La loi sur l’IVG en France a 40 ans !

- temps de lecture approximatif de 8 minutes 8 min - Modifié le 05/07/2016 par Ophélie Cap' culture santé

Le 26 Novembre 1974, Simone Veil présente le projet de loi concernant la légalisation de l'Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) à l'Assemblée nationale. Après de longues concertations, la loi est adoptée puis promulguée le 17 Janvier 1975.

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40 ans après, l’occasion de vous proposer un dossier sur l’histoire de l’IVG en France.

I – Avant la loi sur l’IVG

Avortements clandestins

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Avant la loi Veil, l’avortement en France s’effectue en dehors de tout cadre légal dans des conditions mettant en péril la santé des femmes. Les recours à l’utilisation de médicaments fortement dosés, (plantes, produits chimiques), ou d’objets détournés sont fréquents. Des « faiseuses d’anges » pratiquent les avortements clandestins sans aucune formation médicale.
L’illégalité accentue également les inégalités sociales de recours à l’avortement. Les femmes venant de classes sociales aisées ont les moyens d’avorter dans des pays où l’avortement est déjà légalisé (comme le Royaume Uni ou les Pays Bas) alors que les autres sont dans l’obligation d’avorter en France, dans des conditions sanitaires dangereuses.

La loi Veil reconnait aux femmes le droit de choisir de poursuivre ou non une grossesse. Parce qu’elle encadre médicalement une pratique auparavant préjudiciable pour la santé des femmes elle contribue à une amélioration de leur santé, aussi bien physique que psychologique ; légaliser l’avortement a également permis d’aider les femmes à déculpabiliser.

Lutte pour le droit à l’avortement et Procès de Bobigny

Le 5 Avril 1971, le Nouvel Observateur publie l’Appel des 343, appelé aussi « Manifeste des 343 salopes » où 343 personnalités reconnaissent avoir enfreint la loi en revendiquant le fait d’avoir avorté. Le texte publié est le suivant :

« Un million de femmes se font avorter chaque année en France. Elles le font dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées, alors que cette opération, pratiquée sous contrôle médical, est des plus simples. On fait le silence sur ces millions de femmes. Je déclare que je suis l’une d’elles. Je déclare avoir avorté. De même que nous réclamons le libre accès aux moyens anticonceptionnels, nous réclamons l’avortement libre. »

JPEGEn 1972 a lieu un procès retentissant qui participe à la défense du droit à l’avortement et marque le début de sa dépénalisation : Marie-Claire Bobigny comparaît pour s’être fait avorter (avec l’aide de sa mère et d’une avorteuse) à la suite d’un viol. La jeune fille de 17 ans est relaxée. Cet acquittement démontre le changement des mœurs vis-à-vis de l’avortement. Simone Veil, Simone de Beauvoir et les militantes d’associations féministes telles que « Choisir » et le « Mouvement de libération des femmes » ont contribué à cette décision de justice, en alertant l’opinion publique et en organisant des manifestations.

Deux ans plus tard, Simone Veil présente son projet de loi pour la dépénalisation de l’avortement devant le conseil des ministres. La loi sera votée le 17 Janvier 1975 avec une mise à l’essai de 5 ans.

II- La loi Veil, son vote et ses évolutions

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Le discours de Simone Veil est devenu historique. Elle déclare notamment que :

“L’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issue… mais comment le tolérer sans que la société paraisse l’encourager ? Je voudrais vous faire partager une conviction de femme. Je m’excuse de le faire devant cette assemblée presque exclusivement composée d’hommes. Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement ; C’est toujours un drame, cela restera toujours un drame. C’est pourquoi si le projet tient compte de la situation de fait existante, s’il admet la possibilité d’une interruption de grossesse, c’est pour la contrôler, et autant que possible en dissuader la femme”.

Ce 40ème anniversaire permet de rappeler l’importance de cette loi emblématique, qui symbolise une véritable avancée pour les femmes. Cette loi permet en effet de choisir et de donner du sens au désir d’interrompre ou de poursuivre une grossesse.

Le 26 Novembre 2014 fut l’occasion pour l’Assemblée nationale de commémorer cette loi en adoptant un texte symbolique, visant à réaffirmer la loi Veil.

Depuis 1974, la loi a évolué à plusieurs reprises :

• En 1982, l’IVG est remboursé par la sécurité sociale afin que toutes les femmes puissent y avoir recours si elles en font la demande. Cette modification de la loi a permis de réduire les inégalités sociales vis-à-vis des conditions d’accès à l’avortement.
• En 2001, la loi porte de 10 à 12 semaines de grossesse le délai légal pour avoir recours à une IVG.
• En 2014, l’Assemblée nationale vote un amendement qui vise à supprimer la notion de « situation de détresse » pour une femme ayant recourt à l’avortement. Cette notion est remplacée par les mots : « qui ne veut pas poursuivre une grossesse ». Lors des débats à l’Assemblée, la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem a précisé que « l’IVG est un droit à part entière et pas une simple tolérance assortie de conditions ». Cette modification de la loi permet de déculpabiliser les femmes qui ont recourt à l’IVG.

