Prendre le temps?
Plus vite que la lumière, c’est possible !
Publié le 26/04/2023 à 08:00 - 14 min - Modifié le 28/04/2023 par Alicia C.
Rien dans l’univers ne peut aller plus vite que la lumière, c’est bien connu. En êtes-vous bien sûr ? La réponse est de l’ordre du "Oui, mais...". Il existe en effet quelques phénomènes physiques peu courants qui peuvent s’assimiler à un dépassement de cette limite infranchissable. Et non, ce n’est pas de la science-fiction.
Sommaire
Introduction
1- L’effet Vavilov-Tcherenkov
2- L’inflation
3- L’intrication quantique
Conclusion
Bibliographie
Introduction
En 1905, Albert Einstein a démontré qu’il était impossible de voyager plus vite que la vitesse de la lumière dans le vide. Vitesse qu’il fixe à près de 300 000 km/s.
Voilà qui est ennuyeux. Car l’espace est vaste. Beaucoup trop vaste pour être exploré en se limitant à cette vitesse. Il y a là de quoi frustrer notre nature curieuse d’homo sapiens. N’existe-t-il vraiment aucun moyen de contourner cette barrière physique a priori infranchissable ?
La science-fiction, nous le savons tous, s’en est donnée à cœur-joie pour imaginer ces moyens. Trous de ver, distorsion de l’espace grâce à des moteurs à antimatière, hyperespace, passage à travers d’autres dimensions et j’en passe… Ces contournements bien pratiques permettent aux vaisseaux de nos héros de parcourir des distances intersidérales mais ils n’en relèvent pas moins du domaine de la fiction. Restons dans la réalité de la science non fictive et voyons que oui, là aussi, on peut observer des phénomènes plus rapides que la lumière.
1. L’effet Vavilov-Tcherenkov : quand on franchit le « mur de la lumière »
Vous êtes-vous déjà demandé quel effet physique ça ferait, si on pouvait aller plus vite que la lumière ? Est-ce qu’alors, on deviendrait aveugle car les photons ne pourraient plus nous atteindre ? Est-ce que les étoiles défileraient à toute allure, en formant des trainées comme dans Star Wars ? Y aurait-il un gros flash lumineux équivalent au bang supersonique lorsqu’on dépasse le mur du son ?
Il se trouve que l’on peut répondre à cette dernière question. Ne laissons pas le suspense durer plus longtemps, la réponse est oui.
Car le monde scientifique est fait d’une infinité de subtilités, et s’il est exact qu’aucune particule ne peut se déplacer plus vite que la lumière, il s’agit là de la vitesse de la lumière dans le vide. Or, lorsqu’elle voyage dans d’autres milieux, les choses peuvent être bien différentes.
Dans l’eau, en effet, la lumière voyage à environ 75% de sa vitesse dans le vide. Il devient donc possible de projeter, dans l’eau, des particules à une vitesse supérieure à celle de la lumière dans l’eau. Ce franchissement du « mur de la lumière » est appelé l’effet Vavilov-Tcherenkov. Dès 1910, Marie Curie avait remarqué que l’eau soumise à des radiations produisait de la lumière. Le phénomène porte aujourd’hui le nom des deux physiciens qui l’ont expliqué en 1934.
C’est ce qui se passe dans les piscines de refroidissement des réacteurs nucléaires. Si cette eau-là brille d’une lueur bleutée, ce n’est pas à cause de la radioactivité, mais bien parce que les électrons jaillissant des réacteurs se propagent plus vite que les photons dans le bassin. La fréquence de cette lumière, et donc sa couleur, dépend du milieu dans lequel on se trouve.
Allumage d’un réacteur nucléaire : visualisation de l’effet Vavilov-Tcherenkov :
2. L’inflation : quand l’univers s’étend plus vite que la lumière
Ah, oui, le fameux Big Bang… Mais qu’est-ce que c’est, le Big Bang ? L’explosion qui a donné naissance à l’univers, me direz-vous ? Selon certains puristes, le Big Bang n’est pas la création de l’univers, mais la phase d’inflation qui a eu lieu immédiatement après. Et quand je dis immédiatement, je veux dire environ 10-35 secondes après. C’est-à-dire 0,0000000000000000000000000000000001 seconde. Le Big Bang, c’est la naissance de l’espace-temps. Avant lui, les lois de la physique telles qu’on les connaît (spatiales et temporelles) ne s’appliquent pas. L’ère de Planck, entre l’hypothétique instant zéro et 10-46 secondes, reste une inconnue absolue. Je ne vous réécris pas le chiffre en décimales, mais ça fait un paquet de 0 après la virgule !
Même si on découvrait tout ce qu’il y a à savoir sur le Big Bang, le mystère de la naissance de l’univers n’est pas près d’être résolu. Rassurez-vous, jeunes physiciens en herbe, il y aura encore du travail pour vous !
