Y’a-t-il une salmonelle dans mon réfrigérateur ?

- temps de lecture approximatif de 14 minutes 14 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

La conservation des aliments est une pratique ancienne. Qu'ils soient traditionnels ou scientifiquement plus élaborés, utilisant haute ou basse température, de nombreux procédés de conservation existent suivant la nature des produits. Mais gare aux bactéries pathogènes qui guettent la moindre erreur technique pour s'engouffrer dans nos assiettes !

© Pixabay
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Nous ne sommes pas seuls dans notre cuisine… Rupture de la chaîne du froid, stérilisation inefficace et le développement des bactéries pathogènes s’emballe. La tapenade peut alors vous faire passer quelques heures douloureuses, voire vous achever…
Pourtant les techniques de conservation ont connu des avancées spectaculaires, il est désormais possible de manger des fruits rouges en toute saison (pas seulement venus de pays exotiques mais surgis du fond du congélateur), quand nos astronautes peuvent dévorer de bons petits plats au milieu de l’espace grâce à la lyophilisation, mais les bactéries pathogènes n’ont pas disparu. Elles profitent de la moindre occasion pour se faire un nom dans l’actualité comme l’Escherichia Coli ou les salmonelles.
Comment alors prendre goût aux préparations d’antan : fumage, mise en bocaux qui reviennent à la mode… quelques conseils pratiques pour garantir leur utilisation à bon escient devraient vous permettre de minimiser les risques !

La conservation, une histoire ancienne

Sommes-nous débarrassés des dangers alimentaires ?

La conservation, une histoire ancienne

Les procédés traditionnels

Les hommes de Cro-Magnon utilisaient déjà le fumage pour conserver la viande de renne et de saumon pour éviter les périodes de disette.
Avec la sédentarisation, cette technique perd son importance hormis pour le sacrifice de gros animaux.
Les procédés traditionnels sont aujourd’hui redécouverts et appréciés pour leurs qualités gustatives, pratiques (ils peuvent être utilisés par des particuliers) ou écologiques…
Si vous souhaitez redécouvrir ces techniques, voici quelques manuels qui vous guideront :

Le séchage au soleil : Séchoirs solaires : construction et utilisation , Claudia Lorenz-Ladener ; avec la collaboration de Michael Götz, Heike Hoedt et Erwin Zachl, La plage, 2011… Mieux vaut habiter à la campagne pour déployer ses séchoirs dont tous les détails de construction sont ici livrés. Les conseils pratiques de préparation des aliments serviront néanmoins à tous ceux qui veulent se lancer dans l’aventure.

Petit Larousse des conserves & salaisons

Le salage : Petit Larousse des conserves et salaisons, toutes les techniques naturelles de conservation , Lindy Wildsmith, 2010. Un livre bien illustré qui met l’eau à la bouche et détaille comment saler, sécher, fumer, mariner dans le vinaigre… sans équipement particulier, autre que les ustensiles habituels de cuisine.

Le fumage : il est désormais possible de fumer au wok ou à la cocotte minute comme le montre cette recette donnée par Caroline Guézille dans son livre Mes produits fumés , Rustica, 2010.

mes produits fumés
Garnissez un wok ou une cocote minute d’aluminium ménager pour préserver leur revêtement.
Placez un combustible sur l’aluminium ménager : 1 bol de riz, de sucre, de farine ou des branchages humides.
Dans le wok, déposez l’aliment à fumer sur une grille adaptée. Dans une cocotte-minute, placez 2 pierres dans le fond qui serviront de support à la grille. Couvrez aussitôt.
Le simple fait d’allumer le feu sous le wok ou la cocotte-minute va enflammer le combustible choisi en quelques minutes. Dès que celui-ci s’embrase, remuez régulièrement le contenant afin de répartir la chaleur et les braises.
Vos petites pièces sont fumées en 1 ou 2 heures !

Ces procédés découverts de manière empirique agissent sur les éléments nécessaires à la croissance des micro-organismes, responsables de la dégradation des denrées alimentaires. Tout comme nous, ceux-ci ont en effet besoin d’eau et d’oxygène pour se développer. L’addition de sel ou de sucres permet ainsi de réduire l’eau disponible pour les micro-organismes et les enzymes présentes dans l’aliment, de même l’acidification (la baisse du pH), en faisant mariner les aliments dans du vinaigre par exemple, réduit le développement des microbes.
Toutes ces techniques ont comme inconvénient de dénaturer le goût et la texture des produits… Même si cette saveur supplémentaire est parfois recherchée : ainsi au Japon, les produits séchés sont associés à une cinquième saveur (en plus du sucré, salé, amer, acide) : l’umami.

