Lyon : le 7e arrondissement se penche sur son histoire

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La loi du 8 mars 1912 entérine la création du 7e arrondissement de Lyon. Jusqu'en juin 2012, l'arrondissement met les petits plats dans les grands pour célébrer ses cent ans : carnaval, exposition, conférences, fresque du centenaire, parcours découverte, grande fête du centenaire le 23 juin... Historiens et chercheurs se sont penchés sur la question, donnant lieu à la publication d'un livre consacré à l'histoire du 7e arrondissement et à la tenue d'un colloque le 10 mai 2012 (dont les actes feront l'objet d'une publication). Et il y en a des choses à dire ! Car avant d'être un arrondissement lyonnais (lui-même détaché du 3e arrondissement), l'endroit fut d'abord un bourg, celui de la Guillotière, qui émergea progressivement sur la rive droite du Rhône suite à la création d'un pont sur le Rhône.

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Sommaire

A la conquête de la Rive gauche

- Aux origines, le fleuve Rhône
- La Guillotière, un lieu de passage
- Le refuge des exclus

XIXe siècle, l’ère des changements

- La révolution industrielle s’empare de la rive gauche
- Développement urbain
- L’apparition d’un nouveau quartier : Gerland au tournant du siècle

Le 7e arrondissement, carrefour des peuples

- Une population aux origines diverses
- Figures de l’entraide

La Guillotière devient lyonnaise, chronique d’une annexion

- Des relations conflictuelles avec Lyon
- L’annexion d’un lieu de contestation sociale et politique
- La création du 7e arrondissement en 1912
- Une mairie pour l’arrondissement
- Le 7e célèbre son centenaire

Lectures

2A la conquête de la Rive gauche2

[actu]Aux origines, le fleuve Rhône[actu]

La mainmise du fleuve sur la rive gauche du Rhône explique son peuplement tardif. Avant son endiguement, le Rhône circule assez librement dans la plaine alluviale (délimitée à l’est par une terrasse située aux environs de l’église Saint-Louis) au gré de ses variations de débit. C’est la domestication progressive du fleuve qui permet aux hommes de peupler peu à peu la rive gauche du Rhône. Malgré la mise en place successive de plusieurs digues de terre, ce n’est qu’après les deux grandes crues dévastatrices de 1840 et 1856 que l’on sut mettre la rive gauche à l’abri des inondations en construisant une digue insubmersible de Villeurbanne au parc de la Tête d’or, et en surélevant les quais et une partie des rues de la Guillotière.

Pour en savoir plus :
[actu]@[actu] L’endiguement du Rhône et de la Saône : les quais de Lyon et leur efficacité contre les inondations, H. Villien, Les Études rhodaniennes, 1937 (consultable en ligne sur Persée)
Les Inondations du Rhône à Lyon, article de Jean Pelletier dans Eaux de Rhône Méditerranée Corse ; No 56, 1998
Les Inondations de Lyon : sinistres et images, article de Gilles Chomer dans les Cahiers d’histoire ; No 3-4, 1990, p. 321-332
Le Rhône et ses crues, 1997
Lyon au fil du fleuve, exposition, 1982
Un siècle de crues du Rhône : regard d’un collectionneur, visuels de la collection Jacques Aliaga, 2009
[actu]@[actu] voir aussi La Machecroute, le monstre du fleuve Rhône caché sous le pont de la Guillotière

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inondations de 1856, avenue de Saxe
(BML)
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inondations de 1956, rive gauche
(BML)

Difficilement franchissable, le Rhône fait en outre office de frontière naturelle. Il marque la limite avec le territoire des Allobroges, la rive gauche dépendant de la province romaine de Narbonnaise tandis que Lugdunum est capitale de la Lyonnaise. Le bourg de la Guillotière dépend longtemps du Dauphiné, ce qui ne manque pas de créer des conflits avec sa voisine lyonnaise.

[actu]La Guillotière, un lieu de passage[actu]

Le franchissement du Rhône joue un rôle capital dans le développement de la Guillotière. C’est en effet la construction du pont sur le Rhône qui donne naissance au bourg lors du moyen-âge.

