Super-héroïnes et super-héros 2/2

- temps de lecture approximatif de 18 minutes 18 min - Modifié le 16/12/2023 par AB

Quatre-vingts ans d'histoire des États-Unis. Seconde partie : de 1970 à nos jours.

Special strange n°19 Editions Lug (Lyon) mars 1980
Special strange n°19 Editions Lug (Lyon) mars 1980

Lire la première partie de cet article : des années trente aux années soixante.

Années soixante-dix : guerre du Vietnam et désenchantement

Les États-Unis sont en proie au doute après la défaite au Vietnam, le choc pétrolier augmente le chômage et la criminalité, la classe politique est dévalorisée suite à la démission du président Nixon. Le scénariste Steve Englehart dénonce le scandale du Watergate dans Captain America, l’Empire Secret. Le héros au bouclier, écœuré par les institutions de son pays, se déclare apatride et se fait appeler Nomad, il change de costume pour ne plus porter les couleurs du drapeau national. Cette nouvelle identité ne dure cependant que quatre numéros. En 2011, c’est Superman qui renonce à la nationalité étasunienne pour embrasser « la citoyenneté du monde » et les conservateurs ultra-patriotes s’étouffent.

Des nouveaux super-héros apparaissent, sombres, violents, et désillusionnés face à l’état de la société. Alors que les gentils sauvaient des vies, Wolverine et Le Punisher (Le Punisseur dans les premières traductions), n’hésitent pas à tuer des méchants, avec des armes à feu pour le second, chose rare auparavant.

Le Punisher fait ses débuts comme ennemi de Spiderman, avant de devenir un anti-héros avec sa propre série. Les héros remettaient les super-vilains à la police, lui les tue de sang-froid. Dans ses comics, les politiciens, les hommes d’affaires, les forces de l’ordre et la justice sont corrompus, le crime prospère. Pour se débarrasser des criminels, Le Punisher décide d’être à la fois policier, juge et bourreau. Il est le symbole du vigilantisme, une doctrine étroitement associée aux États-Unis. La police, la justice et l’exécution de la peine se font en dehors du cadre légal, cela va du duel entre le shérif et le hors-la-loi, au lynchage des noirs. De nombreux films de cette décennie mettent en scène des justiciers vengeurs, L’Inspecteur Harry avec Clint Eastwood dans le rôle de Dirty Harry, Un justicier dans la ville avec Charles Bronson, Taxi Driver.

Le Punisher est un vétéran du Vietnam traumatisé par les horreurs auxquelles il a participé. À ses yeux, les guerres sont décidées par de vieux politiciens riches et corrompus, qui envoient de jeunes hommes pauvres se faire tuer, pour augmenter les profits des multinationales et des actionnaires. Il est le mauvais vétéran, de la sale guerre du Vietnam, un pays lointain inconnu des Américains avant le conflit, une guerre inutile, perdue par des losers toxicomanes qui en sont revenus fous. Captain America au contraire est le bon vétéran, de la bonne guerre patriotique, menée pour la bonne cause, contre le nazisme, gagnée par des héros. Le Punisher parle aux 20 millions de vétérans vivant aux États-Unis. Comme Rambo, dont le livre a été publié en 1972, il est un des nombreux personnages incarnant le combattant du Vietnam ne trouvant plus sa place dans la société à son retour au pays. Dans des séries récentes, Le Punisher est un vétéran de la guerre d’Afghanistan.

Années quatre-vingt : années Reagan

La guerre froide continue, mais l’ambiance a changé. Certes, Sylvester Stallone bat un boxeur soviétique caricatural dans le film Rocky IV. Mais dans Superman IV, l’Homme d’acier, fidèle à ses idéaux, détruit les arsenaux nucléaires des USA et de l’Union soviétique pour garantir la paix.

Les anti-héros sont délaissés au profit de héros positifs. L’objectif est de vanter les mérites d’une Amérique à l’économie libérale, fondée sur la réussite individuelle, gagnante de la guerre économique après le fiasco de la guerre du Vietnam. Mais il existe des exceptions, deux auteurs révolutionnent la bande dessinée grâce à leur génie créatif : Frank Miller et Alan Moore.