Les procédés de conservation par la chaleur

flickrblackwarrior57

La mise en conserve : au début du XIXème siècle, Nicolas Appert, confiseur, a l’intuition que la « puissance vitale de l’air », responsable de la dégradation des denrées alimentaires, peut être neutralisée par la chaleur. Il connait l’art de la conservation des fruits et légumes à l’aide de sucre, sel, acides, alcools et graisses ; il réussit de manière empirique à traiter des petits pois, conditionnés dans des bouteilles, qui seront mangés dix-huit mois plus tard…
L’appertisation ou stérilisation détruit les enzymes et les micro-organismes par un passage à haute température au bain marie : 120°C à 130°C pendant quelques minutes à une heure. Avec cette technique, les aliments peuvent êtres conservés de 3 à 5 ans.
Dans Le Livre de tous les ménages, ou l’Art de conserver pendant plusieurs années toutes les substances animales et végétales , paru en 1810, Nicolas Appert retrace les expériences qu’il mène depuis une vingtaine d’années pour les livrer au plus grand nombre. Son procédé est amélioré par des concurrents (utilisation de boîte en fer blanc, chauffage par autoclave à vapeur). La mise en conserve devient bientôt une industrie.
Ce livre est consultable en intégralité sur Gallica.

La pasteurisation permet en chauffant un produit à température modérée (70-95°C) d’atteindre le seuil de thermorésistance de nombreuses bactéries pathogènes, mais elle ne stérilise pas complètement le produit, celui-ci doit donc être conservé dans un milieu froid.

La conservation par les basses températures

Frigidaire wikimédia
Cette technique permet de conserver les aliments dans un état proche de celui de leur récolte.
Si la conservation par la glace naturelle est une technique de conservation ancienne, c’est au XIXème siècle que les premières machines industrielles à réfrigérer sont mises au point : Jacob Perkins à Londres crée un système frigorifique à compression de vapeur, quand Ferdinand Carré invente le système du réfrigérateur à absorption. En 1913, le premier réfrigérateur domestique verra le jour à Chicago. Les techniques du froid sont multiples :

La réfrigération (entre 0 et 4 °C) réduit la vitesse de croissance des micro-organismes présents sans les affecter.

La congélation (-18°C), en provoquant la cristallisation en glace de l’eau contenue dans les aliments, cette technique bloque le développement microbien sans annuler l’activité des enzymes.

La surgélation est un procédé industriel dans lequel les produits sont amenés de manière ultra-rapide à des températures entre -35 et -196°C. Cette méthode provoque la formation de nombreux petits cristaux de glace qui ne détériorent pas l’aliment.
Histoires de conservation
Si vous voulez tout savoir sur les différentes techniques de conservation, le livre de Jacques Amoignon, Histoires de conservation, De la préhistoire à nos jours , vous entraînera dans les méandres de leurs balbutiements puis de leurs développements avec des utilisations parfois surprenantes : Vous apprendrez ainsi comment certains objets archéologiques gorgés d’eau sont sauvés par la cryodessiccation (plus connu sous le terme de lyophilisation), quelles techniques sont employées pour présenter dans les musées des animaux et des végétaux afin qu’ils apparaissent les plus vivants possible, vous découvrirez le récit de la diffusion des vaccins grâce au séchage et à la dessiccation…
Un panorama très varié de toutes les avancées permises par le développement des techniques de conservation.

Les procédés innovants

Cette rapide synthèse ne propose qu’une énumération des différents procédés employés sans traiter de l’impact de ses méthodes sur la santé des consommateurs.La lyophilisation : congélation de l’aliment suivie d’une déshydratation réalisée sous vide d’air. L’eau passe directement de l’état de glace à l’état de vapeur. Sans eau les bactéries ne peuvent proliférer, ces aliments sont donc protégés de la détérioration. Il suffit de réhydrater l’aliment pour qu’il récupère son goût et sa texture originels. Les aliments lyophilisés sont très employés pour les potages instantanés, ainsi que les fruits ajoutés dans les yaourts ou les céréales. Néanmoins tous les aliments ne peuvent être lyophilisés.

La conservation sous-vide : l’aliment est recouvert d’un film étanche dont on a chassé l’oxygène.

Le traitement à haute température (procédé U.H.T., ultra-haute température), utilisé pour certains produits liquides (lait, jus de fruits) ou plus consistants (soupes, desserts lactés, crème…), affecte toutes les bactéries présentes dans les aliments et, à un moindre degré, les enzymes, grâce à un passage à 130-140 °C durant 1 à 5 secondes. La conservation à température ambiante, sans ouverture de l’emballage, peut atteindre trois mois.

