Exposition « No discipline »

Ron Arad l’explorateur

- temps de lecture approximatif de 11 minutes 11 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

Le Centre Georges Pompidou accueille actuellement et jusqu'au 16 mars 2009 l'exposition « No discipline » , exposition rétrospective consacrée au designer-architecte Ron Arad. Celui-ci a conçu lui-même la scénographie, et la mise en espace proposée permet une lecture aisée des différents axes de son travail : l'architecture d'une part, les pièces uniques, prototypes et séries limitées d'autre part, et enfin les objets industrialisés et édités. Cette exposition aura ensuite lieu au Museum of Modern Art de New York (en été 2009), puis au Stedelijk Museum d'Amsterdam (en 2010).

Ron Arad - The Big Easy chair in chrome steel © commons.wikimedia.org
Ron Arad - The Big Easy chair in chrome steel © commons.wikimedia.org

Voici le site du Centre Georges Pompidou ainsi que quelques visuels de pièces présentées au sein de l’exposition. Le site officiel de Ron Arad offre lui aussi la visualisation de nombreuses pièces.
D’autres vues sont disponible sur ce site.

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Ron Arad – No discipline (Centre Georges Pompidou)

Indiscipliné, sans doute…

Né en 1951 à Tel-Aviv, Ron Arad suit les cours de la Belazel Academy of Art and Design, à Jérusalem. En 1973, il s’installe à Londres et poursuit sa formation à l’Architectural Association School of Architecture, où il a comme professeurs Rem Koolhaas, Bernard Tschumi et Peter Cook. Mais le secteur de l’architecture est trop contraignant pour cet esprit indépendant. Cette « discipline » ne convient pas à celui qui se définit comme un « indiscipliné ». Il va ainsi naturellement se tourner vers la conception d’objets.

Un premier atelier

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Rover Chair © The Gallery Moumans

En 1981, il fonde à Coven Garden, avec son associée Caroline Thorman, “One Off”, son premier studio-atelier, où il crée et fabrique lui-même ses premières pièces à base de matériaux souvent très simples : tubes d’acier, grilles, acier soudé… “One off”, que l’on peut traduire par « pièce unique », ou « unique en son genre ». C’est là qu’il réalise sa célèbre Rover Chair (un vrai fauteuil de Rover fixé sur une structure tubulaire en métal noir), clin d’œil au ready-made et à Marcel Duchamp, qu’il admire particulièrement. C’est aussi l’époque de la Concrete Stereo , une chaîne hi-fi emprisonnée dans du béton armé, dont il dit que « l’idée était de se faire rencontrer deux choses qui ne s’étaient jamais croisées auparavant : la délicatesse technologique de la hi-fi et la brutalité du béton ». Les pièces de cette époque sont réalisées sur commande.

Puis, en 1986, le fabricant de meuble suisse Vitra lui demande de créer une pièce : il réalise alors la Well Tempered Chair , fauteuil constitué de 4 lames d’acier trempé assemblées par des écrous papillons. Exposé au Salon du meuble de Milan, intégré dans l’écurie Vitra, Ron Arad est alors propulsé dans le monde du design industriel.

Pendant les années 1980, il privilégie l’aspect brut des matériaux, principalement l’acier, son matériau de prédilection. L’acier poli et l’acier inox interviendront plus fréquemment à la fin des années 80.
C’est à cette époque qu’il crée le fauteuil Big Easy , qu’il fera ensuite évoluer dans sa forme et dans les matériaux utilisés. Son vocabulaire formel utilise déjà la courbe, les rondeurs.

Un langage formel bien personnel

Mais la flexibilité, la ligne sinueuse, ondoyante apparaissent à partir des années 90 dans les séries de chaises longues At Your Own Risk (AYOR), sorte de siège culbuto, Before Summer et les chaises-tapis London Parpardelle et Loop Loop . Le ruban d’acier est même utilisé pour former un meuble habituellement bien rectiligne : une bibliothèque. C’est This Mortal Coil , une bibliothèque en forme d’escargot, et sa célèbre Bookworm , qui offre des lignes des plus souples et lui permet ainsi de prendre n’importe quelle forme.

