La Synth Wave, c’était demain

- temps de lecture approximatif de 35 minutes 35 min - Modifié le 04/12/2021 par La COGIP

Le terme Synth Wave désigne toutes les musiques centrées sur le synthétiseur, qu'il s'agisse de productions récentes ou datant de sa popularisation, dès les années 1970. Il s'agit donc plutôt de pop, rock ou punk synthétiques, mais cela englobe aussi l'électro, l'ambient ou les musiques plus expérimentales...

Nous nous attarderons ici plus particulièrement sur les micro-courants Minimal Synth et Minimal Wave du début des années 1980, revers de la clinquante médaille New Wave. Leurs représentants de l’ombre sont étonnamment nombreux, peu connus, mais rétrospectivement essentiels.

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SOMMAIRE

PRESENTATION :

EIGHTIES, LE RETOUR :

DECLINAISONS SYNTHETIQUES : petit tour du monde

SELECTION DE DOCUMENTS :

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Présentation

Kraftwerk

 

Terminologie et nuances :

* Synth Wave :
Terme chapeau englobant toutes les formes de New Wave ou Post Punk synthétique, minimales ou non, et par extension aussi le revival synthétique actuel faisant la part belle aux sonorités analogiques vintage.


* Synth Pop :

La pop intégrant les synthétiseurs. Moins expérimentaux que leurs collègues de l’ombre (Minimal Synth ou Minimal Wave), les artistes Synth Pop n’en sont pas moins des ovnis au début des années 1980. Les synthétiseurs ne se sont pas encore imposés, la technologie fascine, et fait même un peu peur : les robots vont ils remplacer les hommes ?

Exemple : Gary Numan – Cars (Grande Bretagne, 1979)


* Minimal Synth :
Basée sur synthétiseurs et boîtes à rythme, minimaliste dans la construction et dans les sons. C’est ce qu’il reste de la New Wave quand on en a balayé les paillettes. On parle parfois de Minimal Electronic.

Exemple : Guyer’s Connection – Pogo of techno (Suisse, 1983)

* Minimal Wave :
Incluant aussi des guitares. Ce terme combine l’aspect électronique ‘minimale’ avec le ‘wave’ (de new wave, cold wave) évoquant la présence de guitares.
[^Ce terme prête à confusion pour la raison suivante : né au milieu des années 2000, il désigne un label se spécialisant dans la réédition de ces disques et aurait été inventé par sa fondatrice pour son émission radio, son blog puis son label. Une exposition qui fera la notoriété du terme, aujourd’hui adopté pour désigner rétroactivement ce type de musique.^]

Exemple : Victrola – Maritime tatami (Italie, 1983)


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Tentative d’historique :


Ende

La majorité des productions du genre (essentiellement sur cassette et en petit nombre) date de la fin des 70’s jusqu’à la mi 80’s, parallèlement au déferlement dans le commerce de synthétiseurs et boîtes à rythmes à des prix abordables. Ils s’aventurent dans les nouveaux infinis sonores ouverts par les synthétiseurs analogiques. Ces derniers, même s’ils sont en partie programmables, ne bénéficient pas encore de la technologie MIDI (celle-ci permet de synchroniser entre elles les machines, évite les décalages rythmiques).
Les limitations techniques sont probablement pour beaucoup dans l’aspect minimaliste des productions. Choisi ou subi, ce minimalisme sera aussi un élément clé car il va permettre à ces pièces fragiles de mieux vieillir que des Frankie Goes To Hollywood, Duran Duran etc, à l’habillage sonore plus facilement démodable. Cette musique est le fait d’artistes souvent isolés et ne disposant pas de studios : enregistrée avec peu de moyens, dans la tradition D-i-Y (bricolage) héritée du punk. Très proche esthétiquement de la New Wave (froideur du son et de l’univers), elle se distingue de ses excès par une approche beaucoup plus minimaliste, une démarche plus expérimentale, plus volontiers futuriste, et par des paroles sombres et intimistes. Une austérite de façade qui cache en réalité un enthousiasme créatif débordant, lié aux nouveaux joujous électroniques. En témoignent les centaines (milliers ?) de disques qui refont surface aujourd’hui, dont certains pourtant restés relativement confidentiels sonnent comme des classiques. Leur influence a été sous-terraine, mais bien réelle sur la pop et le rock européen et américain.
Alors qu’est ce qu’un disque de Minimal Synth / Minimal Wave ?
En moyenne c’est un album d’un groupe néérlandais, sorti en 1982.

