Musiques africaines
Afrique sur Rhône : Les sons africains produits à Lyon
Publié le 21/11/2022 à 16:22
- 15 min -
Modifié le 09/12/2022
par
Alfons Col
Carrefour de cultures, Lyon n’échappe pas à la mixité musicale et au partage des rythmes mondialisés. Les musiques d’Amérique latine, de Maghreb d’’Extrême Orient mais aussi d’Afrique ont insufflé des rencontres musicales inédites entre les musiciens de tous ces continents. Petit tour d'horizon des grooves africains produits dans la Capitale des Gaules.
LOMÉ vs LYON
Vaudou Game est certainement la meilleure réussite qu’a engendrée la rencontre de musiciens africains et européens sur nos terres lyonnaises. La machine à grooves est lancée en 2014 par son fondateur Peter Solo déjà bien connu du paysage musical lyonnais. Guitariste et chanteur togolais d’origine ethnique Mina (Sud du Togo), Peter Solo (Viwanu Déboutoh) naît en 1972 à Aného–Glidji-Agbomé village situé près de Lomé. Il est installé à Lyon depuis 2003 où il fonde d’abord le groupe Kakarako qui avec ses deux albums, amène un vent de fraicheur avec ce mélange subtile de funk et de musique togolaise. Nous vous en parlions ici.


Avec une équipe renouvelée, Peter Solo fonde donc Vaudou Game et sort un premier album remarqué “Apiafo” enregistré à la Friche Lamartine (Lyon 3ème).

On y retrouve un mélange explosif de rythmes togolais, de funk, d’afrobeat, ainsi que des titres chantés en français qui rappelle les tubes de Francis Bebey.
A travers 3 autres albums et des tournées dans les plus gros festivals européens, Vaudou Game s’efforce de propager la culture vaudou à travers cette musique riche de références.



LAGOS vs LYON
Bien qu’il n’y ait pas à notre connaissance de musiciens d’origine nigériane dans la scène lyonnaise actuelle, c’est bien vers la métropole Lagos où est né l’afrobeat que tous les regards se tournent pour rendre hommage à ce genre musical des plus importants d’Afrique. Son inventeur Féla Kuti reste le musicien qui a le plus influencé les fans de musiques afro à travers le monde. Son mélange de jazz, soul et de rythmes locaux (ju-ju et highlife) inspirent la planète entière.
- Supergombo est un groupe lyonnais qui utilise directement ce style en le mélangeant avec des influences post rock et psychédéliques. Fondé en 2013 sous l’égide du bassiste Etienne Kermac, le septet produit un premier E.P. éponyme ( sous titré afrofunk) caractérisant cet hommage appuyé aux rythmes hypnotiques de Fela sur des instrumentaux qui regardent autant vers le funk que vers le rock progressif.
Leur dernier opus “Sigi Tolo” qualifié d’afro-futuriste synthétise les rythmes africains les plus divers (Soukouss, Mbalax, afrobeat…) et les sonorités vintage des films de S.F. pour un résultant toujours aussi efficace et dansant.

- Avec dix musiciens dont une forte section de cuivres, la formation Electric Safari s’inspire principalement de la musique de Fela. Ces longues plages instrumentales et cinématiques louchent parfois vers la blaxploitation comme sur leur premier E.P. « Golden tandoori » sorti en 2013.
Leur deuxième E.P. “Bwenisa” enregistré au studio Chazette (Lyon) en 2014 est le fruit de leur rencontre avec le chanteur et percussionniste congolais Renaud Bilombo qui chante sur la moitié des titres.
Pour leur unique album “Morosphynx” ils reviennent à des instrumentaux, jazz-funk ayant toujours un oeil sur la musique hypnotique de Fela.
BANGUI vs LYON
Electric Mamba c’est la rencontre du collectif Electric Safari et de la chanteuse centrafricaine Idylle Mamba. Une nouvelle rencontre, une nouvelle page musicale. On attend l’album avec impatience.
BAMAKO vs LYON
En 2012 Dominique Peter, batteur des High Tone, s’envole pour le Mali pour échanger avec des musicien.nes et créer le projet multi-artistique Midnight Ravers. Il s’accompagne du dessinateur Emmanuel Prost pour créer un véritable carnet de voyage. A Bamako, point névralgique de la musique mandingue, il trouve toutes les ressources pour ce dialogue musical franco-malien. Le résultat s’écoute sur deux albums – Le Triomphe du Chaos (2013) et Sou kono (2015)- témoignant d’une parfaite alliance entre les chants et instruments maliens et l’electro-dub de Peter.


