Le métavers Second Lab : un outil pour projeter la ville de demain
Entretien avec Anthony Angelot dans le cadre des rencontres du cycle "Où va la ville ?"
Publié le 29/11/2023 à 16:24
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11 min -
Modifié le 27/10/2025
par
ygodde
Anthony Angelot, directeur de projets innovation à Erasme - laboratoire d'innovation de la Métropole de Lyon, nous parle de la démarche de l’Urban Lab et de son métavers Second Lab. Derrière l'expression "ville intelligente" se cachent des lieux d’expérimentation du futur urbain qui proposent une voie complémentaire et participative à la planification urbaine. L’enjeu c’est représenter le futur à l’aide des données d’aujourd’hui pour expérimenter la ville de demain et permettre aux citoyens d'anticiper sur les nuisances inhérentes à la concentration urbaine, de rationaliser l'occupation du sol et de tester des projets.
Sommaire
- Anthony Angelot, directeur de projet innovation Erasme
- Missions et positionnement de la Métropole de Lyon
- Enjeux de l’innovation dans les collectivités
- Smartcity et Open Data : définitions clés
- Fonctionnement et organisation d’Erasme
- Méthode et processus d’innovation agile
- Exemple de projet d’innovation participative
- Concepts de métavers et le Second Lab
- Applications de la 3D immersive
- Inclusion et accessibilité numérique
- Réalité augmentée
Anthony Angelot, directeur de projet innovation Erasme
Anthony Angelot est directeur de projet à Erasme, le laboratoire d’innovation ouverte de la Métropole de Lyon, qui pilote des projets dédiés à la transformation numérique des services publics.

Missions et positionnement de la Métropole de Lyon
Créée en 2015, la Métropole de Lyon coordonne 24 compétences dont l’éducation, la santé, la gestion des déchets, la voirie, et l’aménagement de l’espace public. Avec près de 9500 agents, elle est l’une des plus importantes collectivités territoriales de France.
Enjeux de l’innovation dans les collectivités
L’innovation vise à assurer la continuité du service public en cas de crise et la réduction de la fracture numérique. Erasme expérimente des solutions numériques centrées sur les besoins effectifs des citoyens, associées à des pratiques durables et sobres.
Smartcity et Open Data : définitions clés
Smartcity : une ville qui utilise les technologies de l’information et de la communication (TIC) pour améliorer la qualité des services urbains ou réduire leurs coûts. Elle utilise différents capteurs électroniques de collecte de données pour fournir des informations permettant de gérer efficacement les ressources et les actifs.
Exemple : une application de covoiturage.
Smartcity est un terme récent, galvaudé et tombé en désuétude en Europe car il incarne une conception très techno centrée. Cette conception part de la technologie et non pas des besoins. L’imaginaire collectif perçoit la smart city comme un dispositif technique qui consiste à installer des capteurs partout.
L’optique s’est inversée aujourd’hui au nom de la sobriété numérique et pour l’optimisation des services mis à la disposition réelle des habitants. Désormais, il est question de territoires intelligents qui placent les besoins des usagers en priorité. Les territoires intelligents utilisent les données pour répondre à ces besoins.
Open Data : les données publiques numériques sont accessibles sous la forme de jeux de données et partageables pour favoriser la transparence, l’innovation, et la réutilisation pour la création de services locaux.
Exemple : historique des disponibilités des stations Vélov.
Il est possible d’utiliser de la donnée capitalisée par des capteurs mais on ne va pas le faire par défaut. Ce sera fait dans une optique d’amélioration des services avec la définition préalable de besoins très qualifiants. Pour ce faire, l’open data, est utilisée (voir le portail open data de la métropole http://data.grandlyon.com). Il donne accès à des jeux de données produits par la Métropole, les communes du territoire et des partenaires. Cela assure la transparence des actions de la Métropole et permet des réutilisations. Des acteurs associatifs ou privés peuvent les utiliser pour créer de nouveaux services sur le territoire.
Fonctionnement et organisation d’Erasme
Dans cet esprit d’innovation Erasme a été créé en 1998 par le département du Rhône, d’abord pour connecter les collèges à internet et lancer laclasse.com puis a étendu le numérique aux musées avec le dispositif Museolab.

Depuis la création de la Métropole, il étudie comment l’innovation peut transformer la pratique professionnelle des directions métiers. Son équipe, une dizaine de personnes, réunit des compétences en gestion, design et développement pour créer des solutions utiles aux habitants.