Si l’on suppose l’existence d’un ancien pont romain sur le passage de la voie romaine du “compendium” (passage approximatif vers la rue de l’Université), le premier pont attesté est le pont en bois qui s’écroule en 1190 sous le poids des croisés de Philippe Auguste et de Richard Cœur de Lion. Il était probablement situé en aval du pont actuel, à hauteur de la tour de Béchevelin (croisement de la rue de Marseille et de la rue de l’Université). La construction d’un pont en pierre prend plusieurs centaines d’années, l’ouvrage étant régulièrement amputé par les crues. Le passage devient permanent vers 1390 (une partie était alors en bois) mais le pont ne sera achevé que vers 1570. Il sera remplacé par l’actuel pont de la Guillotière en 1954.

Le pont de la Guillotière : franchir le Rhône à Lyon : approche interdisciplinaire, Documents d’archéologie en Rhône-Alpes ; n°5, 1991
Histoire du pont de la Guillotière et recherches sur les principaux faits qui s’y sont passés jusqu’à nos jours, reproduction en fac-similé de l’ouvrage d’Emile Perret édité en 1862.
[actu]@[actu] Pont de la Guillotière (Lyon) – XIIème siècle->Historique de l’ancien pont de la Guillotière sur la Base d’ouvrages en service ou construits au XIXème siècle en France, illustré par de nombreuses gravures
Ponts et quais de Lyon, Jean Pelletier, 2002
[actu]@[actu] La saga des ponts de Lyon, site web consacré aux ponts lyonnais

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extrait du plan scenographique de Lyon
(BML)
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Ancien pont de la Guillotiere
(fonds Sylvestre – BML)

Le débouché du pont devient le lieu de passage incontournable entre Lyon et la Savoie et l’Italie. Des constructions s’implantent autour de la Grande rue de la Guillotière qui se scinde en deux à hauteur de la place de la Croix (place Stalingrad) en direction de l’Italie et Crémieu, ainsi que dans l’axe de l’actuelle rue de la Madeleine en direction de Vénissieux et Vienne. Dès le XVe siècle, c’est un véritable bourg qui se développe autour de l’activité de roulage (transport des marchandises). De grandes hostelleries (Hôtel du Lyon d’Or, du Chapeau Rouge, de la Couronne…) accueillent les voyageurs, et les activités liés aux chevaux sont incontournables : écuries, bourreliers, marchands de foins, maréchaux-ferrants… C’est d’ailleurs à la Guillotière dans le logis de l’Abondance que nait en 1762 la toute première école vétérinaire, d’abord orientée vers le soin des équidés. La Grande rue de la Guillotière reste le lieu incontournable de commerce et de passage jusqu’à la mise en place de grands axes de circulation concurrents comme le cours des Brosses (cours Gambetta) ou l’avenue de Saxe.

[actu]@[actu] La grande rue de la Guillotière. Etude géographique d’une voie lyonnaise, un article de Denise Martin paru en 1950 dans la Revue de géographie (article consultable en ligne)

[actu]Le refuge des exclus[actu]

C’est aussi à la Guillotière que l’on héberge le vagabond malvenu dans les rues lyonnaises et que l’on soigne le va nu pieds refusé à l’Hôtel-Dieu. L’hôtel des Passants existe probablement dès le XIIIe siècle pour accueillir les voyageurs sans le sou et les malades. L’Hôpital des passants est ensuite sous la responsabilité de l’Hôtel-Dieu. Une maladrerie accueille les Lépreux du côté de la Madeleine. Tout à côté à partir de 1696 on y enterre aussi les pauvres décédés à l’Hôtel-Dieu dont personne n’a réclamé le corps. Le “cimetière de la Madeleine” (aujourd’hui disparu, il était situé approximativement à l’emplacement du CROUS) ferme en 1864, il est transféré au “nouveau” cimetière de la Guillotière qui devient à son tour le “cimetière des pauvres”. Celui qu’on appelle l’ancien cimetière de la Guillotière (à ne pas confondre avec le précédent) ouvre ses portes en 1822 à proximité du fort Lamothe tandis que le nouveau cimetière est construit en 1855 au lieu-dit Combe Blanche.

