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Edmond Locard

- temps de lecture approximatif de 9 minutes 9 min - Modifié le 31/03/2017 par Laurent D

Edmond Locard, né à Saint-Chamond le 13 décembre 1877 et mort à Caluire-et-Cuire le 4 mai 1966. Père de la criminologie, critique d'opéra, écrivain et journaliste, Edmond Locard est le fondateur du tout premier laboratoire de police scientifique à Lyon en 1910.

[Le docteur Edmond Locard] Fonds Georges Vermard. ©Bibliothèque municipale de Lyon
[Le docteur Edmond Locard] Fonds Georges Vermard. ©Bibliothèque municipale de Lyon

Eléments biographiques

Edmond Locard nait le 13 décembre 1877 à Saint-Chamond (Loire). Son père est ingénieur des mines, féru de sciences naturelles. Sa mère, héritière d’une usine de papeterie, est passionnée de musique et de théâtre.

1891 Edmond est scolarisé au collège Saint-Thomas d’Aquin à Oullins, un établissement libre d’enseignement secondaire, régi par des dominicains. Elève brillant il obtient cette année-là quatre prix.

1894 sur les conseils de son père Edmond entre à la Faculté de Médecine de Lyon. Il entreprend ses études sous la conduite du professeur Léopold Ollier  brillant chirurgien orthopédiste dont il devient l’interne favori.

1900 décès brutal du Pr Ollier. Privé de son mentor Edmond Locard doit réorienter sa spécialisation. Il choisit la médecine légale, sous la tutelle d’ Alexandre Lacassagne.  Le jeune Locard devient le disciple de cet éminent professeur et pense comme lui que « la médecine (légale) est la plus compréhensive, la moins spécialisée », que “c‘est la société qui fait et prépare les criminels“.

Edmond locard soutient sa thèse en mars 1902 : “La Médecine légale sous le Grand Roy“. Les sujets abordés sont multiples ; les crimes, les empoisonnements, la prostitution, l’inversion sexuelle, l’avortement, la sorcellerie, l’infanticide, la répression de duels. Dans sa thèse Locard s’attache à promouvoir l’importance du rôle du médecin, il doit se donner mission de réhabiliter les gens accusés à tort.

1905 Locard obtient sa licence en droit. Il participe activement à la Revue musicale  de Léon Vallas et devient critique musical dans les colonnes du Lyon Républicain.

Pour se former il fait de nombreux stages, d’abord au service de l’identité judiciaire à la préfecture de police, à Paris, que dirige Alphonse Bertillon. Comme il parle parfaitement plusieurs langues il se rend aussi à l’étranger. Au VI congrès d’Anthropologie criminelle à Turin il rencontre l’illustre Cesare Lombroso  (qui affirmait qu’on pouvait démasquer un criminel aux traits de son visage).

Edmond Locard introduit la dactyloscopie à Lyon et publie en 1909 le premier ouvrage consacré à l’étude des empreintes digitales sous le titre : L’identification des récidivistes.

1910 Locard obtient pour la création de son laboratoire de police technique de Lyon, socle de la future École technique de police criminelle, créée en 1935, l’autorisation du secrétaire général de la police lyonnaise et la mise à disposition d’un local désaffecté dans les combles du Palais de justice de Saint-Jean. On lui accorde pour assistants un garde champêtre et un gardien de la paix. « Je vois, dans mon laboratoire, c’est-à-dire dans les combles d’un Palais de Justice, le plus laid et le plus triste du monde, défiler toutes les turpitudes et toutes les souffrances. Je reçois quelques jolies femmes, et d’autres qui le sont moins ; toutes sortes d’hommes, des fous, des demi-fous, des criminels et des victimes ».

La même année il met au point une technique complémentaire à la dactyloscopie, la poroscopie, basée sur l’observation des pores de la peau. Il systématise également l’analyse des poussières prélevées sur les vêtements des suspects.

1912 Edmond Locard épouse sa jeune cousine Lucie Soulier.

1914 Edmond Locard est mobilisé en tant que médecin militaire. Il intègre également le prestigieux service du chiffre, qui s’applique à décoder les messages de l’ennemi. L’accès à ce service est conditionné par des connaissances précises, dont la pratique de cinq langues étrangères – Edmond Locard en connait onze, dont le sanscrit.

