Et nous gratterons le ciel…?

- temps de lecture approximatif de 14 minutes 14 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

Une ville d'ombres et de lumières blanches, de privilèges et de souffrances, de tours gigantesques et de sous-sols abyssaux : voilà, en substance, la ville imaginée par Fritz Lang dans son film Metropolis. Une vision, un rêve, un cauchemar.

© Pixabay
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On ne compte plus les artistes, cinéastes et auteurs qui se sont emparés du motif de la ville, et en particulier de la tour, pour œuvrer à l’élaboration d’un imaginaire collectif.
Pour les architectes, les tours, au sens d’immeubles de grandes hauteurs, ont été et sont le moteur par excellence d’une architecture prospective.
Pour le meilleur comme pour le pire.
Bien que rêvées, les tours sont aussi de verre et de fer, bien présentes dans nos vies depuis près d’un siècle et demi.

Allons faire un tour du côté des tours imaginaires d’hier, d’aujourd’hui et de demain…

Hier, la tour s’imaginait au cœur d’une cité idéale, porteuse d’une vertu civilisatrice

NEW YORK DELIRE : UN MANIFESTE RETROACTIF POUR MANHATTAN, de Rem KOOLHAAS, Ed. Parenthèses.

Livre culte de l’éminent architecte Rem Koolhaas, ce texte sublime porte en partie sur « la double vie de l’utopie : le gratte-ciel » ou comment New York, dès la naissance du gratte-ciel à Manhattan, a emballé l’imagination des architectes et de la population : morceaux choisis de cette petite histoire d’un fantasme collectif.

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En 1909, l’ex magazine Life publie un théorème d’architecture utopique. Dessiné par un caricaturiste, il présente le gratte-ciel rêvé : 80 plateformes empilées. Une villa et ses dépendances, des jardins reposent sur chacune d’entre elles.
On pense au projet de Roland Castro pour le Grand Paris avec ses tours-jardins à Vitry, où l’on trouverait des espaces de déambulation, de vie à ciel ouvert, en plateforme, comme des places, des jardins. « Au Grand Paris, je rêve depuis trente ans… ». Habiter le ciel…

Au début du 20e siècle, Théodore Starrett, architecte, rêve tout haut :« Dans le building de cent étages, le visiteur sera propulsé en l’air avec la rapidité d’une lettre expédiée en pneumatique de l’autre côté du pont de Brooklyn. »
C’est à cette époque que Elisha Otis invente ce sans quoi la tour est inutilisable : l’ascenseur. Rem Koolhaas affirme en ce sens que « sa réussite cache le spectre de son échec éventuel ». Un sourire s’esquisse : la justesse de ce propos résonne dans une fameuse panne d’ascenseur diffusée sur toutes les chaines de télé du monde. Oubliez celle de l’immeuble de banlieue qui paralyse la vie de ses habitants depuis des années. Rappelez-vous plutôt la panne d’ascenseur de la Tour la plus haute du monde, Burj Khalifa le 10 février 2010.

Dans les années 20, des architectes théoriciens du gratte-ciel, penseurs du manhattanisme autour de la loi de zonage de 1916, imaginent le gratte-ciel du futur, comme Hugh Ferriss ou Harvey Wiley Corbett qui proposaient de séparer les trafics. Un bal en “habits de gratte-ciel” en 1931 fut même organisé par les Beaux-Arts de New York. Tous les architectes étaient parés de costumes en forme de gratte-ciel…Des merveilles !

METROPOLE DU FUTUR de Hugh FERRISS, Dover Publications.

Hugh Ferriss fait partie de ces architectes fascinés par les gratte-ciels au point de mener une architecture prospective effrénée, notamment en réalisant de nombreuses oeuvres graphiques et peintures publiées dans son ouvrage « The Metropolis of Tomorrow » édité en 1929.