[actu]@[actu] L’Hôpital des passants dans les Dossiers électroniques de l’inventaire (Service Régional de l’Inventaire du Patrimoine Culturel), notice illustrée de plans et de photographies
L’hôpital des passants à Lyon, Dr Jules Drivon, 1905
La léproserie de la Madeleine, maladrerie de la Guillotière, Jules Drivon, 1906
Ancien cimetière des hospices de Lyon dit cimetière de la Madeleine, 1695-1866, Dr Joseph Birot
Le cimetière dans la ville : La Guillotière à Lyon au XIXe siècle, article d’Anne-Sophie Beau paru dans le Bulletin – Centre Pierre Léon d’histoire économique et sociale ; No 1-2, 1996, p. 7-24

Hormis le bourg de la Guillotière, le reste de la rive gauche reste champêtre jusqu’au 19e siècle. Le long du Rhône, les îles bordées par les lones sont inondées à chaque crue. Une grande partie du territoire du 7ème est constitué de prairies de fauche ou consacrés à l’élevage des moutons et des bovins, ainsi qu’à la culture de céréales. Les cultures maraîchères apparaissent plus tardivement, à la fin du 18e siècle, alors qu’elles disparaissent progressivement du territoire lyonnais.
Ce paysage agreste fait de la rive gauche un lieu de promenade privilégié pour les Lyonnais qui viennent y profiter le dimanche de l’air pur et des auberges. Quelques propriétaires fortunés y installent leur domaine.

Cet état de fait se maintient jusqu’au début du 19e siècle où la révolution industrielle s’empare de la rive gauche du Rhône et provoque un accroissement massif de l’occupation des sols et de la population. Un autre fait marquant est l’annexion de la commune de la Guillotière à la Ville de Lyon, donnant ainsi naissance au 3e arrondissement en 1852.

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transport de marchandises quai augagneur
(BML)

2XIXe siècle, l’ère des changements2

[actu]La révolution industrielle s’empare de la rive gauche[actu]

Les activités traditionnelles de la Guillotière axées sur le trafic des voyageurs et des marchandises persistent au début du 19e siècle avant d’être progressivement concurrencées par le développement de nouveaux moyens de transport (voie ferrée, navigation à vapeur) et d’activités industrielles. Un important chantier de construction navale est implanté dans l’île de Béchevelin et utilise la lone de la Vitriolerie comme gare. C’est dans le quartier de la Mouche (Gerland) que les fameux “bateaux-mouche” sont fabriqués.
L’activité industrielle se développe, d’abord sous la forme de petites unités artisanales. Les secteurs traditionnels comme le textile (vers la Thibaudière) et le bâtiment sont très présents. Le port au bois se situe en aval du pont de la Guillotière, on trouve à proximité des menuisiers, des charpentiers. A proximité des lones se sont installé des verriers, tailleurs de pierre et de cristaux. Les industries polluantes s’installent sur la rive gauche du Rhône, comme la vitriolerie. A la fin du 19e siècle la taille des entreprises augmente et de nouveaux secteurs industriels apparaissent, mais le visage de la Guillotière change peu. C’est surtout le secteur de Gerland qui subira l’assaut de la seconde révolution industrielle.

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La Guillotière : aménagements projetés en 1845
(BML)

[actu]Développement urbain[actu]

Tout comme l’industrie, la population de la rive gauche connait un formidable accroissement au cours du 19e siècle : la Guillotière compte 5972 habitants en 1805, 65378 en 1856 !
L’habitat progresse d’abord autour de la Grande rue de la Guillotière et, plus au nord, du côté des Brotteaux au niveau du pont et de la place Morand. Entre les deux persistent encore les vastes champs du domaine de la Part-Dieu (avant que les casernes de la Part-Dieu ne s’y installent vers 1860).
La différenciation sociale est déjà bien marquée entre ces deux territoires, peuplés au nord par des rentiers, des retraités et au sud par une population ouvrière, industrieuse. Au sud, le futur quartier de Gerland ne compte encore que peu d’habitations, il est encore occupé par des champs et des terrains inondables. Son urbanisation commence plutôt à la fin du 19e siècle.

