Une Fabrique de l’Innovation. Trois siècles de révolutions industrielles en Rhône-Alpes

- temps de lecture approximatif de 96 minutes 96 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

La Bibliothèque municipale de Lyon programme du 5 novembre 2013 à fin février 2014 une série d'évènements qui parlent des révolutions industrielles en Rhône-Alpes à travers les domaines des pôles de compétitivité : le textile (Techtera), la chimie (Axelera), la plasturgie (Plastipolis), l'automobile et les transports (Lyon Urban Trucks and Bus), les biotechnologies (Lyonbiopôle), et l'image-cinéma (Imaginove). Expositions et rencontres sont regroupées sous le label Une Fabrique de l'innovation.

La fabrication des petites voitures Norev (1962) - Copyright Georges Vermard
La fabrication des petites voitures Norev (1962) - Copyright Georges Vermard

Demandez le programme !

Dans le cadre de cette manifestation, la Bibliothèque vous propose un dossier repère qui se veut un réel complément à la visite de l’exposition, physique et virtuelle.

Cette synthèse a vocation à vous donner toutes les clés de compréhension des objets et des rencontres qui animeront la vie du réseau pendant quatre mois.


A propos de l’exposition

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Une fabrique de l’innovation

Une fabrique de l’innovation est une machine à remonter le temps des innovations industrielles en Rhône-Alpes dans les domaines du textile, de la chimie et plasturgie, des transports, de l’image, de la santé. Ces domaines d’excellence s’incarnent aujourd’hui dans des pôles de compétitivité, dont les dynamiques sont, autant que la recherche et développement, la formation professionnelle et le patrimoine.

A travers ses expositions, ses tables rondes, ses ateliers pour les familles et les jeunes publics, ses visites sur sites, la Fabrique est un évènement exceptionnellement collaboratif, puisqu’une centaine d’acteurs – musées, fondations, entreprises, organismes de formation professionnelle, collectivités, chercheurs et décideurs – ont participé à sa création.

De l’audace…

« La tradition n’est pas l’ennemie mais le support de l’audace. » Alain Mérieux, créateur de bioMérieux.

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Concours d’invention
Collections BML

Rhône-Alpes est la seconde région, derrière l’Ile de France, dans le domaine des innovations industrielles. Ce classement à la Shanghaï tient compte des efforts supérieurs à la moyenne nationale dans le domaine de la recherche et développement (R&D), de la part de brevets européens déposés et publications scientifiques, et de la dynamique des pôles de compétitivité.

Qu’est-ce qu’un pôle de compétitivité ? La réunion, sur un territoire donné, des entreprises, centres de formation et unités de recherche, engagés dans une démarche partenariale pour développer des projets communs innovants et disposant d’une masse critique suffisante pour acquérir et développer une visibilité internationale. Lancée en 2004, la démarche a été évaluée pour la seconde fois en 2011 par BearingPoint-Erdyn-Technopolis . Quatre de ces pôles rhônalpins ont été classés très performants – Lyon Biopôle (santé), Axelera (chimie), Lyon Urban Trucks and Bus (transports), et Techtera (textiles). Deux ont été évalués performants : Imaginove (TIC) et Plastipolis (plasturgie).

En juillet 2013, les pôles se sont vus proposer de nouveaux défis. S’appuyant sur leur capacité à faire émerger et à conduire des projets collaboratifs de R&D, ils doivent se mobiliser pour la réindustrialisation et devenir des « usines à produits d’avenir ». Ils devront également accompagner la croissance des PME (petites et moyennes entreprises) et des ETI (entreprises de taille intermédiaire) innovantes et travailler davantage avec les acteurs de la formation professionnelle.

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Entrée dans l’exposition
Photographie Didier Nicole

Comment expliquer cette dynamique ? Si l’on remonte le temps des révolutions industrielles, on s’aperçoit que ces domaines du textile, chimie, transports, santé et image ont des racines très profondes en Rhône-Alpes. Il en demeure un patrimoine industriel extrêmement riche – immobilier, mobilier, documentaire, matériel et immatériel – qui constitue nécessairement un des facteurs de cette réussite.

La notion de patrimoine industriel est récente.

Catherine Manigand-Chaplain, dans l’éditorial du n°8 (2007) d’In Situ, revue des patrimoines note qu’une cellule du patrimoine industriel, réunissant des compétences spécifiques, fut créée à la sous-direction de l’Inventaire général seulement en 1983, très tardivement au regard d’autres pays européens.

C’est à Lyon qu’eut lieu la première rencontre internationale organisée sous les auspices du Conseil de l’Europe sur le thème du patrimoine industriel, le 25 octobre 1985.
Yves Lequin, concluait ainsi ce colloque : Le patrimoine industriel, c’est la crise. […] Lorsque demain la restructuration sera faite, lorsque nous serons sortis de la crise, parce que nous en sortirons bien un jour, lorsqu’aura disparu la dernière génération de ces détenteurs du savoir, de ces gens qui hier au travail, aujourd’hui en pré-retraite, nous expliquent les savoirs qui s’accrochaient à ces machines, que deviendra la notion de patrimoine industriel ?

Enfin, la première recommandation du Conseil de l’Europe date de 1990 : Recommandation n° R (90) 20 du Comité des Ministres aux Etats membres, relative à la protection et la conservation du patrimoine technique, industriel et des ouvrages d’art en Europe..

Quant à démontrer la dimension stratégique du patrimoine industriel pour ces « usines à produits d’avenir » que doivent devenir les pôles de compétitivité à l’horizon 2018, c’est un des enjeux de ce manifeste pour le génie du lieu.


Qu’est-ce que l’innovation ?

C’est une question à laquelle il est très difficile de répondre simplement ! Voici quelques jalons…

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Fac similé Brevet Jacquard 1791
Boutique de l’INPI

Norbert Alter voit dans l’innovation une activité collective. Elle se différencie de l’invention car celle-ci représente une nouvelle donne, la création d’une nouveauté technique ou organisationnelle, concernant des biens, des services ou des dispositifs, alors que l’innovation représente l’ensemble du processus social et économique amenant l’invention à être utilisée ou pas. Dominique Foray rappelle que les entreprises innovent pour se différencier et se créer une rente de situation temporaire par le biais d’un monopole. C’est le rôle des marques et des brevets de protéger cet avantage éphémère. Quatre capacités sont nécessaires à une entreprise pour gérer l’innovation : la créativité, la résolution de problème, la gestion de la connaissance et la valorisation économique.

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Fac similé Brevet Lumière 1895
Boutique de l’INPI

Quelle est la place de l’usager dans l’innovation ? Il intervient pour améliorer l’intelligence de l’innovation… d’où de nombreuses anecdotes. Dominique Foray relate l’histoire de Marc Grégoire, ingénieur à l’ONERA (Office National d’Études et de Recherches Aéronautiques). Cherchant à fabriquer une canne à pêche télescopique en fibre de verre, Marc Grégoire bénéficie de l’aide de son collègue Louis Hartmann, spécialiste du polymère anti-adhérent ou téflon, pour que les différentes pièces coulissent mieux. Entre en scène Mme Grégoire, qui demande à son mari de s’occuper plutôt de ses casseroles qui attachent que de la pêche à la ligne. Marc Grégoire met au point un procédé permettant d’ancrer le téflon sur un disque aluminium, en le traitant à l’acide chlorhydrique. Le brevet de la première « poêle qui n’attache pas » est déposé en 1954. Le nom Tefal provient de la contraction des mots “teflon” et “aluminium”.

Millénaire 3, le Centre de Ressources Prospectives du Grand Lyon, a publié un texte de Marianne Chouteau et Ludovic Vievard qui croise un historique très synthétique du concept d’innovation industrielle avec des interviews de chercheurs et de structures d’accompagnement de l’innovation de l’agglomération lyonnaise.

Ainsi, les différentes formes d’innovation sont…

  • L’innovation de process (méthodes de production technologiquement nouvelles : l’annuaire passe du Minitel à Internet)
  • l’innovation de rupture (une nouvelle technologie bouleverse les anciennes habitudes : du VHS au DVD))
  • l’innovation incrémentale (la fonction d’un produit ne change pas radicalement, mais il est amélioré : du téléphone à fil au sans fil)
  • l’innovation perturbatrice (sous performante au départ mais qui finit par s’imposer : logiciel payant/logiciel libre)
  • l’innovation en grappe (principe de Schumpeter (1883-1950)) : autour de cette innovation première, d’autres viennent se greffer, formant des ensembles interdépendants ; chaque grappe bouleverse l’ancienne économie et peut être destructrice.
    Les auteurs signalent enfin les travaux du japonais Kenji Kawakami sur le concept de Chindogu, inventions utiles mais non utilisables car provoquant des désagréments.

Deux modèles permettent de rendre compte de la survenue des innovations :

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Joseph Schumpeter – source : Wikimédia.

– la « boite noire » de Schumpeter, selon lequel l’innovation « de résultat » est poussée par la science ; c’est elle qui donne aux entrepreneurs à imaginer une application pour les découvertes scientifiques.
l’innovation comme processus, selon diverses formes, avec la R&D au centre.

– les acteurs interviewés par Marianne Chouteau et Ludovic Vievard, chercheurs et responsables d’entités investies dans l’innovation industrielle comme le Pôle innovation du Grand Lyon, s’entendent sur la valeur stratégique de l’innovation pour sauvegarder l’emploi industriel, même si l’innovation entraine l’obsolescence – et donc la destruction – des anciens équipements et des anciennes compétences. L’innovation consiste à « faire du neuf » mais pas n’importe comment. Si pour certains l’innovation rime avec invention, d’autres, venus du monde de l’économie ou de l’entreprise contextualisent beaucoup et l’innovation devient synonyme d’amélioration là où elle pouvait faire défaut… Enfin son champ n’est pas que technologique, mais concerne également le management, l’organisation, les services ou le marketing.

Cités dans cette page


Innovation industrielle et territoire

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Carte des pôles de compétitivité

Qu’est-ce qui fonde la région Rhône-Alpes ? La réunion (ou annexion ou cession…) de la Savoie à la France en 1860 ou bien comme le dit Yves Lequin, en introduction de l’ouvrage 500 années lumière : mémoire industrielle et en accord avec Pierre Léon, l’économie ? L’unité de la région est à rechercher dans le travail des hommes.

Trois grands pôles urbains se partagent l’histoire et l’avenir de l’industrie en Rhône-Alpes : Lyon, Saint-Etienne et Grenoble. Et d’autres les ont rejoints : Oyonnax, Annonay…

Il n’est pas possible ni dans l’exposition qui se tiendra du 16 novembre 2013 au 1er mars 2014, ni dans ces quelques notes de rendre compte de l’innovation industrielle en région du XIXe au XXIe siècle en abordant tous ces pôles géographiques. On en donnera donc quelques aperçus.


En termes d’activités comme d’innovation, la métropole lyonnaise a depuis toujours plusieurs cordes à son arc, à l’image de Rhône-Alpes, deuxième région d’innovation française. L’activité économique lyonnaise frappe par sa variété au cours de l’histoire. L’imprimerie, la soie et la banque dominent la Renaissance. Au 19e siècle, Lyon s’illustre dans la construction mécanique, le textile ou encore la chimie, puis l’automobile et le cinéma montent en puissance à l’aube de la Belle Epoque. Le 20e siècle voit en particulier la montée en puissance de la pharmacie et du secteur de la santé. Les innovations dans le domaine de l’énergie se retrouvent à toutes ces époques, des bassins houillers de Saint-Etienne, jusqu’aux recherches actuelles des acteurs locaux (Institut Français du Pétrole et pôle de compétitivité Lyon Urban Truck & Bus en tête) sur les technologies d’économie d’énergie dans les transports.

Millénaire 3, le Centre Ressources Prospectives du Grand Lyon offre ce raccourci sur cinq siècles d’innovation. Sur le XIXe siècle, qu’on peut prolonger jusqu’à la Grande Guerre, le modèle arborescent de Michel Laferrère permet de comprendre comment les différentes filières industrielles se sont développées.

Une Généalogie des industries lyonnaises

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Lyon, un paradoxe patrimonial
CILAC, 2009

Le titre de cette partie est emprunté à Michel Laferrère. Il publie en 2009 un article dans la revue L’archéologie industrielle en France, proposant un modèle d’innovations par filiations, à travers l’histoire des industries lyonnaises.

Il s’agit du développement successif des industries lyonnaises du textile, de la mécanique et de la chimie. Durant la première moitié du XIXe, la France comble son retard avec l’Angleterre dans la majorité des innovations industrielles : machine à vapeur, chemin de fer, tissage mécanisé, acide sulfurique… Dans la dernier quart du XIXe, elle participe à une seconde révolution dite néo-technique, celle de l’électricité, du moteur à explosion, des colorants, produits pharmaceutiques, photographie, textiles artificiels, plastiques…

1805-1860

Dès l’origine de la fabrication des soieries, les tisseurs ont besoin des mécaniciens et des droguistes. Mais Lyon entre dans la mécanisation vers 1805 par le métier de Joseph Jacquard et ses contributeurs pour le tissage des soieries façonnées. Grâce aux aiguilles et aux cartons perforés, le tissage est accéléré, la qualité améliorée, mais des emplois sont détruits comme à chaque innovation, ce qui suscite de violentes manifestations ouvrières.

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Joseph Marie Jacquard – source : Wikimédia.

Joseph Jacquard fut-il un martyr de l’innovation ? Il aurait été victime de la violence des travailleurs, et même échappé de peu à la mort, sa mécanique aurait été brûlée en place publique par la foule mécontente. Selon François Jarrige, cette version « martyre » se construit après la mort de Jacquard en 1834, pendant la Monarchie de Juillet, dans un contexte de tension sociale, et après les répressions des révoltes canuts de 1831 et 1834. Au milieu du XIXe, environ 60 000 métiers fonctionnent dont 9 000 Jacquard, améliorés par des mécaniciens comme Guigo, Lantérès. Les problèmes rencontrés par Jacquard sont rejetés sur les ouvriers. Elle permet de dissimuler la complexité du processus inventif, de gommer les imperfections et les lacunes qui caractérisent les premiers stades de l’innovation, au profit de la mise en scène du génie solitaire et incompris. Ce récit est par ailleurs inséparable de l’avènement de l’imaginaire héroïque du progrès par la technique qui se met en place au cours du XIXe siècle. En rejetant la responsabilité de la lenteur du changement technique sur la main-d’œuvre ignorante, la légende de Jacquard dédouane la responsabilité des autorités locales et, surtout, dissimule la fragilité de l’artefact à ses débuts. À ce titre, le martyre de Jacquard devient également un discours sociopolitique avec une indéniable fonction de contrôle social. Il offre aux foules l’image du bon ouvrier laborieux et sage participant à l’œuvre commune, à mille lieux des barbares dangereux faisant le choix de la révolte et de la violence.

La Fabrique est dispersée dans de petits ateliers à domicile et non concentrée en grandes manufactures comme en Angleterre. De ce fait, l’influence de la soierie lyonnaise sur la métallurgie et la mécanique industrielle est limitée, sauf dans le domaine des ateliers de chemin de fer, de la construction navale, le cycle, l’automobile, l’appareillage électrique. C’est la chimie qui bénéficie de l’essor de la soierie, en raison de la variété des techniques de traitement, mordançage, teinture, apprêt, avec des produits dérivés de l’acide sulfurique. A Perrache, on met au point la fabrication du gaz sulfureux par combustion des pyrites de Chessy et de Sain Bel. Les chimistes Perret, propriétaires de ce gisement installent à Saint-Fons en 1854 la « Grande usine ». L’acide sulfurique est à l’époque la base de la plupart des réactions chimiques utilisées industriellement.

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Atelier en soie ca 1900
Collections BML

Sur le chapitre des colorants, citons Jean-Baptiste Guimet, né à Voiron en 1795, polytechnicien et chimiste, qui obtient en 1826 un outremer artificiel par calcination d’un mélange de soude, de silice, d’alumine, de soufre et de carbonate de chaux. Dès 1827, Ingres l’utilise pour son œuvre L’Apothéose d’Homère. En 1831, il installe une usine de fabrication à Fleurieu-sur-Saône, au nord de Lyon. Le nouveau colorant trouve ses principales applications dans le domaine des beaux-arts et du blanchiment. Le bleu Guimet est fabriqué à Fleurieu-sur-Saône jusqu’en 1967. En 1860, Jean-Baptiste Guimet cède la place à son fils Emile, le créateur des célèbres musées du même nom. Tous deux seront à l’origine de la société Pechiney.