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Ces sublimes représentations de gratte-ciels du futur offrent l’image de constructions dominantes et toutes-puissantes. Les ombres et clairs-obscurs sont savamment orchestrés pour donner à l’édifice sa dignité, sa grandeur, son émergence d’un seul jet. Cette ville du futur reçu un large écho dans la presse populaire comme dans les revues professionnelles. Beaucoup de critiques semblent alors fascinés par ses images et totalement convaincus par ses arguments.Le superbe catalogue d’exposition présentée au Centre Pompidou en 1987 étudie finement l’ouvrage de cet architecte.
A la même époque, Le Corbusier manifestait son enthousiasme pour les tours. Lors des conférences de 1936 à Rio, son imagination s’emballe : il espérait voir un jour des tours de 2000 mètres à Paris.

Pour mieux saisir l’émergence de cet imaginaire des gratte-ciels, quelques repères historiques s’imposent…

L’INVENTION DE LA TOUR EUROPEENNE, Picard

Edité à l’occasion de l’exposition « L’invention de la tour européenne » au Pavillon de l’Arsenal à Paris en mai 2009, cet ouvrage montre les spécificités de la tour européenne à travers son histoire, ses usages et son actualité dans les grandes métropoles d’Europe. Son propos se partage entre forme textuelle et nombreux exemples concrets largement illustrés (photographies ou projections graphiques et plans).

La première partie présente l’historique du développement des tours.
L’apparition de la tour habitée à la fin du 19e siècle d’abord à Chicago, puis à New York, est favorisée par l’invention de l’acier, l’arrivée de l’ascenseur et le développement de l’ingénierie financière. La conjonction des facteurs techniques et financiers va installer durablement l’image de la tour comme double symbole du progrès et du capitalisme.
En traversant l’Atlantique, la tour sera repensée dans un contexte urbain. Ainsi, le gratte-ciel, entre les deux guerres, doit jouer le rôle d’un nouvel instrument urbain au profit d’une modernité sociale, répondre à une vision idéale de la ville (les questions hygiénistes étant alors au cœur des préoccupations). Mais les projets empreints d’utopie des Trente Glorieuses, proches du « mouvement moderne », ne verront que rarement le jour (exceptés la Cité de la Muette à Drancy et les Gratte-Ciel de Villeurbanne, seules quelques tours isolées seront construites en Europe avant guerre).

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La tour européenne va surtout connaître une période faste entre 1950 et 1970, pendant laquelle expérimentations formelles et programmes se multiplient, réglementations et systèmes de financements s’organisent. L’insertion de la tour dans le tissu urbain fait alors l’objet d’une théorisation poussée : la tour n’est pas un objet dans la ville mais un fragment de celle-ci, l’outil d’un nouveau mode de conception qu’on va appeler « l’urbanisme vertical ».
Le premier choc pétrolier de 1973 va remettre en cause l’idée de progrès et frapper de plein fouet ces bâtiments hauts, qui en sont l’incarnation parfaite.
Puis vient l’époque où l’on se réapproprie et réinvente cet objet controversé, et finalement les rénovations urbaines vont banaliser la tour dans le paysage urbain. A partir des années 1990, sur fond de boom immobilier, de spéculation, d’arrivée de nouveaux acteurs et de problèmes de densité à résoudre, les tours fusent un peu partout dans le monde. Ce phénomène largement extra-européen n’est pas sans incidence sur la reconsidération de leur statut en Occident. En Chine, en Asie du Sud-Est et dans les pays du golfe, les hauteurs explosent. La tour affiche ses performances, se libère dans ses formes, se cherche d’autres références. Elle bénéficie de l’explosion des puissances de calcul et de représentation numériques, des progrès techniques constants, l’invention de nouveaux matériaux.
Depuis une quinzaine d’années, la tour cherche à ne pas répéter les erreurs du passé, à proposer des réponses, à réconcilier le bâti et ses occupants. Enfin, l’après-protocole de Kyoto et les paramètres du réchauffement climatique dans le rouge obligent les tours à intégrer des critères environnementaux : développement durable, aspects sociaux de bien-être sont pris en compte.

Cette première partie se termine par la présentation de 170 exemples de projets et réalisations de tours en Europe, du Het Witte Huis de Rotterdam en 1898 aux projets prévus pour 2014 et plus à Barcelone (la Edifici Campus par Zaha Hadid), Copenhague ou Londres (The Shard par Renzo Piano)…

Outre ce développement historique, l’ouvrage présente ensuite les usages et innovations de la tour européenne, puis propose un « skyline européen ».

