversement de perspective ; les jeunes ne représentent plus le public cible des campagnes de prévention. L’apparition des antirétroviraux et des trithérapies ont permis à toute une frange de la population infectée de vieillir avec le virus, population à laquelle s’ajoutent les nouveaux contaminés. Mais ces derniers restent invisibles. A titre d’exemple, et ce mise à part une récente campagne de prévention à destination des populations homosexuelle, les 50 ans et plus hétérosexuels sont absents de ces campagnes.

Campagne de prévention du Ministère de la santé en 2016

De plus, la possible présence d’une épidémie cachée inquiète les chercheurs. « L’âgisme, qui peut être défini comme la discrimination envers les personnes âgées pour le seul motif de leur âge, vient alimenter les stéréotypes selon lesquels les personnes de 50 ans et plus ne seraient pas sexuellement actives ou seraient peu enclines à la consommation de drogues et d’alcool ». A cela s’ajoute l’image d’une population masculine sujette à des difficultés érectiles : à quoi bon promouvoir l’usage du préservatif ?

Enfin, ce sont les femmes âgées qui semblent les plus vulnérable face à la maladie. L’après ménopause reste en effet un facteur aggravant pour la contamination.

Enfin, cette sous-évaluation du VIH chez les plus de 50 ans pourrait être liée à l’attribution des symptômes à d’autres problèmes de santé comme la perte de poids, les maladies respiratoires et la dégradation des aptitudes physiques ou mentales.

Cette réalité nouvelle du vieillissement des personnes infectées préoccupe de plus en plus les pouvoirs publics, à l’image d’un dossier édité par la groupe Action Plus (Groupe de travail composé malades en collaboration avec la Plate-Forme Prévention Sida) ayant pour thème « Notre avenir avec le VIH, comment bien vieillir ».

 

 

Dossier réalisé en novembre 2017 par la Plate-Frome Prévention Sida en collaboration avec le service infectiologie du CHU de Charleroi

 

 Un nécessaire travail de mobilisation

« Les gens de 50 ans et plus sont fréquemment ignorés par les services de lutte contre le VIH, » a déclaré Michel Sidibé, Directeur exécutif de l’Onusida. « Cela coûte des vies. Bien plus d’attention doit être accordée à leurs besoins spécifiques et à l’intégration des services VIH dans d’autres services de santé, auxquels les personnes de 50 ans et plus peuvent déjà avoir accès. »

Trois changements de perspective sont nécessaires. Sensibiliser le corps médical à cette augmentation des malades, adapter la prévention à cette population et élargir les programmes de dépistage à ces derniers.

On note à ce titre une seule campagne de prévention destinée aux plus de 50 ans, publiée par le magazine Têtu en 2009. Un effort gigantesque reste à faire de ce côté-là.

 

Campagne réalisée par le magazine Têtu en 2009

 

Le VIH et les étrangers en France

 

De récentes évolutions législatives

Les conditions d’hygiène insuffisantes que subissent les migrants à leur arrivée en France conduit à une prise de risque accrue et à une contamination plus importante.

Selon le Monde, 31 % des nouveaux cas diagnostiqués de VIH sont des Subsahariens, ce qui en fait le deuxième groupe le plus touché par le virus en France. Et les femmes sont encore une fois les plus touchées. De plus, la plupart contractent la maladie après leur arrivée, en cause les mauvaises conditions sanitaire auxquelles ces groupes sont confrontés. C’est ce que suggère une vidéo réalisée par Le Monde en juillet 2017.

« Garantir aux étrangers vivant en France un accès large et rapide aux soins répond à un souci tant humanitaire que de santé publique […] Alors que les trajets migratoires évoluent, les étrangers vivant ou arrivant en France, notamment d’Afrique subsaharienne, des pays de l’Est ou de pays en guerre, restent tout particulièrement touchés par les infections par le VIH, le VHB ou le VHC » explique le Conseil National du Sida et des Hépatites Virales.

Le Conseil pointe du doigt de nombreuses failles dans le système d’aide de santé et de récentes évolutions législatives qui menacent le droit à l’accès aux soins, notamment concernant le droit au séjour en France des étrangers malades.

Origine des personnes contaminées par le VIH, Patrick Garcia, La Recherche

La mobilisation des associations

La situation migratoire internationale a conduit à une prise de position des acteurs traditionnels de la lutte contre la maladie, à l’image d’Act up. La création en octobre 2017 de la commission migration au sein de l’association révèle une prise de conscience croissante de la part des acteurs investis de la mobilisation médiatique et de la prévention : « L’étude PARCOURS a montré qu’entre un tiers et la moitié des MigrantEs d’Afrique subsaharienne séropositifVEs résidant en Ile-de-France ont été contaminéEs après leur arrivée en France […] Parmi les contaminations chez les HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes), les personnes nées à l’étranger sont surreprésentées en étant 1/5. Elles sont 4/5 chez les femmes. Et 2/3 des immigréEs nouvellement contaminéEs sont néEs en Afrique subsaharienne ».

Affiche de l’étude Parcours en Ile de France pour tenter d’analyser les parcours de vie des migrants et les liens avec l’infection VIH

De son côté, l’association Comede, propose un accueil et un soutien médico-social des étrangers en situation précaire lors de leur arrivée en France. En partenariat avec Aides, l’association propose notamment des actions de lutte contre le VIH.

Le silence et l’absence de prévention

A ce titre les étrangers sont complétement absents des campagnes de prévention. Si les articles scientifiques et les ouvrages se multiplient sur la question depuis une vingtaine d’années, la question reste absente des médias traditionnels et les campagnes de prévention sont inexistantes (Cabiria, Femmes migrantes, enjeux de l’épidémie à VIH et travail du sexe : stratégies et empowerment, Cabiria, Lyon, 2005 / Fassin D, «L’indicible et l’impensé : la question immigrée dans les politiques du sida», Sciences sociales et santé, 1999, 4, 5-32).

La préoccupation de la condition des immigrés malades, et ce particulièrement durant la décennie des années 1990 (à l’image du mouvement Migrants contre le sida), reste attachée au militantisme politique, comme le souligne cet article de la Vie des Idées qui retrace l’histoire de cette mobilisation.

« Le VIH-sida a suscité une mobilisation unique des malades dont l’inventivité est incontestable mais l’épidémie a également été révélatrice des caractéristiques profondes de la société dans laquelle elle s’inscrivait. En France, les associations de malades du sida ont pu être porteuses d’un discours critique contre les politiques publiques mais ont toujours considéré l’État comme le meilleur des agents possibles pour organiser la prévention et l’accès aux soins […]. Cette proximité avec l’État et ses modes de pensées a rendu plus difficile la reconnaissance d’une parole autonome des personnes séropositives immigrées et la collaboration avec elles alors même que ce groupe social reste marqué par les catégories administratives imposées par l’État, couverture sociale et statut du point de vue du séjour restant étroitement liées, et doit opérer une rupture forte avec celui-ci pour s’émanciper ».

Aux acteurs concernés de s’emparer de la question. Libération titre d’ailleurs « Sida : alerte chez les gays et les migrants » dans son édition en ligne du 28 novembre…. Le sujet va-t-il grandir au sein de l’opinion public ?

 

 

Cet article fait partie du dossier Urgence : sida.

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