1860-1914

La période 1860-1914 est marquée par une industrialisation accrue de la filière textile, avec l’essor de la fabrication des unis qui entraine dans son sillage les industries mécaniques et métallurgiques, qui réalisaient les bâtis en fonte des métiers ou encore les peignes de tissage. A la fin du XIXe siècle, Lyon est considérée comme un des berceaux de l’industrie automobile. Marius Berliet, issu d’une famille de tisseur, qui construit sa première voiture en 1895, industrialise sa production à partir de 1905, grâce à l’acquisition de machines-outils américaines, anglaises et allemandes.

La société Gillet symbolise une grande réussite dans le domaine de la chimie. En 1873, elle devient la plus grande entreprise de teinturerie lyonnaise en grande partie grâce à sa capacité à évoluer techniquement et en rachetant d’autres établissements plus modestes. Avec les fils et descendants du fondateur François, elle se diversifie notamment dans les textiles artificiels. Puis elle participe en 1928 à la création de Rhône-Poulenc avec la Société chimique des usines du Rhône. Elle est aussi à l’origine de la célèbre Rhodiaceta…

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La Martinière, vue générale
Collections BML

Deux écoles vont avoir un rôle déterminant dans le développement des industries chimiques à Lyon. L’Ecole de la Martinière accueille Auguste Lumière, diplômé de physique en 1878 et Louis de chimie en 1880, inventeurs récidivistes, lancés entre autres dans les produits photographiques. L’Ecole supérieure de chimie industrielle de Lyon, (aujourd’hui ESCPE) forme un fils de soyeux, Marcel Mérieux : intéressé dans un premier temps aux colorants, il s’oriente vers la biologie industrielle, créant son premier laboratoire de recherche en 1897 et dix ans plus tard, sa première unité d’élevage pour la production de sérums destinés à la médecine vétérinaire.

Le 13 septembre 1800, il y a tout juste deux siècles, disparaît dans la lointaine cité indienne de Lucknow Claude Martin, major-général dans l’armée anglaise mais lyonnais d’origine. Apprenti tisserand, fils d’un modeste tonnelier du quartier des Terreaux, il a quitté Lyon dès l’âge de 16 ans, sans le sou, mais termine sa vie comme l’un des hommes les plus riches de l’Inde, après une existence hors du commun. Sentant sa fin prochaine, Claude Martin, promu major-général de l’armée anglaise en 1795, rédige son testament le 1er janvier 1800 et couche ses dernière volontés sur le papier : 83 pages écrites en anglais et en hindi. Même lointaine, la mère patrie n’est pas oubliée : « je lègue la somme de deux mille sicka rupées pour être déposée dans les fonds à intérêt les plus sûrs de la ville de Lyon, en France, et régie par les magistrats de cette ville, sous leur protection et contrôle. L’intérêt doit servir… à établir une école pour instruire un certain nombre d’enfants des deux sexes. » Soit la coquette somme de 250 000 roupies, équivalante à 700 000 francs or. En Inde, la générosité du major-général Martin a permis l’ouverture de quatre collèges : un pour les garçons et un pour les filles à Lucknow, deux à Calcutta.

C’est aussi avec le soutien de la Fabrique que sera construite l’usine hydro-électrique de Cusset, dont l’avant projet est soumis par Joannis Raclet en 1888 à la Préfecture. Plus visionnaire que technique, le projet est refusé. Mais la Fabrique et la finance lyonnaise viennent au secours de l’ingénieur : son associé au sein de la Compagnie Lyonnaise d’Electricité, Joseph Alphonse Henry, Grand bourgeois à la tête d’une des principales maisons de tissu d’art de Lyon et ancien président de l’Association de la Fabrique lyonnaise, fort des relations qu’il y entretient, apporte son soutien au Syndicat lyonnais des Forces Motrices du Rhône, tout juste créé par Raclet pour porter son projet. Il est loin d’être le seul représentant de la Fabrique au sein du Syndicat puisque celle-ci lui fournit la majorité de ses 32 membres ; la finance avec ses neuf représentants, dont le banquier Jaquier fils, étroitement lié à la création du Syndicat, représente la seconde force vive au côté de Raclet.

1914-1973

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Fabrication d’obus
Collections BML

Pendant la Grande Guerre, les usines de Lyon et de sa région se mobilisent. Les ateliers de phénol de Saint-Fons assurent 80% de la production française d’explosifs militaires. Les ateliers de vernis d’acétate produisent pour imperméabiliser les toiles d’avion, les usines de chlore fabriquent des gaz asphyxiants, Zénith fournit des carburateurs pour les véhicules terrestres et les avions. Les constructeurs automobiles produisent en grande série : Marius Berliet installe une nouvelle usine à Vénissieux, avec deux chaines de montage, l’une pour les camions CBA, l’autre pour les chars Renault.

 

Éloge de la diversité

Michel Laferrère situe « l’apogée » de l’industrie lyonnaise autour de 1960, l’agglomération étant ensuite frappée de désindustrialisation progressive sous la pression de la spéculation immobilière, des plans d’urbanisme et de la fiscalité locale.

Mais quel a été l’impact de la crise pétrolière de 1974 ? Pour Pierre Lamard et Nicolas Stoskopf, cette crise a entrainé un retournement historique de la courbe des emplois industriels en France et marque le début d’un déclin irréversible. En Rhône-Alpes, la faillite de Manufrance à Saint-Etienne, qui s’étale de 1979 à 1985, est emblématique de cette période.

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Raffinerie de Feyzin Collections BML

Dominique Barjot livre les facteurs de cette désindustrialisation :
–  facteurs externes : la fin de l’énergie bon marché, la crise monétaire mondiale, l’émergence des pays neufs (Asie), l’ouverture des pays de l’Est.
–  facteurs internes : la fin d’une période de rattrapage avec un interventionnisme économique fort de l’Etat (modèle keynésien), un accroissement de la masse monétaire et des coûts du travail qui ne sont pas compensés par les gains de productivité.

Mais le diagnostic de la désindustrialisation et l’inquiétude qu’il soulève ne sont pas partagés par tous les économistes, dont certains remarquent que les entreprises se sont recentrées sur leur cœur de métier, ont externalisé des fonctions si bien que les emplois perdus par l’industrie ont pu être récupérés par les services. La désindustrialisation pourrait partiellement se réduire à de simples mutations industrielles ou « destruction créatrice » selon Schumpeter.

Anne Dalmasso présente le cas du bassin grenoblois, un cas de mutation industrielle sans désindustrialisation : l’industrie demeure une composante essentielle de l’économie du département, s’il y a eu de nombreuses fermetures, il y a eu aussi de nombreuses créations, dans les nouvelles technologies, mais pas seulement. Les services aux entreprises se sont développés, soit parce qu’elles ont externalisées certaines activités, soit parce qu’elles ont eu des besoins nouveaux. « L’Isère continue de partager avec l’ensemble de la région Rhône-Alpes, une diversité de trajectoires de développement animée par des pôles multiples. A la différence des régions de mono-industrie, les reconversions sectorielles s’y étalent dans le temps, favorisant les adaptations sociales et la pérennité « d’un dynamisme à plusieurs voix » (Yves Lequin).

Cités dans cette page


Des révolutions industrielles

Le concept de « révolution industrielle » naît au XIXe siècle, où il est employé dès les années 1830-1840 par l’économiste Adolphe Blanqui (1798-1854) et le philosophe Friedrich Engels, puis est popularisé par l’historien de l’économie Arnold Toynbee (1852-1883). Il désigne un processus d’accélération des progrès techniques en un moment donné.

François Caron, l’un des principaux théoriciens français de la révolution industrielle, en définit les manifestations : une modification radicale des modes de production et de consommation, le développement de nouvelles industries, et l’accélération de la productivité et de la croissance. Plusieurs acteurs sont mobilisés : producteurs, entrepreneurs, scientifiques, et bien sûr, les consommateurs, sans lesquels de telles dynamiques n’auraient guère de raison d’être.

La première révolution industrielle qui démarre en Grande-Bretagne à la fin du XVIIIe siècle et prend son essor au XIXe siècle constitue une césure majeure pour les historiens, car elle marque le passage d’une société rurale, agricole et artisanale à une société urbanisée, commerciale et industrielle. L’historien Max Pietsch estime d’ailleurs en 1963 que cette évolution est aussi décisive que la sédentarisation des Hommes il y a plusieurs milliers d’années.

Cette première révolution industrielle, emblématique, fait consensus parmi les spécialistes et connaît son apogée entre 1830 et 1860, si l’on prend le découpage de François Caron. La périodisation des décennies suivantes fait toutefois débat : peut-on réellement définir une, deux, voire trois autres « révolutions industrielles » impliquant ainsi autant de ruptures, au risque d’occulter les logiques de continuité ?

C’est pourtant le choix fait par certains, dans le but de distinguer des évolutions malgré tout déterminantes. Nous avons choisi de nous baser en grande partie sur les travaux de l’économiste français François Caron, que nous complèterons avec ceux de l’essayiste américain Jeremy Rifkin.

Outre la grande révolution industrielle du XIXe siècle, Caron considère un XXe siècle large qu’il découpe en trois autres révolutions : de 1896 à 1914, de 1914 à 1973 et enfin de 1974 à 1992.

2La révolution industrielle du XIXe siècle (1830-1860)2

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Puits Chatelus, Saint-Etienne

Elle se caractérise par une évolution majeure des sources d’énergie : c’est en effet l’âge d’or du charbon et de la vapeur.

Le charbon est connu depuis longtemps : il est produit à partir de la combustion du bois, ou bien extrait de gisements miniers (on parle alors de houille).
Le charbon ne fait l’objet d’une utilisation intensive qu’à partir du XVIIe siècle. Plusieurs propriétés lui assurent un réel succès : il génère davantage d’énergie que le bois, diffuse plus de chaleur et dure plus longtemps. Le processus de distillation de la houille, mis au point au tout début du XIXe siècle, permet la production d’un gaz qui sera ensuite largement utilisé pour l’éclairage.

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Machine à vapeur de Watt
CC

La machine à vapeur est inventée au XVIIIe siècle en Grande-Bretagne, grâce aux travaux de Thomas Newcomen (1712), améliorés par l’Ecossais James Watt (1769). Cette invention nécessite toutefois encore de nombreux perfectionnements, et ne fait l’objet d’une production industrielle que dans les dernières décennies du XVIIIe siècle. L’inventeur britannique Richard Trevithick (1771-1833) met au point la première locomotive à vapeur en 1804, mais il faudra attendre plusieurs années pour que les réseaux de chemins de fer voient le jour.

C’est à cette double évolution des sources d’énergie, exploitées dans une multitude de domaines différents, que l’on doit la première Révolution Industrielle. Elle sera également portée par le développement de nouveaux modes de transports (le train dès les années 1830), puis de communication (le télégraphe, à partir des années 1860).

Ses principales manifestations sont :

  • le développement de l’industrie textile et métallurgique,
  • la concentration de la production dans d’imposants complexes – manufactures, usines – au détriment des petits ateliers artisanaux,
  • un développement urbain sans précédent, couplé à un boom démographique,
  • la constitution d’une vaste classe sociale ouvrière, dont les aspirations à de meilleures conditions de vie vont scander le XIXe siècle.

XXe siècle : première révolution industrielle (1896-1914) 

Caron identifie à la fin du XIXe siècle une nouvelle dynamique industrielle caractérisée par une deuxième évolution dans le domaine des énergies : l’avènement de l’électricité et du pétrole.

L’énergie électrique fait l’objet de très nombreuses recherches et innovations au cours du XIXe siècle. Parmi les plus emblématiques, on peut citer l’invention de la pile par l’italien Alessandro Volta (1799), le premier moteur électrique industrialisable par l’américain Thomas Davenport (1834), la dynamo par l’allemand Ernst Wermer von Siemens (1866) ou encore la lampe électrique à incandescence par Thomas Edison (1879).

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Usine hydroélectrique de Cusset
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L’utilisation de l’électricité gagne du terrain à partir des années 1880. La France lui consacre une Exposition internationale en 1881, tandis que les premières installations hydroélectriques voient le jour, défendues par l’industriel ariégeois Aristide Bergès, infatigable promoteur de la « Houille Blanche » (expression dont il est l’auteur). Les procédés de transport du courant électrique sont également mis au point au cours de cette période, grâce à la découverte du courant alternatif et l’invention du transformateur.

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Electricité
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Les années 1890 sont ainsi témoins de la démocratisation de l’électricité, qui pénètre progressivement dans les foyers, améliorant l’éclairage mais aussi et pour la première fois, en contribuant à la mécanisation des tâches ménagères. C’est en effet entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle que sont conçus des appareils tels que le fer à repasser, la machine à laver, ou encore l’aspirateur. Cette évolution s’inscrit dans ce que Caron appelle « la naissance de l’économie domestique », née d’une triple aspiration : l’hygiène, la réduction de la pénibilité du travail et la libération des femmes.
L’électricité pénètre également dans les usines, où elle joue de plus en plus le rôle de source d’énergie pour faire fonctionner les machines. Elle est à l’origine des prémices de la production de masse, qui existe ainsi dès avant la Première Guerre Mondiale. Par conséquent, le conflit ne fera que donner de l’élan à une logique déjà présente.

La deuxième source d’énergie qui prend son essor à la fin du XIXe siècle est le pétrole. Là encore, il s’agit d’un composé connu depuis très longtemps, notamment par le biais d’un de ses dérivés, le bitume. On trouve trace de son utilisation dans le Proche-Orient antique où il servait entre autres de mortier dans l’ancienne Babylone ou à calfeutrer les navires des Phéniciens. Des propriétés médicinales ont pu également lui être attribuées au cours de l’histoire. Sa production demeure toutefois assez marginale pendant de nombreux siècles, et on se contentait de le récupérer lorsqu’il affleurait à la surface ou bien en forant des puits peu profonds.

Finalement, l’industrie pétrolière ne naît véritablement qu’en 1854, date à laquelle deux Américains, George Bissell et Jonathan Elvereth fondent la Pennsylvania Rock Oil Company . Leur but est de faire commerce de pétrole comme source d’éclairage, « huile médicinale », ou toute autre propriété qu’il pourrait avoir, sans vraiment en mesurer l’étendue néanmoins. C’est pourquoi ils font appel au chimiste Benjamin Silliman Jr. pour évaluer la faisabilité de leur projet. Le rapport de ce dernier confirme le potentiel du pétrole pour l’éclairage, et souligne ses propriétés comme lubrifiant. Il ne rencontre pourtant qu’un faible écho les premiers temps, étant seulement employé pour la fabrication d’asphalte, ou encore l’alimentation des lampes.

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Premier moteur Berliet, 1894
Fondation de l’Automobile
Marius Berliet

Il faut attendre 1886 pour que le processus de fabrication du kérosène soit découvert, inspiré de la distillation de l’alcool. Les recherches sur le moteur à explosion se développent au même moment : le premier moteur à essence est breveté par Benz et Daimler en 1885, tandis que le moteur Diesel voit le jour en 1892. Ces modèles finissent par l’emporter sur leurs cousins à vapeur ou électriques au début du XXe siècle. Le pétrole, de plus en plus recherché, profite ainsi du boom de l’industrie des transports.

Pour finir, la dernière caractéristique de cette révolution industrielle réside dans la vague d’innovations qui parcourt l’Europe est les Etats-Unis au cours des deux dernières décennies du XIXe siècle. C’est à ce moment que la recherche commence à s’institutionnaliser, et à s’intégrer à de grandes entreprises, notamment dans le domaine de la chimie. Les industriels prennent conscience du potentiel de tels laboratoires pour leurs affaires et en recherchent désormais des applications commerciales.

