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Emile Guimet

- temps de lecture approximatif de 11 minutes 11 min - Modifié le 06/05/2017 par Laurent D

Émile Guimet, né le 2 juin 1836 à Lyon et mort le 12 octobre 1918 à Fleurieu-sur-Saône, est un industriel et collectionneur d'objets d'art français. Il s'est passionné pour les civilisations qu'il a étudiées au cours de nombreux voyages. Ses collections asiatiques ont donné naissance au musée national des arts asiatiques - Guimet.

Emile Guimet
Emile Guimet

Naissance d’Emile Guimet à Lyon. Son père Jean-Baptiste Guimet, ingénieur chimiste et industriel, est l’inventeur du « bleu outremer » artificiel , et le fondateur de Pechiney. Sa mère Rosalie Bidaud est une  artiste peintre reconnue de l’Ecole lyonnaise.

Le jeune Emile est élève au collège de Villefranche-sur-Saône. Il ne fait pas d’études supérieures mais consacre néanmoins sa jeunesse à sa passion pour les sciences et les arts ce qui lui permet d’acquérir une culture étendue.

C’est pour préserver la musique de terroir (qui a pris le nom de “folklore” à partir de 1846) que Guimet  crée en 1859  l’Orphéon de Neuville-sur-Saône et la chorale de Demigny qui selon lui « doivent attirer les jeunes cultivateurs et les attacher au sol de la commune ».

1860 Jean-Baptiste Guimet confie à son fils qui n’a que 24 ans la direction de son usine de Fleurieu-sur-Saône pour lui donner le sens des responsabilités, car le jeune Emile fait figure d’anticonformiste.

Emile Guimet veut être tout d’abord un patron social qui se soucie du bien-être de ses ouvriers. Il developpe un ensemble de pratiques proches du patronage. Il favorise le logement ouvrier et fonde des écoles, des cours, des associations de secours mutuels, des sociétés musicales. En 1861 Il crée la fanfare de Fleurieu-sur-Saône. Son crédo est que le progrès social est inséparable de l’instruction, et le progrès industriel, indissociable du progrès moral.

1862 Emile Guimet s’aventure en Espagne en compagnie du Poète Henry de Riberolles. Cette expédition « derrière les montagnes » le marque tant qu’il publie à son retour à Lyon son premier récit de voyage A travers l’Espagne.

1863 Il compose une pièce pour piano « Croquis espagnols ».

1864 Il est nommé président de la fanfare lyonnaise.

1865 Il part en Allemagne, à Dresde pour participer à un concours des chœurs, où il présente à un public de mélomanes ses chorales et fanfares, ses «enfants».

Premier voyage en Egypte. L’antiquité passionne Emile Guimet. Il y voit un creuset d’idées à redécouvrir et à étudier « Les créateurs de systèmes philosophiques, les fondateurs de religions avaient en eux les mêmes pensées, que Lao-TseuConfuciusSakia MouniZoroastre, MoisePlaton Jésus, Mahomet qui avaient, chacun à son époque proposé des solutions sociales ».

1867 publication de  Croquis égyptiens : journal d’un touriste. Le livre abonde de détails géographiques, historiques. L’Egypte contemporaine n’est pas pour autant passée sous silence: « Pour nous qui sommes à l’affut de monuments antiques, cela gâte un peu l’illusion archéologiques ; on a beau chercher à se persuader que l’on voit des machines à vapeurs au temps de Sésostris ou des usines bâties par Ramsès III, le charme est détruit et si les palmiers ne venaient pas au secours du voyageur, il se croirait à Manchester ».

Il entre à l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon.

1868 décès de sa sœur ainée Dorothée Louise. Emile Guimet décide de mettre le cap vers l’occident antique (Grèce, Turquie, Roumanie, Yougoslavie, Autriche). Ses impressions de voyages paraissent la même année sous le titre :  L’Orient d’Europe au fusain, notes de voyage.

Septembre 1868, Emile Guimet épouse Lucie Sanlaville, 18 ans. Le bonheur ne dure que trois petits mois. Lucie meurt brutalement en décembre. En sa mémoire Emile Guimet dote la commune de Neuville-sur-Saône, d’un éclairage public, d’une salle des fêtes et d’un asile pour enfants pauvres.

1869 Voyage en Algérie et en Tunisie. L’intérêt qu’Emile Guimet porte aux religions des pays qu’il visite le conduit à regretter le recul de l’islam par rapport à la chrétienté nouvellement implantée en Algérie : « Avant la conquête, Alger était la ville religieuse entre toutes, et le mahométisme a reçu dans ses murs la blessure la plus cruelle ».

1870 Publication de  La musique populaire. Discours de réception à l’académie des Sciences, B. Lettres et Arts de Lyon.

1871 Décès du père d’Emile, Jean-Baptiste Guimet. Emile Guimet devient secrétaire général de la société Pechiney (de 1871 à 1887).

1872 Composition de l’oratorio Le feu du Ciel ; orientale symphonique

1873 Emile Guimet adhère à la Société des études japonaises, chinoises, tartares et indochinoises. Il organise le premier Congrès international des orientalistes.