La microfiltration : utilisée pour des aliments liquides peu chargés en particules et en matière grasse. Le lait écrémé peut ainsi être micro-filtré grâce à un « tamis » adapté.

L’irradiation ou ionisation : les rayonnements entraînent des mutations dans le système génétique des bactéries et leur mort ; cette technique est appliquée pour les pommes de terre ou les fruits fragiles. Elle permet de retarder leur germination ou maturation.

Les champs pulsés de type électrique, magnétique ou lumineux : leur emploi provoquent également la destruction de la membrane des cellules, la libération de chaleur ou d’énergie qui entrainent un traitement antimicrobien.

Les conservateurs : ils appartiennent à la famille des additifs alimentaires (E200 à E 297). Leur action inhibe la multiplication des microorganismes pathogènes, d’altération et la production de toxines ;

On distingue :

– les conservateurs minéraux (chlorure de sodium, nitrates et nitrites de sodium et de potassium, etc.),
– les conservateurs organiques (acides gras saturés et sels de sodium, potassium ou calcium, les alcools, les antioxydants phénoliques, etc.),
– les antibiotiques, les enzymes et les autres inhibiteurs d’origine végétale ou animale.

Pour en savoir plus :

La conservation des aliments, les techniques , sur le site de l’INRA (l’Institut National de la Recherche Agronomique)

Conservation des matières agricoles, des produits alimentaires intermédiaires et des aliments , un article de l’Encyclopédie Universalis (texte accessible en intégralité depuis les bibliothèques du réseau lyonnais).

Sommes-nous débarrassés des dangers alimentaires ?

La conservation des aliments a eu pour objet de garantir la santé des consommateurs, mais cette maîtrise de la multiplication des bactéries n’a pas éliminé tous les risques alimentaires.
Ainsi le froid n’est pas un moyen de stériliser un produit, la croissance des bactéries se poursuit dès que le produit est placé à une température plus favorable…
Evidemment les personnes les plus fragiles seront plus sensibles aux pathogènes, il faut également rappeler que les bactéries sont partout et quelles ne sont pas nécessairement nocives. C’est l’action de bactéries et de présure sur les composants du lait qui rend possible la fabrication du fromage.
Les mesures de précaution et de conservation excessives peuvent parfois être considérées comme des atteintes à la saveur ; la France s’est ainsi battue pour préserver le droit de produire des fromages au lait cru au côté des fromages pasteurisés…
manger sans risques
Néanmoins, on regrette que certaines bactéries s’invitent à notre table…Vincent Leclerc dans Manger sans risques , éditions Quae, 2011, dresse un tableau inquiétant des multiples pathogènes qui nous guettent dans l’assiette avant de livrer quelques conseils pratiques pour minimiser les risques.

Les pathogènes les plus fréquents :

Les salmonelles : En France, elles arrivent en tête des pathogènes les plus fréquents. Elles sont responsables de l’hospitalisation de 5 000 à 10 000 personnes par an et de 92 à 535 décès…Elles sont responsables de fièvres typhoïdes qui sont dans la majorité des cas traités à temps. Les salmonelles sont présentes dans les œufs et leur préparation : les mayonnaises, les mousses au chocolat, ainsi que la viande de porc, de volaille, les végétaux crus. Une rupture de la chaîne du froid est souvent « nécessaire » pour entraîner leur concentration ; mieux vaut donc ne pas oublier la mayonnaise artisanale sur la table et la ranger rapidement au réfrigérateur…

Le clostridium botulium : responsable du botulisme, c’est la « maladie des conserves ». Lors de la récolte, les légumes peuvent être souillés de spores de Clostridium botulium s’ils sont consommés peu après, les spores n’ont pas eu le temps de se multiplier, il n’y a donc pas de risque sanitaire… Mais lors de la préparation de conserves artisanales, si la stérilisation n’est pas bien faite (une température de 121°C pendant 3 min est nécessaire pour éliminer un grand nombre de spores), la germination des spores va se poursuivre, une fois celles-ci conservées à température ambiante. Cette toxine provoque une paralysie des muscles faciaux et respiratoires… Le nombre de cas reste cependant très faible, même si cette toxine s’est récemment invitée dans l’actualité.