XXe siècle : deuxième révolution industrielle (1914-1973) 

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Maquette de métier à tisser Diederichs, 1957
Musée de Bourgoin-Jallieu

Toutes ces innovations ont fait très rapidement évoluer les habitudes des individus. L’on assiste en une poignée de décennies à l’avènement de la société de consommation, marquée par la démocratisation de l’électroménager, du courant, du gaz et de l’eau courante, mais aussi de la voiture individuelle ou encore de la télévision. Les moyens de transport (train, avion …) sont de plus en plus performants, améliorant toujours plus les opportunités de déplacements. La concentration urbaine se poursuit. Les techniques de l’information prennent une place centrale : la densification du réseau institutionnel génère en effet une masse croissante de données toujours plus précises sur chaque membre de la société.

La production de masse se situe au cœur de cette révolution industrielle, ce qui engendre inévitablement une accumulation de produits à traiter, de leur fabrication à leur destruction. On assiste également aux débuts de l’économie de service, articulée autour d’un tout nouveau concept, le bien-être de l’individu.

Dans le domaine de l’énergie, le pétrole devient tout-puissant : il détrône le charbon à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale. Mais là encore, commence à poindre une nouveauté : le nucléaire. Son développement en France est dû à l’action du général De Gaulle dans les années 1960.

 

XXe siècle : troisième révolution industrielle (1974 – ….) 

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Robot Emox
Awabot

La troisième et dernière révolution identifiée par François Caron se caractérise principalement par un mouvement de contestation, voire de rejet de la société de consommation née quelques décennies auparavant. Pour la première fois depuis la guerre, la croissance ralentit et le chômage bondit (Caron se montre prudent en parlant de « révolution » pour cette raison).

C’est aussi l’époque des grandes prises de conscience environnementales, des premiers rapports alarmistes (Club de Rome, rapport Brundtland) et des sommets internationaux (Rio, Kyoto, etc.). Notre relation aux sources d’énergie évolue en conséquence, d’autant plus suite à la première crise du pétrole en 1973. Des initiatives commencent à voir le jour pour diminuer notre dépendance aux substances polluantes en privilégiant des ressources dites « propres » (solaires, éoliennes, …). Bien que ne rejetant pas de dioxyde de carbone, le nucléaire fait aussi l’objet d’une méfiance accrue suite à de terribles catastrophes comme Tchernobyl en 1986 ou plus récemment, Fukushima en 2011.

Pour ce qui est du développement de nouvelles technologies, on peut citer l’informatique, qui avance à marche forcée à partir des années 1970 : la première puce électronique (Intel) sort en 1971, et à peine quinze ans plus tard, les micro-ordinateurs commencent à pénétrer les entreprises et les foyers de particuliers. Ce mouvement est rendu possible par les progrès continus réalisés dans le domaine des semi-conducteurs, qui autorisent une miniaturisation toujours plus poussée des composantes électroniques. Ces technologies finissent par rejoindre les télécommunications pour donner naissance aux réseaux informatiques, et en 1990, au désormais incontournable World Wide Web.

De nouveaux matériaux font également l’objet de recherches avancées : ce sont les plastiques, les matériaux composites (principalement des résines qui avec le temps intègrent du verre et des matières plastiques) et la céramique. Ils trouvent des applications industrielles très variées, en raison de leurs nombreuses propriétés parmi lesquelles la résistance et la légèreté.

L’économiste Jeremy Rifkin a également beaucoup écrit et communiqué autour du concept de « troisième révolution industrielle » mais celle-ci est encore à venir dans son schéma de pensée. Elle constituerait une rupture avec les modes de production classiques et permettrait de s’affranchir de notre dépendance au pétrole en faisant converger les technologies de la communication (comme Internet) avec les énergies renouvelables. En effet, il envisage une nouvelle façon de produire cette énergie à travers un système décentralisé de petites centrales en réseau. L’objectif final est d’instaurer l’indépendance énergétique de chaque bâtiment et de les rendre capable de stocker et redistribuer le surplus, via un système de smart grid (« réseau intelligent »).

Cités dans cette page

 

Articles et dossiers rédigés par la Bibliothèque


Textile

L’aventure textile en Rhône-Alpes débute dès le XVe siècle : par Lyon transitent les soieries italiennes. L’industrie de la soie prend peu à peu place dans la ville, par la volonté politique de Louis XI et François Ier. Puis la sériciculture, culture du ver à soie, se développe dans les départements alentour – notamment la Drôme et l’Ardèche.

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Machine à laver la soie – Fonds Ecole de tissage

 

D’autres pratiques, culture du chanvre, moulinage, tissage, teinture, assurent à la région des traditions anciennes et des savoir-faire variés. Aujourd’hui l’industrie textile en Rhône-Alpes a su évoluer en fonction des nouveaux besoins et des nouvelles techniques. La région garde une place stratégique dans ce domaine, puisque 85% de l’industrie textile y est concentrée.

 

 

 

 

Le textile en Rhône-Alpes au XIXème siècle : industrialisation et mécanisation

Les étoffes sont très diverses ; elles nécessitent des savoir-faire spécifiques. La région Rhône-Alpes est un haut lieu de production de textile.

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Maquette de métier à tisser
les rubans –
Musée d’Art et d’Industrie

Chaque étoffe est produite dans un territoire particulier : « la rubanerie et la passementerie à Saint-Etienne, les belles soieries à Charlieu, le velours à Voiron et dans l’Est lyonnais, la draperie à Vienne, la teinture et la mousseline à Tarare, le tricotage à Roanne, les unis dans les ateliers familiaux, les colorants à Lyon, l’ennoblissement à Bourgoin-Jallieu et Tournon » . A cette liste, on peut ajouter : les indiennes dans le Dauphiné, la viscose à Echirolles, le chanvre à Voiron, la carderie de la laine à Vienne.

 

 

 

 

Joseph-Marie Jacquard

L’inventeur du métier à tisser qui porte son nom participe du large mouvement d’innovations qui fait évoluer les techniques de tissage d’une échelle artisanale à une échelle industrielle.

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Statue de Jacquard Photographie
Sylviane Blanchoz-Rhône

Le lyonnais Joseph-Marie Charles, dit Jacquard (1752-1834), est le fils d’un maître fabricant en étoffes d’or, d’argent et de soie. Bien que lui-même n’obtiendra jamais sa maîtrise de tisseur, il apporte une grande contribution dans ce métier en proposant une mécanique novatrice à laquelle son patronyme restera attaché.

En 1799, Jacquard dépose une demande de brevet pour « une machine destinée à suppléer les tireurs de lacs ». Pour comprendre ce que sont ces tireurs de lacs que Jacquard propose de remplacer par de la mécanique, rappelons les spécificités des machines et de leurs ouvriers. Le métier à bras nécessite le travail d’un tisseur, qui œuvre dans la largeur de l’envergure de ses bras, ce qui explique que les tissus fabriqués ainsi sont étroits. Les tissus plus larges font travailler, en plus du tisseur, un lanceur, qui reçoit et lance les navettes. Le métier à la tire est utilisé pour tisser les façonnés et deux travailleurs sont nécessaires à son fonctionnement : le tisseur et le tireur de lacs : c’est celui-ci qui produit le dessin.
L’aventure textile en Rhône-Alpes, Valérie Huss, 2005 :

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Métier Jacquard Fonds Ecole de tissage

Ce premier brevet de « machine destinée à suppléer les tireurs de lacs » sera annulé par l’inventeur ; Jacquard a en effet inventé en 1805 un nouveau modèle inspiré du travail des cartons perforés de Falcon et de la mécanisation de ceux-ci par Jacques de Vaucanson.

Le métier à tisser Jacquard ne fonctionne pas assez bien : des émeutes des tisseurs lyonnais éclatent. De nombreuses biographies populaires érigent Jacquard, à sa mort, en martyre, arguant que les émeutes étaient motivées contre une invention qui privait les ouvriers de leur travail : le génie incompris d’un côté, les ignorants de l’autre.

 

 

François Jarrige (Tracés, revue de sciences humaines, 2009). Le martyre de Jacquard ou le mythe de l’inventeur héroïque

 

Barthélémy Thimonnier

Barthélémy Thimonnier est l’inventeur de la machine à coudre.

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Première machine à coudre
de Thimonnier –
Fonds Sylvestre

Barthélémy Thimonnier (l’Arbresle, 1793- Amplepluis, 1857) fils de teinturier, apprend le métier de tailleur à Lyon. Il emménage à Saint-Etienne en 1825 où il commence à élaborer un « métier à coudre » ; le brevet est déposé en 1830. Il s’agit d’une machine qui coud au point de chaînette. Sa société « Germain Petit et Cie » ouvre alors un atelier de confection mécanique à Paris. Les quatre-vingt machines à coudre de l’atelier sont détruites quelques mois plus tard par des ouvriers tailleurs, qui pensent que ces « casse-bras » risquent de nuire à leur activité.

 

 

 

 

La soierie à Lyon et les canuts

La soierie est liée à l’imaginaire de l’Histoire lyonnaise et si la fameuse marionnette Guignol, créée en 1808, représente un canut, ce n’est pas un hasard : depuis le XVIIème siècle la ville est grande productrice de précieuses pièces.

La Révolution française supprime les corporations. Cela bouleverse la Fabrique lyonnaise, fondée en 1536 par François Ier. En contrepartie, les tisseurs de soie peuvent désormais exercer en dehors de la ville. C’est ce qui fera l’attrait des tisseurs pour le travail à la Croix-Rousse : situé en dehors des remparts de la ville de Lyon, ce faubourg n’était donc pas soumis aux droits d’octroi – ce jusqu’en 1865 où les remparts sont démolis.

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Maquette de dessicateur, XIXe – Musée des Tissus et des Arts décoratifs

Les Conditions publiques des soies sont organisées dès 1805 ; elles réglementent la production et le commerce de la soie en France.

Le terme de canut n’apparait pas avant le XIXème siècle ; sa connotation est alors péjorative et son origine reste incertaine. D’après le Dictionnaire historique de Lyon, « Le mot vient de canne et du suffixe ut ou u, qui représente le latin orem, en français eur. Le canut est donc celui qui use de la canne, dont a été faite la canette, qui est un petit tuyau de bois qu’on charge de soie pour faire la trame d’une étoffe. » Plus précisément le terme désigne le tisseur de soie.

 

 

 

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Un canut lyonnais Fonds Ecole de tissage

Des révoltes d’ouvriers de la soie avaient déjà jalonné le XVIIIème siècle. En 1831, la révolte des canuts marque la ville de Lyon. Le canut travaille avec un fabricant-négociant qui est son fournisseur. Les insurgés réclament le respect d’un tarif, document qui fixe le prix de l’étoffe ; ce tarif leur assurerait un salaire minimal. Ils prennent le contrôle de Lyon pendant les mois de novembre et décembre puis subissent une violente répression. La révolte des canuts de 1834 a des motifs plus politiques.

 

 

 

La soie à Lyon : de la grande fabrique aux textiles du XXIème siècle, Bernard Tassinari, 2005 :

 

Le début du XXème siècle : développement de la chimie du textile

La demande en colorants augmente au cours du XIXème siècle : on attend des couleurs plus diversifiées et plus stables pour teindre la soie, des couleurs, aussi, qui ne seraient plus dépendantes des imports de lointains pays.

Les colorants synthétiques

Au XIXe siècle sont utilisés à la fois des colorants naturels et synthétiques.
Le couloir de la chimie, dans la vallée du Rhône, se construit avec le succès des colorants synthétiques.

L’impulsion napoléonienne à développer les colorants synthétiques (création de l’école de la Martinière en 1826, prix décernés, commandes) dynamise la région lyonnaise dont la teinturerie représente alors la deuxième industrie. Les découvertes de plus en plus rapides de colorants synthétiques sont favorisées par les recherches dans le domaine des dérivés de la pyrogénation de la houille, de la quadrivalence du carbone et de la constitution du benzène.

En 1806, Jean-Michel Raymond invente un prussiate de fer, bleu de prusse, dit Marie-Louise ou encore bleu Raymond, pour remplacer l’indigo. En 1826, c’est le bleu Guimet, œuvre de Jean-Baptiste Guimet en remplacement du lapis-lazuli.

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Chimie des colorants Fonds Ecole de tissage

L’invention, en 1856, de la mauvéine par l’anglais Henry Perkin aura plus de succès à Lyon que dans le propre pays de l’inventeur : la découverte sera mise à profit par les soyeux. L’entreprise Monnet et Dury la commercialise sous le nom d’hermaline ; l’usine est installée à la Guillotière.

François-Emmanuel Verguin découvre la fuchsine à Lyon en 1857 qui permet une belle teinture rouge intense. Verguin est un ancien élève de la Martinière. Sa découverte, aniline chauffée avec du tétrachlorure d’étain, est une révolution dans l’industrie ; son prix est bien moins élevé que les couleurs rouges jusqu’alors disponibles.

 

Fibres artificielles et fibres synthétiques

Il s’agit de fibres chimiques. D’abord substitut de la soie, ces fibres chimiques se diversifient et sont aujourd’hui omniprésentes.

doc15966|left>Les fibres artificielles sont obtenues à partir d’une matière première naturelle : la cellulose, extraite du bois, puis rendue liquide. Ainsi la soie artificielle (à partir de cellulose de bois de mûrier), la viscose, la fibranne. A Lyon, Gillet puis Rhodiacéta s’engagent dans la production de soie artificielle.
Les fibres synthétiques, en revanche, relèvent de l’industrie du plastique et sont obtenues à partir de macromolécules organiques polymérisées : les polyamides (Nylon), l’acrylique, le polyester (Tergal). Le Nylon est inventé aux Etats-Unis, puis l’usine de Vaise de Rhodiacetia est la première usine européenne, en 1939, à le fabriquer.

Le textile du XXIème siècle : tissus techniques et fonctionnels

Les tissus techniques et fonctionnels sont des textiles dotés de hautes performances. Leur fabrication requière des techniques de tissage (mais aussi tricotage, tressage, non-tissés) spécifiques, des compétences en chimie, mécanique et électronique. Ils sont présents dans toutes sortes de secteurs, des sports et loisirs à la santé en passant par l’agriculture et la protection.

Techtera, dont le nom signifie « Technical Textiles Rhône-Alpes », est depuis 2005 le pôle de compétitivité rhônalpin dans le domaine des textiles et matériaux souples. Son but est de promouvoir cette nouvelle génération de textiles que représentent les textiles techniques, fonctionnels et les textiles intelligents.

Textiles techniques et fonctionnels : matériaux du XXIe siècle, 2009

Le textile pour la protection

Certaines professions (policiers, astronautes, pompiers) nécessitent une protection physique particulière et les textiles techniques répondent à plusieurs de ces besoins.

Les risques encourus exigent des protections par rapport à des risques thermique, mécanique, bactériologique, radiologique, électrique. Des textiles, soumis à des normes, répondent à la protection de tels risques : ils sont ignifuges, pare-balles,…

La réalisation de tels tissus appelle des techniques de tissage différentes, des fibres de diverses natures, un traitement du tissu, une confection du vêtement spécifiques – ainsi les structures multicouches. Les fibres aramides, de verre ou de carbone sont idéales pour la résistance aux chocs et aux hautes températures. L’utilisation de fibres métalliques conductrices permet de créer des vêtements antistatiques ou de parer à des rayonnements électromagnétiques. Les fibres inertes chimiquement permettent une étanchéité nécessaire dans les métiers des industries de la chimie et de la métallurgie.

Le textile pour la santé

Cette appellation recouvre les pansements, organes artificiels, ceintures, bas de compression.

La société Thuasne, fondée à Saint-Etienne en 1847, est aujourd’hui le leader européen du textile pour la santé : ceintures lombaires, colliers cervicaux, corsets, … A l’origine, Thuasne fabriquait des rubans à l’élasticité mono directionnelle ; ensuite vient l’invention de textile dont l’élasticité est bi directionnelle. En 1930, Thuasne dépose un brevet pour des bandes à varices. Aux textiles à l’élasticité orientée viennent s’ajouter les systèmes élastiques réglables, les orthèses thermoformables, … Les textiles à l’étude aujourd’hui sont sensés protéger contre les bactéries, favoriser la cicatrisation ; bientôt, ils intégreront des capteurs pour devenir des tissus dits « intelligents ».