Avec le fort accroissement de la population ouvrière, la Guillotière fait l’objet d’une urbanisation un brin anarchique. Les ateliers et divers locaux se développent dans les arrières cours. Les grandes opérations d’urbanisation lancées sur la presqu’île par le préfet Vaïsse entrainent l’arrivée d’un afflux de pauvres qui cherchent à se loger sur la rive gauche, dans des conditions très précaires. La Guillotière connait la multiplication d’un bâti de piètre qualité ; les bâtisses en pisé, assez courantes, seront interdites après la crue de 1856, au vu des dégats causés par l’eau. Des immeubles bourgeois apparaissent cependant avec le percement des grandes artères comme le Cours des Brosses (Gambetta), l’avenue Jean Jaurès et l’endiguement des quais, qui accueillent vers 1880 les premiers bâtiments dédiés aux universités lyonnaises. Au milieu du 19e siècle, deux obstacles freinent cependant le développement du territoire au sud de la Grande rue de la Guillotière : la ligne de forts et les voies ferrées

Les forts de la rive gauche
Vers 1830, le général Fleury décide de faire construire une série de forts détachés formant une ceinture défensive autour de la ville. Cela se traduit par la création d’un demi-cercle de neuf forts reliés par des canaux et des remparts, qui enserrent la Guillotière : Au sud, le fort de la Vitriolerie en bordure du Rhône rejoint le fort du Colombier (à l’emplacement de la place Jean-Macé), relié à l’est au fort La Motte. Au nord, le fort de la Tête d’Or ferme l’ensemble. A peine terminée, la ceinture fortifiée est rendue obsolète par l’emploi de nouveaux canons à plus grande portée. Le déclassement des fortifications de la rive gauche et la démolition du fort du Colombier (achevée en 1897) permettront le développement du futur quartier Jean Macé.

La voie ferrée
En avril 1855, la voie ferrée en provenance de Marseille et de Valence, bientôt suivie par celle de Lyon à Genève coupe eu deux le territoire de la Guillotière, traçant une frontière qui matérialise encore aujourd’hui la différenciation des quartiers Jean-Macé/Guillotière au Nord, Gerland au Sud. Le terminus se situe provisoirement en gare de la Guillotière, avant l’achèvement des ponts ferroviaires sur la Saône et le Rhône. On crée aussi à la Guillotière une gare de marchandises.

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Plan de la Ville de Lyon et de ses environs – 1863
(BML)

[actu]L’apparition d’un nouveau quartier : Gerland au tournant du siècle [actu]

Si le secteur de la Guillotière (tel qu’on l’entend aujourd’hui) est bien établi dès le 19e siècle, le quartier de Gerland connait un développement plus tardif. L’équipement du quartier se fait par à-coups. Aux petites industries de type artisanal présentes dès la fin du 19e siècle, s’ajoute au début du 20e siècle l’implantation de grandes industries chimiques et des abattoirs de Gerland. En 1914, le quartier de La Mouche accueille l’Exposition Universelle ! Mais enclavé derrière les voûtes des voies ferrées, subissant les industries polluantes et pestinancielles (industries chimiques, abbatoirs, boyauteries, stockage des déchets…), abritant une population pauvre, logée parfois dans des bidonvilles qui perdurèrent jusqu’aux années soixante, le quartier de Gerland souffre lui aussi d’une piètre réputation. Le développement d’équipements sportifs comme le stade de Gerland, le palais des sports, puis du port Edouard Herriot en 1957 donnent une nouvelle dynamique au quartier. La disparition des grandes industries dans la seconde moitié du 20e siècle sera compensée par le développement d’un véritable technopôle alliant nouvelles industries et recherche pharmaceutique, tandis des opérations de renouvellement urbain d’une belle envergure font disparaître les dernières friches industrielles.