Ende Shneafliet : Twistin On The Tombstones (Pays-Bas, 1981)

https://www.youtube.com/watch?v=pDBcT9tOPgk

Ciaran Harte : Love is strange (Grande Bretagne, 1980)

Les influences du mouvement sont multiples, et très rapprochées temporellement : on peut en effet dénombrer comme genres connexes le post punk, la new wave, la cold wave, dark wave, synth pop, synth-punk, électro pop…

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Eighties, le retour :

The Dadacomputer (1981)

On note clairement aujourd’hui un regain d’intérêt pour ces musiques, impulsé par la blogosphère et la montée du Peer To Peer dans les années 2000. Une nouvelle génération les découvre et y trouve une richesse musicale insoupçonnée, à l’ombre des toujours cultes et influentes new wave, cold wave et post punk. Les blogs et les plateformes d’échange mondialisées ont la puissance de feu pour les réhabiliter, l’heure de la revanche a donc sonné.
Le partage de fichiers (parfois avec l’aval des intéressés) a fait revivre des disques souvent sortis en très peu d’exemplaires, parfois uniquement en cassette, et au succès bien en deçà de leur qualité.
A cela s’ajoute l’attrait toujours vif de l’objet vinyle, encore plus lorsqu’il est rare. Et c’est la norme pour la minimal synth, dont les faibles tirages font de ces disques de parfaits candidats à la traque dans les vide-greniers, conventions et site(s ?) d’enchères en ligne.
Les labels de réédition comme Minimal Wave, Wierd ou Anna Logue poursuivent eux aussi ce travail de réhabilitation, offrant une deuxième jeunesse à des trésors injustement tombés dans l’oubli.

 

La double vie de Flexipop

Une série de compilations pirates a aussi joué un petit rôle dans le maintien en vie de cette musique trentenaire : les compilations Flexipop.

LOGO

Flexipop est un magazine musical anglais lancé en 1980, et arrêté en 1982. Créé par le désormais romancier Tim Lott, il contenait articles et interviews des artistes New Wave de l’époque, et était accompagné d’un disque flexible (flexi disc). Une idée innovante qui fera le relatif succès du magazine, par ailleurs très bas de gamme niveau papier, maquette, et « puéril » dans son contenu, de l’aveu même de son créateur (surtout face aux sérieux NME et Melody Maker).


Bien des années plus tard apparaîtront sur internet de curieuses compilations empruntant le nom « Flexipop » mais sans rapport direct avec le magazine. Leur but est de rendre hommage au son et à l’esprit des groupes chroniqués dans Flexipop, et surtout les plus confidentiels. Ces compilations de l’ombre ont le très grand mérite de mettre en lumière (justement) ces groupes oubliés, incroyablement nombreux, dont la production excède rarement un single ou deux…

Fidèles à la philosophie originelle du partage sur internet, ces compilations sont collaboratives et anonymes, bricolées par de nombreux archivistes de la communauté qui unissent leur efforts pour restaurer, et transférer sur support numérique cassettes et vinyles obscurs et très peu édités. Heureuse combinaison de quantitatif et de qualitatif, ces compilations cultes sont une mine d’or. (Voir aussi les séries de compilations soeurs : Shockwaves, New Wave complex, A tribute to Some Bizarre, Analog Cyberpunks, The anesthetic’s wearing off…)

 

Article de Tim Lott, fondateur du magazine Flexipop (sur site du Guardian)
La discographie officieuse Flexipop sur Discogs
Ce blog propose une impressionnante collection de scans de Flexipop, entre autres magazines musicaux des années 1970 et 1980.