Les textiles éclairants

Ces textiles ont des applications dans la sécurité, l’éclairage, la communication.

Les textiles éclairants sont tissés de fibres optiques reliées à des diodes électroluminescentes. Ils sont le résultat de la technologie Lightex®, de Brochier Technologies et sont développés pour des usages dans le transport, la sécurité, l’éclairage. Le « Lazy bag », exposé dans « la Fabrique de l’innovation », est un pouf éclairant créé par Brochier Technologies.

Intégration des nanotechnologies

Les nanotechnologies, jusqu’alors réservées à des domaines pointus, conquièrent au XXIème siècle le secteur du textile.

L’intérêt des nanotechnologies est qu’à l’échelle nanomètrique (1 nm = 10-9 m), les matériaux travaillés acquièrent de nouvelles propriétés. Ces propriétés sont utiles au textile dans la mesure où les domaines de la santé, de la sécurité routière et de la robotique peuvent en profiter : tissu antibactérien, anti-odeur, résistance aux chocs et à l’usure, grande adhésion, …

Développement durable et textile

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Projet Plastique Marie Dacruz

La production de textile impacte l’environnement ; à ce titre, les questions liées au développement durable sont vouées à en modifier les règles.

La raréfaction des réserves de pétrole pose le problème de la production des fibres synthétiques (polyester, polyamide, acrylique), qui représentent 58% de la production mondiale de textile. 35% de cette production concerne le coton, une ressource qui consomme et pollue énormément d’eau. Les réglementations se durcissent vis-à-vis de l’utilisation de produits chimiques et polluants.
Deux types de réponse sont apportés : les nouvelles matières et les fibres recyclées. Les nouvelles matières veillent à ce que la culture soit raisonnée, ainsi le coton biologique ; on trouve également des viscoses moins polluantes comme la viscose de bambou. Les fibres recyclées existent depuis le XIXe siècle, c’était le procédé de l’effilochage, qui consiste à récupérer des vêtements usagés et de produire de nouveaux vêtements à partir de leurs fibres déchiquetées. De nos jours, le recyclage de matières plastiques permet de fabriquer des fibres polyester comme la laine polaire. L’entreprise lyonnaise Kharmari recycle des sachets plastiques d’emballage, qui sont découpés en bande puis tissés en textile d’ameublement. La notion de développement durable prend ici tout son sens, alliant respect de l’environnement et respect de la condition des travailleurs.
Altertex est un programme financé par la région Rhône-Alpes, à la fois réseau d’entreprises et label, qui a établi des chartes à l’intention des professionnels du textile. Produire durable et local, s’engager dans une production responsable et soucieuse des minima sociaux, sans générer de surcoût pour le consommateur : tels sont les objectifs d’Altertex qui est aussi un label.

  •  Article « Colorants », Encycopedia Universalis, Daniel Fues
  •  Article « Textile », Encycopedia Universalis, Eugène Amouroux, Jean-Yves Dréan,
    Claude Fauque, André Parisot, Marc Renner, Richard A. Schutz
  • L’Arbresle : une ville – une Histoire – des hommes, Daniel Broutier, 2013 :

 

Ressources publiées par la bibliothèque :

Une Fabrique de l’Innovation : Textiles techniques, le futur se tisse en Rhône-Alpes
Guichet du Savoir : le textile biologique
Guichet du Savoir : L’industrie actuelle de la soie à Lyon

Ressources pédagogiques du Musée Gadagne : Le métier Jacquard


Image

Les frères Lumière sont connus pour être les inventeurs du cinéma, à la fois les créateurs du cinématographe et les réalisateurs du premier film. Ce sont eux qui initient une longue tradition de l’image à Lyon et en Rhône-Alpes. La région reste, aujourd’hui, un territoire stratégique dans cette filière, qui a évolué vers d’autres domaines, comme le développement de jeux vidéo ou l’animation 3D.

Le XIX° siècle : la course à l’innovation des frères Lumière

Les membres de la famille Lumière étaient des innovateurs inspirés, des industriels performants ; leur champs de recherche déborde le cinéma et touche, plus largement, à la photographie, la photographie couleur et la production de matériel photographique.

Antoine Lumière (1840-1911) s’établit en 1871 comme photographe-portraitiste à Lyon. Il pressent que la photographie devient une pratique accessible à tous, notamment grâce à l’arrivée des plaques de gélatino-bromure d’argent. Il délaisse cette première activité et décide de fabriquer et commercialiser du matériel photographique.

Parmi ses enfants, Auguste (1862-1954) et Louis (1864-1948), dits les Frères Lumière, s’associeront à ses activités. Antoine est un commercial et un industriel ; ses fils sont des chercheurs et des inventeurs, toujours à l’affût d’une expérimentation, d’une amélioration. Cette complémentarité fera le succès de la société Antoine Lumière et ses fils, fondée le 5 janvier 1884, devenue en 1892 la Société anonyme des plaques et papiers photographiques Antoine Lumière et ses fils, après une spectaculaire hausse du chiffre d’affaires, qui a quadruplé de 1886 à 1891.

Les étiquettes bleues

Le nom d’étiquettes bleues désigne les plaques sèches au gélatino-bromure d’argent qui révolutionnent la pratique de la photographie.

En 1880, Louis Lumière met au point une invention qui aura grande fortune dans l’Histoire de la photographie : les plaques sèches au gélatino-bromure d’argent. C’est en mettant en pratique une découverte théorique de Monkhoven qu’il parvient à cette avancée technique. Un tirage et une révélation des photographies plus rapides vont permettre à la photographie de sortir du cercle des seuls professionnels. Ces plaques seront baptisées « étiquettes bleues ». A la suite d’améliorations, émulsion plus rapide et grande régularité de qualité, le produit, devenu « étiquettes bleues extra-rapides », fera prospérer la société familiale.

La famille décide d’ouvrir plusieurs usines : à Lyon, on fabrique le papier photographique, on conditionne les produits, on produit les films ; à Feyzin, on fournit l’éther nécessaire à la fabrication de la nitrocellulose ; en Isère se trouve la papeterie dont les papiers seront traités à Lyon. En 1896, les Lumières s’implantent aux Etats-Unis en créant la Lumiere North American Company Limited.

Le cinématographe

La « photographie animée » est une idée qui suscite à l’époque l’intérêt de nombreux inventeurs ; les frères Lumière synthétisent les différents appareils existants en une invention unique. Inventant le cinématographe, ils pensent n’avoir créé qu’une distraction de forain !

Edison invente en 1891 le kinétoscope. L’année suivante, Demeny présente la « photographie parlante » d’un homme qui dit « je vous aime », Emile Reynaud, ses « pantomimes lumineuses ». Le génie de Louis Lumière est de saisir tous les manques de ces diverses inventions et d’y apporter des solutions dans une seule caméra : la perforation marginale de la pellicule permet son défilement par saccade, l’utilisation de celluloïd (plutôt que de papier) assure une plus grande robustesse à la pellicule qui doit défiler, la projection publique permet de regarder collectivement l’animation.

Le 13 février 1895, les frères Lumière déposent le brevet de l’ « appareil servant à l’obtention et à la vision des épreuves chronophotographiques ». Le 22 mars 1895 a lieu la première projection de l’histoire du cinéma où est diffusée La sortie de l’Usine Lumière à Lyon.

Le défileur Carpentier-Lumière

C’est le tout premier appareil destiné à la projection de vues animées.

Il fut reproduit jusqu’en 1900, moment où Charles Pathé inventa l’appareil à croix de Malte qui le supplantera. Jules Carpentier était ingénieur-constructeur. Ami des frères Lumière, il contribua à l’invention du défileur Carpentier-Lumière, un modèle à griffes.

L’autochrome

Le cinématographe fut inventé en quelques mois ; la photographie de couleurs a nécessité, pour Louis Lumière, une décennie de recherches.

L’avantage de l’autochrome est qu’il ne nécessite qu’une prise de vue ; auparavant, la trichromie (décrite par Charles Cros et Louis Ducos du Hauron) permettait la photographie de couleurs au moyen de trois prises de vue et, pour la projection, d’un dispositif de trois projecteurs. La trichromie était donc peu propice au modèle vivant.

Dans l’autochrome, la plaque de verre en noir et blanc est enduite de fécule de pomme de terre teinte en rouge, bleu et vert, et qui fait office de filtres. L’image se développe en diapositive ; les couleurs sont restituées par transparence lors de la projection.
L’autochrome restera pendant trente ans le principal support de la photographie de couleurs.

 

Le XXème siècle : sociétés innovantes en Rhône-Alpes

Lyon se détache de la photographie jusque dans les années 1970-1980. C’est l’époque où des entreprises innovantes s’emparent de l’image animée. Nous en présentons deux : Aaton, qui a développé une célèbre caméra, et Infogrames spécialisée dans le jeu vidéo.

Aaton

Aaton est une entreprise grenobloise de fabrication d’équipement de prises de vues et prises de son.

Elle fut fondée en 1971 par Jean-Pierre Beauviala. Son innovation fut de coupler la prise de vue et la prise de son. Jusqu’alors, pour que l’une et l’autre soient synchronisées, un magnétoscope était relié à la caméra : un dispositif peu pratique. En mettant un quartz à l’intérieur de l’un et l’autre, les deux appareils sont à la même heure : c’est l’invention du marquage temporel, qui aura grande fortune.

En 1973, une caméra légère, l’Aäton 7A, dite le « chat sur l’épaule » est inventée. Jean-Pierre Beauviala travaille en fonction des besoins des cinéastes ; l’ergonomie et la maniabilité du modèle assurent son succès.

Infogrames

La société Infogrames a édité et diffusé des jeux vidéo pendant trente ans. Son studio principal, Eden Games, était basé à Lyon.

En 1983, Bruno Bonnell fonde, avec Christophe Sapet et Thomas Shmider, une société de développement de jeux vidéo, Infogrames, dont le nom est la contraction d’information et de programmes.

C’est le début de l’aventure du jeu vidéo en Rhône-Alpes, un territoire-clé en France dans ce domaine. Le dynamisme de l’innovation des années 1980, suivi de la fédération des acteurs et des partenaires en une organisation professionnelle dès 1996, Lyon infocité (puis Lyon Game), a propulsé dans la suite d’Infogrames de nombreuses sociétés de développement, graphiques ou dans la musique (on en compte 650 aujourd’hui). Infogrames, devenue une entreprise d’envergure internationale, prend le nom d’Atari en 2003, après avoir racheté la fameuse marque.

Synergies de talents et de savoir-faire

Aujourd’hui, la filière de l’image est connectée à d’autres domaines tels que la robotique, l’édition numérique, le jeu vidéo, le web & design.

Le pôle Pixel de Villeurbanne et le pôle de compétitivité Imaginove ont vocation à fédérer les projets, les financements, la recherche et les savoir-faire dans des structures capables de stimuler la créativité et l’innovation.

Le pôle Pixel

Créé à Villeurbanne en 2002, le pôle Pixel, avec 11000 m² de bureaux et 4000 m² de studios, regroupe soixante entreprises, deux écoles, Rhône-Alpes cinéma, la Commission du film Rhône-Alpes et les studios Lumière.

Rhône-Alpes Cinéma

L’aide économique de la région apportée au cinéma concerne l’aide à la production, le développement des pôles d’excellence, la numérisation des salles d’art et essai, le soutien aux festivals.

Rhône-Alpes Cinéma, depuis 1991, coproduit une dizaine voire une quinzaine de longs métrages par an. La région apporte également son aide au court métrage, à la fiction télévisuelle, et depuis 2011, au web documentaire et à la web série.

Folimage, installé à Bourg-lès-Valence (Drôme), l’un des plus grands studios d’animation en France, est largement aidé par la région : tous les longs métrages et 80% des courts sont produits à partir de ces aides.

Folimage et la Poudrière

Folimage est créé en 1981 par Jacques-Rémy Girerd. L’école d’animation de la Poudrière est créée à l’initiative de celui-ci en 1999.

Le studio Folimage est spécialisé dans l’animation. L’un de ses longs métrages, Une vie de chat, est nommé aux Oscars 2012.

Bien que la France soit le premier producteur européen de films d’animation, elle ne dispose d’aucune école dans ce domaine en 1999 et c’est pour pallier cette insuffisance que Jacques-Rémy Girerd fonde l’école de la Poudrière. Cette école est destinée à former à la réalisation des personnes qui ont déjà une expérience de l’animation.

Imaginove

Imaginove est un pôle de compétences dédié aux contenus numériques plurimédia : jeu vidéo, animation, cinéma audiovisuel, multimédia.

Imaginove regroupe donc des laboratoires de recherche, des établissements de formation et 200 entreprises en Rhône-Alpes. Ses activités sont orientées vers des domaines innovants de l’image et de la robotique.

L’animation transmédia
Le transmédia est une méthode de conception d’œuvres narratives prévue pour l’utilisation de plusieurs médias combinés.

Le contenu de l’œuvre diffère selon le média employé, afin d’exploiter au mieux les possibilités de chaque média et d’enrichir le propos de la narration. L’internaute-lecteur peut même agir sur le contenu. Concrètement, les œuvres créées peuvent être des BD dynamiques, des livres interactifs, des contenus animés, … Le créateur et le développeur travaillent de concert, à la manière des créateurs de jeux vidéo.

Jeux vidéo et serious game

Les jeux vidéos connaissent un nouveau développement, celui des jeux en ligne, et ont donné naissance aux serious game.

Les serious game s’apparentent aux jeux vidéo dans l’utilisation (interactivité) et le design (hyperréalisme, immersion). Ils diffèrent par leur usage : ils ne sont pas destinés au jeu mais à la pédagogie ou à la formation. Un soin particulier est apporté à la simulation du dialogue humain. Ils font des supports de formation très prisés par les entreprises.

Les jeux vidéo subissent une évolution vers la dématérialisation, avec le succès des jeux en ligne. Ceux-ci fonctionnent avec un modèle économique modelé en 2006, le freemium : l’usage basique du jeu est gratuit ; les applications supplémentaires, qui accroissent la performance du joueur, sont payantes. L’évolution du secteur du jeu vidéo induit donc des jeux non clos, appelés à être redéveloppés dans des versions ultérieures, ainsi que le multiplateforme, afin que les jeux soient disponibles sur plusieurs terminaux.

Web documentaire

Le web documentaire ou webdoc ont une conception différente des documentaires traditionnels, tournée vers l’interactivité, et un circuit de production distinct.

Les webdocs sont des contenus audiovisuels interactifs : à la narration linéaire du documentaire se substituent les possibilités de navigation du web. Le narrateur travaille en collaboration avec le concepteur et le designer ; les financements alternatifs sont plus souples que ceux des chaînes télévisuelles.

La robotique

La robotique est l’ensemble des études et des techniques de conception et de mise en œuvre des robots.

La robotique de service, plus précisément, concerne des robots exécutant de façon semi ou entièrement automatique des services utiles pour le « bien-être » des personnes et des biens.
La robotique collaborative, ou cobotique, synthétise à la fois la robotique industrielle et la robotique de service autour de systèmes intelligents.

Pour en savoir plus

Dossiers et articles rédigés par la Bibliothèque

Exposition virtuelle Lectura : Aux premiers temps des photographes. Roanne, cité modèle 1840-1940.

Ressources pédagogiques du Musée Gadagne : Appareil photographique de Jules Sylvestre

 


Chimie

L’histoire de la chimie dans la région Rhône-Alpes se caractérise par l’existence de traditions industrielles de haut niveau, formant un véritable maillage du territoire réparti entre les bassins lyonnais et grenoblois, et contribuant de fait à l’émergence d’une identité régionale.

Si l’industrie chimique se développe dès le XIXe siècle autour du textile dans la région lyonnaise, elle s’étend lors de la Première Guerre mondiale aux sites grenoblois (Roussillon, Pont-de-Claix, Jarrie, Saint-Clair-du-Rhône), tandis que l’électrochimie alpine apparait à la fin du XIXe siècle et connait un remarquable essor durant la première moitié du XXe siècle.