III- L’avortement, un droit remis en cause ?

Le droit à l’avortement en France a aujourd’hui 40 ans. Ce droit fondamental des femmes est parfois mis à mal, notamment par la fermeture de plusieurs établissements pratiquant l’IVG. On estime qu’en 10 ans, plus de 130 centres IVG ont fermé.

En France, d’après un rapport de l’INED le nombre d’IVG est stable mais de moins en moins de femmes y ont recours « Chaque année les interruptions volontaires de grossesse (IVG) concernent environ 1,5 % des femmes d’âge reproductif (1,4 % pour la France métro­politaine) […] soit environ environ 200000 IVG chaque année. »

En 2014, une femme sur 3 a recours à l’IVG à un moment de sa vie.
Ce n’est pas pour autant devenu un acte anodin. A ce sujet, Elisabeth Badinter, a souhaité réaffirmer la légitimé de ce droit, critiquant vivement le terme « d’avortement de confort », de plus en plus souvent utilisé et parle d’une phase « de régression générale ».

Pour réaffirmer ce droit fondamental et améliorer l’accès à l’IVG, le ministère de la santé a rendu public, hier vendredi 16 janvier 2015 un Programme national d’action qui se décline en 3 axes :

Mieux informer les femmes sur leurs droits . Création en septembre 2015 d’un numéro national d’appel anonyme et non surtaxé sur la sexualité, la contraception et l’IVG. Diffusion d’une campagne nationale de sensibilisation sur la même période. Enrichissement de l’incontournable site d’information : IVG.gouv.fr pour contrer la forte présence de sites anti-avortement sur la toile.

Simplifier et améliorer le parcours des femmes. Par une amélioration de la prise en charge financière de l’IVG et la formalisation d’une procédure pour les IVG de 10 à 12 semaines.

Garantir une offre diversifiée sur tout le territoire. Le gouvernement prévoit une plus grande implication des Agences régionales de santé (ARS) pour la formalisation d’un plan d’accès à l’avortement. Les sages-femmes seront par ailleurs autorisées à pratiquer l’IVG médicamenteuse. Les centres de santé seront également autorisés à pratiquer les IVG instrumentaleset non plus seulement les IVG médicamenteuses comme c’est le cas actuellement.

Pour aller plus loin

Données statistiques sur l’IVG en France :
• Disponibles sur le site de l’INED
• Étude sur les statistiques de l’IVG en 2014
• “IVG : le Check-up des 40 ans“, Libération, 15 janvier 2015.

Ouvrages sur l’histoire de la légalisation de l’IVG en France
Naissance d’une liberté
Libertés, sexualités, féminisme : 50 ans de combat du Planning pour les droits des femmes

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Les lois Veil : contraception 1974, IVG 1975
• Nous vous proposons également de voir ou revoir le documentaireHistoire d’un choix : témoignages autour de la contraception et de l’I.V.G qui contient de nombreuses informations sur la sexualité, la contraception et l’avortement :

L’avortement à travers la littérature et le cinéma :
L’évènement. L’auteure, Annie Ernaux propose ici le récit de son avortement clandestin, plusieurs années avant la légalisation de l’IVG.
Un tout petit rien, Camille Anseaume raconte le choix difficile d’une jeune femme qui tombe enceinte par accident et hésite à devenir mère.

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Une affaire de femmes. Ce film de Claude Chabrol s’inspire de l’histoire de Marie-Louise Giraud, une des dernières femmes guillotinées en France pour avoir pratiqué des avortements clandestins.
4 mois, trois semaines, deux jours . Palme d’or au 60e festival de Cannes en 2007, ce film relate le parcours d’une étudiante qui souhaite avorter dans un pays où cet acte est illégal : la Roumanie.
Le procès de Bobigny. François Luciani propose ici de retracer le procès historique d’une condamnation pour avortement en France dont le retentissement considérable a contribué à la légalisation de l’avortement en France.
Tous ces documents sont disponibles dans les bibliothèques municipales de Lyon.

Les questions sur l’IVG traitées par le Guichet du savoir :
Différence entre un avortement par aspiration et un avortement thérapeutique
Recherche d’ouvrages sur la loi Veil
L’avortement aux États-Unis

Les liens utiles pour s’informer en ligne sur le sujet
IVG.gouv.fr
Les adresses pour savoir où avorter en France
Le planning familial
Choisir sa contraception

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