 

Les labels actuels, entre revival et rééditions

Minimal Wave : voir plus bas
Annalogue Records : label allemand fondé en 2005, spécialisé dans la réédition de raretés synth de la période 1979-1984.
Genetic Music : label allemand rééditant lui aussi beaucoup de trésors anciennement cachés.
Clone Records : label et magasin néérlandais spécialisé dans l’expérimental et l’électro underground.
Wierd Records : label américain ‘revival’, basé à Brooklyn.
Mannequin : ce label italien alterne rééditions, compilations rétrospectives et productions d’aujourd’hui.
Mais aussi Kernkrach, Vinyl On Demand, Enfant Terrible, Dark Entries

 

Le label Minimal Wave

Veronica Vasicka



Veronica Vasicka a été bercée durant son adolescence New Yorkaise par les productions Minimal Synth et Indus. qu’elle dénichait en import chez son disquaire. Après des études de photographie, elle s’immerge dans la scène Synth de New York. Elle co-fonde l’East Village Radio en 2003, où elle officie comme DJ et passe ces disques venus d’Europe que beaucoup sont frustrés de ne pas trouver réédités. Elle lance 2 ans plus tard le remarquable label Minimal Wave, qui se chargera de les rendre disponibles à nouveau…


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Dans l’une des interviews en lien ci-dessous, V.V. nous explique sa curieuse technique pour restaurer les bandes magnétiques en vue d’un remastering et d’une réédition : elle les passe au four à 130 degrés, ravivant ainsi les particules (admettons), avant de les transférer encore chaudes (c’est la clé !) en digital. On lui fait confiance.



On y apprend également qu’elle souhaiterait rééditer l’album Space Museum de Solid Space (en écoute en streaming quelque part sur la toile), mais que l’idée n’enchante pas le groupe. Quel dommage.



« Automaticism » par Sympathy Nervous (MW032) est une des dernières sorties du label et vaut le détour. Il regroupe des titres enregistrés entre 1979 et 1981 par le japonais Yosihumi Niinuma dont certains sont sortis sur l’excellent label Vanity Records. Une musique électronique inspirée des schémas répétitifs du krautrock, et traversée de sonorités industrielles. Une merveille de proto-techno comparable aux bien plus jeunes Drexciya ou Aux88.

Yosihumi Niinuma

Sympathy Nervous : Inverted type (1980) :

Yosihumi Niinuma a aujourd’hui presque tout perdu dans le tsunami de mars 2011, les masters de ce qui constitue « Automaticism » ayant été envoyées à Minimal Wave peu avant le désastre.


Interview de Veronica Vasicka, fondatrice du label (en français) sur Hartzine.com
Autres interviews sur Urban Outfitters (en français) avec un mix exclusif, et sur InterviewMagazine.com (en anglais)
Une sélection commentée de 20 albums par V. Vasicka


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Années 1980 et technologie :



Les avancées technologiques ont bouleversé la création cinématographique et musicale (studios suréquipés, multi-pistes qui donnent le tournis…) et ont dangereusement brouillé les pistes de l’esthétiquement correct. Le futur était soudain là, mais que faire de tous ces boutons : les jeux vidéos, les chaînes câblées, le minitel (36 15), la domotique…
On trouve dans la Minimal Synth un enthousiasme créatif lié à ce nouveau terrain de jeu technologique (et un nouveau futur fantasmé), en même temps qu’une certaine désillusion industrielle typique de la période. Cette dualité naïveté / pessimisme mélancolique se retrouve dans la musique.