1850 – 1914

L’électrochimie, application de l’électricité à la chimie, apparait avec l’invention de l’hydroélectricité dans les Alpes du nord à la fin du XIXe siècle.
Elle repose sur deux techniques :
–  l’électrolyse, qui consiste à dissocier les constituants d’une substance dissoute ou fondue (le chlore et la soude par exemple) ;
–  le four électrique où la réaction des constituants est provoquée par la fusion à haute température (par exemple le carbure de calcium à partir du coke et de la chaux).
L’électrochimie se développe grâce à l’activité d’entreprises pionnières qui s’établissent dans les vallées savoyardes (Maurienne, Tarentaise, val d’Arly) et du Dauphiné (vallée de la Romanche, Grésivaudan).

La Société d’électrochimie

Parmi ces entreprises, on peut citer la Société d’électrochimie, créée en 1889 pour exploiter un brevet de production de chlorate par l’électrolyse du chlorure de potassium, déposé en 1886 par Henri Gall et Amaury de Montlaur. Ses premières usines sont implantées à Vallorbe (Suisse) et à Prémont (Maurienne). En 1901, la société prend à bail l’usine des Clavaux (vallée de la Romanche) pour y fabriquer du sodium par électrolyse de la soude fondue. En 1907 est créée la Société des produits azotés (SPA), spécialisée dans la fabrication d’un engrais, la cyanamide calcique, obtenu à partir du carbure de calcium. En 1916, la Société d’électrochimie absorbe la société La Volta, qui possède une usine d’électrolyse du chlore et de la soude à Plombière (Tarentaise). Suite à de nouvelles absorptions, la SEC devient en 1919 la Société d’électrochimie et d’électrométallurgie (SECEM), puis en 1922 la Société d’électrochimie, d’électrométallurgie et des aciéries électriques d’Ugine (SECEMAEU). Elle reprend en 1924 l’usine de Jarrie à Kuhlmann. En 1966 a lieu la fusion d’Ugine, de Kuhlmann et de la Société des produits azotés, puis en 1971 celle de Pechiney et Ugine Kuhlmann.
La Société d’électrochimie est indissociable de la personnalité d’Henri Gall, chimiste averti et entrepreneur visionnaire, qui en devient le principal administrateur à partir de 1907 et assure la cohésion de ce remarquable ensemble industriel.

1914 – 1970

Durant la Première Guerre mondiale, pour répondre aux besoins en matière d’armement qui ne peuvent être satisfaits par la seule industrie lyonnaise, laquelle reste en partie consacrée à la production textile, les industries chimiques s’implantent sur de nouveaux terrains éloignés du front et échappant au contrôle de l’armée allemande. Ainsi apparaissent les sites de Roussillon (en 1914, par délocalisation de la Société Chimique des Usines du Rhône) pour la fabrication du phénol, Pont-de-Claix (1915) et Jarrie (1916) pour le chlore, Saint-Clair-du-Rhône (1917) pour les colorants, dont la production est dévolue à la « guerre chimique » : gaz de combat, explosifs et fumigènes, désinfectants…

Pendant l’entre-deux-guerres, les sites se reconvertissent vers un usage civil des productions, qui se caractérise par une chimie fine de petit tonnage. L’usine de Jarrie est acquise en 1924 par Henri Gall (cf. encart sur la Société d’électrochimie) afin d’y développer les productions de chlore, de soude, d’hydrogène et d’oxygène par électrolyse. La Rubis Société Anonyme (RSA) y fabrique à partir de 1925 des pierres précieuses synthétiques. Les sites de Pont-de-Claix et Saint-Clair-du-Rhône sont intégrés à la société Progil, pour y développer respectivement des dérivés à base de cuivre ou de chlore (produits phytosanitaires, eau de javel, solvants…), ainsi que du phosphate de soude et des lessives. L’usine de Roussillon poursuit ses activités au sein de la SCUR, dont les bureaux de recherche se situent à Saint-Fons et à Paris. En 1928, la fusion de la SCUR et de la société Poulenc Frères accélère la fabrication à Roussillon des dérivés pharmaceutiques et photographiques du phénol.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la chimie du chlore connait un nouvel essor avec l’emploi massif de la chloration des dérivés du pétrole, qui permet l’élaboration de produits nouveaux, comme les matières plastiques. Cette chimie fine de gros tonnage axée sur la pétrochimie est notamment présente sur les sites de Saint-Fons-Pierre-Bénite, de Pont-de-Claix et Jarrie, de Roussillon et du Péage, reliés entre eux par un réseau de tubes souterrains pour le transport de bases pétrochimiques. Pour faire face à la crise de l’électrochimie suite à la nationalisation de l’électricité en 1946, des matières plastiques comme le chlorure de vinyle ainsi que d’autres produits de synthèse (caoutchouc, insecticides…) servent de débouchés aux usines alpines. La fabrication du PVC entraine l’expansion des sites grenoblois dans les années 1960, comme celui de Brignoud (Grésivaudan) qui en fera sa spécialité. L’usine de Saint-Clair-du-Rhône intègre le groupe Rhône-Poulenc en 1969, et diversifie sa production vers les produits de base pour engrais, alimentation animale, agroalimentaire ou détergents.

La période 1960-1970 est marquée par le regroupement des industries chimiques. En 1966, l’usine de Jarrie est intégrée au groupe Ugine-Kuhlmann, puis à la branche chimie du groupe Péchiney-Ugine-Kuhlmann en 1973, tandis qu’une nouvelle unité, PBU, est créée à Pont-de-Claix, résultant d’une association entre Progil, Ugine et le goupe allemand Beyer.

1970 à nos jours

Les années 1980 voient la restructuration de la chimie française suite aux crises pétrolières et à la nationalisation des grands groupes. Au cours de la restructuration de ses activités qui débute en 1973, le groupe Rhône-Poulenc investit fortement pour se reconvertir vers la chimie fine qui sauve le site de Pont-de-Claix. L’usine de Jarrie devient Elf-Atochem en 1983, la constitution de ce groupe permettant de mieux coordonner les investissements entre les sites de Saint-Fons, Vaise, Pierre-Bénite et Jarrie, et d’engager des recherches pour le remplacement des produits accusés de polluer l’environnement. Ces restructurations ont eu pour conséquence l’installation dans la région de deux groupes étrangers puissants : Hoechst, spécialisé dans la chimie pharmaceutique, et Imperial Chemical Industries, qui a repris l’industrie des matières colorantes et géré l’usine de Saint-Clair-du-Rhône.

Dans les années 1990, la tendance est au recentrage sur un « cœur de métier » et à la formation de véritables complexes industriels, comme sur les sites de Roussillon, Pont-de-Claix et Jarrie. Ces plateformes offrent de multiples services aux entreprises : mise à disposition de terrains industriels, fourniture d’énergie et de produits, stations d’incinération et de retraitement des déchets…

L’industrie chimique souffre actuellement d’une image de dangerosité, de nocivité et d’impact sur l’environnement. Pour rester performantes, les entreprises doivent constamment innover tout en intégrant les contraintes environnementales dès la conception de procédés nouveaux. Les sites de Pont-de-Claix, Jarrie et Roussillon, classés Seveso, ont mis en place des moyens pour prévenir les accidents et sont soumis à une législation stricte notamment en matière d’aménagement urbain. L’effort en vue d’améliorer la sécurité des installations, la qualité des productions et l’impact environnemental perpétue aujourd’hui le dynamisme des industries pionnières d’autrefois.

Le Musée de la chimie de Jarrie

En 1982 est créée à Jarrie l’Association pour la connaissance de l’histoire de la chimie du chlore et de ses dérivés, qui présente une première exposition en 1987 au Clos Jouvin. Le site deviendra le Musée de la chimie et du chlore, qui relate l’histoire, les techniques et les applications de la chimie du chlore. Il rassemble du matériel industriel, des appareils de laboratoire, des tableaux documentaires et des photos, afin de sauvegarder et de valoriser ce patrimoine lié à l’industrie chimique de la région sud-grenobloise.

Cités dans cette page

 

Pour en savoir plus 

Une Fabrique de l’Innovation : La saga des colorants à Lyon au XIXe siècle


Plasturgie

La plasturgie constitue une nouvelle branche d’activité spécialisée dans la transformation des matières plastiques fabriquées dans les usines chimiques. Si elle existait déjà au milieu du XIXe siècle sous forme artisanale à base de matériaux d’origine naturelle, elle se développe industriellement durant la première moitié du XXe siècle et connait un véritable essor après la Seconde Guerre mondiale avec la production massive des matières plastiques synthétiques. Elle doit aujourd’hui faire face à de nouveaux défis en matière d’innovation et d’écologie.

1850 – 1914

Les premières matières plastiques (celluloïd, acétate de cellulose, galalithe) combinent des produits naturels (coton, caséine du lait) et des composants chimiques (acide nitrique, acétique, formol). Elles servent à la fabrication d’objets artisanaux de grande qualité, notamment les articles de la tabletterie (peignes, ornements, bijoux). Le celluloïd intervient également dans la fabrication du linge américain (faux-cols, manchettes, plastrons). La mécanisation s’impose dès la fin du XIXe siècle afin d’accroitre la production et de maintenir une qualité d’exécution constante.

1914 – 1970

Les Trente Glorieuses connaissent le développement massif des polymères ou plastiques de synthèse issus de la pétrochimie, qui permettent d’augmenter et de diversifier la production des biens de consommation. Le polystyrène, le polyéthylène, le polychlorure de vinyle (PVC), ou encore le polyméthacrylate (dont une des marques commerciales est le Plexiglas), trouvent leur application dans les jouets, lunettes, cuvettes, chaises, etc.

La « Plastics Valley » à Oyonnax

Initialement renommée pour ses peignes en celluloïd, la région d’Oyonnax (département de l’Ain) est actuellement connue comme un pôle d’activité majeur de la plasturgie en France et en Europe.

Le celluloïd est inventé en 1863 en Amérique. La région d’Oyonnax, qui fabriquait traditionnellement des peignes en buis, s’empare de l’invention pour se lancer avec succès dans les peignes en celluloïd. En 1899, une usine de production de celluloïd, l’Oyonnaxienne, est créée pour fournir la matière première nécessaire à l’activité. Dans les années 1920 et 1930, la production s’élargit à de nouveaux objets : jouets, lunettes, bijoux, … Puis en 1936 l’utilisation de la presse à injecter permet d’augmenter la production de plastiques ainsi que leur qualité. Après la Seconde Guerre mondiale, l’importance des besoins et le développement des matières plastiques favorisent la multiplication des créations d’entreprises. Leurs compétences s’exercent dans tous les secteurs de la filière plastique (fourniture de matières premières et équipements, conception, fabrication de machines, réalisation de moules et outillages, transformation, parachèvement et décoration) et dans tous les domaines d’application de la plasturgie (pièces techniques pour l’automobile, l’électroménager, l’informatique, emballage, bouchage, jouet, mobilier de jardin, éléments pour le bâtiment, articles ménagers et sanitaires, lunetterie, accessoires de mode et ornements de coiffure). Le succès est tel qu’Oyonnax est surnommé la « Plastics Vallée ».

Le Musée du peigne et de la plasturgie d’Oyonnax, inauguré en 1977, retrace cette épopée industrielle à travers un fonds exceptionnel de plus de 16 000 objets liés à l’ornement de coiffure et à la plasturgie dans les domaines les plus divers.

1970 à nos jours

La tendance actuelle est à la mise au point de matériaux innovants et performants, répondant aux préoccupations environnementales. On assiste ainsi à l’apparition de produits plastiques intelligents (domaine de la plastronique), ou écologiques (plastiques biomimétiques et autoréparants, nanocomposites et biomatières). Ceux-ci se caractérisent par de nouveaux procédés de production (éco-production) et de nouveaux modes de consommation (éco-consommation).

Le pôle de compétitivité Plastipolis

Unique pôle de compétitivité du secteur plasturgique, Plastipolis réunit PME, pouvoirs publics et monde de la recherche autour du développement de projets innovants. Il a également pour rôle d’initier des collaborations entre l’industrie plasturgique et d’autres secteurs d’activités, et participe à la création de la plateforme S2P (Smart Plastics Products). Installée au PEP (Centre technique de la plasturgie et des composites) d’Oyonnax, celle-ci s’intéresse à la plastronique, aux composites ou aux emballages intelligents, et propose une offre de services et de formation en direction des industriels.

La plastronique désigne une technologie visant à apporter intelligence et fonctionnalisation aux pièces plastiques injectées, en leur intégrant une fonction électrique ou électronique. Elle permet ainsi de concevoir des produits plastiques intelligents à haute valeur ajoutée.

 

Quelques procédés de fabrication innovants

Prototypage rapide et impression 3D

Le prototypage rapide regroupe un ensemble de technologies qui permettent le développement rapide de produits. Le prototypage regroupe deux sous-ensembles :
–  la conception rapide de produit : elle permet le développement et la représentation numérique du produit final ;
– la fabrication rapide : elle permet à partir d’un modèle 3D numérique de fabriquer le modèle fini qui est une pièce prototype ou de série.
On peut citer parmi ces technologies :
la sculpture numérique
– la numérisation 3D
– l’impression 3D
– le fraisage CNC
– la stéréolithographie
– le frittage laser


L’impression 3D consiste à générer rapidement une pièce physique à partir d’un fichier CAO, par dépôt mécanique de matière plastique en couches successives. Elle permet la production de pièces très précises, ainsi que d’ensembles fonctionnels et mobiles.

Moulage par injection et moulage silicone
Le moulage par injection, aussi appelé injection plastique, est un procédé de mise en œuvre de matières thermoformables, notamment les matières thermoplastiques*. La plupart des pièces thermoplastiques sont fabriquées avec des presses d’injection plastique : la matière plastique est ramollie puis injectée dans un moule, et ensuite refroidie.
Le moulage silicone consiste à dupliquer une petite série de pièces à partir d’un master. Ce master est une pièce de référence permettant de donner une petite série de pièces géométriquement identiques. Le silicone permet de reproduire fidèlement les détails ainsi que l’aspect de surface de la pièce à reproduire. Il constitue une alternative économique à la production de plusieurs pièces sur des machines de prototypage rapide.

Cités dans cette page

  •  Musée du peigne et de la plasturgie d’Oyonnax. C’plastique II : une épopée industrielle. Exposition 2 mars – 18 décembre 2010
  • « Plastronique : une réponse à la demande croissante de systèmes intelligents ». Plastilien : le magazine d’Allizé-plasturgie, mars 2013 – n° 95
  • « Plastipolis, un pôle de compétitivité qui compte ». Rhône-Alpes terre d’industrie : supplément au journal Tout Lyon affiches

*Sous l’action de la chaleur et d’une contrainte, elles prennent une forme prédéterminée et la gardent en refroidissant.


Transport

La région Rhône-Alpes est riche d’innovations dans les domaines du transport. La montgolfière inventée au XVIIIe siècle est suivie d’inventions ingénieuses qui sont le fait de bricoleurs passionnés comme d’industriels. Les cycles stéphanois, le carburateur Zénith ou encore les camions Berliet font partie du patrimoine de la région. Les questions actuelles se centrent sur les grands enjeux environnementaux, sociétaux et économiques que constituent les systèmes de transport de personnes et de marchandises en milieu urbain : le pôle de compétitivité Lyon Urban Trucks & Bus, créé en 2005, est le seul cluster en Europe centré sur ces problématiques.

Navigation fluviale contre chemin de fer

La bibliothèque a publié en novembre 2012 un article sur la batellerie sur le Rhône à travers les siècles, réalisé à l’occasion de l’exposition Idées-Barge de la Maison du fleuve Rhône , pôle de compétences et de ressources entièrement consacré au fleuve Rhône. Cette exposition, visible jusqu’en juillet 2014, entend montrer les trésors d’ingéniosité dont ont fait preuve les inventeurs, ingénieurs, ou même hommes politiques pour utiliser et rentabiliser le Rhône, fleuve qualifié par Vauban de rebelle et d’indomptable. L’article recense les différentes embarcations ayant navigué sur le Rhône ainsi que les différents modes de navigation, aménagements remarquables et innovations.