1918, il accompagne son ami Justin Godart, futur maire de Lyon, aux Etats-Unis lors d’une mission diplomatique destinée à remercier de leur aide les américains, qui se sont joints aux alliés européens en 1917. De cette tournée Edmond Locard rapporte un journal de voyage. D’une façon générale il juge les femmes américaines “dix fois plus intelligentes que les hommes et cent fois plus instruites que leurs maris qui font des affaires, mais sont plutôt ignorants, inférieurs à la moyenne des Français“.

1919 Edmond Locard est reçu à l’Académie des Sciences, Belles lettres et Arts de Lyon . Il expose le principe de l’échange connu sous le nom de principe de Locard  “tout contact laisse une trace“.

1920 il publie L’Enquête criminelle et les Méthodes scientifiques.

Un musée de médecine légale avait été créé par Alexandre Lacassagne à la faculté de médecine. Edmond Locard poursuit le rassemblement de ces traces et preuves de procès célèbres et inaugure en 1921 son musée des techniques policières dans les greniers de l’école de police de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or.

1922 Edmond Locard intervient comme expert en écriture dans l’affaire du corbeau de Tulle, qui le rend célèbre. Il développe à partir de cette date une nouvelle technique basée sur des mesures relatives de l’écriture, la graphométrie.

1923 publication du Manuel de technique policière.

1929 Edmond Locard co-fonde l’Académie Internationale de Criminalistique. Parallèlement, il devient rédacteur en chef, puis directeur, de la Revue Internationale de Criminalistique (jusqu’en 1938).

Le théâtre, tout comme la musique passionnent Locard. Il est aussi un supporter assidu des peintres de l’Ecole lyonnaise  particulièrement florissante dans la première moitié du XX siècle. Il fournit d’innombrables articles à la Revue de la Société lyonnaise des Beaux-Arts. Il faut ajouter à la multiplicité de ses centres d’intérêt, son goût pour la nature, la botanique, la géologie, la paléontologie, et même la philatélie. En 1942 il fait éditer chez Payot son Manuel du philatéliste, ouvrage de référence dans le milieu des collectionneurs.   

1931 parution des tomes I et II du traité de criminalistique où sont consignées les innombrables inventions d’Edmond Locard L’ouvrage qui comptera 7 volumes est traduit dans le monde entier.

1933 Edmond Locard fait éditer ses Contes apaches, récits du milieu interlope qu’il se plaisait à côtoyer  “A lire ce livre, on croirait que le plus grand nombre des crimes est commis par des bourgeois. Mettons que les inconséquences bourgeoises sont plus pittoresques et dignes d’être narrées que les turpitudes des malandrins“.

1934 Edmond Locard propose la création d’un Diplôme d’Etudes Supérieur de Criminalistique.

Dans les années 1940 il enseigne à l’Ecole Nationale Supérieure de la police à Saint-Cyr au Mont-d’or.

1941 il succède à Justin Godard et devient le deuxième président des Amis de Guignol.

1943 le laboratoire de police technique de Lyon est étatisé.

1949 Edmond Locard est désigné président de l’Académie du Merle blanc , en référence au restaurant ouvert, quai pierre Size, par Roger Andrieu. Autour d’Edmond Locard, se réunissent chaque vendredi des personnalités lyonnaises de l’art, de la musique, de la peinture, des écrivains, des juristes, des médecins. Cette académie se réclame, à ses débuts, du titre de la célèbre revue satirique de l’entre-Deux-guerres, rivale du Canard Enchainé, le Merle Blanc, dont le fondateur avait été Eugène Merle.

1951 âgé de 73 ans, Edmond Locard prend sa retraite et quitte le laboratoire de police technique de Lyon. Il ouvre un cabinet privé d’expertises rue Mercière. En quarante et un ans, il intervint dans plus de 10 000 affaires criminelles.

1955 il crée la revue lyonnaise Androclès dont il devient le rédacteur en chef.

1959 création du prix Edmond Locard récompensant les auteurs de romans policiers.

Edmond Locard décède le 4 mai 1966

 


Dans les collections de la bibliothèque

  Les archives de la police scientifique française : des origines à nos jours
–  Aux origines de la police scientifique : Alphonse Bertillon, précurseur de la science du crime
L’empreinte d’Edmond Locard, le véritable Sherlock Holmes
  Police scientifique : de Lacassagne à Locard, le crime en son musée

Œuvre d’Edmond Locard


Archives Municipales de Lyon

En 2006 Henri Locard, petit-fils d’Edmond a fait don à la ville de Lyon des archives de son grand-père. Elles constituent le fonds Locard sous la cote 31II. 17 mètres linéaires qui retracent les activités d’Edmond LOCARD au laboratoire de police scientifique puis dans son cabinet privé : expertises, dossiers thématiques, articles, notes préparatoires, conférences, et une riche correspondance professionnelle ou privée, avec des interlocuteurs, parfois célèbres, en France et à l’étranger.