Miller critique d’abord Ronald Reagan et l’image de Batman dans The Dark Knight, dépeignant un justicier masqué ultra-violent appliquant une justice expéditive. Il prend ensuite un chemin résolument conservateur et sera accusé de racisme, de misogynie et d’homophobie pour ses œuvres Sin City et 300, comme le rappelle Jean-Marc Lainé dans Frank Miller, urbaine tragédie. Il soutiendra les guerres des États-Unis et attaquera les mouvements contestataires comme Occupy Wall Street. Alan Moore est anarchiste et s’oppose à la contre-révolution libérale de Ronald Reagan et Margaret Thatcher, son œuvre majeure dépeint une Angleterre fasciste dans V pour Vendetta.

Le Punisher devient le héraut de l’extrême droite. Son usage immodéré des fusils d’assaut est plébiscité par les partisans du droit au port d’arme. Dans les années soixante, le Black Panther Party soutenait ce droit pour que les noirs puissent se défendre. L’explosion du nombre de morts par arme à feu dans la communauté noire à partir des années soixante-dix déclenche un mouvement anti-arme, et la droite devient la plus farouche défenseuse du droit de porter une arme. La récupération du Punisher par l’extrême droite désole son créateur Gerry Conway, qui rappelle que c’est un sociopathe, un meurtrier cynique et sadique.

Les années quatre-vingt sont aussi les années sida, un sujet abordé de façon détournée. Northstar que son scénariste imaginait homosexuel avant son coming out, souffre à cette époque d’une mystérieuse maladie. Le héros déclare être gay en 1992 et se marie à son compagnon en 2012.

Années quatre-vingt-dix : critique de la société américaine

Les éditions DC Comics, encouragées par le succès d’Alan Moore et Frank Miller, lancent la collection Vertigo, plus mature et politique que les productions précédentes, sexe et violence sont autorisés. Ce faisant, elles occupent tous les segments du marché, du mainstream au plus subversif.

DC engage des artistes britanniques, avec une autre culture de la bande dessinée : Warren Ellis (Transmetropolitan), Garth Ennis (The Boys), Neil Gaiman (Sandman), Alan Moore (Watchmen), Grant Morrison (All-Star Superman). Ils détournent l’image des super-héros pour faire une critique acerbe de la société. Par exemple, dans Superman : Red son de Mark Millar. Le scénariste imagine l’Homme de demain arrivant sur terre dans un kolkhoze soviétique, au lieu d’une ferme du Kansas dans l’histoire originelle. Il devient un héros prolétarien, combat pour Staline, le socialisme et le Pacte de Varsovie. Une uchronie qui questionne la place centrale de l’Empire américain.

Années 2000 : Amérique post 11 septembre

Les années Georges Bush Junior

Après les attentats contre le World Trade Center, le gouvernement fait voter le Patriot Act, une loi d’exception pour lutter contre le terrorisme, qui donne plus de pouvoir aux agences de renseignement en matière d’espionnage des citoyens. Les opposants au président Georges Bush l’accusent d’entraîner la nation sur une pente totalitaire. En écho à cette nouvelle législation parait Civil War en 2006. Son adaptation cinématographique sort en 2016, trois ans après les révélations d’Edward Snowden qui rendent publiques des informations classées top-secrètes. Elles prouvent que les USA espionnent sa population.

Civil War raconte qu’un combat entre super-héros et super-vilains a fait de nombreuses victimes civiles et d’importantes destructions matérielles. Une loi est votée, les obligeant à dévoiler leur identité afin que les autorités encadrent leurs activités. Captain America s’oppose à cette loi qu’il juge liberticide, Iron man est favorable à la nouvelle législation. Chacun va réunir un groupe de super-héros, une lutte s’engage entre ceux respectant la légalité, et ceux combattant la loi illégitime, quitte à devenir des hors-la-loi.

L’Ère Obama

Le président Barack Obama souhaite épargner les vies des soldats engagés en Irak et en Afghanistan. De plus, l’armée est critiquée pour son usage de la torture, le camp de Guantanamo, et les prisons secrètes disséminées dans des pays alliés. Il décide d’utiliser massivement des drones tueurs contre les terroristes plutôt que de les emprisonner. Ces attaques font débat, elles sont considérées comme des assassinats ciblés, sans jugement, qui plus est faisant des victimes civiles. Dans le film Captain America : The Winter Soldier se trouvent des ressemblances avec le choix militaire du président. Nick Fury, le commandant du SHIELD, fait installer dans l’espace des lanceurs de missiles pour tuer les terroristes sur terre. Captain America s’y oppose. Selon lui, ce sont des meurtres, c’est contraire aux valeurs de l’Amérique.