La seconde moitié du 19ème siècle voit l’apogée des transports fluviaux et le début de la concurrence du rail, avec les machines à vapeur. A la remonte, les bateaux transportent du coton, du sucre, des denrées coloniales, des sels, du vin… à la descente, la houille de Saint-Etienne, le grain, bois, bitumes, pierres…

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Locomotive Seguin (réplique d’un modèle de 1829) – source : Wikimédia

 

La région Rhône-Alpes est pionnière dans la voie ferrée. On se souvient que c’est l’invention de la chaudière tubulaire par Marc Seguin en 1825 qui ouvrit le champ des possibles. La ligne Saint-Etienne-Andrézieux est la première ligne de chemin de fer en France, suivie, en 1833, par la ligne Lyon-Saint-Etienne. Celle-ci est construite par les frères Seguin et d’abord pour le transport de la houille stéphanoise ; elle transporte dès la première année de sa mise en fonction 170 000 voyageurs. La Loire se dessine comme un pionnier du rail : sur les 140 km de longueur de ces trois lignes, 115 se déploient sur son territoire. En 1945, la Chambre des Députés autorise la construction de la ligne Lyon-Avignon-Marseille. Selon Félix Rivet, plutôt que de se lancer dans une concurrence perdue d’avance, les compagnies de navigation cherchèrent à traiter avec le chemin de fer. Le Ministre s’opposa à l’exécution des traités : les 10 millions d’actions réservés pour désintéresser la navigation furent donnés au pair aux amis du Gouvernement après un rapport en ce sens du Ministre Magne. Ils firent une excellente affaire et les compagnies de navigation furent ruinées. C’est récemment que l’on a compris que les différents modes de transport pouvaient intelligemment se compléter.

De l’Hirondelle au Vélov

Saint-Etienne est une région industrielle dans laquelle la tradition métallurgique a favorisé l’émergence de la fabrication de cycles, grâce au savoir-faire des ouvriers. La complémentarité du « calendrier » de l’arme et du cycle est tout à fait remarquable : la première se vend de juin à octobre et le second, de février à août. Les fabricants d’armes se saisissent donc de l’opportunité de faire fructifier leur période creuse en se lançant dans la fabrication de cycles. D’abord cantonnée à quelques pionniers et petits ateliers, la production s’organise à partir de 1880, période où l’utilisation de vélocipèdes en France commence à se répandre aussi dans les classes populaires. Etienne Mimard (1862-1944) dirige la Manufacture française d’armes et de cycles pendant soixante ans. A la Manufacture, la bicyclette, avec la marque Hirondelle, restera de peu de poids. En revanche, Saint-Etienne, avec ses nombreuses entreprises et ateliers, sa Chambre Syndicale du Cycle, est alors qualifiée de « Coventry français » par analogie avec la ville industrielle anglaise. Quelques grosses structures dominent l’industrie du cycle : SA de Constructions Mécaniques de la Loire, SA des Etablissements Jussy, Société Manufacturière d’Armes, cycles et automobiles N. Lévy et Cie, ainsi qu’une structure dédiée exclusivement au cycle, les Etablissements Ravat-Wonder. Quant aux petits ateliers, ils font preuve de créativité et multiplient les innovations et améliorations. De la fabrication de la première bicyclette en 1886 à 1922, la part industrielle du cycle augmente lentement et irrégulièrement puis progresse de manière importante.

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Maison I. Lecomte et fils : atelier de réparation des cycles](ca. 1900)
source : Bibliothèque municipale de Lyon

Le succès du vélocipède à Saint-Etienne tient aussi à des pionniers du cyclotourisme comme Paul de Vivie, dit « Vélocio », Il fonde le journal Le cycliste, et organise des démonstrations et des courses à partir de 1882. Il contribua à l’amélioration du dérailleur. Renversé par un tramway en 1930, il est enterré au cimetière de Loyasse.

Jusqu’au milieu du XXe siècle, Saint-Etienne est donc un des pôles du cycle. C’est dans les années 1960-1980 que s’amorce un déclin de l’activité dû à la concurrence internationale, italienne, américaine puis japonaise (avec l’entreprise Shimano), à laquelle Saint-Etienne s’adapte trop tardivement. Les PME indépendantes stéphanoises se recyclent alors dans la mécanique ou le high-tech.

Parmi les entreprises qui ont perduré, on peut signaler les cycles Mercier. Créée en 1910 par Emile Mercier, la renommée de l’entreprise est liée au Tour de France et aux équipes de Louison Bobet et de Raymond Poulidor. De cet héritage, reste à Saint-Cyprien (42160) un atelier de montage, Cycle France Loire, qui travaille pour les cycles Lapierre à Dijon et qui monte les vélos en location, en sous-traitance pour JC Decaux. Lyon a inventé le concept des vélos en locations en 2005 avec Velov et de nombreuses villes ont suivi, dont Paris. Cette production particulière représente environ 2 500 vélos par an.

Lyon et l’automobile

Il y aurait eu, rien qu’à Lyon, jusqu’à 150 marques d’automobiles et environ 180 fournisseurs sous-traitants, accumulateurs, pompes, carburateurs, câbles… L’ouvrage de Pierre-Lucien Pouzet, La grande aventure automobile lyonnaise les recense, et le musée Henri Malartre en conserve un grand nombre.

 

Quelques repères

Dans le domaine de la vapeur, la première réalisation régionale date de 1850, avec la locomotive routière de Jean-Claude Verpilleux, assurant le transport entre Rive-de-Gier et Lyon. Léon Serpollet réalisa par ailleurs un parcours Paris-Lyon en une semaine grâce à son tricycle à vapeur, et c’est l’une de ses voitures à vapeur qui atteint 120 km sur route à Nice en 1902. La première automobile à moteur à explosion, mise au point en 1885, soit un an avant Benz et Demler, est l’œuvre du lyonnais Claude Mieusset dont l’entreprise de la route d’Heyrieux (ensuite rue du Gazomètre) produisit des voitures puis des camions jusqu’en 1925. Parmi les constructeurs incontournables, citons :

Emile Lavirotte et Maurice Audibert. Ils déposent leurs premiers brevets et créent leur entreprise en 1896. Installés à Monplaisir, rue des Quatre-Maisons (Louis-Jouvet), ils produisirent environ 250 véhicules d’une remarquable qualité et déposèrent de nombreux brevets. L’entreprise disparut en 1901. Emile et Louis Lavirotte entrèrent chez Berliet et Maurice Audibert chez Rochet-Schneider.

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Tricycle Audibert et Lavirotte (1894) – source : Wikimédia.
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Luc Court – source : Wikimédia.

 

Luc Court qui créa son entreprise en 1892 rue Robert, dans le 6e, et sortit sa première voiture en 1899. « En 1804, Luc Court offrit un châssis détachable de derrière le moteur, un peu analogue à celui qu’avait produit Latil quelques années auparavant, créant ainsi l’une des premières tractions avant. La publicité affirmait qu’on pouvait changer le châssis et la carrosserie en trois minutes ! Le but recherché était évidemment d’offrir au client la possibilité d’utiliser tout à tour et selon ses besoins différentes carrosseries avec un seul avant-train moteur… » (Pierre-Lucien Pouzet). Luc Court meurt en 1942 et son entreprise disparait en 1952. Luc Court déposa de nombreux brevets et fit participer ses véhicules à de nombreuses courses, gages de notoriété à l’époque.

 

Cottin-Desgouttes : Pierre Desgouttes fut ingénieur chez Audibert, puis directeur du bureau d’études chez Berliet, avant de fonder en 1905 sa société et de s’associer avec Cyrille Cottin en 1906. L’entreprise de la place du Bachut est célèbre pour sa « Sans Secousse », présentée en 1925 : « le moteur était en lui-même parfait et silencieux, équipé en outre d’un dynamoteur Paris-Rhône en prise directe avec le vilebrequin, et [ce modèle] se signalait par un mode de suspension révolutionnaire… à roues indépendantes, tant à l’avant qu’à l’arrière. » (Pierre-Lucien Pouzet). L’entreprise disparut en 1931.

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Une voiture Cottin-Desgouttes – source : Wikimédia.

Rochet-Schneider fut fondée en 1892. Edouard Rochet, sorti major de sa promotion à la Martinière, était le fils du premier constructeur lyonnais de cycles. Théodore Schneider était fabricant de soierie à Bourg-Argenal et comme tous les constructeurs lyonnais, passionné de sport mécanique. La construction d’automobiles démarre en 1892 et devient renommée lors de la course Paris-Marseille-Paris de 1896. En 1899, l’entreprise acquiert 15 000 m² rue Feuillat. En 1903, l’entreprise fait partie des plus grandes, mais le fiasco d’une tentative d’installation du siège à Londres, qui manqua de ruiner l’entreprise, causa le départ de Schneider. Edouard Rochet, devenu administrateur-délégué, est replacé en 1913 par François Baverey, inventeur du carburateur Zenith. La fabrication automobile s’arrête en 1931, tandis que se poursuit celle des véhicules industriels. En 1960, Berliet prend le contrôle de Rochet-Schneider. Le site de l’usine rue Feuillat a été racheté en 2001 par le Grand Lyon et fait l’objet d’un projet immobilier.

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La voiture à pétrole Rochet-Schneider construite à Monplaisir – source : Bibliothèque municipale de Lyon.

Le carburateur Zénith

François Baverey travaille à un carburateur révolutionnaire à jet compensateur. Le but recherché est de mettre au point un système où le débit d’essence est proportionnel au régime de la voiture. Il dépose un brevet pour son carburateur à double réglage d’air et un autre pour un carburateur à débits compensés. En novembre 1906, la société Rochet-Schneider dépose un autre brevet, pour « un dispositif de commande du carburateur par la pédale de débrayage applicable aux voitures automobiles ».

François Baverey et la société Rochet-Schneider concluent un accord le 7 décembre 1906 afin de mutualiser les brevets et, dès 1908, le carburateur Zénith est adopté pour tous les véhicules de Rochet-Schneider. En 1909, une société dédiée à la construction des carburateurs est fondée : la société du Carburateur Zénith. Le succès du carburateur va devenir mondial. Des unités de fabrication sont installées progressivement à l’étranger : Berlin, Londres, Detroit puis Turin.

De Berliet à Renault Trucks

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Marius Berliet – source : Wikimédia

Marius Berliet (1866-1949) met au point sa première automobile en 1895. Il se lance dans les affaires, puis, fort de son succès dû à ses modèles bon marché, passe au stade industriel : il embauche 250 salariés et se dote d’un bureau d’études. Il lance en 1906 une production industrielle de cars et petits camions à partir de son usine à Monplaisir. Ces véhicules sont dotés de châssis spécifiques, équipés de gros moteurs à régime lent. C’est lui l’inventeur du premier véritable camion, le « M » Berliet, un modèle de 3500 kg de charge utile et qui roule jusqu’à la vitesse de 25 km/h.

Persuadé que la formation est le moteur de l’innovation, Marius Berliet fonde en 1906 l’Ecole des chauffeurs, devenue en 1912 l’Ecole des apprentis, puis en 1952, l’Ecole technique Berliet, avant de fermer en 1970.

En 1913, l’usine de Monplaisir sort « l’increvable » CBA. La Première guerre mondiale entraîne une forte demande de camions par l’armée. Pour y répondre, Marius Berliet fait construire à Vénissieux une usine sur un site de 400 hectares, qui intègre une fonderie, une forge, usinage, carrosserie, peinture. Autour de l’usine, Marius Berliet édifie un complexe de vie à destination de ses employés : logements, école, ferme. A la fin de la guerre, l’usine est en surproduction ; fragilisée, elle est reprise en main par un pool bancaire jusqu’en 1929 où Marius Berliet revient à la tête de l’entreprise. En 1931, Berliet sort son premier diesel, et en 1969, il abandonne la fabrication de voitures. La période qui s’ouvre est faste : Berliet devient le spécialiste du poids lourd en France. Après la seconde guerre mondiale, Berliet, comme Renault, sont arrêtés pour collaboration économique. L’entreprise Renault est nationalisée, les usines Berliet fonctionnent sous un régime d’autogestion de 1945 à 1949. Par arrêt du Conseil d’Etat, l’entreprise est rendue à la famille Berliet.

Paul Berliet reprend la tête de l’entreprise.

Au début des années 50, Berliet lance ses bureaux d’étude sur la conception de gros porteurs en conditions extrêmes. Les compagnies pétrolières qui prospectent en Algérie rencontrent des difficultés pour acheminer leur matériel à travers les sables. Pendant l’hiver 1959-1960, les camions GBC effectuent un raid à travers le désert du Ténéré de Djanet à Fort-Lamy, un second a lieu l’année suivante. Des géologues, zoologues, ethnologues et botanistes accompagnent ces missions. Après les sables, Berliet et Michelin s’attaquent à la boue en Afrique tropicale. D’autres expériences suivront : la croisière des Sables en 1977, qui emmène les camions Saviem du Cap Vert à la Mer Rouge ; en 2005, huit camions Renault sur la Route de la Soie entre la France et la Chine, sur les traces de Marco Polo ; en 2009, Cape to Cape, du Cap Nord en Norvège au Cap de Bonne Espérance en Afrique du Sud.

Berliet ouvre l’usine de Bourg-en-Bresse en 1964. En 1975, dans le cadre de la restructuration de l’industrie automobile, l’Etat décide de rattacher Automobile Marius Berliet, alors dans le groupe Michelin, à la régie Nationale des Usines Renault. L’entité fusionne avec la SAVIEM en 1978, l’objectif étant la mise en place d’un unique constructeur de camions en France d’envergure internationale, devenant Renault Véhicules Industriels. RVI entre dans AB Volvo en 2001 et devient Renault Trucks en 2002, une des cinq marques du groupe avec Volvo Trucks, Mack Trucks (USA), UD Trucks (Japon) et Eicher Trucks (Inde).

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De Rochet-Schneider
à Renault Trucks

 

 

 

 

 

 

Les transports collectifs

La région Rhône-Alpes est pionnière dans plusieurs formes de transport en commun : les premiers transports urbains fluviaux en France (Lyon), le premier tramway français (Montrond-Monbrison), le premier funiculaire au monde (Lyon).

La première ligne de transports urbains fluviaux en France est inaugurée en 1863. Il s’agit des bateaux du Chantier naval de la Mouche, à Gerland, qui circulent sur la Saône.

Sur les rails…

La ficelle de la Croix-Rousse, mise en service en 1862, est le premier funiculaire au monde. « Les funiculaires se composent de deux wagons ou de deux trains de wagons roulant sur une voie ferrée et reliés par un câble qui passe sur une poulie motrice située dans l’une des stations d’extrémité. Lorsque l’un d’eux monte, l’autre descend. » (Jean Arrivetz). La Compagnie du Chemin de Fer de Lyon à la Croix-Rousse a pris l’initiative de ce funiculaire qui rencontre un vif succès. Le frein automatique est mis au point par Molinos et Pronier.

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La “Ficelle” Croix-Paquet, au début du XXe siècle – source : Bibliothèque municipale de Lyon

En 1880 a lieu le premier trajet en tramway à Lyon. La compagnie des Omnibus et Tramways de Lyon (OTL) est à l’origine de ces transports à traction animale. L’année suivante, l’ensemble des dix lignes du réseau est opérationnel. Les véhicules sont fabriqués aux chantiers de la Buire. Les bombardements de la Seconde guerre mondiale mettent à mal le réseau lyonnais et ses véhicules. 1956 voit la circulation du dernier tramway urbain. Les transports en commun sont désormais assurés par des autobus et des trolleybus construits par Vetra, Berliet, Renault.

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Ancien pont de la Guillotière : tramway à chevaux – source : Bibliothèque municipale de Lyon

Doter Lyon d’un métro est le fruit d’une décision politique, celle du maire Louis Pradel. La Sémaly est créée pour construire un métro la même année où l’OTL devient Transports en Commun Lyonnais (TCL), en 1968. Dix ans plus tard, le 2 mai 1978, c’est l’inauguration des trois lignes du métro lyonnais. Une quatrième ligne est ouverte en 1991 ; elle est entièrement automatisée, c’est le Maggaly : métro automatique à grand gabarit de l’agglomération lyonnaise.

Dans les années 1990, l’expansion du réseau de transport en commun est pensée comme un retour à l’usage du tramway, bien moins onéreux que le métro. Une cinquantaine d’entreprises s’engagent dans la réalisation de la plateforme et Alstom-Transport fournit 39 rames. Le nouveau tramway circule depuis 2001.