Korg-700S

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Retour sur la norme MIDI :
L’infaillible métronomie permise par le Midi (comme expliqué plus haut) participe d’une certaine déshumanisation de la musique. La technologie est en partie responsable du son standardisé du reste des années 1980 et au-delà, lorsque celle-ci devient plus une béquille qu’un outil porteur de nouvelles promesses sonores et artistiques.
Rassurons nous (ou tremblons ?), on a très vite modélisé l’erreur et l’approximation humaine pour l’intégrer au logiciel (le ‘groove’) afin d’atteindre un semblant de naturel dans l’exécution d’un rythme, d’une ligne mélodique…
La première vague des productions synthétiques n’a justement pas bénéficié de cette béquille technologique, et c’est probablement ce qui les rend si fragiles. Les synthétiseurs s’emmêlent encore, les rythmes se chevauchent parfois, et le salut passe par le songwriting, ou par l’audace expérimentale.

 

Dans cette playlist : Roland SH-1/SH-9/TR-808/TR-606/CR78, MiniKorg 700S, Juno60, Arp2600, MicroMoog, Casio VL-Tone.

Favourite synth ? : BBC Scotland a demandé à des musiciens quel était leur synthétiseur préféré, et pourquoi.

 


Ce disque de l’anglais Benge passe en revue 20 synthétiseurs analogiques (20 systems) produits de 1968 à 1987, et en exploite bièvement les possibilités dans 20 pièces minimalistes. Le disque est accompagné d’un livret très riche et bien documenté.

Pour les spécialistes, une visite guidée (en anglais) du home-studio de Daniel Miller et du studio de Mute, son label

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Déclinaisons synthétiques : petit tour du monde

 

Playlist Minimal 80s (autour de 40 titres)

Synth Britannia : Daniel Miller et la scène anglaise

Si vous ne parlez pas anglais, apprenez vite ou achetez une machine à sous-titrer (assez rare et très cher). Bref, faîtes le nécessaire et regardez le merveilleux documentaire “Synth Britannia” de la BBC.

Ce documentaire revient sur la percée de la Synth Pop en Angleterre dès la fin des années 1970. Il y est longuement question de Daniel Miller, fondateur du label Mute. Son single Warm Leatherette / TVOD sous le pseudonyme The Normal sorti en 1978 est la fusion parfaite du rock et de l’électronique. Une référence absolue, à l’instar du Ghostrider de Suicide un an plus tôt.
Il revient également sur les débuts du label, sur Fad Gadget, sur son groupe fictif de pop synthétique Silicon Teens, dont Depeche Mode sera en quelque sorte l’incarnation…
La passionnante histoire d’un morceau mythique :

The Normal (Daniel Miller) : Warm leatherette (1978) et ses paroles directement inspirées du roman Crash de J.G. Ballard (1972).

Mute Audio Documents regroupe l’integralité des singles sortis sur Mute durant les 6 premières années du label, entre 1978 et 1984.

OMD, Human League, New Order, Gary Numan, Depeche Mode, Soft Cell, Visage, Ultravox… Ils sont très nombreux dans la lumière.
Trop nombreux… Un épisode de l’invasion des synthétiseurs prête à sourire, il est évoqué par Gary Numan dans le documentaire Synth Britannia (ci-dessus, à 0:42:00) et dans le livre Rip it up and start again de Simon Reynolds (Ed. Allia, p.410) :
« Au printemps 1982, la pop électronique dominait tellement le marché que le Musicians Union (syndicat des musiciens britanniques) tenta de limiter l’usage des synthétiseurs. “Ils ont très sérieusement proposé de rationner les synthés, d’en restreindre l’usage à certains studios accrédités, où on les utilisait pour refaire des parties de cordes”, raconte Ian Craig Marsh. » (…)

 

Les “nouveaux romantiques” comme le groupe Visage, jouent aussi sur la corde décadente et mélancolique. Mais leurs regards sont plus tournés vers l’Est que vers les USA.

Chez Ultravox, autre groupe phare de la New Wave anglaise, le climat est très européen, les textes de John Foxx aux influences ballardiennes sont peuplés d’images désolées de décadence et de déshumanisation.
Ces articles en anglais sur les rapports étroits qu’entretiennent parfois littérature SF, et notamment les thèmes développés par J.G. Ballard, et la musique synthétique de cette période.
Synth Britannia & J.G. Ballard.
What pop music tells us about J.G. Ballard (BBC News Magazine).
Ici et (site du Guardian).