En 2019 il fonde le label digital Blanc Manioc véritable porte d’entrée vers l’afrobeats (mélange de hip hop, de house et de rythmes africains) ralliant toute la nouvelle génération d’Afrique de l’Ouest. Ces musiques rafraîchissantes et dansantes qui font autant du bien à nos oreilles qu’à nos pieds, constituent un catalogue d’une vingtaine de références déjà.

BRAZZAVILLE vs LYON
Projet soutenu par le label Jarrring Effects – qu’on ne présente plus – Les Mamans du Congo est un collectif féminin formé en 2018 et dirigé par la chanteuse Gladys Samba.
« Chanter pour émanciper la femme africaine et révéler au monde le matrimoine culturel congolais. »
Voilà le message de ces femmes qui à travers des berceuses en langue bantu décrivent la société congolaise d’un point de vue particulier.
Le producteur et beatmaker clermontois Rrobin, qui travaille entre autre pour Grems, voyage à Brazzaville l’année suivante pour rencontrer la formation et concevoir un album et un spectacle orienté vers la danse.

Beats hip-hop et polyphonie africaine font bon ménage dans cet album éponyme sorti en 2020 qui ravira les amateurs d’afrotronica.
DAKAR vs LYON
- Héritier d’un père griot, le chanteur et joueur de kora sénégalais Ibrahima Cissokho s’installe à Lyon en 2008 et monte l’ensemble Mandingue Foly avec une dizaine de musiciens confirmés de la région lyonnaise.
Yanfu, leur premier album aux sonorités variées sort en 2016. Virtuose de la kora et chanteur à la voix profonde il propose une relecture de la musique mandingue entre ballade, xalam ou encore rythmes ultra rapides comme ce furieux « Tiedo » morceau où le dialogue entre percussions (Petit Adama Diarra et Sory Diabaté) et la kora vire à l’extase.
Une véritable alchimie s’opère entre les instruments typiques d’Afrique de l’ouest (kora, balafon, flûte peule) et les instruments rock. “Liberte mom sa bop”, son deuxième album est sorti l’année dernière.


- Jean Gomis alias Sir Jean est né à Dakar. Installé à Lyon depuis le début des années 1990 il sera pendant trente ans de toutes les expériences musicales avec ces groupes les plus notables du patchwork musical lyonnais : Crazy skankers (ska), Meï Teï shô (afro-dub) ou encore Le Peuple de l’herbe. En 2016 il s’adjoint les services d’un brass band rhône-alpin appelé NMB Afrobeat experience avec lequel il produira deux albums “Permanent war” (2016) et “Silver gold” (2019). A travers des textes en wolof, français et anglais ils dénoncent sur des musiques issues de l’Afrique de l’ouest, les nombreux conflits africains sous couvert de néo-colonialisme.
KINSHASA vs LYON
Née au Congo et élevée au Brésil, la chanteuse, autrice – compositrice Alpha Petulay atterrit à Lyon au début des années 2010. Elle produit un afro-rock vitaminé aux influences musicales issues de ses différentes vies. Après un premier E.P. “Uhuru” en 2011 elle se lance en 2018 dans la production de son premier album made in Lyon.
Sur cet album “Right now” , elle chante en swahili, portugais et anglais des textes appelant à la paix. Ses influences africaines et latines se marient idéalement avec le son rock qu’elle a choisi pour cet album. On retrouve sur 3 titres Sir Jean au chant et à l’écriture.