Beauté et fonctionnalité

Les années 90 sont également marquées par une recherche dans la fonctionnalité des objets. Le siège à quatre positions 2 R NOT , la Schizzo Chair , deux chaises se réunissant en une seule, la chaise Box in Four Movements , aux allures plus proches d’une boite…
Ron Arad a la volonté de toujours mêler l’utilitaire au ludique, le confort, si « relatif » soit-il comme il le dit lui-même, à la beauté de la ligne. La recherche doit aboutir à l’équilibre entre la forme et la fonction, alors même que la forme est sollicitée jusqu’aux limites mêmes de ses possibilités : que l’on pense à la souplesse des lignes des bibliothèques This Mortal Coil ou Bookworm, ou à la chaise longue AYOR, pour laquelle le poids du corps est nécessaire à la stabilité de l’assise, ou le gros fauteuil Rolling Volume qui touche le sol juste en sa tangente, ou encore l’autre chaise longue Beware of the Dog , sorte d’anneau fait d’une lame d’acier flexible.

Une nouvelle société

Depuis 1989, l’équipe avait quitté l’ancien atelier « One Off Showroom » pour créer « Ron Arad Associates » dans le nord-ouest de Londres. Cette nouvelle structure, bien évidemment aménagée par ses soins, est à la fois un atelier de design et une agence d’architecture. La même année, la directrice artistique de l’éditeur italien Moroso, découvre lors d’une exposition à Milan les œuvres de Ron Arad. Dès l’année suivante, cette maison présente la collection Spring, dont le fauteuil Big Easy, et neuf autres modèles tapissés de Ron Arad, dont ce sont les premières pièces destinées à la production de masse.

Ron Arad architecte

Cette même décennie va voir le designer renouer avec sa pratique d’architecte. L’aménagement intérieur du Nouvel Opéra de Tel-Aviv lui est confiée en 1994 : l’auditorium, le foyer, l’espace de circulation et le grand escalier de l’amphithéâtre ont chacun leur caractère propre, qu’accuse l’emploi de différents matériaux. Mais c’est sans doute l’escalier qui retient particulièrement l’attention, ce ruban de béton ondulant, montant en spirale, ajouré, où les jeux de découpage mettent en valeur l’interpénétration des formes. Entre 1993 et 1995, il aménage deux restaurants belges à Londres : Belgo Noord et Belgo Centraal. Les années 2000 verront un développement des projets architecturaux.

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neworleans © Collection Centre Pompidou

… explorateur, sûrement

De formes et de matériaux

Pendant les années 2000, c’est la forme ovoïde et le signe infini qui vont prédominer dans des séries telles que les sièges et fauteils O Void , Blovoid , MT Rocker Chair , la chaise Southern Hemisphere , semblable à une coquille d’œuf découpée ou encore la Bodyguard . L’infini est la forme même de la sculpture publique Evergreen .

Par rapport à ses débuts, Ron Arad a évolué aussi dans le traitement de surface des matériaux. Du brut de ses débuts, il est passé à des surfaces polies, brillantes, voire réfléchissantes, telles ses tables réalisées pour la Fondation Cartier , ou les pièces de la série BOOP (tables, vases, bols…)

Ce formidable inventeur de formes est aussi un extraordinaire explorateur de matériaux. Sa trajectoire passe par une connaissance de plus en plus pointue de ce que l’on peut exiger des matériaux, par l’expérimentation des limites de leurs possibilités. Il utilise très rapidement les nouveaux matériaux et les nouvelles techniques, ou cherche à employer les matériaux selon des processus de fabrication inédits.

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Well tempered chair

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Bad tempered chair

Cette recherche dans les possibilités des matériaux va également s’exprimer par les variations de mêmes objets en différents matériaux. « Je pars d’une forme, qui est la mienne, et j’observe les variations que lui apportent divers matériaux… J’aime bien le fait qu’une même forme puisse véhiculer un grand nombre d’idées », dit lui-même Ron Arad. C’est ainsi que la Well Tempered Chair de ses débuts se transforme en 2002 en Bad Tempered Chair lorsqu’il la réalise en fibre de carbone, et ce sans en perdre l’effet ressort. Big Easy lui aussi va connaître une version carbone la même année. En 2003, il se voit traduit en polyéthylène roto moulé, et une version à motif à trous est en cours. En 1999, Big Easy s’était déjà transformé en New Orleans , une série de 18 pièces (en fibre de verre et polyester imprégné de pigments) toutes différentes de par les motifs colorés. La Tom Vac , chaise en polypropylène moulé, éditée en 1999 en grande série par Vitra, avait été la première à connaître une transformation par ce procédé en 1997 et devenir ainsi Pic Chair , éditée à 18 exemplaires. Dans ce cas, on est passé d’une grande série à une série limitée. Mais le changement de matériaux a plus souvent l’effet inverse. Née en métal, l’étagère Bookworm connaît un succès commercial sans précédent pour Ron Arad, dès lors qu’elle est éditée par Kartell en PVC moulé par injection.

