« L'Auberge rouge », une célèbre affaire criminelle ardéchoise

- temps de lecture approximatif de 21 minutes 21 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

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La tristement célèbre « Auberge rouge », lieu d’un crime situé à Peyrebeille, en Ardèche, est le sujet d’une nouvelle comédie populaire. Le film s’inspire d’une mystérieuse affaire criminelle de 1831. Un couple d’aubergistes et leur domestique, accusés de tuer leurs clients, finissent sur la guillotine. Et s’ils étaient innocents ? Si aux yeux de la population de l’époque, justice est faite, la culpabilité des accusés semble bien moins évidente actuellement.
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Les crimes de Peyrebeille – Lithographie de 1885 (Fonds BML)

@ Un crime mystérieux : quand la rumeur s’empare des faits
@ Une dramatique erreur judiciaire ?
@ L’auberge de Peyrebeille, source d’inspiration au fil des siècles

2@ Un crime mystérieux : quand la rumeur s’empare des faits2

Le lieu du crime : Peyrebeille

C’est aux frontières de l’Ardèche, à 50 km de Privas et non loin de la Haute-Loire et de la Lozère, que se trouve l’auberge de Peyrebeille, lieu supposé de plusieurs crimes sanglants du XIXe siècle. Le hameau est situé sur un plateau montagnard, près du Mont Mézenc (point culminant de l’Ardèche), à plus de 1260 m d’altitude, sur la commune de Lanarce. Les paysages sont ceux d’une nature couverte de pâturages, forêts et torrents, au climat rude.

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Carte de Peyrebeille et ses alentours en 1830

A Peyrebeille, le hameau compte quelques maisons et abrite l’auberge de Pierre Martin, comme on la désigne à l’époque du nom de son propriétaire. Ce n’est qu’après le crime qu’elle porte différents sobriquets déplaisants mais saisissants, tels que « l’auberge sanglante », le « coupe-gorge » ou « l’ossuaire ». Isolée, l’auberge se situe sur les voies de communication menant vers les départements limitrophes, ce qui lui amène sa clientèle. Toujours debout aujourd’hui, elle est un haut-lieu touristique de l’Ardèche et revendique le titre « d’authentique auberge de Peyrebeille ».

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L’authentique auberge de Peyrebeille
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Gravure de l’auberge en 1830

La Bibliothèque municipale de Lyon possède un fonds de cartes postales de toutes les époques, dont une dizaine concerne Peyrebeille. En plus des extérieurs, des clichés du four permettent d’illustrer la légende des cadavres brûlés par les Martin.

La base Joconde, catalogue collectif des musées de France, propose la consultation d’autres vues de l’auberge.

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Le Four de Peyrebeilhe (Fonds BML)

Les quatre « monstres » sur le banc des accusés

Les inculpés sont Pierre Martin, sa femme Marie Breysse, leur domestique Jean Rochette et le neveu de Pierre, André Martin. Les trois premiers finissent sous le couperet de la guillotine et seul le neveu est innocenté par la justice. Les différentes pièces judiciaires, reprises par les ouvrages sur l’affaire de l’auberge rouge, permettent de dresser le profil et l’histoire des accusés, même si les descriptions physiques sont très variables.

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Masque mortuaire de Pierre Martin

Pierre Martin, 60 ans, est installé sur le hameau de Peyrebeille depuis 1808 comme fermier puis aubergiste. Travaillant dans une auberge, il saisit la valeur commerciale de l’emplacement et, en 1818, fait construire son propre établissement, avec des écuries et une ferme : il en est le tenancier jusqu’en 1830. A partir de cette date, il loue l’auberge à un tiers et n’est donc plus l’aubergiste présent au moment du crime, ce que la justice semble « oublier ».

Marié à Marie Breysse vers 1800, Pierre et elle ont deux filles, Marie-Jeanne et Marguerite. Ils s’entourent également de leur domestique Jean Rochette. Hormis le fait que Pierre est reconnu pour son fort caractère et craint dans le voisinage, rien ne fait d’eux les « monstres » que la rumeur se plaît à dépeindre après le crime de 1831.