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expo internationale 1914 à Gerland
(BML)
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Construction du port Edouard Herriot [1935]
(BML)

Pour visualiser l’urbanisation progressive de Lyon et de sa rive gauche :
Forma urbis : les plans généraux de Lyon XVIe-XXe siècle, consultable en ligne
Plans de Lyon de Charles Delfante, 2009

Voir aussi :
Un quartier du XIXe siècle : Moncey-Paul Bert, article de Pascale Vidonne paru dans les Travaux de l’institut d’histoire de l’art de Lyon ; No 15, 1992
Le quartier Saint Louis de la Guillotière au XIXe siècle, Vincent Feroldi, in : Construire la ville, 1983

Quelques chiffres sur le 7e arrondissement aujourd’hui :
Le 7e arrondissement : chiffres clé sur le site de l’INSEE
Les territoires de l’économie lyonnaise : le 7e, OPALE, 2009

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Plan général du bourg de la Guillotière en 1710
(Forma urbis – AML)

2Le 7e arrondissement, carrefour des peuples2

[actu]Une population aux origines diverses[actu]

Le développement de l’activité artisanale et industrielle sur la rive gauche du Rhône passe par l’apport d’une importante main d’œuvre en provenance de multiples horizons, qui a donné sa dimension cosmopolite au quartier. Les premiers sont des Italiens du Nord, des Suisses et des ressortissants de provinces germaniques, qui suivent une logique de migration saisonnière : ce sont souvent des paysans venus travailler quelques mois en ville et logeant dans des garnis. Les filières migratoires sont extrêmement délimitées : les plâtriers viennent d’une vallée du Piémont, les tanneurs d’une autre vallée… Ces migrants sont porteurs d’un savoir-faire, parfois absent du milieu lyonnais. Ces travailleurs se sédentarisent progressivement et s’installent à leur compte, ouvrent des commerces ou des entreprises. Les ressortissants italiens sont nombreux : près de 9000 en 1890, ils sont plus de 12000 en 1911. Certaines familles italiennes se spécialisent dans l’encadrement et l’édition d’estampes, développant à la Guillotière une vraie petite industrie de l’image populaire, active entre 1825 et 1897.

D’autres flux migratoires se mettent en place au début du 20e siècle : Algériens, Kabyles, Marocains… les arrivants en provenance des territoires coloniaux et des lieux de conflits trouvent sur la rive gauche un lieu d’ancrage. A la fin des trente glorieuses, on compte dans la population du 7e arrondissement 10% d’étrangers, dont 40% d’Italiens et 30% de maghrébins.

Au nord de l’arrondissement, l’immigration déjà ancienne s’accroit et mêle plusieurs nationalités. Au sud, Gerland fait appel à une nombreuse main-d’œuvre faiblement qualifiée, des manœuvres en particulier, d’origine italienne puis algérienne et même chinoise pendant la Grande Guerre. Souvent “parqués” à l’écart des populations françaises, ces hommes subissent les conséquences d’une pénurie de logements due à la très faible urbanisation du secteur. Ils occupent des baraques militaires vers le chemin Debourg. Dans les années 30, des bidonvilles se développent autour des rues Debourg et Félizat. Ils sont détruits dans les années 50.

Au fil des décennies, les origines des nouveaux migrants se diversifient : Turquie, Asie du Sud-Est dans les années 1970, Afrique, Pays de l’Est… Si l’afflux migratoire est en baisse, la diversité des origines et la persistance de commerces à leur image font que le 7e arrondissement reste un centre important de rassemblement pour les populations immigrées, notamment au travers d’un lieu symbolique comme la “place du Pont” (de son nom officiel, la place Gabriel Péri).