Sous la présidence d’Obama, Hollywood sort des films de super-héros à la chaîne. Les femmes et les minorités prennent de plus en plus de place sur les écrans. Avec Black Panther, pour la première fois un héros noir est en tête d’affiche. Si les super-héroïnes ont leur propre série depuis longtemps, l’industrie du cinéma a longtemps hésité à faire un film centré sur une femme, de peur de faire fuir le public masculin. Hormis Supergirl (1984), Catwoman (2004) et Elektra (2005), il faut attendre Wonder Woman (2017) pour que soit lancée une série de films donnant le premier rôle à une super-héroïne. Suivront Captain Marvel, Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn, Black Widow et Wonder Woman 1984.

Les scénaristes de comics remplacent les super-héros blancs par des noirs ou des femmes. Steve Rogers a toujours été antiraciste et en 2014, il donne son bouclier à celui qui est son meilleur ami depuis 1969 : Le Faucon. Celui-ci devient le nouveau Captain America, la relève pour défendre l’Amérique. Captain est un personnage emblématique des États-Unis et ses auteurs l’utilisent pour prendre position sur les débats qui agitent la nation : les migrants, les lanceurs d’alerte, les violences policières… En 2011 c’est Miles Morales, métis africain et latino, qui devient Spider-Man quand Peter Parker disparaît dans la série des comics Ultimate.

Même le puissant Thor n’échappe pas à cette réinvention. Marvel décide en 2014 que dorénavant le dieu scandinave sera incarné par Jane Foster, les fans s’étranglent mais la série plaît aux lecteurs. En 1978, la série What if imagine des univers alternatifs, le numéro 10 a pour titre : « Et si… Jane Foster avait trouvé le marteau de Thor ? ». Elle se transforme en déesse appelée Thordis. Ce qui n’était qu’une spéculation devient réalité trente ans plus tard. Bien avant #Me too, les super-héroïnes et les super-vilaines contestaient le super-patriarcat. Ainsi, la criminelle Harley Quinn, créée en 1992, se libère d’une relation abusive avec Le Joker pour voler de ses propres ailes. Le féminisme passe aussi par de nouveaux modèles masculins, la série télévisée Loïs et Clark lancée en 1993 est emblématique à ce titre. Loïs est une femme forte, et Clark Kent, l’identité officielle de Superman, est un exemple de masculinité non toxique.

L’homosexualité était suggérée, elle s’affiche de plus en plus ouvertement. Depuis 2019, Harley Quinn et Poison Ivy, deux antagonistes de Batman, forment un couple de femmes bisexuelles. En 2021, son jeune acolyte Robin revendique sa bisexualité, et Batwoman est lesbienne. Le fils de Superman poursuit les aventures de son père. Il fait son coming out bisexuel, et pour la première fois, c’est un personnage historique qui brise l’hétéronormativité, l’incarnation des États-Unis, dont le costume est aux couleurs du drapeau, affirme sa sexualité.

Les Années Trump

Autocollant contre la récupération politique du Punisher.

Le mandat du président Donald Trump est marqué par une hostilité envers les migrants, et par des manifestations contre les violences policières à l’encontre des noirs. Le mouvement Black Lives Matter (Les vies noires comptent) qui lutte contre le racisme dans la police, devient mondialement connu. Parallèlement, se développe un groupe de défense des policiers appelé Blue Lives Matter (Les vies des policiers – les uniformes bleus – comptent). Il s’empare de la figure du Punisher. Dans le n°13 de Punisher 100% Marvel, publié en 2019, Matthew Rosenberg au scénario prend position contre ce mouvement. L’anti-héros symbole de justice expéditive rencontre des policiers membres de Blue Lives Matter. Reconnaissant son emblème à tête de mort sur un autocollant ornant la voiture de police, il les encourage à prendre Captain America pour exemple, mais pas lui qui est le contraire de la loi et de l’ordre, qu’ils sont censés défendre. Cet épisode s’inspire de faits réels, des militaires et des policiers ajoutent à leur uniforme ou sur leur véhicule, des badges et des autocollants reprenant le blason du Punisher.

