Images mythiques / Portrait mystique et romantique

Ordalie par les roses

Yukio Mishima par Eikōh Hosoe

- temps de lecture approximatif de 2 minutes 2 min - Modifié le 15/05/2018 par AGdG

"Cité introuvable sur la carte d'aucun pays, cité de silences terrifiants, où la Mort et Eros s'ébattaient au grand jour, folâtres, sur les places...(...) Voici le compte rendu de notre séjour, tel que l'a conté l'appareil d'Hosoe." Yukio Mishima

ORDALIE PAR LES ROSES
ORDALIE PAR LES ROSES

LIVRE MYTHIQUE

Entre l’automne 1961 et l’été 1962, le photographe japonais Eikoh Hosoe se rend chez le grand écrivain Yukio Mishima pour lui “tirer le portrait”. Ce livre est né de ces mises en scènes mystiques. Ses images sont devenues mythiques, comme celle de la couverture présentée ici.

La Bibliothèque municipale de Lyon possède la première et seule édition française de 1983 d’Ordalie par les roses. Une rareté. Jusque dans les années 80, la photographie japonaise n’existe quasiment que dans la presse et l’édition. Le savoir-faire des artistes a fait émerger des livres qui figurent parmi les plus remarquables de l’histoire du livre de photographie.

 

BA RA KEI

C’est le cas pour ce livre paru au Japon en 1963 sous le titre Ba Ra Kei (littéralement « le supplice des roses »). Pour l’édition de 1971, le photographe et l’écrivain sollicitent le graphiste expérimental  Tadanori Yokoo. Il se pare alors d’un nouveau titre : Ordeal by roses. Une ordalie est un jugement divin qui consiste à soumettre à l’homme une épreuve physique dont l’issue le destine coupable ou non.

 

FABLE EN TUYAU D’ARROSAGE &  VENUS ANADYOMENE 

Aussi, le salut et la châtiment, la vie et la mort sont-elles embrassés intimement. Très loin d’une approche classique, il est de ce portrait comme d’une fable surréaliste, sertie de Venus anadyomène, de corps ruisselant, d’Upaniṣad et de tuyau d’arrosage trouvé dans le jardin de Mishima.

“La divinité vue à l’intérieur de cet œil, c’est le Moi” Upaniṣad

L’art italien de la Renaissance, le déclin de la chair, l’érotisme, la raillerie, le bouddhisme… : autant de thèmes chères à Mishima qu’Hosoe a saisi lors de leurs rencontres.

 

LE MONDE D’UNE RENCONTRE

Car ce n’est pas seulement un portrait de Mishima. Ce livre exprime une rencontre. Il est de cette fable comme d’un monde, d’un séjour, d’un espace-temps forgés entre et par les deux artistes. Dans la préface, Mishima raconte combien les deux artistes prirent plaisir, avec espièglerie, à construire ensemble ce monde et exprime sa fascination pour les images d’Hosoe :

“Le monde où je fus entraîné, sous l’enchantement magique de son objectif, était hors de toutes normes, infléchi, ironique, bizarre, sauvage, hétérogène…”

Elle exprime à la fois ce qui sépare et ce qui lie les deux hommes.

 

GRAIN ROSE-CHARBON

Graphiquement, la taille du livre permet d’apprécier l’extraordinaire profondeur et palette du grain des noirs et blancs, rendus possible grâce à l’utilisation d’un papier à dessin et d’une technique particulière : le platine palladium. S’alternent alors des pages faites de tempêtes aux vents imprévisibles, d’une rose blottie contre un torse éclairé par un Saint Sébastien, et des pages en mer d’huile, d’une contre plongée dans l’œil charbon de Mishima, immobile, sondant le fond du notre.

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