Le fanzine, un univers inconfinable

- temps de lecture approximatif de 10 minutes 10 min - par Claire-Solène

A la Bml, on aime lire les livres, mais aussi les fabriquer ! Rencontre avec Anne, une bibliothécaire créatrice de fanzines. Le tout emballé avec un paquet d'idées pour créer le vôtre !

Photo : Johanna Solvéry
Photo : Johanna Solvéry

Pour commencer, qu’est-ce qu’un fanzine ?

Photo : Johanna Solvéry

C’est une publication indépendante, un  magazine fabriqué artisanalement et auto-édité. Mais la différence avec un magazine standard, c’est qu’il échappe au caractère marchand des circuits de distribution traditionnels : il est souvent gratuit, ou de prix modeste, ne revient pas très cher à la fabrication, et n’a pas besoin de publicité.

 

Qui peut faire un fanzine ?

Tout le monde, nul besoin d’être spécialiste en arts graphiques ou de pratiquer des ateliers d’écriture. On peut produire un fanzine à soi tout seul ou le composer à plusieurs. Il n’y a pas d’âge pour s’y mettre !

Beaucoup d’éditeurs indépendants, dans le domaine de la BD notamment, ont commencé par éditer des fanzines quand ils étaient encore lycéens ou étudiants. Tels Claude Amauger, des futures éditions Tanibis, qui publiait “Rhinocéros contre éléphants” , ou Jacques Glénat, des éditions du même nom, qui commença à publier “Schtroumpf” en 1970.

 

Que peut-on mettre dedans ?

 

Photo : Johanna Solvéry

Tout ce qu’on veut ! On peut aussi bien écrire des nouvelles que publier des dessins, de la BD, de la poésie… la plupart des fanzines sont issus de groupes d’artistes ou d’auteurs qui veulent se faire connaître sans passer par les éditions reconnues, qui souvent imposent des procédés et des contenus de publication…

Certains fanzines s’apparentent au livre d’artiste ou au livre-objet, en étant composés de montages graphiques et de différents matériaux agencés entre eux ; les exemplaires sont alors uniques ou reproduits en nombre vraiment limité.

Photo : Johanna Solvéry

Pourquoi fait-on un fanzine ? Y a-t-il une philosophie propre à cette forme d’art ?

On choisit avant tout ce médium pour la liberté de création et d’expression qu’il permet, pour sa facilité de mise en œuvre, pour la “fraîcheur” du support qui laisse libre cours à la fantaisie. Tout est possible, et “léger”: c’est comme faire des croquis sur un banc dans un jardin public ou à une terrasse de café. Il n’y a rien besoin de plus qu’un papier et un crayon.

Si le fanzine est si vivant dans les milieux alternatifs ou les communautés DIY c’est parce qu’il répond au besoin de créer librement. L’univers des fanzines est foisonnant mais leur point commun est d’être indépendants, libertaires.

Le fanzine peut donc être un objet contestataire, militant ?

 

Photo : Johanna Solvéry

Oui, bien sûr. Il est souvent le moyen d’expression de communautés qui souhaitent se donner de la visibilité en dehors des sentiers battus. L’univers des fanzines reflète une grande diversité, une liberté d’expression alliée au non-conformisme. Le fanzinat est un milieu affranchi et mobile.

 Comment diffuser son fanzine ?

Il faut se jeter à l’eau, pousser les portes d’un salon spécialisé dans le fanzine, se mêler à un collectif de gens qui en font un ou monter son asso pour créer celui qu’on aimerait lire !

On peut aussi se tourner vers différents lieux alternatifs, des librairies, des salons à thème (salon de la BD, de la SF, de l’écologie, du Manga, …). Ce sont des lieux de diffusion très pratiques où l’on est certain de rencontrer un public en lien avec ses centres d’intérêt. On peut alors contacter les organisateurs et négocier avec eux le dépôt de son fanzine.

On peut laisser son fanzine en consultation, donner ou vendre des exemplaires. La rentabilité de la vente étant rarement une priorité, on peut le laisser à libre disposition dans un lieu qu’on fréquente.

Ne pas hésiter à miser sur le bouche à oreille, saisir l’occasion d’une fête de quartier, tous les moyens sont bons !

Photo : Johanna Solvéry

Peut-il y avoir une forme de censure ?

