Easy Breezy
Yi Yang
lu, vu, entendu par Dolores - le 09/03/2024
Zigzaguez nerveusement à travers la banlieue chinoise et profitez-en pour kidnapper une petite fille de six ans par la même occasion. Vous ne voulez pas ? Vous n’avez pas le choix, les personnages d’Easy Breezy ne l’ont pas eu non plus.
Suivez la plus fine des équipes dans leur enchainement d’idées toutes plus désastreuses les unes que les autres. Li Yu et Oncle Ya décident de voler une camionnette garée dans la rue. Premier souci, Yang, camarade de classe de Li Yu est témoin de la scène. Ce dernier l’embarque de force pour l’empêcher de les dénoncer. Deuxième problème, et pas des moindre, il reste une dernière passagère, insoupçonnée : Yun Duo, une petite fille qui siestait à l’arrière du véhicule. Aspirés dans un tunnel interminable dont les parois ne sont que le reflet de leur bon sens et de leur intégrité on ne peut plus bancals, nos baby-sitters-ravisseurs vont tenter d’échapper au très louche propriétaire de la camionnette.
Yi Yang nous sert un récit effréné et abasourdissant de sinuosités, à mi-chemin entre un jeu-vidéo en cel-shading et un buddy movie des années quatre-vingt. Son coup de crayon est tranchant et incisif, les formes anguleuses quasi abrasives finissent de conférer à toutes les planches déjà bien mouvantes une fulgurance grisante. Les personnages sont déformés et les points de vue distordus, même à l’arrêt le sentiment d’agitation est palpable. Tout va beaucoup trop vite, c’est aussi valable pour le lecteur qui, sans rien demander, se retrouve tracté à toute vitesse d’un point à l’autre de la BD, un peu à la manière de Yun Duo, la joyeuse victime collatérale.
Dans les rares moments d’accalmie, la jeune autrice chinoise nous montre qu’elle sait déconstruire les personnages archétypaux aussi aisément qu’elle sait donner des coups d’accélérateur. Li Yu, voyou bon à rien en décrochage scolaire, Yang, premier de la classe sans vie sociale, Oncle Ya, raté fini au grand cœur affublé de ses fidèles claquettes et Yun Duo l’éternelle insouciante ne s’avèrent pas aussi prévisibles que de prime abord. Les passagers du frénétique convoi finissent par être aussi surprenants qu’attendrissants dans ce véritable dédale de formes semi-polygonales.
Inutile de la chercher, il n’existe pas de ceinture qui vous permettra de lire l’effervescent Easy Breezy sans subir les secousses diablement maîtrisées de Yi Yang. Sautez le pas et kidnappez donc cette enfant.
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