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La Ligne de l’Est (T3) et la piste cyclable de Meyzieu à la Part-Dieu vues depuis la rue Jean-Pierre Lévy – source : Bibliothèque municipale de Lyon

Sur la route..

En 1907, Berliet construit son premier autocar qui assure la liaison Grenoble-Lautaret, premier maillon de la route des Alpes. Selon Christophe Puvilland, la vente d’autocar décolle après la première guerre mondiale. Berliet produit plusieurs modèles sur la base d’un chassis de camion et crée sa propre unité de carrossage, pour ne plus dépendre des carrossiers indépendants et mieux répondre au marché. La Seconde Guerre mondiale entrave le développement de l’autocar en rationnant les produits pétroliers. Berliet équipe des modèles de gazogène et fournit des kits à monter pour ceux qui roulaient au diesel. L’apogée de la production est atteinte avec la marque PH. La fusion avec SAVIEM puis l’entrée dans le groupe Renault voit disparaître la marque.

La réussite dans ce domaine est aussi celle de Joseph Besset, qui installe un atelier de carrosserie à Annonay en 1913. Il acquiert aux Etats-Unis en 1937 une licence pour fabriquer des véhicules industriels monocoques. L’original est un petit autocar de 24 places appelé Scarab et fabriqué par William B. Stout. Joseph Besset son autocar l’Isobloc. Entre 1945 et 1950, la production est concentrée à Annonay, et l’usine produira plus de 2000 exemplaires pour remplacer ceux qui avaient disparu dans le conflit. En 1951, la société est reprise par SACA, puis par SAVIEM, puis RVI. 1998 voit la constitution d’une coentreprise entre Renault Bus et la division Iveco Bus, dénommée Irisbus, avec fusion des gammes des deux constructeurs. Irisbus disparaît en 2013 au profit de la marque Iveco Bus.

Cités dans cette page

Articles et dossiers rédigés par la Bibliothèque

Ressources pédagogiques du Musée Gadagne : Chemin de fer de Saint-Etienne à Lyon

Exposition virtuelle de la Médiathèque de Saint-Etienne : La Manufacture française d’armes et de cycles de Saint-Etienne


Santé

Si Lyon n’a pu bénéficier d’une faculté de médecine que tardivement (1877), elle dispose au début du XIX d’un réseau ancien d’établissements hospitaliers. Le premier hôpital a ainsi été fondé en 542, puis l’Hôtel-Dieu (1523) et la Charité (1636). Ces établissements, tout d’abord lieux d’accueil pour les pauvres, les pèlerins, deviennent des lieux d’expérimentation et de formation par la pratique.

La médecine lyonnaise est en effet marquée par l’expérimentation, notamment grâce à la figure du physiologiste Claude Bernard, qui l’a théorisé dans son Introduction à la médecine expérimentale.
De nos jours, de nouveaux modes d’accès au corps par le biais de dispositifs moins invasifs (miniaturisation des outils, traitement des métastases par ultrasons) et de nouvelles approches des soins (recherche de biomarqueurs, thérapie ciblée) dessinent les contours de la biomédecine contemporaine. L’alliance avec les nanotechnologies, les liens entre recherche et hôpitaux permettent d’envisager de nouvelles solutions dans la prévention, le diagnostic et le soin.

 XIXème, un siècle de découvertes médicales majeures à Lyon : de la première seringue à aiguille creuse aux vaccins

Le XIX siècle est marqué par le développement d’une médecine plus scientifique. Il s’agit de comprendre le corps humain et son fonctionnement pour mettre en place des soins adaptés. L’amputation qui apparaissait souvent comme la seule solution cède le pas à d’autres propositions…

Le développement de nouvelles formes de soin : l’orthopédie

En 1741, Nicolas Andry de Boisregard (1658-1742) professeur en médecine au collège royal, forge le mot « orthopédie » à partir des racines grecques : (ortho : droit ; pais, paido : enfant) …
L’orthopédie est donc dans un premier temps l’art de « redresser » les enfants. Deux novateurs de génie vont particulièrement s’illustrer à Lyon dans ce domaine.

Amédée Bonnet (1809-1858)
Chirurgien major à l’Hôtel-Dieu, il met en place des alternatives à l’amputation d’articulation infectée par le biais de ponction et d’injection d’iode antiseptique mais surtout des appareils d’immobilisation, sorte de gouttières en grillage qu’il faisait dessiner et réaliser.
Ses appareils de « mobilisation » pour rééduquer les articulations guéries, sorte de gouttières articulées que le malade peut commander grâce à des manettes, sont les toutes premières du genre (1850).
Traité des maladies articulaires

Charles-Gabriel Pravaz
Charles Gabriel Pravaz qui a exercé dans une pension de famille pour jeunes filles, dont beaucoup était atteintes de scolioses, a développé des bases nouvelles pour les méthodes orthopédiques. L’organisme n’est plus une « masse inerte que l’on courbe et redresse à volonté » mais il s’agit d’utiliser des appareils spécifiques afin d’offrir un traitement adapté des déviations de la colonne vertébrale, pied-bot, etc… Telle cette balançoire orthopédique
En 1830, Charles Gabriel Pravaz et Jules Guérin fondent un Institut spécialisé à Paris et à Lyon. A partir de 1835, Charles-Gabriel Pravaz se consacre exclusivement à l’établissement lyonnais qui deviendra la première clinique orthopédique de France.


La première seringue à aiguille creuse

Charles Gabriel Pravaz perfectionne également la seringue.
En 1852, il fait fabriquer par les Etablissements Charrière la première seringue hypodermique à piston. Elle mesure 3 cm de longueur et 5 mm de diamètre. Elle doit servir à injecter dans un anévrysme du perchlorure de fer coagulant, alors qu’on incisait jusqu’alors les vaisseaux sanguins pour introduire une petite canule. C’est l’objet de la thèse de son fils Jean-Charles, intitulée « Essai sur les traitement des anévrysmes par l’injection de perchlorure de fer », soutenue à Paris quatre ans après la mort de son père.

Cette invention est peu utilisée sur l’homme et peu ou prou oubliée jusqu’à ce que les règles d’hygiène soient de rigueur dans la pratique médicale.

L’âge d’or de la médecine expérimentale

En 1761, est créée à Lyon la première école vétérinaire avec à sa tête un écuyer du Roi, Claude Bourgelat. Cette école s’oppose aux traditions des maréchaux-ferrants pour faire des recherches sur les maladies animales, en particulier celles qui sont transmissibles à l’homme comme le charbon ou la rage. (Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le Point d’actu sur le 250ème anniversaire de l’Ecole vétérinaire de Lyon)

Dès lors, des relations entre médecine vétérinaire et la médecine humaine se tissent que ce soit au niveau de la chirurgie, de l’anatomie comparée ou des travaux en bactériologie.

L’histoire de la médecine lyonnaise se confond avec la médecine expérimentale avant que Claude Bernard ne l’ai théorisé.

Ce physiologiste lyonnais est l’auteur de l’Introduction à l’étude de la médecine expérimentale (paru en 1865). Ses recherches sont multiples. Son approche du corps humain relève de la physiologie et non de la simple anatomie : pour lui, le corps recouvre plusieurs aspects – anatomique, histologique, cellulaire, physico-chimique, qu’il faut étudier conjointement, par la médecine expérimentale.
Cette méthode expérimentale se découpe en trois étapes : observation, hypothèse et expérience. Pour Claude Bernard, toute théorie scientifique est fragile et appelée à être remodelée, invalidée ou remplacée. Cette méthode passe entre autre par le biais de l’expérimentation animale

Léopold Ollier met en pratique cette méthode, dans sa spécialité, la chirurgie ostéo-articulaire. Ses expérimentations sur les animaux, lui permettent de mettre en évidence la régénération des os à partir du périoste (membrane recouvrant les os), de tenter des greffes osseuses et ainsi de mettre en évidence des alternatives à l’amputation.
Il applique ensuite ses recherches à l’homme, pratiquant des résections (ablation) d’une partie des os malades (de l’épaule, du coude, du pied…) pour permettre la guérison et la croissance nouvelle de la partie saine. Il documente largement le résultat de ses expérimentations et opérations par le biais de compte-rendu postopératoires, mais aussi de photos et d’une nouvelle innovation, les radiographies (suite aux découvertes du physicien allemand Röntgen en décembre 1895, des rayons X et de leur application pour photographier les os du corps humain).

Asepsie, antisepsie et naissance de la microbiologie

Ces avancées chirurgicales ne sont possibles que grâce aux progrès de l’hygiène.
On comprend alors mal les phénomènes de contaminations ; Or l’hôpital est le lieu des opérations mais également des autopsies, les médecins passant d’une salle à l’autre sans se laver les mains…
Quelques médecins, à travers l’Europe, développent des techniques hygiéniques basées sur l’expérimentation. Dans le même temps, Louis Pasteur découvre que les infections ne sont pas liées à des miasmes ou à un air vicié mais à des micro-organismes. Il théorise l’asepsie, recommandant le lavage des mains ainsi que la stérilisation des instruments chirurgicaux, afin d’empêcher la contamination par des germes.
L’antisepsie (élimination des micro-organismes) se développe sous l’impulsion du chirurgien britannique Joseph Lister : de l’acide phénique est vaporisée dans les salles d’opérations afin de tuer les germes. A partir de 1876, son usage se généralise en France grâce à Just-Lucas Championnière.

Dans le service de chirurgie du professeur Ollier avant l’avènement de l’antisepsie, la mortalité s’élève à 48 % toutes opérations confondues et 85 % pour les résections du coude. Après l’application des principes de Lister, la mortalité chute à 10% et on ne recense plus aucun décès pour les résections du coude…
En 1888, la première salle d’opération aseptique de France est inaugurée à l’Hôtel-Dieu.

Très vite, dès les années 1860, l’école vétérinaire de Lyon se range du côté des spécifistes (les maladies proviennent d’un virus exogène) contre les spontanéistes (les maladies transmissibles apparaissent spontanément).
Les travaux des vétérinaires lyonnais Victor Galtier (1846-1908), Saturnin Arloing (1846-1911) et Jean-Baptiste Auguste Chauveau (1827-1917) en virologie sont parfois précurseurs des découvertes réalisées par l’équipe de Pasteur pour la mise au point de vaccins.

Mais c’est un disciple de Pasteur qui va développer la virologie dans la région lyonnaise :

Marcel Mérieux est issu d’une famille de soyeux. Après avoir étudié la chimie, il travaille, en tant qu’assistant d’Emile Roux à l’Institut Pasteur de Paris, où il prend connaissance des travaux de sérothérapie.

Il fonde en 1897 l’Institut biologique Marcel Mérieux ; Un laboratoire d’analyses médicales et de recherche, mais aussi un lieu de production de tuberculine, de sérums antitétaniques et antidiphtériques.
Il s’intéresse également au monde vétérinaire : Fondant l’établissement sérothérapique de la fièvre aphteuse, un des premiers du genre en Europe (avec un institut allemand), il produit suffisamment de sérums anti-aphteux pour contrer les épidémies qui sévissaient dans la région.

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le point d’actu Une fabrique de l’innovation : La Région Rhône-Alpes, un pôle mondial des vaccins

 

XXème siècle ou l’industrialisation de la santé

L’essor de l’industrie pharmaceutique en Rhône-Alpes : aromathérapie, aspirine etc.

Gattefossé de la parfumerie à l’aromathérapie
Fondée en 1880, les établissements Gattefossé sont tout d’abord orientés vers le commerce des matières premières pour la parfumerie, mais sous l’impulsion de René-Maurice Gattefossé (1881-1950), ingénieur chimiste, l’entreprise se tourne vers les produits pharmaceutiques et la thérapeutique des huiles essentielles.
Ses recherches l’amènent à forger le terme d’ « aromathérapie », désignant ainsi l’utilisation médicale des extraits aromatiques, tels que les huiles essentielles, comme la lavande.

Aujourd’hui Gattefossé propose des excipients innovants pour produits cosmétiques et pharmaceutiques.

Gifrer, l’eau oxygénée à la portée de tous
De la même manière, c’est un ingénieur chimiste qui va infléchir le développement industriel de l’entreprise des frères Gignoux. Ces derniers ont acquis l’usine de la Société des films à Décines et continue la fabrication, d’éther, de nitrocellulose mais aussi d’eau oxygénée. Leur nouvel associé, Paul-Louis Barbezat, s’intéresse à la parapharmacie et développe un procédé de stabilisation de l’eau oxygénée.
La maison Gifrer (contraction de Gignoux frères) et Barbezat développe au fur et à mesure une gamme très étendue de produits. Marc Barbezat (1913-1999), qui succède à son père, en assure la promotion. Il est à la fois pharmacien mais également éditeur ; éditeur (il a publié les premières œuvres de Jean Genet) ; il s’appuie sur son expérience d’imprimeur pour refaire le graphisme de l’ensemble des produits de la société et développer leur publicité.
Dans les années 1950, les ventes d’eau oxygénée Gifrer passent ainsi de 800 000 à 3 millions flacons par an.
Aujourd’hui Gifrer a continué la production de la même gamme de produits pharmaceutiques en la développant et en renouvelant intégralement l’emballage au profit de contenants en plastique moins fragiles que les anciens flacons de verre…

A partir de 1981, Gifrer est la première société française à importer le procédé Blow Fill Seal développé au début des années 1960 par l’ingénieur allemand Gerhard Hansen. Ce procédé permet la fabrication de dosette « moulée » dans du plastique avec un remplissage stérile immédiat, terminé par un scellage hermétique de ce contenant.
Un atelier équipé de plusieurs machines bottelpack© de la société Rommelag© est alors installé à Décines. Gifrer produit depuis des monodoses stériles adaptés à différents types de contenus et qui permettent un usage hygiénique, simple, et facile de produits comme l’eau oxygénée, l’éosine ou le liniment.

Rhône-Poulenc, l’alliance de l’industrie chimique et pharmaceutique
L’aventure de Rhône Poulenc s’étale sur un siècle. La recherche pharmaceutique est l’une des activités de l’entreprise.

A l’origine de Rhône-Poulenc, au milieu du XIXème siècle, est une société familiale : Wittmann et Poulenc jeune. Elle devient en 1900 une société anonyme : les Etablissements Poulenc Frères, constituée par les trois fils Poulenc, Gaston, Emile et Camille, qui tous trois ont étudié la pharmacie.

Les pharmaciens Ernest Fourneau et Francis Billon sont recrutés afin de mener l’activité de recherche de la société. En 1904, c’est l’invention de la stovaïne, un des premiers anesthésiques synthétiques, qui amène l’entreprise vers la chimiothérapie, science alors nouvelle. Les Etablissements Rhône Poulenc voient se multiplier les inventions : lécithine, arsénobenzol, quiétol, tuberculine.

Parallèlement, la Société Chimique des Usines du Rhône (SCUR) est fondée en 1895.
En 1928, les Etablissements Poulenc Frères et la SCUR fusionnent ; c’est la naissance de la Société des usines chimiques Rhône-Poulenc. Les activités du groupe sont multiples : la recherche pharmaceutique des laboratoires Spécia côtoie la chimie industrielle et macromoléculaire et les études cellulosiques. L’activité pharmaceutique est liée à l’aspirine de la SCUR et à la chimiothérapie des Etablissements Poulenc Frères.
Après de nombreux acquisitions, fusions, rapprochements, Rhône-Poulenc donne naissance à deux nouvelles entités : la société Rhodia, qui regroupe toutes les activités chimiques du groupe en 1998 et Aventis (qui deviendra Sanofi) en 1999 pour les activités pharmaceutiques.