Comme les fanzines sont reproduits ou édités en petit nombre d’exemplaires, et que leur diffusion est plutôt confidentielle, la censure des contenus n’est pas vraiment possible.  On ne passe pas par un circuit classique d’impression donc il n’y a pas de Dépôt Légal. Les fanzines étant plutôt libertaires par nature, ils sont de toute manière déposés dans des lieux proches de ce qu’ils promeuvent.

Existe-il des maisons d’éditions ou des bibliothèques spécialisées dans les fanzines ? 

Il n’y a pas de maisons d’édition au sens strict puisque le fanzine naît d’un collectif d’artistes ou d’un artiste. C’est un médium artisanal. Si on va vers la création d’une revue au sens classique, ce n’est plus un fanzine mais une publication traditionnelle, un “prozine”.

La Fanzinothèque, à Poitiers, est spécialisée dans le recensement et la constitution d’un fonds de fanzines, par exemple.

De quoi a-t-on besoin pour se lancer dans la création de son fanzine  ?

Photo : Johanna Solvéry

De quoi dessiner et écrire, de quoi reproduire en plusieurs exemplaires , de quoi relier ou coudre les feuillets de son fanzine (agrafes, ciseaux, colle, …). Avoir une imprimante et un massicot est un plus, mais pas une nécessité. Il est tout à fait possible de tout faire à la main, en bricolant, et sans rien acheter. On peut recycler tous les papiers possibles, utiliser des chutes récupérées chez un imprimeur, fabriquer son papier, détourner n’importe quel support. Ne pas hésiter à sortir du format livret et utiliser absolument tout ce qu’on veut, car tout peut devenir fanzine  : capsules de café : zines à décapsuler ; papier de cigarette  à rouler : zine inflammable ; sachet de thé : zine à déguster, boite de conserve : zine en boite, etc.

Photo : Johanna Solvéry

Quelles sont les différentes techniques d’impression de fanzines ?

Les procédés traditionnels de fabrication et d’impression ont toute leur place. Une vieille ronéo récupérée en brocante permettra de reproduire un texte préalablement imprimé sur un stencil, qui est une sorte de matrice. On peut aussi éditer entièrement à la main en se servant de papier carbone qui permet la duplication en plusieurs exemplaires. Il y a beaucoup d’autres techniques : gravure sur bois, linogravure, tampons, transfert à l’acétone, empreinte par frottages, tirage photo, sténopé, sérigraphie, mixed media… jusqu’aux outils contemporains : photocopieuse, imprimante et scanner!

Parlons maintenant un peu de votre expérience… Tout d’abord, comment avez-vous appris l’existence du fanzinat ?

Quand j’étais encore au lycée, en travaillant chez un bouquiniste où certains étaient mis en dépôt. A ce moment là, je faisais partie d’un petit groupe qui se proposait de créer un journal . En fait de journal, c’était deux doubles pages A3 pliées et agrafées, où chacun écrivait ou dessinait ce dont il avait envie.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’en faire ?

Photo : Anne-H Grisard

L’envie de partager un contenu, de montrer ce que je créais, de produire sur le vif avec d’autres, … J’ai toujours dessiné, écrit, et composé mes propres objets de lecture. J’aime le côté profondément expérimental de la création. Dans ce premier fanzine auquel j’ai participé, chacun était un peu “couteau-suisse”, c’est à dire capable de dessiner, écrire, monter, façonner, etc… Il y avait de l’effervescence et c’était à la fois réjouissant et sérieux. Nous avions peu de moyens et l’atelier de fabrication, après les premiers strips composés sur notre bureau ou sur la table de la cuisine, était la cabane de jardin chez les parents d’un des membres du journal.

Qu’est-ce que ça vous apporte de faire du fanzinat ? 

Le plaisir de partager ce que je dessine et ce que j’écris avec des inconnus. Entre le moment où se crée “l’objet de lecture” et le moment où il est déposé, le délai peut être court. Il y a vraiment place à la spontanéité. Écrire, dessiner avec d’autres est très stimulant. L’émulation et la dimension collective apportent ce que j’appellerai “l’esprit d’atelier”, une alchimie très particulière.

Une fois fini, pourquoi recommencer ? 

On parle souvent des affres de la création, de la difficulté de créer, c’est une réalité.  Mais il y a du plaisir aussi, une formidable énergie qui naît du travail que l’on fait, une énergie qui s’auto-génère, et qui est nourrissante intellectuellement et physiquement. Lorsqu’on crée, on est “à l’œuvre” – la stimulation que procure la création est addictive.

Quelle est votre technique d’impression de prédilection ?