J.G. Ballard : Crash (attention, c’est un livre)

Edward Ka-Spel : Laugh China Doll (1984)

Edward

Vocaliste lunaire et maladif au sein des Legendary Pink Dots, Ka-Spel a produit au moins 2 albums par an entre 83 et
86, dont ce premier LP solo encore plus minimal que les albums de son groupe, déjà assez étranges. Grand habitué de l’autoproduction
sans moyens et de la “cassette culture” (sur le label de DDAA, basé à Bourg-en-Bresse, par exemple), l’homme enchaîne ici les permes de minimal-wave épique (Lisa’s Funeral) et parfois assez en avance (Suicide Pact). Le label Beta Lactam Ring a réédité ce disque en 2005 avec 3 excellents bonus.

Et ils sont encore plus nombreux en backstage.

 

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En France :

La France n’est pas en reste, comme en témoignent par exemple les compilations Bippp, IVG, et So Young But So Cold, titre emprunté à Kas Product, groupe phare de la vague française.

Ce document présente le groupe français en studio, ils y évoquent la froideur (réchauffable) du son des machines…

 


DEUX(MW)
Deux
DEUX évolue aisément dans le monde électronique ; équilibre les effets sonores ; aère les phrases musicales. DEUX refuse l’exhibition. Sa fragilité apparente est en réalité l’arme la plus efficace contre l’adversité.
Ecoutez…

(extrait dossier presse pour la sortie de Félicita / Game and Performance, 1983, en page d’accueil de leur site officiel). Et c’est bien résumé.
Gérard Pelletier et Cati Tete se rencontrent à Lyon en 1981 et forment Deux.
Le disque “Agglomérat” regroupe leur maigre production de 1983 à 1992, et le label Minimal Wave réédite (en vinyle seulement) leurs meilleurs titres studio, accompagnés de démos. Vivement conseillé.

 

 


Je suis du genre minimaliste, j’suis un champion du Mastermind” (Deux – Minimaliste)

Le magasin et label français Born Bad réédite quelques pépites synth-wave obscures dans les compilations IVG et Bippp.
Voici un extrait de sa présentation sur le site du label :

bippp
Les riffs enragés des Rickenbacker et Fender laissent ainsi peu à peu la place aux Bippp-Bippp froids et robotiques des claviers analogiques Casio, Korg MS 10 et autres ARP Omni. Poses növö, retro futurisme, élégance et arrogance d’une jeunesse ayant trouvé dans le synthé, une froideur assumée, et la guitare électrique, le Cubass de leur génération. La compilation BIPPP exhume quelques-uns de ces groupes et artistes météorites qui ont traversé les années synth wave françaises (…)
On y retrouve entre autres Ruth, Les Visiteurs Du Soir, Casino Music…


On trouve beaucoup de Martin Dupont dans l’annuaire téléphonique, mais très peu réédités par Infrastition et Minimal Wave. Derrière ce pseudo se cache un groupe créé par le bassiste Alain Seghir au début des années 80.

Martin Dupont : Lost and late (1982)

Et si vous avez une énorme envie de synthé :

 


En Allemagne : Après Kraftwerk, la Neue Deutsche Welle (nouvelle vague allemande)


Avec l’énorme hit “Das Model” (1978), ressorti en single en 1982, Kraftwerk approchent de leur but : créer la chanson pop parfaite.

Comment rebondir après Kraftwerk ?
La NDW est un (plutôt) joyeux mélange d’influences musicales, qui déferle en Allemagne au tout début des années 80. C’est la réponse allemande à l’impérialisme pop anglo-américain. Elle s’appuie sur la philosophie punk du ‘fait maison’. Toute musique un peu dansante et chantée en allemand se voit étiquetée NDW, de DAF à Lena… Les exemples qui suivent sont un peu moins connus.

