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Ils sont venus à la BmL : Paul Veyne, historien franc-tireur de l’Antiquité

- temps de lecture approximatif de 3 minutes 3 min - Modifié le 08/04/2020 par Guillaume

Historien incontournable, spécialiste de l'antiquité gréco-romaine, Paul Veyne est venu à trois reprises à la Bibliothèque de Lyon. En 2008, il y présentait son ouvrage "Quand notre monde est devenu chrétien". Il étudiait ce point d'inflexion historique lorsque le christianisme est devenu une religion licite, puis culte officiel de l'Empire romain. Sa verve et son talent de conteur contribuent à une lecture stimulante et surprenante de cette période décisive pour l'histoire du monde. Bref retour sur cet essai audacieux.

Paul Veyne à la BmL
Paul Veyne à la BmL

En un peu plus de 300 pages, Paul Veyne dépeint ce moment de bascule où l’Empire romain passe du paganisme à la religion du Christ. Pari osé, mais relevé d’autant plus remarquablement que l’érudition dont fait preuve le professeur honoraire au Collège de France ne leste jamais l’ouvrage qui reste limpide de part en part.

Rappelons les fait : en 312, le gouvernement de l’Empire est administrativement réparti entre plusieurs dirigeants, au sein d’un système que quelques décennies auparavant Dioclétien avait mis en place : la tétrarchie. Les rivalités entre césars ne manquent pas et en 312, Constantin, à la bataille du Pont de Milvius, défait Maxence et se voit proclamé seul maître de l’Empire romain d’Occident.

Le Songe de Constantin — WikipédiaCe qui intéresse Paul Veyne à propos de cette bataille, c’est le songe que Constantin déclare avoir fait la nuit précédant la bataille. Un rêve durant lequel il aurait eu la vision d’un chrisme (soit les deux premières lettres grecques du mot Christ) et aurait entendu “par ce signe tu vaincras”. Constantin est encore à cette époque un vrai païen. Ça ne l’empêche pas à son réveil de faire apposer ce chrisme sur tous les boucliers de ses soldats. On connaît l’issue de la bataille.

A partir de cet événement éminemment privé (quoi de plus intime qu’un songe ?) et politique, Paul Veyne va tisser la trame de son essai. Il s’intéresse notamment aux motifs qui ont pu pousser Constantin à se placer sous cette bannière chrétienne, puis à faire du christianisme une religion tolérée, voire favorisée dans l’Empire. Contre les interprétations qui font de Constantin un stratège retors qui n’aurait adopté le christianisme que par calcul politique, Paul Veyne complexifie l’analyse. Certes, Constantin avait bien pris la mesure de la puissance de cette organisation religieuse. Et les considérations politiciennes ne lui auraient pas échappé. L’historien s’interroge néanmoins sur « les petits et grands mobiles de la conversion de Constantin ». Il affirme entre autres que celle-ci fut tout à fait sincère et que l’Empereur se voyait en missionnaire de cette religion “révolutionnaire”.

Mais au fond, dit Veyne, “les mobiles ultimes de toute conversion sont impénétrables, ils se trouvent dans l’inouvrable «boîte noire» dont parlent les psychologues”.

L’historien ne s’arrête pas uniquement sur le règne de Constantin. Il raconte également comment le christianisme est de nouveau malmené sous Julien l’Apostat avant de s’imposer comme religion d’Etat avec Théodose, à la toute fin du IVe siècle.

Cet épisode romain est aussi l’occasion pour Paul Veyne de se poser des questions plus générales, indéniablement en lien avec notre temps : D’où vient le monothéisme ? L’idéologie existe-t-elle ? L’Europe a-t-elle des racines chrétiennes ? Sur cette dernière question, la réponse de l’auteur est sans appel : “L’Europe n’a pas de racines, chrétiennes ou autres, elle s’est faite par étapes imprévisibles, aucune de ses composantes n’étant plus originelles qu’une autre. Elle n’est pas préformée dans le christianisme, elle n’est pas le développement d’un germe, mais le résultat d’une épigenèse. Le christianisme également, du reste”.

Amazon.fr - Comment notre monde est devenu chrétien - Marie ...Parce qu’il trace des pistes assez radicales, le livre n’a pas manqué de susciter le débat chez les historien.nes. Un an après la parution de l’ouvrage de P. Veyne, Marie-Françoise Baslez intitulera malicieusement son livre sur le même sujet Comment notre monde est devenu chrétien ?. Elle replace par là-même ce phénomène dans la longue durée, bien avant l’épiphanie de Constantin.

 

 

Pour vous faire une idée, il ne vous reste plus qu’à réécouter la conférence de Paul Veyne à la BmL !

 

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