Chasseurs d'images

Le Bastion n°1 à Saint-Just

Photographe : Gilles Moreau

- temps de lecture approximatif de 4 minutes 4 min - par dcizeron

De l’Antiquité jusqu'au début du XXème siècle, l’angle de la rue des Farge et de la rue de Trion marque la limite de Lyon. De récents travaux de fouilles ont exhumé à cet endroit des traces de 4 fortifications différentes : de ce qui devait être le murus gallicus, la première enceinte gauloise de Lyon, de l’enceinte romaine, de l’enceinte médiévale et de l’enceinte du XIXème siècle. Au début du XXe siècle, la Place Abbé-Larue est encore occupée par un ensemble de fortification : la porte de Saint-Just est détruite en 1924 et le bastion n°2, en 1937. Seul le bastion n°1, à fleur de balme, est conservé.

BML, Gilles Moreau, P1210 002 00003
BML, Gilles Moreau, P1210 002 00003

Histoire d’un bastion

Le bastion n°2 reliait la porte au premier bastion surplombant la Saône : le bastion n°1. Ces bastions étaient les premières pièces d’une « ceinture » défensive pour Lyon. Leur aménagement à partir de 1840 fait suite à la reconstruction des murailles de la ville au XIXe siècle. Après le siège de Lyon de 1793 et les deux occupations de la ville consécutives aux défaites de Napoléon de 1814 et 1815, l’ancienne muraille est presque détruite : elle était déjà à l’abandon à la fin du XVIIIe siècle. 

Démolition du fort saint-Just Salut public du 21 mai 1937

Dès les années 1820-1830, une réflexion est engagée concernant la protection des grandes villes françaises. L’Etat ne souhaite plus revivre l’occupation étrangère comme en 1814-1815, et voudrait faire de Lyon une place forte, une sorte de capitale militaire qui offrirait au gouvernement un refuge en cas d’invasion de la France.  Lyon est fortifiée par une nouvelle muraille et une série de grands forts : c’est la ceinture de Lyon du général Rohault de Fleury. 

Sur la rive droite de la Saône, cette ceinture prend la forme d’une enceinte continue entre la Croix Rousse et Fourvière parallèle à l’enceinte médiévale et d’une série de bastions et de forts : Saint- Irénée, Loyasse, Vaise Saint-Jean…).

L’intérêt stratégique de construire  un bastion à saint-Just est pointé dès 1926 par Pellion, dans son opuscule : De l’importance militaire de Lyon. Saint-Just est le premier fort envisagé. Le nouveau quartier de Perrache a besoin d’être protégé. L’extension de la Presqu’île de Lyon est récente, débutée par Perrache à la fin du XVIIIe s. En 1846 ce ne sont pas moins de 2 km qui ont été gagnés sur les eaux pour étendre les limites de la ville au Sud, et qui ont ouvert un nouvel accès à Lyon par le pont de la Mulatière.

BML, Joris Castelbou, P0796 002 00016

La construction  du fort Saint-Just ne se fait pas sans heurts ; les riverains s’y opposent, soulevant des problèmes d’expropriation. Mais surtout une « rumeur » court dans toute la ville : le fort ne sert pas qu’à protéger Perrache de l’ennemi extérieur. Le nouveau quartier Perrache est un quartier industriel et donc « ouvrier » ce qui constitue une menace pour l’ordre bourgeois. Le fort servirait à les surveiller voir les réprimer. Aucun document officiel ne mentionne cet objectif mais Rohault de Fleury paie sans doute sa mauvaise réputation après avoir écrasé dans le sang la révolte des canuts  en 1834.

BML, Antoine Cusin, P0757 008 00001

Moins d’un siècle après leur construction, les bâtiments du bastion n°1, sont abandonnés par l’armée, au début du XXème siècle. Ils sont repris par les Voies Navigables de France dans les années 1950. Il y entrepose des archives. Un gardien est présent jusque dans les années 2010. L’établissement public est toujours propriétaire des lieux mais ils ne sont plus occupés jusqu’en 2019.

Le Renouveau du fort

La rencontre en 2018 de l’association GAMUT avec les Voies Navigables de France fait émerger un nouveau projet artistique pour la revitalisation du Bastion de Saint Just. Il en ressort un projet de mise à disposition temporaire du lieu pour une ou plusieurs associations à vocations culturelles et sociales.

GAMUT est une association pour le soutien et la conduite de projets liés à la création : arts plastiques et numériques, spectacles vivants, musique… mais aussi l’artisanat et l’écoconstruction. Depuis 2019, GAMUT a investi le bastion Saint-Just en y implantant une résidence artistique. Cette démarche créative s’accompagne d’un travail de recherche historique et patrimoniale sur le passé et le devenir du bastion en partenariat avec les Ateliers La Mouche.

Les résidences s’articulent autour de 4 principes fondateurs :

  • Gamut met à disposition de chaque artiste/collectif un accès à un espace individuel de travail + un espace de stockage collectif au Bastion de Saint Just.
  • Gamut met à disposition de chaque artiste/collectif un ensemble de moyens matériels, l’accès à son réseau, ainsi qu’un accompagnement humain dans l’aide à la conduite de son projet.
  • Chaque artiste/collectif a pour obligation de s’investir dans la vie du Bastion, avec l’ensemble de ses résidents (plasticiens et autres individus ou collectifs adhérents de l’association).
  • Chaque artiste/collectif a pour obligation de s’investir dans un ou plusieurs projets portés par Gamut à visée territoriale et de développement durable.

Ce peut être des résidences libres de 3 mois ou thématiques inférieures à 2 mois.

Le 9 avril 2022, la bibliothèque municipale de Lyon s’associe à GAMUT pour une balade photographique au bastion de Saint-Just, afin de garder une trace de cette occupation temporaire.

Bibliographie

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