INSTRUMENTS DE MUSIQUES ELECTRONIQUES
Les ingénieurs dans la lumière (épisode 2)
Publié le 25/12/2023 à 00:01 - 17 min - Modifié le 24/01/2024 par La COGIP
Poursuivons l'exploration des firmes pionnières dans la facture de synthétiseurs (désormais) légendaires et intéressons-nous aujourd'hui à Oberheim (Tom Oberheim), ARP (Alan R. Pearlman), et Korg (Tsutomu Katoh et Tadashi Osanai), dont les machines des années 1970 et 1980 continuent de résonner, tant dans les productions de l'époque que dans celles d'aujourd'hui : grâce à l'instrument original, sa réédition, ou son pendant numérique (le plugin, vst).
OBERHEIM
L’histoire de la marque américaine de synthétiseurs Oberheim remonte aux débuts des années 1960. Tom Oberheim, le fondateur de la société, était un passionné d’électronique et de musique. En 1969, il a créé son propre studio de musique et commence à expérimenter avec la conception de synthétiseurs. C’est ainsi qu’est née la première incarnation de la société, Oberheim Electronics. Sa première création commerciale est le séquenceur DS-2. Le premier synthétiseur notable d’Oberheim est le SEM (Synthesizer Expander Module), introduit en 1975. Il s’agit d’un module de synthétiseur polyphonique polyvalent et avec beaucoup de caractère. Le SEM a jeté les bases de la réputation d’Oberheim dans le domaine des synthétiseurs.
Un doc en anglais sur Tom Oberheim. Au besoin, activez les sous-titres et la traduction automatique, ça passe.
En 1975, Oberheim Electronics a lancé le Four-Voice, un synthétiseur polyphonique composé de quatre modules SEM. Il s’agissait du premier synthétiseur polyphonique disponible sur le marché, marquant une avancée significative dans le monde des synthétiseurs.
L’année suivante, en 1977, Oberheim a lancé l’OB-1, un synthétiseur monophonique qui est devenu très populaire pour son son riche et sa polyvalence. Il s’agit alors du premier synthétiseur totalement programmable et capable de mémoriser des presets (des réglages particuliers). Cependant, c’est l’Oberheim OB-X, sorti en 1979, qui a véritablement établi la marque comme un acteur majeur dans l’industrie des synthétiseurs analogiques. L’OB-X est un synthétiseur polyphonique avec une architecture sonore avancée et a été utilisé par de nombreux musiciens renommés dès sa sortie puis dans les années 1980 comme Prince, Laurie Anderson, Herbie Hancock et les geeks du son, sur tous les bons coups technologiques : Depeche Mode et Jean-Michel Jarre.
Oberheim c’est aussi des boîtes à rythmes et notamment la DMX, qui deviendra emblématique des débuts du hip hop, à l’instar de la Linn LM-1 et de la Roland TR-808.
Au cours des années 1980, Oberheim a continué à innover avec des synthétiseurs tels que l’OB-Xa, l’OB-8, l’expérimental Xpander (1984), le Matrix-6 (1985). Cependant, avec l’essor des synthétiseurs numériques dans les années 1980 et 1990, la demande pour les synthétiseurs analogiques a diminué, ce qui a conduit à des difficultés financières pour Oberheim Electronics.
Aujourd’hui, Oberheim est surtout associé à ses synthétiseurs classiques des années 1970 et 1980, et la marque continue d’avoir une influence importante sur la musique électronique et la conception sonore. Bien que la production de nouveaux synthétiseurs Oberheim soit limitée, l’héritage de la marque perdure grâce à l’impact durable de ses instruments emblématiques, qui vivent aussi au travers des rééditions ou des clones, et de leurs versions virtuelles sur les ordinateurs (les plugins VST que l’on associe à un logiciel de création).
Les machines d’Oberheim sont en vedette chez ces vedettes :
Les extraits suivants utilisent une des mythiques boîtes à rythmes des débuts du hip hop : la DMX
ARP
La société ARP Instruments, Inc. a été fondée en 1969 par Alan R. Pearlman, ingénieur en électronique américain. Après quelques années à la NASA et son travail sur les projets Gemini et Apollo, il créé ARP Instruments (Alan R. Pearlman) avec l’objectif de concevoir des instruments de musique électronique novateurs. Il devient rapidement l’un des principaux fabricants de synthétiseurs analogiques pendant les années 1970.
Le premier produit notable d’ARP a été le ARP 2500, un synthétiseur modulaire introduit en 1970. Le 2500 était extrêmement avancé pour son époque, offrant une grande flexibilité grâce à ses modules interchangeables. Il était utilisé principalement dans le domaine de la musique électronique expérimentale et académique, comme nous le détaille l’article suivant :
ARP 2500, matrice analogique (article de Vincent Chanson sur Section 26)
Le succès d’ARP a vraiment décollé avec le lancement de l’ARP 2600 en 1971, un synthétiseur semi-modulaire plus compact et abordable. L’ARP 2600 a gagné en popularité en raison de sa convivialité, de sa sonorité distinctive et de sa polyvalence. Il a été utilisé par de nombreux artistes et groupes influents, contribuant à définir le son de la musique électronique et de la musique populaire de l’époque.
En 1972, ARP a introduit l’ARP Odyssey, un synthétiseur monophonique compact qui est devenu un classique du genre. L’Odyssey était connu pour sa sonorité expressive et son interface utilisateur intuitive, ce qui en a fait un choix prisé des musiciens.
Cependant, malgré le succès initial, ARP a rencontré des problèmes financiers dans les années 1970, en partie à cause de la concurrence accrue sur le marché des synthétiseurs. En 1981, ARP Instruments fait faillite.