Photo : Anne-H Grisard

Je dessine sur n’importe quel support et avec n’importe quelle technique mais j’ai une profonde affection pour la gravure sur bois, et la linogravure, le côté spontané des tirages qu’on peut faire à la main, avec peu de moyens,  les collages et le mélange des matériaux, la calligraphie.

Auriez-vous des astuces pour quelqu’un qui voudrait débuter mais qui ne saurait pas par où commencer ?

Pour trouver l’inspiration, travailler sur un sujet imposé permet de stimuler la créativité. Fixez-vous des petits défis personnels sur ce que vous pourriez dessiner ou écrire.

Et pour la fabrication elle-même : constituez-vous une collection de matériaux divers, fabriquez des pochoirs qui peuvent facilement servir à composer des images récurrentes – en lino ou sur de petites matrices en bois assez dur pour imprimer avec des encres solubles à l’eau ou de la gouache. Fabriquez-vous des gabarits pour une mise en page rapide des textes et images, adaptés au format que vous préférez. Pré-pliez, pré-découpez et pré-numérotez des feuilles qui serviront à de futurs fanzines, ayez-en un petit stock d’avance. Tout cela vous permettra de ne pas trop batailler avec la mise en page et la reliure de votre fanzine !

Photo : Anne-H Grisard

 

Comment faire son premier fanzine : zoom sur les ressources numériques de la Bml

Et si le confinement devenait l’occasion de s’initier à la fabrication d’un fanzine ? Pas besoin d’être un pro du Do It Yourself, il suffit d’en avoir envie !

Enfin, presque… vous êtes complètement débutant et vous ne savez par où commencer ? Voici une sélection de ressources numériques pour vous aider à vous jeter à l’eau !

Nourrissez votre créativité !

Les plateformes Skilleos et Tout apprendre proposent une grande variété de tutoriels vidéos qui pourront vous être utiles pour votre zine.

Dans la rubrique « Loisirs » sur Skilleos, et « Arts et loisirs créatifs » sur Tout apprendre, vous pouvez apprendre le dessin, l’écriture, la photographie, le tricot, la menuiserie… Oui, un fanzine en tricot, et pourquoi pas ?

Supposons que vous souhaitiez créer un petit livret, mais que l’inspiration vous manque : la formation “Écrire un livre” de Skilleos peut vous apporter quelques pistes pour générer et structurer vos idées…

Tout le monde peut dessiner

Imaginons maintenant que vous ayez envie de réaliser des pages avec du dessin, mais voilà, c’est votre talon d’achille. Pas de panique, voici quelques bouées et brassards : Sur Skilleos : “Dessin : les fondamentaux”, “Dessiner des portraits : les fondamentaux”, “Dessin de mangas”, “Dessin de comics”. Et si vous êtes branchés BD, faites-vous un parcours de formation entier, en deux modules : “La Bande dessinée” sur Tout apprendre et “Dessiner une BD” sur Skilleos ; ils sont très complets et vous font découvrir tous les fondamentaux de la BD.

 

 

Pour les fanzineux qui pencheraient plus pour la rêverie et la contemplation – une petite évasion en temps de confinement, quelle bonne idée ! – retrouvez sur Skilleos le tutoriel “Les Paysages” , “Maitriser le dessin couleurs” ; et sur Tout apprendre “ Le Dessin d’observation” et “Dessiner ses carnets de voyages”.

Et les enfants, dans tout ça ?

Si vous avez envie de fabriquer un fanzine à plusieurs mains, avec vos enfants par exemple, le tuto “Dessin pour enfants : les personnages de 6 à 12 ans” leur donnera quelques astuces pour donner traits et vie à leurs héros imaginaires !

Sans oublier le numérique…

Enfin, si vous avez besoin d’outils numériques pour vos créations, vous pouvez aller gratter du côté des tutos sur les logiciels de PAO : Photoshop, Illustrator, In design, Lightroom sur Skilleos, Tout apprendre, mais aussi sur la plateforme Vodeclic qui propose un choix de formations assez conséquent dans sa rubrique “Multimédia”, avec différentes versions des logiciels présentés.

Voilà de quoi vous lancer dans la fanzinade ! La liste n’est pas exhaustive, vous en découvrirez beaucoup d’autres sur place !

Et pour aller plus loin…

Voici une petite bibliographie d’ouvrages accessibles sur le réseau de la Bibliothèque municipale de Lyon :

 

Article co-écrit par Anne-H Grisard, Johanna Solvéry et Claire-Solène Barnezet

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