ADDIS-ABEBA vs LYON
L’Ethio-jazz mélange du jazz et de la soul aux gammes pentatoniques de la musique azmari a fait les beaux jours des bars et boites d’Addis-Abbeba pendant deux décennies (1960-70) avant de tomber dans l’oubli. Redécouvert grâce à la collection Ethiopiques du producteur Francis Falceto à la fin des années 1990, ses trésors musicaux ont influencé bon nombre de formations occidentales. Et après la stupéfaction, beaucoup de musiciens actuels vont s’emparer de ces trésors.
Formé en 2010 autour du guitariste Damien Cluzel et du saxophoniste Lionel Martin, le groupe Ukandanz est la synthèse de leurs deux passions du moment l’ethio-jazz et le rock stoogien. Damien voyageant régulièrement en Ethiopie fut initié à la musique éthiopienne par Francis Falcetto lui-même. Lionel, saxophoniste “no borders” et de toutes les expériences musicales souffle le free et le chaud sur les compositions du groupe. Ils ramènent d’Ethiopie, le chanteur charismatique Asnake Guebreyes.
Deux albums, Yetchalal (2012) et Awo (2016) témoignent de cette fusion qu’ils baptisent “Ethiopian crunch music”.


Avec “Yeketelale” en 2018, le quintet ajoute des touches électroniques à leur musique et gagne en notoriété.
Malgré plusieurs tournées dans toute l’Europe, le groupe est obligé de faire une pause pendant la pandémie, rendant impossible la réunion du chanteur basé en Ethiopie et des musiciens basés à Lyon.
Qu’à cela ne tienne ! Le groupe a sorti deux disques séparément cette année, un entièrement instrumental, le bien nommé “4 against the odds” et la réédition en vinyle d’une K7 inédite de leur chanteur Asnake Guebreyes.


Un nouvel album est prévu en 2023.
DOUALA vs LYON
Né à Lyon de père camerounais, Patrice Kalla n’galle mène une carrière de griot urbain depuis 1997 et enregistre deux albums sous son nom mêlant contes africains, soul et chanson française.


En 2018, , Pat Kalla monte à son tour sa propre formation au nom claquant, Pat Kalla & le Super Mojo, rendant là aussi hommage aux grands orchestres africains. S’entourant de 7 musiciens Il convoque toutes les légendes du groove africain, à travers les rythmes du highlife, de l’afrobeat, de la rumba congolaise et surtout du makossa – style camerounais par excellence – popularisé il y a un demi-siècle par les illustres Manu Dibango et Francis Bebey.
Dès son premier E.P. “Combattant” il s’illustre brillamment dans une mélange de musique dansante à souhait et un discours engagé, en réactualisant notamment le titre “ancien combattant” du chanteur congolais Zao.

Avec trois albums au compteur, dont le dernier “Hymne à la vie” produit par Guts, Pat Kalla s’aventure aussi bien vers le funk que les musiques sud-américaines.

Parallèlement au Super Mojo, il collabore au projet Voilaaa du prolifique producteur et multi-instrumentiste Bruno Hovart ( Mr Président, Cinnamone, Patchworks, Porks Watch, Taggy Matcher, Uptown Funk Empire). Ce super groupe fondé en 2015 mélange avec succès rythmes africains et disco. Le sorcier de studio enregistre trois albums avec Voilaaa, laissant le pilotage du Voilaaa sound system (machine de live) à une cohorte de DJ bien connus des dancefloors lyonnais : Freakistan, Boolimix, Chylorama ou encore James Stewart. producteur des soirées Black Atlantic club anciennement au Sucre.

Dans « Manu écoute ça » c’est avec plein d’humilité qu’ils rendent hommage à Manu Dibango, fraîchement disparu.
« Papa Manu, écoute ça, on essaie de faire comme toi »
Pour aller plus loin :
- Discographie définitive de la musique africaine dans le fonds Mémoire des musiques Lyonnaises.
- Plus largement, une playlist des musiques du monde produites à Lyon par nos collègues de la BM de Meyzieu.
Partager cet article