1874 Premières collections rassemblées à Fleurieu (dont 450 antiquités égyptiennes).

1875 Guimet achète son premier théâtre, l’Eldorado, à Lyon, à la fois café-concert et salle de bal, rue de la Belle-cordière, près de l’Hôtel-Dieu. Le bâtiment est détruit par un incendie quelques mois plus tard.

1876 Emile perd sa mère Rosalie à qui il devait tant. C’est le vide familial et la grande solitude.

Emile Guimet reçoit une lettre du ministère de l’Instruction publique des cultes et des beaux-arts de Paris, le chargeant d’une mission officielle en Asie pour une étude sur les religions du Japon, de la Chine et des Indes. Surmontant son chagrin et cherchant à se rapprocher du « soleil de vérité » (métaphore bouddhique), il décide avec son ami Félix Régamey d’effectuer un véritable tour du monde, comme Jules Verne en avait lancé la mode en 1873.

Pour eux la grande révélation de ce voyage est celle du Japon, pays jusqu’à très récemment resté complétement fermé aux étrangers. « C’est vraiment une impression singulière de se sentir vivre au milieu de ce peuple si étrange. A chaque instant, on retrouve un aspect, une scène qu’on a déjà vus sur des faïences et des peintures. Mais la scène est réelle, la pose n’est pas une fiction, l’aspect n’est plus un rêve. »

1877 retour en France. Emile Guimet se voit décerner la légion d’honneur

Publication de son rapport de voyage : Rapport au ministre de l’instruction publique

Il épouse sa belle-sœur; Marthe Sanlaville.

1878 Décès de sa fille, Marie Lucie Françoise, à l’âge d’un mois.

Il présente avec succès une partie de ses collections à  l’exposition universelle de 1878.

Emile Guimet a le projet d’établir à Lyon un Musée des religions  réunissant «sous un même toit tous les dieux de l’humanité» comprenant «une bibliothèque, une école dans laquelle les jeunes orientaux peuvent apprendre le français, et les jeunes français étudier les langues mortes et vivantes de l’Extrême Orient.» Le terrain est choisi dans un quartier en pleine expansion, près du parc de la Tête-d‘Or.

1879 Inauguration du théâtre de Bellecour  le plus grand théâtre de la ville, commandité par Emile Guimet. Cette réalisation ambitieuse part du projet de Guimet de faire jouer ses œuvres et de les présenter à un public populaire. Guimet pense que ce théâtre «gagnera de l’argent, donnera des spectacles splendides à la barbe du Grand-Théâtre subventionné et ruiné ».

Inauguration du Musée Guimet de Lyon en présence de Jules Ferry, ministre de l’instruction publique. Les travaux ont coutés à Guimet 774 000 francs or de l’époque…une fortune.

1882 la municipalité relâche son soutien à ce que certain Lyonnais appellent « Le curieux Musée ». Le public comme les scientifiques ne sont malheureusement pas au rendez-vous, la fréquentation du public baisse jusqu’à s’écrouler. Emile Guimet décide alors de transférer son Musée à Paris, et s’adresse au ministre de l’Instruction publique «Je suis obligé de reconnaitre que cette institution qui rend quelques services à Lyon, au fond de la province, en rendrait de bien plus grands à Paris, au centre des savants de la capitale et à portée de nombreux étrangers qui viennent en France et dont bien peu s’arrêtent à Lyon. »

1885 le ministère de l’Instruction publique accepte la proposition de Guimet, la chambre des députés la ratifie par la loi du 7 août classant le futur Musée « institution nationale ». Le Musée de la place Iéna sera volontairement la copie conforme de celui de Lyon marquant ainsi l’indéfectible attachement de Guimet à sa ville natale «Un morceau de Lyon, avec pierres et habitants, avait émigré à Paris».

1889 Après transfert des collections de Lyon le  Musée Guimet  est inauguré solennellement le 23 novembre par le président de la République Sadi Carnot. L’institution se veut «un album du grand livre de l’histoire de la vie et de la pensée humaine».

1894 11 avril première au Grand théâtre de Marseille de l’opéra d’Emile Guimet  Taï-Tsoung, composition qui lui a demandé cinq ans de travail.  

1897 Vente aux enchères du Musée Guimet de Lyon. Le bâtiment lyonnais, géré par des particuliers puis par la Société frigorifique de Lyon, subit alors des transformations majeures : il propose désormais un restaurant-brasserie, des salles de sport et de musique, un théâtre et même une grande patinoire dans ce qu’on appelle désormais le Palais de Glace .

1899 Emile Guimet fait aménager avec le soutien de Georges Clémenceau un Hôtel particulier de l’avenue Foch à Paris en  musée d’art japonais.

1900 Guimet défile avec la fanfare de Fleurieu sur les Champs-Elysées pour l’exposition universelle de Paris. Il est élu vice-président de la Société franco-japonaise de Paris fondée à l’issue de l’Exposition.

Emile Guimet à 64 ans. Il décide de céder la direction du bleu Guimet à son fils Jean.

 1904 publication pour la célébration du 25e anniversaire du musée :  Le jubilé du musée Guimet

1906 L’archéologue  Joseph Hackin qui participera à la  Croisière jaune (1931-1933), devient le secrétaire particulier de Guimet.

