« La volonté d’un rapport d’égalité entre moi-même et les choses est à l’origine de mon travail »

Giuseppe PENONE, Géométrie dans les mains

Emotivité de la surface/spatialité du toucher

- temps de lecture approximatif de 3 minutes 3 min - Modifié le 21/06/2018 par Dalli

De la pensée au geste, du visible au palpable, de la relation à la fusion, Giuseppe Penone éprouve l’émotivité des surfaces, l’instant inédit du toucher. Ce livre d’artiste : une série de 12 photographies (accompagnée d’un écrit) scande les étapes d’un geste questionnant. Une main enserre un objet inconnu dans le sillage esthétique des théâtres d'ombre et de l'analyse photographique du mouvement (cf. Etienne-jules Marey et Eadweard Muybridge)…Graphiquement le tirage des images en négatif (aux accents radiographiques) apporte une dimension dramaturgique à l’action et lui confère un rayonnement particulier...

©Giuseppe PENONE, Géométrie dans les mains, Bernard Chauveau édition.
©Giuseppe PENONE, Géométrie dans les mains, Bernard Chauveau édition.

Deixis 

Giuseppe Penone s’enquiert de la qualité première, archaïque des formes, des matières, des processus et des gestes créateurs. La terre de Ligurie, son village de Garessio, les grottes préhistoriques de la région, ses racines paysannes le porteront tout naturellement et « artistiquement » vers les éléments naturels, vers l’ Arte Povera.

L’arbre, dit-il, est une matière fluide, qui peut être modelée. Le vecteur principal est le temps: l’homme a une temporalité différente de celle d’un arbre; en principe, si on empoignait un arbre et qu’on avait la constance de ne pas bouger durant des années, la pression continue exercée par la main modifierait l’arbre.”

« Le vœu d’une parole fantôme »

Outre des accents possibles de panpsychisme, l’œuvre suggère que, tel un nano-démiurge, lorsque nous touchons, nous agissons de manière infinitésimale sur le monde, parce que nous l’incrémentons.

L’empreinte, c’est une chose que tout le monde dépose autour de soi, et que l’on passe une partie de sa vie à tenter d’effacer […]. C’est une image animale, une image de la matière, mais c’est aussi une image complètement culturelle.”

La trace, l’empreinte sont les fabuleux possibles de la main (Aristote), un « bain de contact ».

Ressenti sculptural

Dans une posture symbiotique, pour atteindre le cœur des choses, En 1970 Giuseppe Pénone  se privera momentanément de la vision (port de lentilles de contact opaques et réfléchissantes) afin d’ intérioriser et d’amplifier ainsi le toucher, être au plus près de l’objet, tendre au ressenti sculptural. Adviennent alors des questions débordantes : l’infini et la dialectique de Kant, la fluence d’Héraclite…

Géométrie dans les mains (2010) confronte la dimension spatiale du voir et du toucher, embastille la prégnance de la main, livre l’émancipation du geste comme l’INTELLIGENCE DU BOUT DES DOIGTS.

Ce livre d’artiste, collection de la bibliothèque municipale de Lyon, est consultable sur rendez-vous

Synapses :

Les 10 ans de la galerie Bernard Chauveau

Gestes à l’oeuvre sous la direction de Barbara Formis

L’Œil et la main : la « métaphysique du toucher » dans la philosophie française, de Ravaisson à Derrida de Claire Marin

La symbolique de la forme dans le contenu in Phénoménologie de la perception  et l’oeil et l’esprit de Maurice Merleau-Ponty

L’éloge de la main Henri Focillon

Le commentaire d’un passage de Tchouang Tseu par Jean-François Billeter

L’incongru : La vie secrète des arbres ce qu’ils ressentent, comment ils communiquent, un monde inconnu s’ouvre à nous de Peter Wohlleben

Giuseppe Penone, sous la direction de Laurent Busine, Actes Sud 2012

 

 

Tags

:

Partager cet article