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Masque mortuaire
de Marie Breysse
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Masque mortuaire
de Jean Rochette

La disparition d’Antoine Enjolras : le début de l’affaire

Tout commence par la disparition du maquignon Antoine (ou Jean-Antoine) Enjolras (ou Anjolras), lors de son retour de la foire de Saint-Cirgues-en-Montagne. Celui-ci, âgé de 68 ou 72 ans, aurait perdu en chemin sa génisse. Le 12 octobre 1831, la nuit arrivant, il aurait cessé les recherches de sa bête et trouvé refuge du coté de Peyrebeille, chez les Martin selon certains témoins. Seul fait avéré, son cadavre est retrouvé sur les bords de l’Allier, à quelques kilomètres de là, le 26 octobre 1831. L’enquête est à peine commencée que l’opinion publique désigne les coupables : les époux Martin. La rumeur s’amplifie rapidement et fait naître le mythe des tenanciers sanguinaires, des « monstres » qui, en plus du crime d’Enjolras, assassinent et volent leurs clients depuis des décennies.

Les témoignages cristallisent les clichés des meurtriers assoiffés de sang et d’argent. Des clients disent avoir vu les draps du lit ou les murs tachés de sang. La nuit, les aubergistes sont vus en train de brancarder des cadavres le long des chemins. Ils font soi-disant disparaître les corps en les brûlant ou en les faisant mijoter dans la marmite de l’auberge. L’appât du gain serait le motif des crimes car, aux yeux des paysans alentours, Pierre Martin dispose d’une fortune, d’ailleurs surévaluée, forcément trop importante pour avoir été acquise honnêtement. Elle reposerait sur les larcins commis contre des clients, tel un riche marchand juif disparu aux alentours de l’auberge, et dont l’existence n’est pourtant jamais attestée.

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L’auberge sanglante de Peirebeilhe
par J. Beaujoint
Collections BML


Les ragots s’orientent également vers la vie privée des époux et une relation extraconjugale entre Marie Breysse et son domestique est évoquée. Ce dernier attise l’imagination. Hâlé, il est souvent représenté comme noir ou métis alors que rien n’indique qu’il était africain. De plus, il est dépeint comme un colosse alors que, selon les pièces judiciaires, il mesure 1,69 m.

Ces témoignages à charge éclipsent ceux des clients ayant fréquenté l’auberge paisiblement mais peu de témoignages portés à la connaissance de la chambre d’instruction sont finalement conservés pour définir les chefs d’accusation.

De l’instruction du procès à la guillotine

L’instruction du procès, au tribunal de Largentière, dure 25 mois. Le dossier est ensuite communiqué au parquet de Nîmes qui saisit la chambre d’accusation de la cour royale. En février 1833, les accusés sont écroués à la maison de justice de Privas, suite à la décision de les juger par la cour d’assises de l’Ardèche, tenant séance dans la même ville.

Le procès s’ouvre le 6 juin 1833, avec des chefs d’inculpation revus à la baisse. André Martin est ainsi mis hors de cause pour l’affaire principale d’Enjolras mais reste accusé pour une tentative d’assassinat. Pierre Martin, son épouse et Jean Rochette sont accusés de deux assassinats, quatre tentatives d’assassinats et six vols. Le 25 juin 1833, les jurés donnent leur verdict : André Martin est totalement blanchi ainsi que les autres accusés en ce qui concerne les tentatives d’assassinat et les vols. Seule Marie Breysse est jugée coupable d’un larcin. Par contre, le jury les déclare coupables de la mort d’Enjolras, ce qui leur vaut l’exécution capitale. Si les trois condamnés restent impassibles, les campagnes célèbrent avec joie la sentence.

En août, le pourvoi en appel est rejeté et Louis-Philippe refuse la grâce royale, même pour Marie Breysse. Le 1er octobre, le convoi des condamnés prend la route de Peyrebeille, lieu du crime et de l’exécution. Celle-ci se déroule devant une nombreuse foule le 2 octobre 1833, comme le mentionne la Gazette des Tribunaux. Les masques mortuaires des trois condamnés sont conservés au Musée Crozatier du Puy-en-Velay.