Bien que la société elle-même n’ait pas survécu au-delà des années 1980, les synthétiseurs ARP ont continué à exercer une influence considérable. En 2015, Korg a relancé l’ARP Odyssey, recréant le synthétiseur classique avec des composants modernes tout en préservant le caractère sonore distinctif de l’original. L’héritage d’ARP se perpétue à travers la présence de ses synthétiseurs dans de nombreux enregistrements emblématiques, et toujours dans de nombreux studios et home-studios.
Eliane Radigue dans un portrait de 2006
Stevie Wonder nous fait un sketch sonore de démonstration (vidéo de gauche). Il utilise par exemple son ARP 2600 sur Living for the city dans son album Innervisions (1973).
Tom Pigott (vidéo de droite) nous fait découvrir la gamme ARP.
(vidéo de gauche) Anthony Marinelli, qui a travaillé sur 7 titres de l’album Thriller de Michael Jackson (1982) nous détaille le processus de création du son de basse du titre Thriller.
(à droite) Herbie Hancock sur l’album Headhunters (1973).
Gauche : du ARP dans le générique de 1980 de la série britannique Doctor Who (4è incarnation).
Droite : Kraftwerk pour l’album et le titre Autobahn. La vidéo les montre utilisant le Minimoog et Le ARP 2600.
Un doc youtube en anglais réalisé par Alex Ball sur l’aventure ARP (Au besoin, activez les sous-titres et la traduction automatique, ça passe).
KORG
La marque de synthétiseurs Korg a été fondée au Japon en 1962 par Tsutomu Kato et Tadashi Osanai en tant que Keio Electronic Laboratories, société spécialisée dans la production d’équipements électroniques.
Tsutomu Kato commence par être manager d’un club (de musique, ndlr), puis quatre. Il y rencontre Tadashi Osanai, accordéoniste dont le batteur n’était autre qu’une boîte à rythme Wurlitzer Sideman. A la recherche de financement pour développer sa propre boîte à rythmes, Osanai s’associe à Kato. Ils forment ensemble Keio Gijutsu Kenkyujo qui deviendra Kei Giken Kogyo puis KORG. À ses débuts, Korg fabriquait principalement des accordeurs électroniques et des dispositifs de traitement du son.
L’intérêt de Korg pour les instruments de musique électroniques s’est concrétisé dans les années 1970 avec le lancement du Korg MiniKorg-700, un synthétiseur analogique monophonique, en 1973. C’était l’un des premiers synthétiseurs abordables disponibles sur le marché.
Daniel Miller aka The Normal utilise un Korg 700s sur la première référence du label Mute dont il est le fondateur. The Normal : Warm leatherette / TVOD (1978)
Jean-Michel Jarre, et la boîte à rythmes Mini Pops 7 utilisée dans l’album Oxygène (1976).
En 1978, Korg a introduit le MS-20, un synthétiseur monophonique analogique qui est rapidement devenu un classique. Le MS-20 était apprécié pour sa sonorité distinctive, sa modularité et ses filtres. Il pouvait être accompagné du séquenceur maison SQ-10. Il a été utilisé dans une grande variété de genres musicaux et est toujours considéré comme l’un des synthétiseurs les plus emblématiques de Korg.
L’année suivante, en 1979, Korg a sorti le Polysix, un synthétiseur polyphonique analogique. Le Polysix a été bien accueilli pour ses sonorités chaudes et ses fonctionnalités novatrices. Korg a continué à développer des synthétiseurs à succès au cours des années 1980, notamment le Poly-800 et le DW-8000.
Korg investit ensuite dans le développement de technologies numériques et lance en 1983 le DW-8000, un synthétiseur hybride analogique/numérique. En 1985, Korg a également introduit le M1, un synthétiseur/workstation numérique qui a connu un immense succès et a contribué à définir le son des années 1980. Le M1 était particulièrement reconnu pour ses sons de piano et d’orgue.
Un doc youtube en anglais sur la chaîne de Alex Ball : Traveler: a Korg retrospective (activez les sous-titres et la traduction automatique)
Depuis lors, Korg a continué à innover dans le domaine des synthétiseurs et des instruments électroniques, développant des produits tels que la série Triton, la série Kronos, et des synthétiseurs numériques modernes comme le Minilogue et le Prologue. Korg est également reconnu pour ses produits innovants dans d’autres catégories, tels que les boîtes à rythmes, les séquenceurs, et les contrôleurs MIDI.
Aujourd’hui, Korg est l’une des marques les plus influentes et respectées dans l’industrie des instruments de musique électroniques, et sa gamme de produits continue d’être largement utilisée par des musiciens et des producteurs du monde entier.
Le hochement de tête de Flat Eric sur le tube Flat Beat de Mr Oizo (1999) est réalisé sans trucage, au MS-20.
La ligne mélodique principale (celle qu’on chantonne) du Da Funk de Daft Punk aurait (selon des sources plutôt concordantes mais pas certaines certaines) été réalisée avec le MS-20. A laquelle se sont ajoutées comme nous l’avons vu dans l’épisode 1 les triturations de TB-303 (Roland).
Ci-dessus : The Human League – Being boiled (1978)
Les fous du son / Laurent de Wilde, 2016
Beat Box : a drum machine obsession / Joe Mansfield, 2013
Benge teste 20 synthés vintage dont les ARP 2500 et 2600, Oberheim SEM et Xpander, Korg Lambda et Trident dans cet album / démo / document :
L’histoire de Korg (en français) sur le blog Musicarius
Les chaînes youtube de quelques fétichistes du synthé :
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