Dans cette exploration des techniques et matériaux, Ron Arad est efficacement encouragé depuis 1998 par Ernest Mourmans, galeriste néerlandais présent aussi en Belgique. Dans son atelier de Lanaken, Ron et lui mettent au point des pièces qui font l’objet d’éditions limitées. Mourmans est lui aussi fasciné par les matières et techniques nouvelles. Ils expérimentent « sans savoir si ça marchera » et réalisent « des petites éditions, pour ne pas se répéter ». Ernest Mourmans dit qu’il « essaie juste de mettre l’idée en œuvre ». Rien ne semble lui paraître impossible, ce qui est un formidable moteur pour le créateur.

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oh void 2 © Ron Arad Associates

La série Paperwork est réalisée dans un composite de carbone, de Nomex et de papier. Les sièges O Void 1 et O Void 2 sont en Corian, matière plastique à base de résine acrylique encore rarement utilisée pour la fabrication d’objets usuels. O Void connaît également des versions en acrylique en 2004 ou en silicone ( : en 2006, la série Blo-Glo , en silicone transparent moulé). Dans l’utilisation du silicone, Mourmans a également joué un rôle certain.
En 1993, c’est pour l’éditeur Moroso que Ron Arad avait réalisé les sièges Misfit en mousse écologique Waterlily.

De techniques innovantes

La série BOOP (Blow Out Of Proportion) précédemment citée, de 1998-1999, est par exemple le résultat de la découverte d’une machine utilisée dans l’industrie automobile et aéronautique pour mouler sous vide des pièces en aluminium. En utilisant la pression de l’air produit par cette machine, il met au point une technique de soufflage qui correspond parfaitement à ce qu’il recherche. C’est avec cette technique qu’il réalise aussi les sièges des séries London Papardelle et Loop Loop.

Ron Arad va utiliser la modélisation informatique, l’imagerie 3D par rayons X, ou encore le prototypage rapide (qui permet la réalisation rapide de prototypes et modèles) par frittage sélectif au laser (SLS) assisté par ordinateur, technique inventée en 1989, procédé utilisé par exemple pour la supension Ge-Off Sphère en 2000.

Avec Mourmans, il expérimente actuellement une machine capable de fabriquer un tissu en fibre de carbone sans couture.

La suspension Lolita (voir ill.), crée pour Swarovski, est un superbe exemple d’utilisation des nouvelles technologies et surtout de l’invention d’un usage inédit des composants. Il s’agit d’une suspension lumineuse de 21000 cristaux et 1050 leds, capable d’enregistrer un message SMS et de le retranscrire sur les cristaux.

Ron Arad et Ernest Mourmans ont également étroitement collaboré pour mettre au point l’installation multimédia Lo-rez-dolores-tabula-rasa (voir ill.), présentée à la foire internationale du mobilier de Milan en 2004. Il s’agit d’un écran de 8 mètres sur 3 sur lequel défilent des images, fait d’une plaque de Corian constellé de 50 000 cavités, chacune alimentée par une fibre optique. C’est l’aspect neuf, expérimental, qui a motivé l’artiste.

Dernières nouveautés

L’ouverture du Design Museum d’Holon (ill.) (Israël) est prévue en mars 2009. Ron Arad en est l’architecte. La réalisation du Showroom de Notify à Milan est en cours. Le mois de mars va voir aussi la sortie commerciale d’un flacon de parfum (ill.) pour Kenzo.

Son dernier siège est Gomli (ill.), sorte de demi-poire formée au corps humain, présentée en octobre dernier à Londres. Une version en verre est actuellement en cours.

Sources documentaires

Quelques articles

De nombreux articles sont parus à l’occasion de l’exposition au Centre Georges Pompidou, notamment dans L’Officiel de la Couture et de la Mode (No 930, novembre 2008), Intramuros (No 139, nov.déc. 20085), L’oeil (janvier 2009), Le Monde (27 nov. 2008), Le Journal des arts (No 291, 14-27 nov. 2008).

Les articles de Libération, Le Point, Art Press, Artnet sont disponibles en ligne.

L’article paru dans Architectural Design (No 173, janv. 2005) met en évidence l’utilisation des nouvelles technologies par Ron Arad. On peut également citer d’autres articles : L’officiel de la Couture et de la Mode (No 887, 2004), Architectural Design (No 153, sept. 2001)ou encore ceux parus dans Domus (No 877, janv. 2005 ; No 829, sept. 2000).

Sites des principaux éditeurs de Ron Arad

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