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Brève sur l’exécution des trois condamnés (Gazette des tribunaux du 9 octobre 1833)

2@ Une dramatique erreur judiciaire ?2

« Coupables » : le verdict de Paul d’Albigny, Charles Alméras et Félix Vialet

Avec l’exécution des meurtriers, la vindicte populaire est satisfaite et la légende dramatique de l’auberge de Peyrebeille naît. En 1886, le mythe se diffuse avec la publication d’un ouvrage entièrement consacré au sujet : « Le coupe-gorge de Peyrebeille (Ardèche) ». Le sous-titre « si tristement célèbre dans les annales du crime par 26 ans de vols et d’assassinats » indique le parti pris contre les accusés. Paul d’Albigny compose un récit à partir des documents judiciaires de l’époque, reproduisant les chefs d’accusation ou encore les plaidoiries des avocats de la défense. S’étant rendu sur les lieux, il intègre également une visite poussée de l’auberge qu’il agrémente d’anecdotes.

A partir des témoignages auxquels il donne foi, son récit fait revivre les méfaits commis par les aubergistes et leurs complices, du premier assassinat sur le jeune voyageur Claude Béraud (1808) à celui d’Enjolras, qui engendre les suspicions et leur coûtera la vie. Le récit est évocateur, détaillant les finauderies des filous pour rassurer les clients et savoir si ces derniers sont riches. Le lecteur peut imaginer les coups d’œil grivois de Marie Breysse, la main humaine dépassant de la marmite ou les tactiques des hommes pour faire disparaître les corps.

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L’Auberge sanglante de Peyrebeilhe, célèbre dans les Fastes du Crime (Fonds BML)

Au fil de la lecture, la cupidité et la culpabilité des accusés ne font pas le moindre doute. Les Martin sont des brigands qui assassinent leurs clients aisés pour tirer profit d’eux et s’assurent ainsi la fortune. Il est mis fin à leurs activités grâce au mendiant Chaze, témoin de l’ultime assassinat en étant présent dans la grange de l’auberge.

La relecture critique des documents du procès donne naissance à l’ouvrage de Charles Alméras et Félix Benoît : Peyrebeille : la légende et l’histoire de l’auberge sanglante. Ils font le récit exhaustif de tous les crimes imputés aux aubergistes, y compris des faits fictifs et peu relatés comme les assassinats d’un jeune colonel et d’un ex-préfet de l’Empire. Puis, c’est la genèse de cette légende qui est décortiquée dans toutes ces exagérations. Au final, les auteurs, estiment qu’il y a une part de vérité derrière les ragots et que les aubergistes sont coupables. Ils mettent en avant la faiblesse du démenti des accusés et la dernière parole de Jean Rochette avant l’échafaud : « Maîtres, soyez maudits ! Que ne m’avez-vous pas fait faire ! »

D’autres auteurs ont relu récemment les pièces judiciaires et mettent à mal l’accusation ainsi que le mobile.

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L’Auberge sanglante de Peyrebeille (Fonds BML)
La pierre marquée d’une croix indique l’endroit exact où furent guillotinés les assassins

Les partisans de l’erreur judiciaire

Les ouvrages de Maître Malzieu (1922) puis d’autres plus récents, comme ceux de T. Boudignon et G. Messadié, remettent en question la culpabilité des Martin, au regard des méthodes de la justice de cette première moitié du XIXème siècle et du contexte historique de brigandage. Surtout, ils proposent des hypothèses pour expliquer leur condamnation.

Tout d’abord, la mauvaise réputation des tenanciers va de pair avec celle des auberges, considérées comme malfamées. Le caractère de Martin, montagnard dur et prêt à en découdre pour récupérer son dû, prêche en sa défaveur. La jalousie à l’encontre de ses ex-fermiers devenus propriétaires d’un commerce prospère est un facteur à considérer. La mauvaise renommée des Martin est donc avérée : aucune plainte ne remonte auprès de la police avant l’enquête sur l’assassinat d’Enjolras puis les langues se déchaînent après la disparition. Les témoins sont uniques (pas de confrontation possible) et leurs propos frisent parfois le grotesque : les clients semblent davantage coucher dans le grenier à foin que dans les chambres, les meurtres ne sont pas discrets, pas plus que les transports nocturnes de cadavres. L’un des témoignages important est celui de la tentative d’assassinat de Pagès mais il est rapporté (inventé ?) après coup puisque l’homme est décédé entre temps. Or le juge est à l’écoute des ragots et de tous les propos.