Les comics critiquent Trump sur sa politique migratoire. Dans les pages de Spider-Gwen d’août 2016, avant son élection donc, les auteurs dessinent le hideux super-vilain Modaak sous les traits du candidat républicain. Captain America incarné par Samantha Wilson, une femme noire, le punit pour ses méfaits et ses discours racistes lors d’un combat à la frontière mexicaine, où le président veut construire un mur pour empêcher l’arrivée des migrants. Le fait que Captain America soit incarné par Samantha Wilson, ou par sa version masculine Sam Wilson Le Faucon, démontre que les valeurs de l’Amérique peuvent être portées par quiconque les partage, quels que soient ses origines, sa couleur ou son sexe. Dans la série télévisée, Supergirl quant à elle prend la défense d’extra-terrestres voulant vivre sur terre, une allusion aux migrants qui entrent clandestinement aux États-Unis, l’étranger et l’immigré symbolisé par un alien est un classique dans les comics.

L’élection de Trump marque aussi la fracture qui existe entre deux Amériques, une défendant des valeurs libérales, et une autre, conservatrice et xénophobe. En 2017, la série Secret Empire voit un Captain America appartenant aux forces du mal devenir président, et s’opposer à un bon Captain, resté dans le camp du bien, comme une métaphore des dissensions qui divisent la nation.

Un des évènements majeurs qui marque la présidence Trump est l’assaut contre le Capitole en janvier 2021. The Batman de Matt Reeves a été tourné avant l’invasion par les soutiens trumpistes, il a pourtant d’importantes similitudes avec les évènements du 6 janvier, le justicier masqué y affronte des complotistes d’extrême-droite. Le réalisateur déclare : « La folie de notre monde réel nous a rattrapé ». Après avoir vu des T-shirts à l’effigie de Captain America dans la foule des émeutiers, le fils de Jack Kirby, le créateur du Captain, s’offusque contre sa récupération par l’extrême droite. Il affirme : « Captain America est l’exacte antithèse de Donald Trump (…) Là où Captain America est désintéressé, Trump ne sert que lui-même. Là où Captain America se bat pour notre pays et la démocratie, Trump se bat pour son pouvoir et l’autocratie. Là où Captain America se range aux côtés de l’homme du peuple, Trump se tient près des puissants et des privilégiés ».

Les super vilains

Ce sont les méchants de l’histoire, leur rôle est de personnifier ce qui menace la société. Durant la Seconde Guerre mondiale ce sont les nazis, et Captain America affronte Crane rouge, le bras droit d’Hitler. L’ennemi japonais apporte aussi son lot de méchants, avec en plus des représentations racistes. Steve Rogers combattait les nazis à ses débuts, les communistes ensuite, il se bat contre des terroristes depuis les années 2000.

Durant la guerre froide, les super-vilains venus de l’Extrême-Orient communiste se multiplient : Le Mandarin, Griffe jaune… ils cumulent les clichés racistes. Le docteur Fu Manchu est l’archétype du génie du mal. Apparu en 1912 dans les romans de Sax Rohmer, il incarne le péril jaune, la crainte que les peuples d’Asie surpassent les Occidentaux. Les comics reprennent son personnage à partir des années trente. En 1973, pour séduire le lectorat asiatique, Marvel lui invente un fils, un héros positif nommé Shang-Chi. De la même façon, après le succès de Black Panther au cinéma, notamment auprès de la communauté noire, Marvel s’attaque au marché chinois avec un film dédié à Shang-Chi.

Et si les méchants avaient raison ?

Dans son livre Le Syndrome Magneto, Benjamin Patinaud alias Bolchegeek sur You Tube, explique que les mouvements contestataires et anticapitalistes sont défendus par les super-vilains.

Batman est un héritier, pur produit de l’élite aristocratique, richissime et réactionnaire. Dès sa création en 1939, il représente la peur qu’inspire le prolétariat des grandes villes aux classes supérieures. Sa ville, Gotham City, est toujours sombre et dangereuse, le peuple est source de désordre et de crime. Ses récits illustrent l’opposition entre les 1% les plus riches et les 99% restants, slogan popularisé par Occupy Wall Street.

En 1989, Batman affronte Anarky. Celui-ci dénonce la corruption des élites politiques et économiques, il se veut le porte-parole des laissés-pour-compte mais est considéré comme un populiste socialiste. Le film The Dark Knight Rises présente les prolétaires en révolte comme des terroristes. L’anthropologue David Graeber l’accuse d’être une critique larvée d’Occupy Wall Street. Bane, le super-vilain, y affirme vouloir rendre le pouvoir au peuple, couler la Bourse et partager les richesses. En réalité son ambition est uniquement personnelle, les protestataires seraient donc forcément manipulés. Enfin dans le film Le Joker, l’éternel ennemi de l’Homme chauve-souris est pour la première fois présenté moins comme un criminel que comme une victime de l’ordre social imposé par le capitalisme, il devient le leader des exploités.

