
Le Mississippi
Compilation
lu, vu, entendu par FGrignoux - le 08/01/2015
Le label Accords Croisés, spécialisé dans les grandes voix des musiques du monde, s'est lancé dans une collection originale et pleine de sens. Sous la direction artistique du journaliste Etienne Bours, Le Chant des fleuves propose une exploration des "musiques qui s'épanouissent au bord des eaux ancestrales des fleuves mythiques". Le Mississippi est le second volet, après Le Nil paru en 2012.
Lorsqu’on étudie l’histoire des musiques américaines, il est frappant de constater à quel point elle épouse parfaitement le flot bouillonnant du “Père des eaux” (Misi Sipi, en algonquin). Prenant sa source dans le lac Itasca (Minnesota), le fleuve Mississippi traverse les Etats-Unis sur 3780 km, du nord au sud pour se jeter dans le Golfe du Mexique. Il aborde dix Etats et un grand nombre de villes réputées pour leur histoire musicale : Minneapolis, Saint-Louis, Memphis, Bâton-Rouge, ou encore La Nouvelle-Orléans. Explorer le “Grand Fleuve”, c’est donc entendre le chant des différentes populations – Acadiens, Afro-Américains, Indiens – qui y ont charrié et mélangé leurs idiomes musicaux : la musique cajun, zydeco, les brass bands et le jazz de Louisiane ; le blues dans les juke-joints du Mississippi ; le gospel, la soul, et le rock’n’roll à Memphis ; le rap et la old time music à Saint-Louis ; le funk de Prince et la tradition folk de Minneapolis.
Les deux disques de la compilation font une place particulière au blues, dont le Mississippi serait selon Bob Dylan le “flux sanguin”. Big Jack Johnson, Anthony “Big A” Sherrod, L.C. Ulmer, Jimmy “Duck” Holmes, Little Freddie King, ou encore Scott Dunbar en livrent une version brute et chargée d’histoires. Grâce au fleuve, le blues irrigue sans cesse d’autres cultures et courants : le gospel de Leo Welch et du Reverend John Wilkins, la culture indienne de Butch Mudbone, les traditions Peules du sénégalais Guelel Kumba et son groupe Afrissippi.
Il faut souligner encore la place accordée aux musiques et thèmes liées à la Louisiane, notamment la musique cajun de Courtbouillon, Zachary Richard, et des Magnolia Sisters, et le zydeco de Cedric Watson. Les brass bands (orchestre de cuivres et de percussions) de la Nouvelle-Orléans sont de la partie, tout comme la musique des Mardis-Gras Indians (gangs d’Afro-américains grimés en Indiens), incarnée ici par Bo Dollis & The Wild Magnolias avec une interprétation festive du standard Jockomo Jockomo. Les caprices du fleuve, les ouragans et dégâts environnementaux (marée noire) s’imposent comme d’intarissables thèmes pour évoquer l’Etat du Pélican.
Même si les musiques du Sud sont les plus largement représentées, la compilation donne également à entendre d’autres traditions : les folk songs de Spider John Koerner, la musique old time et bluegrass de John Hartford et ses banjos, les fifres et tambours, les jugs et string bands.
Au milieu d’une production vaste et souvent surreprésentée par certaines personnalités, Accords Croisés propose une sélection de musiciens moins connus mais tous chevronnés et talentueux. Sous forme de livre-CD richement illustrée et renseignée, cette double compilation constitue une porte d’entrée idéale aux musiques traditionnelles des Etats-Unis, dont le Mississippi demeure une source fondamentale.
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