Une justice encore balbutiante au début du XIXe siècle

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Les limites du fonctionnement de la justice de l’époque sont mis en exergue par Thierry Boudignon, chargé d’études documentaires aux Archives nationales. Dans L’auberge rouge : le dossier, CNRS Editions (2007), il exploite les documents des archives départementales environnantes et des Archives nationales pour analyser les procédures d’instruction, encore rudimentaires. Ainsi, les interrogatoires comportent peu de questions et les réponses sont brèves. Le patois est un obstacle à la compréhension. Le greffier traduit en français les propos des témoins et inculpés tout en ajoutant les indications, même partiales, qu’ils trouvent nécessaires à la compréhension. Les déplacements sur les lieux du crime, malaisés, sont évités et des incohérences transparaissent des pièces judiciaires. La confusion entre l’auberge des Martin, lieu du crime supposé et la ferme des Martin, à proximité, en est un exemple emblématique.

L’objectif des magistrats n’est pas la recherche de la vérité mais l’élaboration d’un discours cohérent pour convaincre les jurés et répondre à ce qu’ils pensent être le mieux pour la société. Bien qu’anciens et donc prescrits, des faits sont relatés au procès pour discréditer le couple. L’acte d’accusation se rétrécit d’ailleurs au cours des étapes du procès devant la non-recevabilité de certains témoignages, n’en déplaise à la Justice qui veut faire condamner les accusés.

Un contexte politique défavorable aux accusés

T. Boudignon fait le lien avec le contexte historique local des affaires des forêts royales. Suite à la mise à mal du droit d’usage de ramassage du bois, qui restreint la liberté des paysans, des scieries sont incendiées et du bois est coupé frauduleusement. La gendarmerie bat même en retraite contre les bandes de « coupeurs » nocturnes. L’auteur compare ce mouvement de protestation sociale à celui des insurrections lyonnaises des Canuts de 1831. Les consignes sont de faire revenir l’ordre. C’est dans ce contexte tendu où la justice doit montrer sa fermeté que le dossier est instruit.

Gérald Messadié poursuit cette hypothèse dans Le secret de l’Auberge rouge , L’Archipel (2007)

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Pour lui, les dépositions ont été fabriquées et ce détournement de justice a pour fond un règlement de comptes politique. Il invoque même la possibilité d’un complot en raison de la disparition d’une partie des pièces judiciaires après le procès. Avec humour et ironie, il démonte l’accusation et montre la puissance de l’imaginaire collectif d’une population qui souhaite la reconnaissance de la culpabilité des accusés, soutenue par la justice. Le procureur du Roi souhaite la condamnation, accordant du crédit à des témoignages qui arrivent providentiellement en fin de procès, comme celui du mendiant Chaze, décisif dans le jugement final.

Tout serait lié à l’appartenance des Martin au clan des royalistes, suggérée par son surnom « le blanc », et à son opposition aux Bleus révolutionnaires. Marie Breysse a caché un curé au moment des répressions révolutionnaires. Pierre Martin semblerait s’être rangé du côté des « chouans » ardéchois. La thèse de G. Messadié est qu’il est un homme de main des nobles qui, à leur retour d’exil, tentent de récupérer leurs terres rachetées à bas prix. Occasionnellement en mission, il ferait pression sur des propriétaires de terrains afin que ceux-ci les cèdent. Le brigandage est un phénomène courant à l’époque et Martin serait un sympathisant des bandes commettant leurs méfaits dans les bois. Ceci expliquerait le mécontentement général envers lui.

Or le contexte n’est pas favorable aux royalistes au début des années 1830, ce qui permet à l’affaire d’éclater et d’être sévèrement jugée. Depuis 1815, il existe des foyers de « résistants » royalistes en Ardèche que la justice souhaite réprimer : le procès est l’occasion d’en éliminer certains car le contexte politique s’y prête. Avec l’abdication de Charles X, c’est un nouveau coup dur pour les partisans de l’Ancien régime. Louis-Philippe 1er, avec un rapport du procureur demandant la sévérité, n’accordera pas sa grâce satisfaisant ainsi et la justice locale et les rancœurs populaires.

2@ L’auberge de Peyrebeille, source d’inspiration au fil des siècles2

Optant pour la culpabilité ou l’innocence, les publications permettent à chacun de se faire son opinion, à défaut de connaître avec certitude la vérité. Accompagnées d’illustrations suggestives, elles ont petit à petit forgé et renforcé la légende de l’auberge rouge.