Ainsi, la deuxième partie de l’ouvrage évoque la sociologie des tours, leur évolution formelle extérieure mais aussi intérieure (disposition des logements), le problème de la réhabilitation de la tour existante (inventaire d’opérations de restructuration qui explicite les raisons de la transformation, les choix techniques et formels, les contraintes à respecter), les spécificités de la tour à programme mixte, le rapport de la tour au sol (élément déterminant de leur insertion dans la ville), ainsi que son évolution dans le contexte des nouvelles exigences environnementales.

La troisième partie dresse un panorama du présent et de l’avenir de la tour dans 9 métropoles européennes : contexte, enjeux, débats et projets à Bruxelles, Copenhague, Londres, Milan, Paris, Vienne ou encore Francfort, Madrid ou Rotterdam.

[*Aujourd’hui, la tour poursuit son rêve de gratter le ciel toujours plus haut. Toujours plus high-tech, toujours plus grand.*]

LES EMIRATS, MIRACLE OU MIRAGE ?, article de jean-François Lasnier, Connaissance des arts No 679, février 2010

Les Emirats Arabes Unis, en quelques décennies, ont transformé un territoire inhospitalier en un symbole du capitalisme néolibéral et du postmodernisme architectural.
Une fièvre immobilière s’est emparée de cette région, à coup de projets extravagants (permis par les pétrodollars ..), que la crise financière s’est chargée de balayer en partie.

Afin d’anticiper le tarissement des ressources naturelles, l’Emirat de Dubaï cherche à se reconvertir en misant sur l’immobilier et le tourisme. Burj Khalifa, conçue par l’architecte américain Adrian Smith, est la tour la plus haute du monde. Culminant à 828 mètres (162 étages), nouvelle icône de la cité, elle trône au cœur d’un nouveau quartier auquel elle donne son nom, non loin du plus grand centre commercial du monde (112 hectares). D’autres entités comme Dubaï Marina, ou encore Palm Jumeirah, île artificielle en forme de palmier, illustrent bien le mode de développement de la ville, qui s’étend par agglomérats de quartiers (ou de petites villes), parfaitement autonomes, sans souci de liaison autre qu’autoroutière. Reste tout de même l’ancien noyau originel de la ville, pour l’instant épargné de la « modernisation ».

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Le petit Emirat de Ras al-Khaima, lui, a décidé la construction d’une nouvelle capitale, dont le plan d’urbanisme a été confié à l’Office of Metropolitan Architecture de Rem Koolhaas. Le projet comprend une tour de 200 mètres et un gigantesque complexe de 270 000 mètres carrés.

Abou Dhabi mise également sur les loisirs et la consommation, mais veut donner une coloration culturelle à son développement. L’île de Saadiyat,( « île du bonheur » en arabe), devrait accueillir le musée Guggenheim Abou Dhabi (par Frank Gehry), le Louvre Abou Dhabi (par Jean Nouvel), le Musée National (par Foster & Partners) le Musée Maritime (par Tadao Ando) et le Performing Arts Centre (par Zaha Hadid).
L’île Yas Island sera quant à elle dédiée au culte de l’automobile : un circuit de Formule 1, des hôtels dont un, le Yas Hotel, doté de 5800 panneaux de verre pivotant, ainsi que le plus grand parc d’attractions couvert du monde…
Dans cette quête d’identité architecturale, on trouve également la mosquée Sheikh Zayed bin Sultan Al Nahyan, dont le syncrétisme emprunte aussi bien au Maroc qu’à la Turquie, œuvre gigantesque coiffée de multiples dômes, recouverte de marbre blanc rehaussé d’incrustations de pierres précieuses et de dorures.

Encore utopique il y a quelques décennies, ce gigantisme urbain est bel et bien devenu réalité…

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LA TOUR SIGNAL : UN NOUVEAU DÉFI POUR LA DÉFENSE, Jacques BOSSER, La Martinière

L’ouvrage présente tout d’abord l’historique du quartier de La Défense, puis les projets architecturaux soumis au jury en 2008, lors du plan de relance de ce quartier, et développe tout particulièrement celui de la tour Signal, signé des Ateliers Jean Nouvel.