Blackie : Aktiv (1981)

 

En Belgique :

C’est à la Belgique que l’on doit l’EBM (l’Electronic Body Music initiée par Front242) puis le New Beat (souvenez vous de Confetti’s) à la fin des années 1980, évolutions plus dansantes de la fusion du rock et de l’électronique. Leurs frères Minimal Wave se nomment Absolute Body Control, Snowy Red, Twilight Ritual, Autumn…

Absolute Body Control : Tapes 81-89
Ce coffret de 5cd rassemble toutes les productions du groupe, alors éditées en cassette. Leur son allie efficacité du rock (synthétique) et sonorités indus, et doit plus aux corrosifs DAF et Suicide qu’à la New wave.

 

Aux Pays-Bas :


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Qui connaît Ende Shneafliet ? Pas beaucoup de doigts levés, dommage. Leur musique mériterait pourtant une partie des éloges que l’on réserve traditionnellement aux précurseurs tels Throbbing Gristle ou Kraftwerk. Trois méchantes cassettes enregistrées entre 1981 et 1983 (sortis sur le label Trumpett) composent la quasi totalité de leur discographie : une oeuvre à la fois futuriste, nerveuse, minimaliste, sombre, parfois bruitiste, dans laquelle se croisent synthétiseurs, guitares et boites à rythme. Leur son est froid mais pas clinique, constamment parcouru de distorsions et d’énergie punk.

 

 

Ende Shneafliet : Animals from outerspace (1981)


Mais les Pays-Bas ce sont aussi les non moins sous-estimés Ensemble Pittoresque, Nine Circles, Doxa Sinistra ou Mekanik Kommando…
Doxa Sinistra – The other stranger (1985)

 

Aux Etats-Unis :

Crash Course In Science : Flying turns (1981)

Est-ce que ça vous rappelle “follow you” de DJ Hell (2003) ?


John Bender : Decomposition (1981)

https://www.youtube.com/watch?v=fY9rNBMfglc

Et son antithèse Synth Pop maximaliste irrésistiblement kitsch :
Devo : Dr Detroit (1985)

Le son américain va parallèlement prendre une direction inédite en injectant dans le post punk, la new wave et la no wave de la musique noire : c’est la mutant disco, avec le label Ze Records en tête.

 

Un détour par l’Australie :



M Squared
Pour vous présenter les artistes du label M Squared, rassemblés dans un coffret 4cd intitulé “M Squared Box : Terrace Industry 1980-1983”
édité par Ascension Records entre post punk, new wave et électronique minimaliste (avec notamment Systematics, Makers of the Dead Travel Fast…)

 

Systematics : Nuts to you (1979)

Un mot sur Ash Wednesday, musicien touche à tout qui collabore depuis 1997 avec les Einstürzende Neubauten. Il a beaucoup expérimenté avec l’électronique dans les années 1980 avec les projets Jab, Metronomes, et Thealonian Music, dont voici l’hypnotique “Fat controller”.

Thealonian Music : Fat controller (1982)

Ash Wednesday : Love by numbers (1980)

 

En Espagne :


El Aviador Dro : Programa en espiral (1982)

Et aussi Los Iniciados, Esplendor Geometrico (indus)…

Au Japon :

Outre les quelques allumés du label Vanity Records, la scène japonaise est plutôt orientée pop avec par exemple The Plastics ou Yellow Magic Orchestra de Ryuichi Sakamoto.

YMO : BGM (1980)
YMO

“BackGround Music” ou “Beautiful Grotesque Music”, au choix… Le Yellow Magic Orchestra, trio japonais prenant
le relai de Kraftwerk 78, prend ici un virage plus moderne et européen, après le très tubesque “Solid State Survivor”
qui les voyait contribuer à inventer l’electro-funk. BGM est plus froid, ce qui ne l’empêche pas de tenter une percée
dans le Rap (Rap Phenomena), genre encore très confidentiel, ou une pré-electronica brumeuse et mélodique (Music Plans, Ballet),
quand ce n’est pas l’ambient experimental de Ryuichi Sakamoto (avant le succès mondial) qui prend le dessus à plusieurs reprises.