Quelques repères dans les ouvrages

Le premier ouvrage, qui fait référence sur cette affaire, est celui de Paul d’Albigny (1831-1893), édité en 1886. Comme vu précédemment, ce directeur de journaux ardéchois publie un récit à charge contre les accusés.

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Les versions contradictoires publiées par les éditions La Bouquinerie

Il faut attendre un siècle pour qu’une version remettant en cause la culpabilité des condamnés soit largement diffusée. Le bâtonnier de Haute-Loire, Joseph Malzieu (1883-1969) a rédigé vers 1922 un texte contradictoire sur le crime, intitulé « L’affaire de Peyrebeille, les aubergistes étaient-ils coupables ? ». Les éditions de la Bouquinerie l’obtiennent et font paraître en 1991 les deux versions opposées de Paul d’Albigny et de maître Malzieu.

Les lecteurs peuvent tenir le rôle de jurés et se prononcer, via un coupon-réponse à retourner, sur la culpabilité des accusés. En 1997, lors de la nouvelle édition du volume, étoffée de nouveaux documents, les résultats du verdict des lecteurs sont communiqués. Dans les années 90, la culpabilité est l’opinion de 50% des votants pour 46% qui penchent pour l’innocence (4 personnes ne se prononcent pas sur une cinquantaine de voix exprimées). L’opinion actuelle serait-elle sensible aux arguments de Maître Malzieu ? L’analyse géographique des votes exprimés introduit un nouvel indicateur : plus les votants sont éloignés, plus ils croient en l’erreur judiciaire tandis que les départements limitrophes (Drôme, Ardèche, Isère) ne semblent pas avoir changé d’avis sur leur affaire locale.

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Carte réponse indiquant le verdict sur l’affaire de Peyrebeille

L’éditeur fait aussi redécouvrir les gravures anciennes de Jules Baujoint. Elles proviennent d’une histoire romancée et illustrée de l’Auberge rouge, publiée à la fin du XIXème siècle et qui a largement contribué à la diffusion de la légende.

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L’auberge sanglante de Peirebeilhe
par J. Beaujoint
Collections BML

Une tournée de lecture originales

Mémoires du Baron Haussmann, Seuil.

Dans ses mémoires, le baron Haussmann raconte qu’il a passé une soirée dans le repaire de l’auberge de Peyrebeille. S’y sentant mal à l’aise et en insécurité, il la fuit au plus vite pour gagner Le Puy en Velay le soir même. Ce n’est que plus tard qu’il fait le rapprochement avec le lieu de l’affaire. Il croit même avoir croisé Enjolras à son retour de la foire de Saint-Cirgues… sauf qu’en 1832, date de son passage, le maquignon est déjà mort, ce qui remet en doute la totalité du récit.

L’Auberge rouge de Balzac n’est pas celle de Peyrebeille puisque les faits se passent en Allemagne, à Andernach, vers 1799. L’histoire aussi diffère du fait divers de 1831 : elle ne s’axe pas sur le tenancier de l’auberge où un meurtre est commis mais sur le sentiment de culpabilité d’un des clients français, qui sera victime d’une erreur judiciaire à la place de son compagnon de voyage.

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Parodie guignolesque de l’affaire de Peyrebeille

Le Musée de l’imprimerie de Lyon possède une parodie guignolesque de Peyrebeille, éditée en 1939 par les éditions du Pigeonnier. L’auteur s’est inspiré de la pièce de Roger de Pampelonne « Peyrebeille : action rustique en cinq tableaux » pour faire une version haute en couleurs et en patois lyonnais. Dans Guignol à Peyrebeille ou l’auberge de payaboire Guignol, Madelon et Gnafron ont repris l’auberge de Payaboire pour en faire un bouchon sur la route entre Privas et Le Puy. Le coin est sujet aux vols menés par trois brigands, faux fantômes des anciens aubergistes assassins. Après avoir accusé à tort du meurtre de leur client les trois lyonnais, les gendarmes finissent par admettre leur erreur et arrêter les vrais brigands en flagrant délit de vol chez Guignol. Deux représentations interprétées par des acteurs masqués rencontrent du succès vers 1939.

Du sang sur la toile : l’Auberge rouge au cinéma

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L’Auberge rouge de Claude Autant-Lara

L’Auberge rouge, film réalisé par Claude Autant-Lara (1951).