Le quartier de La Défense fut aménagé il y a 50 ans pour offrir aux grandes entreprises nationales et internationales des immeubles de bureaux de grande capacité.
En 1958, le CNIT (Centre national des industries et des techniques), inaugurait la naissance de ce quartier d’affaires. Sa voûte triangulaire de 45 mètres de haut, était alors un exploit technique inouï.
La même année était créé l’EPAD : l’Etablissement public pour l’aménagement de la région de La Défense, chargé d’aménager ce site. L’idée d’une dalle suspendue fut retenue, sur laquelle viendraient se dresser des immeubles, et sous laquelle passeraient métro, trains, voitures, autoroute, voirie locale et parkings. En 1989, la Grande Arche fermait l’espace de La Défense.

Après 50 ans, le quartier de la Défense était menacé par d’autres quartiers émergents : il fallait lui redonner vie. Un plan de relancé fut décidé en 2006.
C’est dans le contexte du renouveau des tours et du redéveloppement de Paris que se définit le nouveau plan du quartier de La Défense. Ce plan prévoit la construction de bureaux neufs, de nouveaux logements, un renforcement desserte, une meilleure qualité de vie, et une priorité donnée au développement durable.

Ce plan intègre également la réalisation de la tour Signal, qui doit être emblématique du quartier et répondre à deux impératifs : la mixité (pour assurer une vie permanente dans ce quartier d’affaires et le rendre plus attractif), et une qualité environnement exemplaire (pour réfuter la voracité énergétique des tours).
L’appel à projets permit au jury d’étudier, en mars 2008, 14 propositions. 5 candidats furent finalement retenus.
L’ouvrage présente l’ensemble des projets et détaille plus spécifiquement les 4 projets des finalistes non retenus.

Le lauréat fut : Les Ateliers Jean Nouvel.
Déjà présent à Paris par la réalisation du Musée du quai Branly, la Fondation Cartier, l’Institut du monde arabe, Jean Nouvel a aussi transformé l’opéra de Lyon, aménagé le quartier d’affaires Euralille, imaginé la tour Agbar à Barcelone, etc.

Refusant les tours « qui s’agitent, dansent, font de la gymnastique », Jean Nouvel propose une tour d’une géométrie élémentaire : haute de 301 mètres et possédant 71 étages, il s’agit d’un rectangle divisé en 4 blocs superposés. Chaque bloc est creusé d’une gigantesque loggia, véritable place publique suspendue qui peut s’ouvrir en partie. Ces grandes loggias ouvertes sur la ville, dont l’intérieur est visible de l’extérieur, ont pour rôle d’exprimer la vie.
Signal sera le premier exemple de mixité complète réalisé en France : au pied de la tour, les équipements commerciaux et publics (crèches, médiathèque, conservatoire, piscine, tennis…). Puis respectivement dans chaque bloc : les commerces, les bureaux, l’hôtel, et les logements tout en haut.
Cette mixité et cette superposition doivent favoriser les stratégies « vertes ». Deux stratégies ont été retenues : une de réduction des besoins (ventilation naturelle, récupération de la chaleur ou de la fraîcheur de l’air pour pré-traiter l’air neuf, éclairage naturel favorisé par la forme en U des blocs) ; une autre de production de l’énergie : la tour produira elle-même une part non négligeable de son énergie (panneaux solaires, pompage de nappes tièdes sous la Défense couplé à des échangeurs de chaleur, éoliennes au sommet, cellules photovoltaïques).

Mais, début décembre 2009, était annoncé l’abandon du projet ; les investisseurs espagnols Medea et Layatena s’étant retirés pour cause de difficultés financières, et la nouvelle présidente de l’EPAD, Joëlle Ceccaldi-Raynaud, également maire de Puteaux (commune sur laquelle la tour devait être construite), étant opposée au projet.

Pour demain, la tour se rêve verte. Alors que d’autres ne la veulent même plus en rêve.

MAKING OF : PHARE & HYPERGREEN TOWERS de Jacques FERRIER ARCHITECTES, Ante Prima, Archives d’Architecture moderne.