Yellow Magic Orchestra : Camouflage (1981)

 

 


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La scène retro-80’s :

Difficile d’être original dans la décennie 2010. Quelles fusions inédites opérer ? Les artistes qui suivent ont choisi de rembobiner.


Playlist artistes Synth Wave et electro actuels (16 titres).

Kavinsky : Nightcall (2010), pour la B.O. de Drive


On peut distinguer :

* Ceux qui sonnent années 80

Xeno
Le label américain Wierd Records abrite un bon nombre de ‘revivalists’ au premier rang desquels on trouve Martial Canterel, Led Er Est et Xeno & Oaklander (ici en photo en live dans la cuisine, sans instrument).
Pieter Schoolwerth, foundateur du label en 2006, explique (source : Wikipédia) qu’il refuse l’étiquette ‘goth’ qu’on pourrait coller à Wierd records, estimant que ce terme est désormais trop associé à une sous-culture manquant d’élégance…

On peut élargir cette catégorie aux artistes purement electro tels Drexciya ou Anthony Rother même s’ils s’inscrivent non pas dans la continuité de la New Wave, mais plutôt des pionniers de la techno de Detroit (elle même nourrie à
Kraftwerk… La boucle est inbouclable). Voire même aux artistes Electro-clash comme Adult ou Fischerspooner, en quelque sorte des pionniers du revival.

* Ceux qui intègrent des sonorités 80s à des constructions plus modernes (Crystal Castles, The Knife…)
Musique de fluo kids, revival italo disco, et autres bonbons sonores sont dans l’air du temps, entre innovation paresseuse et brouillage assumé des règles du bon goût (musical et vestimentaire). Loin de l’image austère des revivalists cités plus haut, cette vague là est plutôt festive.

* Les fétichistes du synthétiseur analogique (Oneohtrix Point Never, Arp, Rene Hell, Stellar Om Source…)

Cette scène d’amoureux du vintage a toujours existé, mais le retour en grâce du krautrock et avec lui des pionniers ambient des années 1970 (Eno, Tangerine Dream, Manuel Göttsching, Roedelius…) a démultiplié son activité. La playlist qui suit en présente une petite poignée.

Playlist Synth Fetish (8 titres)

Dan Lopatin (Oneohtrix Point Never) interviewé par le webzine Resident Advisor.
L’américain y explique son amour des machines et sa relation avec Judy (le petit nom de son synthétiseur Juno de la marque Roland).

Notre article sur l’album Holkham drones du britannique Luke Abbott.

Cliquez pour remonter dans cet article à la liste des labels actuels

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Sélection de documents :

 

Compilations à la BML :
Bippp : french synth wave 1979-1985
So young but so cold : underground french music 1977-1983
Des jeunes gens mödernes : post punk, cold wave et culture novö en France, 1978-1983
The Minimal Wave tapes (1980-1986)
The hidden tapes : a compilation of minimal wave from around the world (1979-1985)
Genotypes (compilation réalisée par le label Genetic Music) 1979-1989
Maskindans : norsk synth 1980-1988
Aktion Mekanik (compilée par Terence Fixmer)
Danza Meccanica : Italian synth wave 1982-1987
Les compilations A man and a machine et A man and a machine 2
Quelques albums Minimal Synth, Minimal Wave, Synth Wave à la BML :
Absolute Body Control : Tapes 81-89 (Belgique)
Deux : Agglomérat (1982-1992) (France)
Jeff & Jane Hudson : Flesh (1983) (Angleterre)
Stephan Eicher : Spielt noise boys (1980) (Suisse)
Kas Product : By pass (1983) (France)
Kas Product : Try out (1981) (France)
Martin Dupont : Just because (1984) (France)
Martin Dupont : Sleep is a luxury (1985) (France)
Martin Rev : Marvel (1980) (Etats-Unis)