Le sujet de l’oppression raciale suit le même principe. Killmonger s’oppose à Black Panther dans le film de 2018, il souhaite utiliser la technologie avancée du Wakanda pour aider les populations noires opprimées. Il est vaincu mais il force le royaume à mettre sa science au service du monde. On peut y voir une référence à Nelson Mandela, accusé d’être un terroriste communiste, emprisonné vingt-sept ans, avant d’être libéré et de devenir le premier président noir d’une Afrique du Sud post-apartheid. Une sorte de super-vilain devenu un héros.

Pour Gabriel Bortzmeyer, docteur en études cinématographiques : « Hollywood a besoin de convoquer des figures de radicalité, pour promouvoir à l’opposé une voie modérée. Quitte à faire, parfois, une association entre terrorisme et gauchisme ». Les studios sont des entreprises capitalistes qui ont intérêt à n’offusquer personne pour faire un maximum d’entrées, la radicalité politique est donc exclue. Les scénaristes font passer leurs opinions dans leur œuvre, mais dans la limite de ce que les producteurs et les éditeurs pensent acceptables par le public.

Même les héros qui veulent changer le système deviennent des méchants, ils prennent obligatoirement une pente autoritaire ou provoquent des catastrophes. Dans Injustice : Les dieux sont parmi nous, Superman décide de diriger le monde pour mettre fin au crime et instaure un régime dictatorial, Batman entre en résistance avec d’autres super-héros.

Les écoterroristes

Le thème de l’écologie est symptomatique du rôle joué par les super-vilains. Les écologistes sont toujours les affreux. Pour sauver la planète, Thanos est prêt à sacrifier la moitié de l’humanité dans le film Avengers : Infinity War. Poison Ivy prend Gotham City en otage, et dans le film Aquaman (2018) le vilain Ocean Master se venge de la destruction des océans. L’écologie en tant que telle n’est jamais traitée, seul compte l’affrontement entre le bien et le mal. Le vilain a raison, mais sa violence dessert sa cause.

Les blockbusters montrent généralement la crise écologique comme un cataclysme soudain, plus spectaculaire que la progressive destruction de la planète par les activités humaines. Cela invisibilise notre responsabilité. Le débat reste ouvert quant aux effets du cinéma hollywoodien sur les opinions publiques. Est-ce qu’il anesthésie les spectateurs, en provoquant l’angoisse de la catastrophe, suivie par un happy end fictif, ou est-ce qu’il pousse à agir ? William Blanc pense que même représentées par les méchants, la présence de plus en plus fréquente des questions écologiques démontre une prise de conscience du problème.

Tout changer pour que rien ne change

Les super-héros restent dans le cadre de l’individualisme américain, ce sont des sauveurs venant en aide au commun des mortels. La lutte collective pour un monde meilleur est absente, pas de syndicats, pas d’associations ni de manifestations, les mouvements de citoyens sont présentés comme des foules manipulées, appelant à la vengeance ou fanatisées. Dans le film Batman VS Superman : l’aube de la justice, une actualité télévisée montre la populace détruisant un mannequin à l’effigie de l’Homme d’acier. Dans une autre scène, elle vénère un Superman divinisé.

Il existe des exceptions, comme dans le film Black Adam. Le véritable héros de l’histoire est un jeune homme qui se révolte contre un tyran, il confirme l’adage disant que les vrais héros ne portent pas de capes. Des mercenaires terrorisent la population et exploitent les ressources du pays, le peuple prend les armes pour se défendre, de simples citoyens luttant ensemble contre leurs oppresseurs.

Les criminels sont souvent décrits comme des psychopathes (Le Joker, Le Bouffon vert…), une psychologisation du crime déconnectée des conditions économiques et sociales. Tous les ennemis de Batman sont fous, après leur arrestation ils ne vont pas en prison mais dans l’asile d’Arkham.

Les héros ne changent pas les problèmes structurels qui provoquent le crime, tels que la pauvreté, ou l’injustice qui pousse à la vengeance. Ils combattent les vilains pour revenir à un statu quo. Cela permet à leurs aventures de se poursuivre, toujours recommencées. Les responsables des travers de la société ne sont jamais désignés frontalement, c’est au lecteur ou au spectateur de comprendre les messages politiques sous-entendus par les comics et les films. Par contre, les valeurs des super-héros sont claires et immuables : ils sont contre les discriminations, le racisme, les guerres et l’aliénation.

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