L’œuvre d’Autant-Lara remet l’affaire de Peyrebeille dans les mémoires du grand public mais prend ses distances avec la véracité historique pour des raisons comiques. Si la cupidité des aubergistes assassins est reprise, le personnage de moine granguignolesque, tenu par le populaire Fernandel, est une invention burlesque. De même, dans la version imaginée par le scénariste Jean Aurenche, la fille des aubergistes est complice des crimes familiaux et, sujette à une amourette, permet une fin morale et (presque) heureuse à l’histoire. La musique du film est l’occasion d’entendre Yves Montand, à l’accent ardéchois poussé, entonner les couplets de la complainte de Peyrebeille de Laurent-Ceysson de Cirgues. Le texte imaginé après l’exécution et ses variantes , sont transcrites dans les principaux ouvrages sur le sujet.

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L’Auberge rouge de Gérard Krawczyk

En 2007, Gérard Krawczyk réalise le remake de L’Auberge rouge d’Autant-Lara. Celui-ci prend les mêmes distances par rapport à l’affaire originelle. L’auberge, située dans les Pyrénées, est désormais tenue par Martin et Rose (Christian Clavier et Josiane Balasko) tandis que c’est Gérard Jugnot qui prend le froc de Fernandel et doit tenter de sauver les clients de passage sans trahir le secret de la confession.

L’Histoire vraie de l’auberge rouge, documentaire réalisé par Stéphane Lebard et produit par Cocottesminutes productions.
Ce documentaire de 52 minutes fait parcourir les passions humaines qui ont traversé les siècles concernant l’affaire criminelle : rumeurs, fascination et stigmatisation des monstres, fantasmes et règlement de comptes. Réalisé pour la télévision en coproduction avec France 3 Rhône Alpes Auvergne, le film est diffusé sur les écrans le 12 janvier (à 16h20 et à 00h15).

Au-delà de l’exactitude des faits, la légende de l’auberge sanglante rebondit à nouveau dans l’actualité et perpétue ce mythe auprès des nouvelles générations.

A consulter également

Coeur d’Ardéchoise
: La blogueuse ardéchoise consacre une des ses rubriques à la légende de Peyrebeille, qu’elle illustre de cartes postales.

Le mystère de l’Auberge rouge, par Jean-François Lacour (2007).
L’auteur livre sa version de l’affaire de Peyrebeille à travers l’un des témoins de l’histoire, Marie Armand, jeune femme journalière au service des Martin. Ancien journaliste, enseignant et écrivain ardéchois, Jean-François Lacour a travaillé sur l’affaire et est également l’un des partisans de l’innocence des aubergistes. Dans son roman historique, il donne la parole à la “petite ravaudeuse” des Martin, jeune fille fidèle à ses patrons mais qui, sous la pression de la justice, change son témoignage dans les derniers jours du procès. Son revirement (reniement ?) lui évite l’accusation de complicité et donne plus de poids à la thèse de la culpabilité des Martin. Or, véritable tourment moral, Marie Armand a un secret : elle pense connaître les vrais assassins d’Enjolras.

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L’énigme de l’auberge rouge , Ed. De Borée (2007).
En 1833, un jeune journaliste parisien (du Moniteur universel) est envoyé en Ardèche pour couvrir le procès des aubergistes de Peyrebeille. Il dresse un récit du déroulement du procès de cette mystérieuse affaire criminelle du XIXe siècle. L’ouvrage se finit par des compléments iconographiques sur l’affaire.

L’auberge rouge : l’énigme de Peyrebeille, 1833, par Michel Peyramaure.
En suivant au plus près les témoignages rapportés par les chroniqueurs de l’époque, à défaut des archives du procès, mystérieusement disparues, l’auteur réanime les pions d’un bien énigmatique puzzle.

L’affaire de l’auberge rouge , par Nathalie Chevalier, De Vecchi (2001).
La légende affirme que les Martin auraient à leur actif plus d’une cinquantaine d’assassinats. Mais ont-ils seulement tué un homme ? N’ont-ils pas plutôt expié les crimes et les disparitions inexpliqués d’une région au climat rude et aux moeurs violentes ? En un mot, n’ont-ils pas été des boucs émissaires ?

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