Abdelkader Benchamma
« Dirigeable fantôme »
Publié le 16/08/2022 à 09:18 - 2 min - par Tori
Abdekader Benchamma, né en 1975 à Mazamet en France, étudie aux beaux-arts de Montpellier puis à l’Ecole Nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Peu à peu il s’éloigne de la peinture qu’il trouve restrictive pour se tourner vers le dessin, plus nerveux, dynamique et instantané. Il est reconnu comme un artiste émergent de la scène française du dessin contemporain.
D’un geste maîtrisé, puissant et efficace, il dessine des paysages mentaux inspirés en partie des illustrations de « The Book of Miracles », manuscrit du XVIème siècle, qui peuvent être étonnamment contemporaines
« Dirigeable fantôme » réalisée en 2021 est une lithographie de grand format où le dessin abstrait, en noir et blanc évoque un paysage fracturé, une nature qui se déchaîne. Sont-ce les plis de la roche, les différentes strates géologiques, des traces archéologiques, les nervures d’un feuillage ou encore un tourbillon apocalyptique soufflant les montagnes comme des flammes puissantes ?
« …le réel semble vaciller, quelque chose apparaît ou disparaît, et le cerveau propose immédiatement des séries d’images ou d’arguments pour tenter d’expliquer ce trouble, et personne ne voit jamais la même chose. Le cerveau déteste ce qui n’a pas de forme, il tente tout de suite d’en proposer une en même temps qu’une explication rationnelle. C’est la paréidolie. Ce moment-là est très proche de l’acte de dessiner : une vision mentale et des tentatives, toujours incomplètes, de rendre compte de cette vision. »
« Une discussion sur des mondes possibles, passés, imaginaires, à venir, écrits, rêvés », entretien entre Adeljader Benchamma et Stéphane Ibars, in Rayon fossile, Arles : Acte Sud, Les cahiers de la Collection Lambert, 2021, p.57
Des traits plus ou moins fins parallèles et répétés, précis et ciselés, des aplats de noir, de larges gestes fluides et des ruptures sont comme une écriture. Comme des signes devenant des formes sans contour ni limite qui se prolongent hors cadre. En effet, dans différentes installations, Benchamma étend son dessin au-delà de la feuille et directement sur le mur, le sol ou le plafond. C’est un peu comme si la nature puissante et changeante envahissait tout l’espace sans retenue dans un mouvement apocalyptique.
Le noir et le blanc, le plein et le vide se répondent avec rythme et spontanéité, dans un juste équilibre. Le blanc du papier illumine, ouvre et suggère. Et puis il y a ce carré comme une réserve, qui revient fréquemment dans ses œuvres, à l’intérieur duquel le vide marque un temps de pause, une suspension, une fenêtre ouverte sur d’autres possibles. Il est comme un manquement, un espace à combler, une figure géométrique qui contraste avec la fluidité du trait.
« Les images nous imprègnent au-delà du visible ; (…) apparaissent sans que nous n’y prenions garde des visions qui planent au-dessus de nos corps embarqués dans l’histoire, comme un bruit blanc à peine perceptible qui nous hante de son entêtante présence. »
Stéphane Ibars « Mer planante, feu planant » in Rayon fossile, Arles : Acte Sud, Les cahiers de la Collection Lambert, 2021, p.33
Ses dessins questionnent la réalité et la croyance, le devenir d’un paysage symbolique chaotique. Ils sont autant de mondes imaginaires et inquiétants.
POUR ALLER PLUS LOIN
Abdelkader Benchamma Rayon fossile, exposition, Avignon, Collection Lambert, 30 octobre 2021-20 février 2022 / commissaire Stéphane Ibras. Arles : Acte Sud, Les cahiers de la Collection Lambert, 2021
Random, Abdelkader Benchamma : exposition, Clermont-Ferrand, FRAC Auvergne, 4 juin-20 septembre 2015 / commissaire Jean-Charles Vergne ; texte Pacôme Thiellement. Paris ; l’Association, Agnès b, 2014
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