Chasseurs d'images

François Lecot et sa Citroën 11CV

Photographe : Maison Sylvestre, 30 juillet 1936

- temps de lecture approximatif de 4 minutes 4 min - Modifié le 19/10/2016 par prassaert

Incroyable personnage que ce François Lecot ! Voilà un lyonnais, modeste restaurateur passionné de sports mécaniques, qui se lance en 1935 dans un raid ahurissant : parcourir 400.000 km en une année au volant d'une traction Citroën 11 CV, soit une moyenne 1100 km quotidiens.

Automobile Club du Rhône : François Lecot et sa Citroën 11CV, 1936 - BM Lyon, P0546 S 560.
Automobile Club du Rhône : François Lecot et sa Citroën 11CV, 1936 - BM Lyon, P0546 S 560.

Né le 5 avril 1878 à Nantua (Ain), François Lecot exerce divers métiers avant de s’orienter vers la mécanique. Il s’installe à son compte en 1914 pour commercialiser la marque américaine Dexter qui produit des bicyclettes et des machines à coudre, puis ouvre son entreprise dans l’après-guerre – le Comptoir Lyonnais de Représentation Industrielle – grâce à laquelle il diversifie ses activités par la vente de pneumatiques et de pièces détachées. Agent des firmes Bugatti et Diatto pour la région lyonnaise, François Lecot participe dès 1921 à quelques épreuves automobiles locales, telle que la course du Mont-Verdun. Au milieu des années 1920, alors qu’il vient de mettre un terme à son activité pour reprendre avec son épouse une auberge à Rochetaillée-sur-Saône, sa vie prend un nouveau tournant.

Premiers exploits sur les routes de France

En 1929, au cours d’une discussion, son ami Hugon, agent de la marque Ford à Lyon, lui fait part d’une campagne de dénigrement des voitures américaines par les constructeurs français. François Lecot lui propose alors d’organiser un défi pour démontrer la fiabilité de la nouvelle Ford A en se lançant, en juillet de cette même année, dans le Raid du Galibier : pendant quinze jours consécutifs, tous les matins à partir de 7 heures, il quitte Lyon pour effectuer son ascension sur le circuit Grenoble – Le Bourg d’Oisans – La Grave – Passage du Cols du Lautaret et du Galibier, puis retour par Saint-Jean-de-Maurienne et Chambéry jusqu’à Lyon qu’il rejoint vers 14h40, soit un parcours de 453 km.

Grâce à cette première performance sportive, la notoriété de Lecot est assurée sur toute la région lyonnaise dès la fin des années 1920. C’est aussi à cette époque que l’on commence à distribuer sur la région la nouvelle marque Rosengart qui construit une petite voiture économique, la 5CV LR2. Pour en démontrer la fiabilité, Lecot ambitionne un nouvel exploit sportif avec l’aide plusieurs sponsors, non plus sur 24 heures, ni même sur quinze jours, mais sur 100.000 km ! Pendant 111 jours, du 10 août au 29 novembre 1930, il parcourt ainsi 900 km quotidiens, sur le trajet Lyon – Bourg-en-Bresse – Dijon, et retour par Chalon-sur-Saône et Mâcon. Un exploit qu’il rééditera en 1932 avec la dernière née du constructeur, le modèle Rosengart LR4, mais cette fois sous le contrôle de l’Automobile Club de France afin d’éviter toute suspicion de tricherie.

Affiche pour le Raid des 100.000 km

Foire de Lyon (1931) : affiche pour le Raid des 100.000 km – BM Lyon, P0546 S 1854.

Sur les chemins de la gloire

Après plusieurs petits raids réalisés au début des années 1930 à travers toute la France – Raids des Pavés du Nord, de la Touraine ou du Sud-Ouest -, François Lecot quitte la marque Rosengart et se tourne vers André Citröen (1878-1935) qui le charge d’éprouver la résistance de sa nouvelle voiture révolutionnaire : la traction avant. Avec l’aide de son nouveau sponsor, il effectue ainsi dès le début de 1934 divers exploits avec les véhicules du constructeur sur la nationale 6, de Paris à Arnay-le-Duc (Côte-d’Or) ; sur le parcours de Paris à Tunis et de Paris à Moscou ou bien encore sur celui du Tour de France et de Belgique. En 1934, la reprise de la marque Citroën par les entreprises Michelin et la mort l’année suivante de son directeur André Citroën qui lui accordait toute sa confiance est un rude coup pour François Lecot. Il n’abandonne pas cependant son grand projet : parcourir 1100 kilomètres par jour pendant un an.

Entre le 22 juillet 1935 et le 26 juillet 1936, François Lecot se lance enfin dans son raid automobile, véritable défi pour l’époque : parcourir à bord d’une traction Citroën 11 CV quelques 400.000 km en un an, sous l’oeil vigilant d’un contrôleur de l’Automobile Club de France chargé d’homologuer la performance. L’itinéraire choisi est relativement simple puisqu’il consiste, au départ de Lyon, à faire un jour sur deux l’aller-retour à Paris, et le lendemain jusqu’à Monaco. La voiture est soigneusement préparée et spécialement équipée d’un réservoir supplémentaire de 65 litres permettant de limiter les ravitaillements en carburant. Elle possède en outre quelques aménagements spécifiques, par exemple au niveau du capot, du pare-brise (pour la ventilation) ou du confort général de l’habitacle.

Epilogue

Fin juillet 1936, François Lecot a réussi ce pari un peu fou. Son exploit est dignement fêté, d’abord à Monte-Carlo, puis au siège parisien de l’Automobile Club de France. Le 30 juillet, les lyonnais se rendent à Caluire pour lui faire un cortège d’honneur lors de sa rentrée sur Lyon et, en fin de journée, François Lecot est reçu à l’Automobile Club du Rhône par M. Junique, représentant le Maire de Lyon, et par le docteur Marius Carle, président de l’A.C.R.

Le raid des 400.000 km est désormais entré dans l’histoire. Pour François Lecot, ce sera le dernier. Avec son fils René, journaliste sportif au Nouvelliste de Lyon, il entreprend le récit de ses aventures, mais ce dernier se tue prématurément dans un accident d’aviation en Haute-Loire le 25 septembre 1936. Il écrira finalement “Mes 400.000 kilomètres” avec Marcel-E. Grancher, livre publié en 1937 aux Editions Lugdunum et réédité en fac-similé, avec quelques additions, en 1997. Millionnaire en kilomètres mais ruiné financièrement, François Lecot finit sa carrière comme livreur de lait à Collonges-au-Mont-d’Or. Il décède le 15 août 1959 à la maison de retraite des Monts-d’Or à Albigny-sur-Saône.

Quant à la Citroën 11CV, elle disparut pendant la Seconde Guerre mondiale. Une copie aujourd’hui conservée au Musée de l’automobile Henri Malartre à Rochetaillée-sur-Saône fut cependant réalisée en 1986 à l’occasion du cinquantième anniversaire du Raid des 400.000 km. Un record qui aura tenu près de 70 ans et n’est battu qu’en 2003 par Philippe Couesnon qui parcourt 500.000 km en un an. Mais cela est une autre histoire…

Bibliographie

Photographie(s)

 

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