Mais revenons à notre inflation (non, non, pas celle dont parlent actuellement les journaux économiques). En une fraction de seconde si infime que le cerveau humain ne peut pas l’appréhender, le tout nouvel espace-temps a vu sa taille multipliée par 1030. Imaginez un 10 avec 30 zéros derrière !
Vous vous souvenez de la célèbre image du ballon qui se gonfle en éloignant les unes des autres les galaxies dessinées dessus ? C’est une bonne façon de se figurer l’expansion de l’univers. Lors de l’inflation, il n’y avait pas encore de galaxies mais les particules qui flottaient dans l’univers se sont éloignées les unes des autres à une vitesse extrêmement rapide, bien plus que celle de la lumière dans le vide.
Lors de cette inflation, c’est l’espace lui-même qui se dilate. Or, le vide de l’espace n’est composé ni de matière, ni d’énergie. La vitesse limite calculée par Einstein ne s’applique qu’aux objets ayant une masse ou transportant de l’information. Dans ce cas précis, les particules sont seulement entraînées par l’expansion, ce ne sont pas elles qui se déplacent. Imaginez un bateau dont le moteur ne peut aller que jusqu’à 20km/h, mais qui se retrouve entraîné par un courant avançant à 50km/h.
Quelle énergie a poussé le courant de l’univers à une telle vitesse ? A-t-elle un rapport avec la mystérieuse énergie noire qui accélère aujourd’hui l’expansion de l’univers ? La question reste entière.
3. L’intrication quantique : quand une transmission se fait en instantané
Compliquée, la physique quantique ? Inabordable pour le commun des mortels, et peut-être même incompréhensible pour les autres ? Pas besoin d’entrer dans les détails pour aujourd’hui. Contentons-nous d’accepter le fait qu’elle obéit à une logique différente de celle de la physique classique et restons-en là.
La physique quantique est la physique qui étudie les particules subatomiques (plus petites qu’un atome). Elle repose sur deux grands principes aussi étranges l’un que l’autre : le principe de superposition et le principe d’intrication.
Le premier de ces principes est mis en évidence par le tristement célèbre chat de Schrödinger, à la fois mort et vivant (je vous rassure, ce n’était qu’une expérience de pensée, aucun chat n’a réellement été empoisonné). Il nous apprend que mathématiquement, une même particule peut être soit à un endroit, soit à un autre, soit aux deux endroits en même temps. De même, elle peut se trouver soit dans un état, soit dans un autre, soit dans les deux états à la fois. Elle ne « choisit » une position et un état que lorsqu’on la regarde (ce n’est pas logique, je vous avais prévenus).
Le second, le principe d’intrication, est celui qui nous intéresse ici. Il nous dit que lorsque deux particules interagissent l’une avec l’autre, elles deviennent intriquées. Elles ne forment alors plus qu’un seul système et si elles se retrouvent séparées dans l’espace, elles restent intriquées. Ce qui implique que toute modification chez l’une entraîne instantanément une modification de même nature chez l’autre, et ce quel que soit la distance qui les sépare. Une expérience menée en 2017 avec des photons intriqués a montré que même séparés de 1200 km, le phénomène était instantané, et donc plus rapide que la lumière !
Mais comment, pourquoi, par quel biais ce changement est transmis d’une particule à l’autre ? Les physiciens ont élaboré plusieurs théories, la plupart tournant autour de cordes unidimensionnelles vibrantes. Selon ces théories, toutes les particules seraient en fait des « cordes » évoluant en dehors des trois dimensions spatiales que l’on connait. Toutes leurs caractéristiques dépendraient de la façon dont vibre la corde. Deux particules intriquées se retrouveraient sur la même corde. Quand on modifie l’état de l’une d’entre elles, cela revient à modifier la façon dont vibre la corde, et toute particule se trouvant sur cette corde voit donc son état modifié. Dans ce cas, aucune information n’est échangée entre les deux particules, et le phénomène peut donc s’affranchir de la vitesse limite qui est celle de la lumière.
Pourrait-on se servir de ce principe pour envoyer des messages instantanés à plusieurs années-lumière de distances ? Il sert déjà pour certains codes secrets. Car vu qu’on ne peut observer une particule intriquée sans la modifier, tout espionnage est immédiatement repéré. Mais il y aura encore des difficultés à résoudre avant de pouvoir s’en servir comme moyen de communication, si c’est seulement possible. En effet, la moindre mesure modifie le système et on ne peut connaître le nouvel état de la particule sans la mesurer à nouveau. Ce qui, fatalement, va encore la changer… De plus, l’intrication est fragile et disparait dès qu’une des deux particules entre en contact avec d’autres atomes ou molécules. À l’avenir de nous prouver que les miracles de la science pourront faire entendre notre voix en direct aux confins de la galaxie.