En images

INA : Edmond Locard et la criminologie 
Le corbeau  (film inspiré de l’affaire de Tulle)
Les brigades du Tigre

Hommage

Docteur-Locard-criminologiste-lyonnais.-Fonds-Georges-Vermard.-© Bibliothèque Municipale de Lyon

Edmond Locard avait rassemblé une multitude d’objets liés à des scènes de crimes et au souvenir de grandes affaires criminelles. Cette collection est conservée au Musée de L’Ecole Nationale Supérieure de la Police de Saint-Cyr-Au-Mont-d’Or. Attention le Musée est rarement ouvert au public.

Collection criminalistique : visite virtuelle du musée

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Le 8 avril 2010 fut dévoilée une plaque commémorative à l’emplacement du laboratoire du Dr Edmond Locard, Façade arrière du palais de justice, rue Saint-Jean, Lyon 5e.

Anecdotes

A en croire Edmond Locard, pour la résolution d’une enquête la viabilité des empreintes digitales demeure sans égale. Pour illustrer ce propos il avait cette anecdote; une affaire de vol de cuillers dans une maison bourgeoise lyonnaise. La  bonne est suspectée et des empreintes sont relevées, des empreintes “formées uniquement de lignes parallèles verticales, sans boucles et sans triangles. Ce n’était donc pas une empreinte humaine. Sa petitesse, son dessin marquait avec évidence qu’elle était la trace d’un macaque.“ L’animal, de petite taille avait été dressé par son maître, un marchand forain peu honnête, pour pénétrer dans les villas et subtiliser l’argenterie.

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Sur la fin de sa vie, Conan Doyle, créateur de Sherlock Holmes, aurait tenu, malgré son âge, à grimper les étages du laboratoire d’Edmond Locard pour venir le visiter. Ce dernier parlait de lui comme d’un maitre affectionné, car tous deux ont eu la même passion : résoudre les énigmes criminelles en employant toutes les ressources de l’esprit scientifique. Edmond Locard assure que Conan Doyle aurait reconnu Jules-Joseph Bonnot, le célèbre anarchiste français, en voyant une photo anthropométrique, s’exclamant alors «  Mais c’est jules, mon ancien chauffeur ! »

Il existe une autre version de cette histoire: un jour qu’Edmond Locard faisait visiter son musée du crime à l’un des amis d’Arthur Conan Doyle, celui-ci tomba en arrêt devant l’une des photos de la collection, s’écriant : “Mais je connais cet homme.” Il était le chauffeur de Sir Arthur en 1911 !

Retro-presse

 

Le Journal 1922-10-16 – Gallica

Le Journal. 1922-06-05 – Gallica

 

A la question : existe-t-il des crimes parfaits…sans cadavre ? Et est-il difficile pour un meurtrier de faire disparaitre entièrement le corps de sa victime ? Edmond Locard indiqua les réponses suivantes : « … La présence d’un cadavre est toujours une source d’embêtement, à plus forte raison de quelqu’un que l’on a tué. Voici donc une excellente recette mais très difficile à réaliser : On ne peut faire vraiment disparaitre un cadavre qu’en le plongeant dans un liquide qui se compose par moitié d’acide chlorhydrique et d’acide azotique. Le corps lui-même disparait en trois heures, les cheveux en vingt-quatre heures, les dentes en quarante-huit heures. Cela parait simple, mais pour cette opération il faut avoir un récipient en verre et puis, après, ne pas vider dans les tuyaux, ils seraient volatilisés. C’est donc impossible dans une maison. Alors se rendre dans une forêt, trouver un rocher creux ayant la forme d’une baignoire ! Comme vous voyez ce n’est pas pratique, même si c’est bien fait. Il y a aussi la combustion. Pas mauvais, mais il faut un excellent travailleur comme Landru qui était intelligent, consciencieux et pas dégouté […] »

Les sources utilisées pour cet article:

  La fabuleuse histoire d’Edmond Locard, flic de province
Un célèbre criminologiste : le docteur E. Locard
Edmond Locard, le Sherlock Holmes français

 

 

 

 

 

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