Les Escherichia coli pathogènes (0157, 0104…) se multiplient très rapidement ; une seule bactérie donne deux cellules filles après 20 minutes. Elles sont donc 4 après 40 minutes, 8 en 1h…4 096 après 4h…Responsables de diarrhées sanglantes, elles peuvent être mortelles. Les enfants sont particulièrement sensibles à cette bactérie que l’on rencontre dans le lait et les végétaux crus, ainsi que la viande mal cuite, lorsque ceux-ci ont été en contact avec des déjections infectées (du fumier par exemple). Pour ne pas risquer la contamination : les viandes doivent être cuites à cœur, les légumes blanchis ou épluchés… Une épidémie a été récemment responsable de la mort de 50 personnes en Europe et en Allemagne du fait de graines germées contaminées… Il s’agissait d’une souche particulièrement virulente différente des bactéries habituellement responsables des intoxications alimentaires.
Pour en savoir plus sur les multiples caractéristiques des E. Coli en général, nous vous recommandons la lecture de ce Points d’actu : Escherichia coli, bactérie amie ou ennemie.Vous en voulez encore ?

danger dans l'assiette
Aflatoxine B1, Ochratoxine A, Patuline, coumestrol… ces noms ne vous disent rien ? Danger dans l’assiette de Sylviane Dragacci, Nadine Zakhia-Rozis et Pierre Galtier, Editions Quae, 2011, fait le tour des différentes mycotoxines présentes dans les produits alimentaires…

Comment se prémunir des intoxications alimentaires ?

Quelques règles de bonne conduite

Outre les mesures élémentaires d’hygiène : se laver les mains avant et après avoir manipulé des denrées alimentaires, voilà quelques conseils qui vous permettront de manger en toute tranquillité :

Respecter la chaîne du froid :

Ranger rapidement ses courses au réfrigérateur,
Ne pas laisser un plat refroidir trop longtemps à température ambiante ni récupérer des restes de pique-nique, idem pour les reliquats de repas de fêtes qui ont passé plus de 2 heures à température ambiante…
Conserver les aliments les plus fragiles (viandes, poissons crus) dans la zone la plus froide du réfrigérateur.
Ne pas décongeler les aliments à température ambiante mais dans le réfrigérateur, cela limitera la multiplication bactérienne…

Petit guide de la congélation
Pour en savoir plus sur les durées de congélation et les méthodes de préparation des différents aliments, un guide clair et pratique : Petit guide de la congélation et de la stérilisation , Philippe Chavanne, Corinne Chesne, Artémis, 2011.

Prendre soin de son réfrigérateur :

le ranger correctement afin de garantir une bonne circulation de l’air,
vérifier qu’il est à la bonne température (à l’aide d’un thermomètre placé dans un verre d’eau) : les aliments fragiles doivent être gardés entre 0 et + 8°C ,
le nettoyer de temps en temps à la javel.

Respecter les dates limites :

Attention aux différents sigles :
La DLC = Date Limite de Consommation, notée « A consommer jusqu’au ». Elle s’applique à la conservation de produits très périssables qui se gardent au réfrigérateur. Le fabricant considère qu’après cette DLC l’aliment ne sera plus bon à consommer en partant du principe que la chaîne du froid a été respectée (Le produit peut donc être périmé, s’il a été conservé dans de mauvaises conditions).
La DLUO = Date Limite d’Utilisation Optimale, notée « A consommer de préférence avant le ». Elle s’applique à des produits microbiologiquement stables comme le lait UHT, les conserves, les produits lyophilisés… Le produit peut être consommé après la date notée sur l’emballage !
Attention pour les produits proches de leur DLC qui ont été congelés… Ils doivent être consommés rapidement après leur décongélation, le froid ne mettant pas les compteur à zéro !

Adopter une bonne cuisson

Respecter scrupuleusement les règles de stérilisation pour les bocaux maison.
Pour les personnes les plus fragiles : femmes enceintes, jeunes enfants, personnes âgées ou malades, choisir de préférence une cuisson à cœur -pour les viandes, blanchir les légumes (en les plongeant quelques instants dans l’eau bouillante)
Respecter la chaîne du chaud : pour un ragoût qui mijote, choisir une température supérieure à 63°C qui bloquera la multiplication de certains pathogènes.

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter cet article du site futura-sciences : Comment éviter les intoxications alimentaires ?.

Enfin si cet article vous a rendu hypocondriaque, vous pouvez également consulter les alertes sanitaires du Ministère de l’agriculture et de l’alimentation !
Mais l’application des règles précitées vous permettra de minimiser les risques et de goûter aux plaisirs des préparations maisons.

Quelques livres de recettes pour finir :

Petits bocaux maison, Artémis, 2010.
Les meilleurs bocaux de saison, Olivier Straehli, Minerva, 2009.
Conserves et condiments, Edition Atlas, 2010.
Déshydrater les aliments : techniques et recettes, Catherine Moreau, Alternatives, 2011.

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