1909 Rachat par la ville de Lyon du bâtiment du boulevard des Belges pour y transférer les collections du muséum d’histoire naturelle qui cohabitent difficilement depuis les années 1820-1830 avec celles des Beaux-Arts dans le Palais Saint-Pierre. Soucieux de conserver un lien avec Émile Guimet le maire de Lyon Édouard Herriot lui propose le retour de 3 000 objets qui font double emploi dans le musée de Paris. Emile Guimet accepte et enrichit ce dépôt par le don de centaines d’objets de ses collections personnelles.

1910 Jubilé industriel pour le cinquantenaire de la direction de l’usine de Fleurieu.

1911 Décision de rouvrir le Musée Guimet de Lyon.

Emile Guimet devient membre du conseil d’administration de la société L’Aluminium français.

1913 Réouverture du musée de Lyon avec de nouvelles collections asiatiques et égyptiennes. Le musée est intégré au Muséum d’histoire naturelle. Retour à Lyon d’une partie des collections du musée de Paris, du musée du Louvre, des collections de Guimet.

Vue de la vitrine verticale du Japon au second musée Guimet de Lyon (1913-1978) dans les années [1920]. Fonds du musée Guimet

1915 Décès de la seconde épouse d’Emile Guimet, Marthe Sanlaville, à 58 ans.

Publication: Après la guerre : notes d’économie politique et sociale

1917 Guimet devient correspondant de l’Académie des inscriptions et belles-lettres de Paris.

Il s’éteint le 12 octobre 1918, juste avant l’armistice, à Fleurieu-sur-Saône, dans la maison familiale.

« Si j’ai fait de l’industrie, c’était pour être utile au peuple, si j’ai fait de la musique, c’était pour le distraire et lui donner le goût de l’art; si j’ai fait des écoles, c’était pour l’instruire ; si j’ai subventionné des sociétés de secours mutuels, c’était pour le soulager dans ses tristesses, et je vais vous expliquer que si je me suis occupé de philosophie, si j’ai fondé le Musée des Religions, c’était pour donner aux travailleurs le moyen d’être heureux […] Ma vie qui semble un peu éparpillée a, je crois, une grande unité. Mon existence n’a eu qu’un but : aimer et servir les prolétaires »  (festivités du cinquantenaire de son patronat à Fleurieu, 3 juillet 1910).

Les informations et citations de cet article proviennent en grande partie de l’ouvrage: Les aventures d’Emile Guimet (1836-1918), un industriel voyageur / Hervé Beaumont


 Dans les collections de la bibliothèque

• D’outremer et d’Orient mystique : les itinéraires d’Émile Guimet
L’Intérêt pour les religions japonaises : dans la France du XIXe siècle et les collections d’Émile Guimet
Un jour, j’achetai une momie… : Emile Guimet et l’Egypte antique : exposition, Lyon, Musée des beaux-arts, 30 mars-2 juillet 2012
Le panthéon bouddhique au Japon : collections d’Emile Guimet
Les trésors d’Emile Guimet : un homme à la confluence des arts et de l’industrie : exposition, Lyon, Musée des confluences
Œuvres d’Emile Guimet

Autres

Émile Guimet : un novateur et un visionnaire [article]
Revue de l’histoire des religions

  En images

• Les 1000 vies d’Emile Guimet  France Info

LES COLLECTIONS

Musée des confluences  
Musée national des arts asiatiques Guimet

HOMMAGE

Emile Guimet est inhumé à Lyon au cimetière de Loyasse. On peut y voir la Chapelle familiale de style néo-gothique construite par l’architecte Jean-Prosper Bisuel. Le cimetière de Loyasse peut se visiter depuis son ordinateur.

ANECDOTE

Emile Guimet est tellement marqué par son voyage au Japon qu’il n’a de cesse de faire connaitre à son entourage ce qu’il a appris. L’usine de Fleurieu adoptera des coutumes nippones et deviendra presque japonaise ! Guimet, impressionné par les règles de préséance pratiquées dans l’archipel, instaurera avec un grand sérieux, le rituel de la salutation à la japonaise entre dirigeants et ouvriers, ces derniers devant s’incliner, selon les règles, plus longuement que leurs supérieurs. Une pratique peu courante dans les usines en France en 1877.

 RETRO-PRESSE

• En 1894 Emile Guimet fait jouer son opéra historique « TaÏ-Tsoung ». L’opéra n’est représenté que quelques soirées avant de tomber dans l’oubli. La critique musicale professionnelle y est sans doute pour quelque chose. A lire dans Le Monde artiste : théâtre, musique, beaux-arts, littérature du 22 avril 1894 (Provenance :  Bibliothèque nationale de France).

• L’inauguration du Musée Guimet de Paris (Musée des religions) le 20 novembre 1889  donna lieu à de sérieux conflits protocolaires. “Au Musée Guimet”, c’est à lire dans l’édition du Matin : derniers télégrammes de la nuit du 21 novembre 1889. (Provenance :  Bibliothèque nationale de France).

 

 

 

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