Que fait le Directeur de projets en innovation ?
Le directeur de projets en innovation mène des projets courts et peu coûteux pour tester rapidement leur impact. Dans le cas où une idée, jugée initialement pertinente, n’est pas validée au contact du terrain, le budget dépensé reste faible et ainsi les risques limités pour le déploiement peu coûteux d’une solution. A l’inverse, dans le cas où un test est positif, la valeur d’usage d’un nouveau service numérique a été évaluée à moindre coût avant d’accompagner son déploiement à la Métropole. Il y a aussi des formats pour faire émerger de nouveaux projets, de nouvelles réponses à des besoins, des formats collaboratifs, créatifs qui associent, en pluridisciplinarité. Ces formats font intervenir des acteurs locaux, des créatifs, des artistes, des experts de la médiation scientifique au sein de sprints pour produire de nouvelles solutions à des besoins. Pour aller plus loin, Erasme essaime ses pratiques par la formation des 9500 agents de la Métropole pour qu’ils puissent adapter leur métier aux nouvelles contraintes et aux nouvelles technologies.
Exemple de projet d’innovation participative
Par exemple, Erasme a accompagné un conseil de quartier sur un projet de plantation. L’objectif : savoir où planter, comment décider collectivement, et comment transmettre l’information simplement. Une expérimentation de 8 mois a permis d’identifier une quarantaine de contraintes (réseaux souterrains, voirie, accès pompiers…). Les zones restantes ont été cartographiées en vert (plantables) et rouge (non plantables), grâce à des données ouvertes et internes. Pour faciliter la concertation, une maquette Lego interactive a été créée. Évolutive et familière, elle permet de modéliser n’importe quel quartier, de visualiser les données projetées (rues, calques) et de favoriser la prise de décision collective.

Méthode et processus d’innovation agile
Erasme est également innovant par sa méthode agile illustrée à l’aide de l’exemple suivant : si quelqu’un exprime un besoin de mobilité, le laboratoire ne va pas lui proposer une solution parfaite qui serait un objet complexe comme une voiture mais qui prendrait 2 ans à réaliser. On va lui proposer une solution simple bien qu’imparfaite, un skateboard, par exemple, pour tester si ça répond au besoin. L’avantage est d’investir peu d’argent dans le projet et de rester en contact avec le demandeur qui va demander des améliorations tout au long du processus projet. C’est ce processus qui va conduire dans des boucles itératives avec le demandeur qui va tester chaque version de la solution livrée et faire des retours d’expérience. Ceci permettra de coller au plus près du besoin.

Concepts de métavers et le Second Lab
Les méthodes innovantes marchent très bien sur des besoins auxquels il n’est pas possible d’imaginer des solutions a priori. Ce sont des besoins qui demandent de l’innovation. Pour y répondre c’est mieux de le faire ensemble et en pluridisciplinarité. On a donc besoin d’un lieu pour ce faire mais ce n’est pas toujours possible, en particulier quand on a des confinements ou quand on veut travailler avec des gens localisés à grande distance.
Pour faire ensemble à distance, il y a des outils connus comme la visioconférence mais, si on veut aller plus loin, il y a les métavers.
Ce sont des espaces virtuels persistants et partagés, accessibles 24h sur 24, 7 jours sur 7, dans lesquels plusieurs personnes vont interagir. Ces lieux vont pouvoir évoluer en fonction des usages. Il sera possible d’y laisser des traces comme des documents par exemple, pour revenir et retravailler plusieurs fois par la suite.
Le Second Lab est le métavers d’Erasme pour tous les projets d’innovation d’Erasme. C’est un lieu conçu pour prototyper des solutions pour la Métropole de Lyon en impliquant les acteurs des politiques publiques. Le métavers permet de construire en 3d et de tester des solutions à peu près en situation réelle, sinon en situation immersive.
Applications de la 3D immersive
Les cas d’usage les plus connus sont les jeux en réalité virtuelle. Ils servent à se distraire, visiter et se cultiver.
Les casques de réalité virtuelle sont également de plus en plus utilisés dans les hôpitaux à l’usage des patients qui subissent certaines opérations pour mobiliser leur attention et leur apporter de la détente.
Ces applications peuvent également servir à visiter des musées. Le British Museum a fait une application de VR (réalité virtuelle) qui permet d’accéder à plus de contenu que ce qu’on a dans la réalité.
On a constaté que notre cerveau va enregistrer la réalité virtuelle avec la même intensité qu’une expérience équivalente dans le monde réel.
La NASA a prototypé dans le métavers un espace pour simuler la vie sur Mars dans lequel les astronautes se projettent dans des capsules comme s’ils étaient réellement sur Mars. Grâce à tous les gestes qu’ils ont répétés dans le métavers martien, on peut imaginer qu’ils seront déjà bien entrainés, le jour où ils iront réellement sur Mars.