Les laboratoires Boiron, l’essor de la médecine homéopathique
Les jumeaux Boiron, Jean et Henri, tous deux Docteurs en sciences et en pharmacie, fondent à Paris en 1932 le Laboratoire Central Homéopathique. Henri le dirige tandis que Jean développe la branche lyonnaise créée par Jean Baudry, la Pharmacie homéopathique rhodanienne, pour laquelle il effectue de nombreuses recherches dans le but d’améliorer les procédés de fabrication. L’un des défenseurs de l’homéopathie, Henri Jarricot, désigne Lyon comme le « berceau de l’homéopathie en France ». Le « fonds Boiron », légué à la Bibliothèque municipale de Lyon, composé de 5000 livres et revues, en témoigne.
Si Samuel Hahnemann, médecin allemand, crée ce principe de soin dès la fin du XVIIIe siècle, il faut attendre une trentaine d’années pour que le comte Des Guidi, un napolitain installé à Lyon, où il a repris des études de sciences et de médecine, importe d’Italie cette méthode nouvelle, dont il s’ouvre dans « Une Lettre aux médecins français » (1832). L’homéopathie repose sur trois principes : la similitude (entre les symptômes et ceux que le remède pourrait occasionner sur un sujet sain), l’individualisation (du traitement) et l’infinitésimal (la dilution du remède). Après une période de succès jusqu’aux années 1860, puis de moindre influence de l’homéopathie à la fin du siècle, Jean-Pierre Gallavardin reprend le flambeau lyonnais au début du XXe siècle avec sa revue Le Propagateur de l’homéopathie. Cette méthode thérapeutique a toujours été l’objet de controverses.

Avec Baudry et Boiron, commence le succès industriel de l’homéopathie française qui voit les établissements parisiens et lyonnais fusionner sous le nom de Laboratoire Boiron en 1967, puis absorber Dolisos en 2005 et devenir le premier laboratoire homéopathique mondial. Boiron a développé de nombreux procédés innovants pour améliorer ses procédés de fabrication des granules, imprégnées par la dilution homéopathique, ainsi que pour leur conditionnement en tube de polypropylène.

Les innovations médicales

La maitrise des éléments nécessaires au bon déroulement d’une opération chirurgicale (anesthésie, hygiène …) ouvre la voie à d’importantes expérimentations.

Alexis Carrel, Mathieu Jaboulay, Les précurseurs des greffes
Originaire de Sainte-Foy-lès-Lyon, Alexis Carrel qui a effectué le début de sa carrière à Lyon obtient le Prix Nobel de physiologie et de chirurgie physiologique en 1912 pour ses travaux sur la suture des vaisseaux sanguins. Il a perfectionné son habileté de chirurgiens auprès de brodeuses lyonnaises !
Son maître, Mathieu Jaboulay a tenté les deux premières xénogreffes, à partir de reins d’animaux pour des patientes atteintes de néphrite. Mais si l’opération est réussie au niveau chirurgical, on ne maitrise pas encore le problème des rejets immunitaires qui entrave son succès…
D’autres médecins, comme l’ophtalmologiste, Louis Paufique vont continuer cette tradition. Dès 1935, ce dernier met au point la technique pour les greffes de cornée (la première greffe de ce type ayant eu lieu en 1886). Il réalise également les premières implantations de cristallins artificiels pour soigner les cataractes.

Auguste Lumière, un brillant touche-à-tout.
Auguste Lumière est passé à la postérité pour les innovations mises au point avec son frère dans le domaine de la photographie et du cinéma ; Mais il s’est également intéressé à la recherche médicale.
Il a ainsi financé les radiographies effectuées à l’Hôtel-Dieu pendant la première guerre mondiale ainsi que le deuxième centre anticancéreux de France, inauguré en 1923 en présence du Maire de Lyon Edouard Herriot et du professeur Léon Bérard.
Au-delà de son soutien financier, ses recherches donnent naissance à des innovations de premièr plan. Il met ainsi au point le « tulle gras » (qui sera vendu jusqu’en 2005), un pansement imprégné de vaseline qui évite à ce dernier d’adhérer à la plaie et aux infections de se développer. Il crée également une pince-main articulée, prothèse destinée aux soldats qui ont du être amputés, et produit des traitements pharmaceutiques spécifiques pour la tuberculose ou le cancer. Il dispose pour cela d’un laboratoire de physiologie expérimentale et de pharmacodynamie, créé en 1896 dans un coin de l’usine familiale…

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter Une fabrique de l’innovation : lumière sur les Lumière, invention et innovation permanente

L’essor de la vaccinologie.

L’Institut Mérieux a développé, depuis la fin du XIXème siècle, des savoir-faire et une production en sérothérapie. A la mort de Marcel en 1937, c’est son fils Charles, étudiant en médecine, qui hérite de l’Institut. Pendant la Seconde guerre mondiale, la préparation du sérum antitétanique bovin permet de produire discrètement du sérum humain à l’intention du Comité Médical de la Résistance.

Progressivement la vaccination passe du stade artisanal à la production de masse :
A l’occasion de l’épidémie de fièvre aphteuse de 1952, 6 millions d’animaux sont vaccinés. Charles Mérieux industrialise la virologie moderne, en mettant en place de nouvelles techniques de production in vitro. L’Institut s’intéresse également à la vaccinologie humaine : production du premier vaccin injectable contre la poliomyélite, mise au point de nouveaux vaccins contre la rage et la rubéole.

En 1967, le fils de Charles Mérieux, Alain, lui succède. L’Institut acquière une envergure internationale et endigue l’épidémie de méningite au Brésil de 1975. En 1985, la fusion avec l’Institut Pasteur aboutit à la naissance de Pasteur Mérieux sérums et vaccins, devenu depuis Sanofi Pasteur.

En 2009, la partie du groupe qui travaille sur les projets en immunothérapie, diagnostic ou sécurité alimentaire reprend son nom originel d’Institut Mérieux, Cette structure regroupe les sociétés bioMérieux, Transgène et Mérieux NutriSciences.

Reportage INA Le centenaire de l’Institut Mérieux.

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter : Une fabrique de l’innovation : la région Rhône-Alpes, un pôle mondial des vaccins !


XXIème siècle, l’innovation continue : des biotechnologies, greffes et nouveaux vaccins

De nos jours, de nouveaux modes d’accès au corps par le biais de dispositifs moins invasifs (miniaturisation des outils, traitement des métastases par ultrasons) et de nouvelles approches des soins (recherche de biomarqueurs, thérapie ciblée) dessinent les contours de la biomédecine contemporaine. L’alliance avec les nanotechnologies, les liens entre recherche et hôpitaux permettent d’envisager de nouvelles solutions dans la prévention, le diagnostic et le soin.

Des « héritiers » se lancent de nouveaux défis

De nombreux groupes d’envergure mondiale qui ont leur siège social dans la région sont héritiers d’entreprises anciennes : ainsi l’Institut Biologique Mérieux a donné naissance à Mérial dans le domaine des vaccins vétérinaires, Sanofi Pasteur pour les vaccins humains, bioMérieux pour le diagnostic etc.

Ces sociétés s’appuient sur leur gamme de produits innovants fabriqués depuis plus d’un siècle mais également sur de nouveaux défis. Ainsi Sanofi Pasteur qui propose une gamme de 20 vaccins contre les maladies infectieuses, travaille actuellement sur un vaccin contre la Dengue ou les infections nosocomiales, ainsi que sur des nouvelles techniques de production et d’administration des vaccins :
En 2009, le premier vaccin intradermique contre la grippe a vu le jour.
Traditionnellement les injections de vaccin se font par voie intramusculaire ou sous-cutanée. Avec la vaccination par voie intradermique, le vaccin est introduit directement dans le derme, la couche supérieure de la peau. Cette seringue exploite ainsi les propriétés immunitaires de la peau.
La micro-aiguille de cette seringue fait 1,5 mm de long seulement et permet un geste médical sûr sans formation préalable : pas de veine à trouver, une simple application perpendiculaire à la peau suffit. L’aiguille très fine et très petite réconforte ainsi les plus anxieux qui craignent la « piqûre »…

De nouvelles techniques chirurgicales voient le jour …

Par le biais de dispositifs moins invasifs
Ainsi la société Edapt-TMS en partenariat avec le Centre Léon Bérard a lancé une expérimentation pour la destruction des tumeurs du foie par ultrasons focalisés de haute intensité (projet HIFU). Cette technique permet de cibler précisément la zone à éliminer et de conserver ainsi le plus possible de foie sain. Elle rend ainsi possible à terme l’opération de patients qui ne pouvaient pas pour l’instant bénéficier d’un traitement chirurgical.

La greffe qui n’était qu’au stade expérimental au début du XXème siècle obtient à Lyon des succès de niveau mondial.

En janvier 2000, le professeur Dubernard réussit la première double allogreffe de mains au monde. Le terme « allogreffe » désigne la greffe à partir du membre d’un donneur – contrairement à l’autogreffe, où le membre perdu est restitué au blessé lui-même.

L’équipe du professeur Dubernard avait déjà réalisé la première allogreffe d’une main, sur la personne de Clint Hallam en 1998. L’opération avait nécessité une équipe de cinquante personnes dont 18 chirurgiens et s’était déroulée sur une durée de 17 heures. Le traitement d’immunosuppresseurs a été interrompu par Hallam qui a dû se faire amputer en 2001.

Le bénéficiaire de la double greffe, Denis Chatelier, a retrouvé la sensibilité et la motricité ; cela correspond à l’apparition de l’image des mains dans le cerveau, suite à un long processus de rééducation. Face au succès de cette première, d’autres patients ont bénéficié de la double allogreffe de mains.

Selon le professeur Dubernard ces premières médicales sont à la fois des défis techniques, immunologiques et psychologiques, qui n’ont été possibles que grâce à la coopération de plusieurs équipes médicales de différents pays. Pour les greffes de mains, des chirurgiens de Sydney, Londres et Milan sont venues épauler l’équipe lyonnaise.

Du diagnostic à la médecine personnalisée

Les analyses biologiques sont devenues des méthodes courantes d’aides au diagnostic. Ces diagnostics sont des plus en plus poussés et peuvent désormais sonder le niveau génique ou l’expression de certaines protéines. Ils ouvrent la voie à une médecine réellement personnalisée pour une adaptation optimale des traitements proposés, en particulier dans le cas de cancers ou de maladies génétiques rares.

Désormais le laboratoire se sécurise, s’automatise, se miniaturise, se transporte…

La région a ainsi accueilli des structures de premier ordre comme le Laboratoire P4 Jean Mérieux, inauguré en 1999, qui offre une structure ultra-sécurisée aux chercheurs souhaitant travailler sur des virus hautement pathogènes, comme le virus Ebola ou la variole.

La société bioMérieux a ainsi mis en place de nombreux outils de détection et d’identification des agents pathogènes sous la forme d’automates qui réduisent considérablement le nombre de manipulations nécessaires et intègrent des technologies de pointes telle que la spectrométrie de masse au service d’un diagnostic plus rapide et plus fiable.

Le Laboratoire d’électronique et de technologie de l’information ou LETI du CEA de Grenoble, spécialisé dans les nanotechnologies travaille à la création de labos de poche pour diagnostic rapide.

Tandis que la société K-Plan a mis au point un laboratoire mobile tout-en-un pour les interventions sur site en sérologie, bactériologie, virologie et parasitologie, le KLM-Lab

Le pôle de compétitivité Lyonbiopôle, un partenaire central de l’innovation

Depuis sa création en 2005, le pôle de compétitivité dédié à la santé Lyonbiopôle soutient des projets de santé publique dans la lutte contre les maladies infectieuses et les cancers.

Des appels à projets sont lancés par Lyonbiopôle afin d’être labellisés : des vaccins et thérapies de demain sont le fruit de ces recherches. Citons la découverte d’un vaccin contre le virus du sida du chat, des vaccins thérapeutiques contre l’hépatite C, une thérapie à base de sucres naturels contre les maladies virales, un système d’injection de vaccin par voie intradermique.

A côté de l’innovation et de la recherche, la fabrication et la production sur place sont désormais une autre priorité pour Lyonbiopôle. C’est ainsi qu’en 2012, la construction d’ « Accélérer la mise en œuvre du centre d’Infectiologie pour mieux innover » (Accinov) est lancée à Gerland, afin de favoriser le passage de la recherche à l’industrie pharmaceutique. Ce nouveau site a été inauguré en novembre 2013.

En janvier 2013 a eu lieu le rapprochement de Lyonbiopôle et du Cancéropôle Lyon Auvergne Rhône-Alpes (Clara).

Pour en savoir plus

Dossiers et articles rédigés par la Bibliothèque


D’une exposition à l’autre : l’innovation en Rhône-Alpes au temps de la Première Guerre Mondiale (1914-1918)

Les manifestations regroupées sous la dénomination Une Fabrique de l’Innovation interviennent à quelques mois seulement des commémorations du centenaire de la Première Guerre Mondiale, qui se déploieront à partir de l’automne 2014. L’année à venir s’annonce ainsi particulièrement riche pour la Bibliothèque Municipale de Lyon ; à cette occasion, nous vous proposons d’établir un pont entre ces deux évènements majeurs par le biais d’un dossier spécial consacré à l’innovation en Rhône-Alpes au temps de la Grande Guerre (1914-1918), sous la forme d’un double Point d’Actu.

Car en effet, la question est loin d’être artificielle ou même anecdotique. La guerre de 14-18 entraîna de brutales modifications dans l’économie du pays, afin de répondre aux incessants besoins de l’armée. Les industries françaises durent faire face à la perte des producteurs de charbon et d’acier des régions du nord, rapidement occupées, au manque de main d’œuvre, et surtout, à une nécessaire et massive reconversion dans l’armement et les transports, qui firent cruellement défaut à nos soldats dès les premiers mois du conflit.

C’est dans ce contexte que la région Rhône-Alpes, qui faisait alors partie de la zone dite de l’ « Arrière », s’est rapidement imposée comme un acteur économique incontournable, et l’un des premiers fournisseurs du gouvernement.

Que ce soit pour subvenir aux besoins prioritaires de l’armée en munitions, vêtements, et moyens de transport, ou pour apporter un soutien constant à l’Etat dans les domaines de l’énergie, des télécommunications et bien sûr de la médecine via les nombreux hôpitaux qui ouvrirent dans la région, Rhône-Alpes sut mobiliser des innovations diverses et surmonter une période de crise majeure.

En ligne début 2014 :
[Partie 1 : Le développement d’une industrie de guerre.]
[Partie 2 : Des innovations pour soutenir l’Etat en guerre.]


Pour aller plus loin

Une Fabrique de l’Innovation : exposition physique et virtuelle

L’exposition organisée par la Bibliothèque municipale de Lyon sur l’innovation industrielle dans la région Rhône-Alpes se déploie sur deux niveaux :

Au rez-de-chaussée de la bibliothèque de la Part-Dieu

L’exposition est conçue comme une galerie éphémère des révolutions industrielles. Partant des plus récentes innovations des entreprises des pôles de compétitivité – Techtera, Axelera et Plastipolis, LUTB, Imaginove, Lyon Biopôle – elle propose de remonter aux racines de l’industrie textile, chimique, automobile, de l’image et de la médecine.

Même si l’exposition peut se visiter dans les deux sens, elle est ainsi plus particulièrement conçue pour être suivie dans un ordre anté-chronologique, c’est-à-dire en partant des innovations les plus récentes pour remonter le temps, jusqu’au métier Jacquard de 1805.

Au 4e étage, Espace patrimoine

Cet espace sera entièrement consacré à l’histoire et à l’avenir de la Vallée de la chimie, vallée industrielle et espace naturel.

Les expositions seront accompagnées de tables-rondes et d’une série de conférences et de tables-rondes qui auront lieu de novembre à février. Le programme détaillé est disponible p. 14.

En outre, la Bibliothèque municipale de Lyon vous propose d’avoir un premier aperçu de l’exposition physique ou d’en compléter la visite grâce à son pendant virtuel.

Vous y retrouverez notamment les représentations des objets les plus emblématiques de l’exposition, des portraits d’entrepreneurs qui modelèrent le paysage industriel et économique de la région Rhône-Alpes, mais aussi des animations et des ressources variées.


Bibliographie

Le patrimoine industriel de la région Rhône-Alpes :

Chimie :

Santé :

Transports :

Images :

  • CHARDÈRE, Bernard (documentation présentée par). Lumières sur Lumière. Lyon : Presses universitaires de Lyon, 1987.
  • Lumière, l’album de famille. Lyon : Archives municipales, 1995.
  • PONT, Patrice-Hervé. Angénieux. Biarritz : Éditions du Pécari, 2003 (2e édition) : histoire de l’entreprise d’optique d’Angénieux.

Industrie régionale :

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