En 2002, Jacques Ferrier, récemment remarqué pour la construction du pavillon français de l’Exposition Universelle à Shanghai, commence à travailler sur le programme d’un bâtiment de bureau à la pointe du développement durable « La construction durable devient architecture désirable. »
Pensé comme un « concept car », comme un pronostic pour le futur, le projet « Concept Office » s’esquisse en 2004. Cette recherche sur la tour écologique se poursuit avec le projet « Hypergreen » (pensé pour l’appel à Concours pour le quartier de la Défense) un nouveau concept de bâtiment utilisant le béton de fibre ultra performant, une peau de béton qui la distingue des tours-objets en verre, lisses et indifférentes à l’environnement extérieur.”Nous sommes à l’aube d’une nouvelle génération de tours” (…) “la tour comme objet arrogant et autiste (…) sera bientôt perçue comme un dinosaure encombrant le ciel d’une ville, sans rien offrir en retour”.

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Pour Jacques Ferrier, il est “indispensable d’avoir une dimension d’investigation, en marge du rythme toujours sous pression de la production de l’agence.”
Ce projet est le fruit d’un travail associant différentes compétences et d’une collaboration entre investisseurs et occupants. Bien loin de l’individualisme et du cloisonnement de certains.. « Le travail d’un architecte ne consiste plus à faire un beau dessin et à donner des ordres pour faire exécuter ce travail. »

Autres exemples de Green buildings (immeubles verts) en Chine, un pays en proie à des questions écologiques cruciales : fin 2010, la Pearl River Tower, la tour la plus écologique du monde doit voir le jour en Chine ; A Shanghai, un gratte-ciel futuriste, une « tour bionique », pouvant loger 100 000 personnes sur 1 km2 pourrait voir le jour d’ici quinze ans. L’ouvrage High density dresse un panorama succint mais pertinent de projets de tours dans le monde, face à la problématique de la densité urbaine. En Europe, l’agence Arte Charpentier a réalisé une tour s’inscrivant dans une démarche “écocitoyenne”, preuve que l’enjeu du développement durable dans cet objet architectural n’est pas l’apanage des grandes métropoles.

LA FOLIE DES HAUTEURS : POURQUOI S’OBSTINER A CONSTRUIRE DES TOURS ? de Thierry PAQUOT, Bourin éditeur.

Le sous-titre heurte volontairement. Quand on connait l’œuvre écrite de Thierry Paquot, son engagement et son intégrité, son œil acerbe mais poétique sur les questions d’architecture contemporaine, on ne s’étonne plus. Le philosophe et urbaniste, également éditeur de la revue Urbanisme, ose appuyer là où ça fait mal.
« Ce n’est pas de gaieté de cœur » [1] qu’il s’insurge contre la construction systématique de tours qu’il estime construites au nom d’une modernité architecturale dépassée d’un siècle « la tour appartient à une époque révolue », au service d’une symbolique de pouvoir aux antipodes des besoins des habitants, terriblement énergivores, néfastes pour l’homme. Après un bref historique de la construction des tours, il démontre leur incapacité à satisfaire une vie terrestre.

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Déjà en 1930, Frank Lloyd Wright dénonçait le « tout tour » dans l’Avenir de l’architecture. Même opinion pour Paul Virilio, urbaniste et essayiste, pour qui la tour est “une impasse en hauteur”. Dans L’Architecture d’Aujourd’hui(mars-avril 1975), l’architecte Bernard Huet poursuit cette analyse : “Le gratte-ciel moderne est devenu un objet irrationnel anti-économique et absurde ». Guy Debord dénonce les grands ensembles et rêve d’une « architecture véritablement bouleversante ».
Dans le même sillage, Thierry Paquot fait l’apologie d’un “urbanisme sensoriel et de l’accueillance”. Il milite pour une ville de partage et de déambulation. Il promeut les écoquartiers ou les constructions similaires à celles de Lucien Kroll et Giancarlo de Carlo.

Quelques grammes de finesse dans un monde de béton… brut.


[1] Extrait d’une intervention lors de la Conférence citoyenne sur les formes urbaines et les hauteurs organisée par le CAUE de Paris, le 13 octobre 2008

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