Les métavers servent également à la formation aux gestes chirurgicaux rares qu’on ne pourrait pas réaliser sur des cobayes ou à s’entrainer à réaliser des travaux dangereux comme des interventions sur des lignes à haute tension. Ils remplacent des formations classiquement très théoriques. Grâce au métavers, on va marquer la mémoire de ceux qui auront pratiqué les gestes dans le monde virtuel et ainsi leur permettre de répéter ces gestes en situation réelle. L’avantage est que leur entrainement ne présente aucun risque dans le monde virtuel.
L’échange entre personnes est un autre cas d’usage.
Le Québec a mis en place un métavers pour permettre aux citoyens de débattre au sujet des élections.
La Finlande a fait un métavers de sa capitale Helsinki dans lequel on peut se promener, rencontrer des habitants, faire du shopping comme si on se promenait dans les rues commerçantes. Pendant le confinement, on y a organisé le festival national traditionnel qui a attiré 10% des finlandais.
La ville de Séoul propose un métavers des services publics à la place d’un guichet physique ou d’un numéro vert. Même si cette expérience virtuelle immersive n’implique pas autant qu’une expérience dans le monde réel, le passage par le métavers et un avatar permet au visiteur de s’investir davantage qu’en visioconférence.
Inclusion et accessibilité numérique
La compagnie aérienne du Qatar propose un métavers pour choisir son siège d’avion. Cet usage a une faible valeur ajoutée par rapport à un plan d’avion sur un site web. Il s’agit d’une forme de market place qui est le cas d’usage le plus courant des métavers.
Il faut être vigilant pour ne pas créer de fracture numérique supplémentaire en mettant en œuvre un service exclusif dans le métavers dont l’accès est limité par des équipements techniques comme un casque de VR. Ce type de service doit être doublé d’un service physique pour ne pas exclure une partie des usagers.
Dans cet esprit d’inclusion, Erasme a créé un simulateur d’exclusion de services numériques à l’usage des créateurs de site web pour qu’ils se « mettent à la place » des déficients visuels. Ils peuvent ainsi tester leur site en simulant une déficience visuelle. C’est plus efficace que l’application de simples recommandations.

Réalité augmentée
Il faut différencier les notions de réalité virtuelle et de réalité augmentée.
La réalité virtuelle c’est la plongée immersive dans un autre univers, totalement autre que la réalité. Créé de toute pièce, le métavers est un exemple de réalité virtuelle.
La réalité augmentée c’est une superposition sur la réalité d’éléments virtuels. L’exemple le plus connu est le jeu Pokemon Go.
Sur un appareil mobile, les 2 types d’applications sont possibles.
Le musée Gallo-romain de Lyon, Lugdunum a un projet de réalité augmentée à l’horizon 2025 -2026. Lors de balades sur les sites de vestiges, grâce à un smartphone, il sera possible de superposer à la réalité, ce à quoi ressemblait le lieu à l’époque romaine. Le visiteur pourra visualiser un vestige dans son infrastructure antique et se positionner par rapport aux points de repères remarquables de l’époque. C’est extrêmement efficace du point de vue de la pédagogie.
Le Second Lab existe réellement. Il a pour objectif de sensibiliser à la question des métavers au sein de la métropole, de présenter les projets au sein d’environnements virtuels et de les reproduire en 3d.
Par exemple, Anthony Angelot a présenté ses projets et réalisations à ses collègues de Québec, ce qui lui a évité un voyage en avion.
En général les métavers sont très consommateurs d’énergie, tout autant que les vidéos en haute définition. Pour concevoir le Second Lab, le mode low polygon a été utilisé de façon à diminuer son impact environnemental. Il présente également l’ avantage de pouvoir le charger dans un navigateur sans avoir besoin de casque virtuel et, donc, de le rendre accessible par le plus grand nombre.
Les gens qui se connectent peuvent découvrir les activités d’Erasme mais également participer à des sessions créatives collaboratives. On crée, on prototype puis on teste ensemble dans le métavers.
Est également proposé à la visite, une exposition dans le Second Lab, sur les solutions pour rendre le numérique plus soutenable et plus résilient. Il est possible de s’y balader, de découvrir des panneaux d’information, de consulter le programme, de visualiser les prototypes réalisés et de manipuler des objets.

Pour en savoir plus sur la Métropole, Erasme et expérimenter le Second Lab, nous vous recommandons les liens suivants :
Le site de la Métropole de Lyon : https://www.grandlyon.com/
Le site officiel d’Erasme : https://www.erasme.org/
Découvrir le Second Lab : https://www.erasme.org/-Second-Lab
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