Conclusion
On peut donc abaisser la vitesse de la lumière pour voir ce qui se passe quand on la franchit. L’espace-temps lui-même peut s’élargir plus rapidement que la lumière, entrainant ce qu’il contient. Une modification peut se transmettre instantanément entre deux particules, par un biais encore inconnu. Mais, si les chercheurs du LHC – le plus grand accélérateur de particules du monde – parviennent à accélérer des protons à 99,9999991% de la vitesse de la lumière dans le vide, cela reste vrai qu’aucune particule ne l’atteindra jamais. Ouf, la physique est sauve et vos manuels de science ne sont pas encore à mettre à la poubelle.
Mais, et le voyage intersidéral, dans tout ça ? Qui sait si canaliser la mystérieuse énergie de l’inflation ne permettra pas la distorsion de l’espace qu’utilisent les héros de Star Trek ? Ou si la compréhension des cordes ne nous ouvrira pas la porte à des raccourcis via d’autres dimensions ? Il ne reste plus aux physiciens du futur qu’à poursuivre sur la voie de leurs aînés pour que la science rattrape enfin la fiction.
Bibliographie
. Sur le nucléaire et l’effet Vavilov-Tcherenkov :
Qu’y a-t-il dans un réacteur nucléaire ? / Jean-Marc Cavedon
Propose de découvrir à travers un jeu de question-réponse, de quoi est composé un réacteur nucléaire, quels sont les risques liés à son utilisation, quel est le combustible utilisé, etc.
Sciences et avenir, n° hors-série 202, juin-septembre 2020 (p.14)
Plus rapide que la lumière ?
Consultable à la bibliothèque
Sciences et avenir, n°905, juillet-août 2022 (p.58)
Pourquoi ne peut-on pas dépasser la vitesse de la lumière ?
Consultable à la bibliothèque
. Sur les premiers instants de l’univers :
Stephen Hawking – Tout l’univers (DVD)
Ce coffret regroupe l’intégrale des émissions de vulgarisation scientifique du célèbre astrophysicien Stephen Hawking. L’auteur du best-seller planétaire, “Une brève histoire du temps” vous invite pour une formidable exploration de l’univers à travers trois documentaires exclusifs. À l’aide d’images de synthèse, de prises de vues de la NASA et d’effets spéciaux époustouflants, vous allez enfin pouvoir partager la vision extraordinaire de Stephen Hawking qui rend la science aussi excitante que la science-fiction.
Aux premiers instants de l’univers : le mystère de la matière et de l’énergie noires / Dan Hooper
Une découverte du cosmos lors des premières fractions de seconde qui ont suivi le big bang. L’auteur répond aux nombreuses questions soulevées par cet évènement qui est à l’origine de la nature du monde. Il explique quelles forces existaient alors ou pourquoi une grande partie de la matière et de l’énergie présentes dans l’Univers reste indétectable, entre autres.
Le Big Bang / Françoise Combes
Une synthèse sur l’origine de l’Univers, les facteurs de son expansion ou encore la naissance des galaxies.
. Sur la physique quantique :
La quantique autrement / Julien Bobroff
Une vulgarisation de la physique quantique sans équation ni exposé historique, à jour des derniers développements théoriques et techniques de la discipline, accompagnée de dessins explicatifs réalisés par six illustrateurs, qui permettent d’en mieux saisir les principes.
Sciences et avenir, n° hors-série 210, juillet 2022 (p.19)
Le quantique, c’est fantastique !
Consultable à la bibliothèque
. Sur les liens entre science et fiction :
La science dans Star Wars : ce qui se cache derrière la force, le sabre laser, les voyage intergalactiques.. / Mark Brake, Jon Chase
Les auteurs examinent l’univers des films de la saga Star Wars sous l’angle scientifique. La nature de la Force, la vie sur d’autres planètes, les vaisseaux spatiaux ou encore le fonctionnement d’un sabre laser sont évoqués.
Star Trek : science ou fiction ? / Ethan Siegel
Présentation des technologies imaginées pour la série Star Trek et qui sont devenues réalité. L’auteur, astrophysicien et fan de cet univers, explique la science et l’ingénierie qui se cachent derrière les vaisseaux et autres appareils incroyables.
L’humain dans l’espace : entre réel et fiction / Roland Lehoucq & Florence Porcel
Abondamment illustré de photographies de la Nasa, cet ouvrage retrace l’histoire du transport spatial sous ses aspects réels et imaginaires, des voyages fantasmés véhiculés par la science-fiction jusqu’au tourisme spatial destiné à des clients fortunés, en passant par les exploits des cosmonautes depuis les années 1960.
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One thought on “Plus vite que la lumière, c’est possible !”
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C’est vraiment une lecture captivante et je dois avouer que cela a éveillé ma curiosité. Les phénomènes physiques peu courants dont vous parlez semblent défier notre compréhension conventionnelle de la physique et ouvrent la porte à de nouvelles découvertes passionnantes. Bien que cela semble encore loin de la réalité pratique, il est incroyable de penser que nous pourrions un jour atteindre des vitesses supérieures à celles de la lumière. Bravo pour cet article bien documenté et merci de nous faire réfléchir sur les possibilités infinies de l’univers qui nous entoure.