Les artistes actuels

Version rétro (les mêmes en plus jeunes)
Xeno and Oaklander : Sentinelle (2010) (Etats-Unis)
Led Er Est : Dust on common (2009) (Etats-Unis)
Martial Canterel : You today (2011) (Etats-Unis)

Version moderne : synth pop, nouvelle italo disco, fusions diverses…
Les albums de The Knife (Suède)
Les albums de Crystal Castles (Canada)
Chromatics : IV night drive (2007) (Etats-Unis)
After dark (compilation du label Italians Do It Better) (Etats-Unis)

Version fétichistes du synthétiseur (entre ambient cosmique et néo krautrock) :
Luke Abott : Holkham Drones (2010) (Angleterre)
Les albums de Oneohtrix Point Never (Etats-Unis)
Rene Hell : The terminal symphony (2011) (Etats-Unis)
Les albums de Arp (Etats-Unis)
Quelques albums Synth Pop (1ère période) à la BML :
Gary Numan : The pleasure principle (1979)
John Foxx : Metamatic (1980)
Human League : Dare ! (1981)
Yellow Magic Orchestra : Kyoretsu na rhythm (best of)
Heaven 17 : Penthouse and pavement (1981)
Orchestral Manoeuvres in the Dark : Organisation (1980)
Kraftwerk : Computer world (1981)
Soft Cell : Non-stop erotic cabaret (1981)
D.A.F. : Alles ist gut (1980)
Depeche Mode : Speak and spell (1981)
Quelques albums Synth Punk, Synth Indus à la BML :
Esplendor Geometrico : Anthology 1981-2003
Suicide : Suicide (1978)
Ike Yard : 1980-1982 collected
J.J. Burnel : Euroman cometh (1979)
Throbbing Gristle : Greatest hits (entertainment through pain) (1980)
Throbbing Gristle : 20 jazz funk greats (1979)
The Units : History of the Units, the early years (1977-1983)


A lire :


RIP IT UP

Rip it up and start again, le livre référence de Simon Reynolds sur le post punk consacre un chapitre à la Synth Pop, et se penche longuement sur l’apparition de l’électronique dans la musique pop et rock post-1977.

Trois livres aux éditions du Camion Blanc :
Kas Product : so young but so cold / Pierre Gillieth
L’esthétique new wave / Guillaume Gilles
Génération extrême : 1975-1982 : du punk à la cold-wave / Frédéric Thébault
Kraftwerk : le mystère des hommes-machines / Pascal Bussy

 

 

En ligne (articles, bases de données) :

French New Wave (artistes)

Minimal-Elektroniks.de : De nombreux liens vers les sites des groupes, les labels, les pages consacrées au sujet…
Minimalsynth.com : idem.
Le dossier New Wave du webzine Fluctuat.
Dossier “minimal synth” sur “Revel in New York”

Encore plus, pour les listophiles :

Les sites collaboratifs RateYourMusic et LastFM, outre le recensement discographique permettent à leurs usagers de “tager” c’est-à-dire d’étiqueter les albums par genre, sous-genre etc, le résultat s’avère très intéressant pour les niches que sont la Minimal Wave et la Minimal Synth. Voici le fruit de ce travail :

* Plus de 300 références “Minimal Synth” sur RYM
* Plus de 400 références “Minimal Wave” sur RYM
* Les artistes étiquetés “Minimal Synth” sur LastFM
* Les artistes étiquetés “Minimal Wave” sur LastFM

Beaucoup de groupes intéressants n’ont pas été cités dans cet article. Pour ceux qui ne craignent pas l’overdose, voici donc en bonus une liste assez fournie des groupes synth classés par pays, et un lien vers leur discographie respective.
Cliquez sur le Mi bémol pour y accéder :

clavier-une-octave

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Retrouvez rassemblées ici toutes les playlists vidéo (Youtube) créées pour cet article (en cliquant, tout de même).

 

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One thought on “La Synth Wave, c’était demain”

  1. Lelapin dit :

    Les sons électronique s sont très intéressants

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