Lyon, place du Pont : la place des hommes debout, Azouz Begag, 2011
Une étude historique et sociologique du quartier de la place du Pont
Réseaux sociaux et stratégies d’implantation commerciales des Marocains autour de la place du Pont à Lyon, A. Belbahri, et Le secteur pluri-ethnique Moncey ou la “médina” lyonnaise, par André Vant dans la Revue de géographie de Lyon, n°64, 1989 (consultable en ligne sur Persée)
[actu]@[actu] La formation de la population lyonnaise : l’apport italien (seconde moitié du XIXe siècle, début du XXe siècle), Abel Chatelain, Revue de géographie de Lyon, 1952, Volume 27 (consultable en ligne sur Persée)
Les Courants migratoires italiens vers la Guillotière dans la première moitié du XXe siècle, article de Stéphanie Condon paru dans le Bulletin – Centre Pierre Léon d’histoire économique et socialeno 1, 1992
L’imagerie de la Guillotière (1825-1897) : catalogue publié à l’occasion de l’exposition “Au bonheur des images”, Musée de l’Imprimerie, Lyon, 24 mars-26 juin 2011, Jean-Paul Laroche

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Place du Pont
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Place du Pont nord-est
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Autre caractéristique de la population du 7e arrondissement : comme tous les faubourgs et quartiers populaires, le 7e a dû faire face à la misère. Autrefois refuge et lieu de soin des pauvres et des indigents, frappé par les grandes vagues de pauvreté du 19e et du 20e siècle, l’arrondissement est aussi un terreau pour l’épanouissement de la générosité humaine.

[actu]Faire face à la misère : figures de l’entraide[actu]

Le territoire populaire du 7e arrondissement a vu naître des engagements forts d’hommes et de femmes touchés par la misère qui touchait cette population industrieuse. Voici le rappel de quelques figures du catholicisme social qui y ont ancré leur action, et dont les héritiers continuent à œuvrer aujourd’hui auprès des plus démunis.

Une des plus emblématiques est celle du père Antoine Chevrier (1826-1879), fondateur de l’œuvre du Prado. A l’origine, il s’agit d’une “Oeuvre de la première communion” qu’il installe dans une ancienne salle de bal de la rue Dumoulin. Mais en plus du catéchisme, les enfants recueillis au Prado bénéficient d’un enseignement scolaire. L’œuvre du Prado a perduré jusqu’à aujourd’hui par le biais d’une fondation et d’associations dont le but est de s’occuper d’enfants, de jeunes gens et d’adultes en difficulté.
[actu]@[actu] Une histoire du Prado, présentation sur le site web du Prado
L’oeuvre d’éducation du Prado : entre histoire et paroles (1860-2010) : 150 ans d’action en faveur de l’enfance et de l’adolescence en danger, Ambroise Charleroy, 2010
Petite vie du père Chevrier, Richard Holtenbach, 2010
Antoine Chevrier : passionné de Jésus-Christ, ami des pauvres : fondateur du Prado, 1826-1879, Jacques Lancelot, 2009

Dans les années 30, Marie-Louise Bayle, fondatrice des demoiselles apostoliques de Marie Immaculée (1926) ouvre un dispensaire rue de Gerland afin de soigner les habitants des bidonvilles. C’est grâce à l’album photographique tenu par les sœurs qu’on a aujourd’hui un témoignage visuel incroyable de l’existence de ce bidonville et de ses habitants. Ces photographies ont donné lieu à une exposition et à la publication d’un ouvrage :
Baraques : l’album photographique du dispensaire La Mouche-Gerland, 1929-1936
[actu]@[actu] Présentation de l’exposition

En 1950, Gabriel Rosset fonde à partir d’un café l’oeuvre Notre Dame des sans-abris. Frappé par la mortalité des hommes qui dorment dans la rue, sans famille ni abri, il leur distribue des couvertures avant de créer un premier centre d’hébergement. Le Foyer Notre-Dame des sans-abris est toujours actif dans le quartier de la Guillotière autour de ses locaux de la rue Gryphe.
[actu]@[actu] Le Foyer Notre-Dame des Sans-Abri fête ses 60 ans !, Point d’actu publié en 2011 (voir les références bibliographiques incluses)

L’abbé Boisard et l’oeuvre des ateliers d’apprentissage de la Guillotière, Jean-François Saffange, 2007
Portrait d’un homme de foi qui, dans les années 1880, ouvre dans le quartier de la Guillotière une dizaine d’ateliers d’apprentissage à destination des élèves qui, parvenus à l’âge de 12 ans, allaient chercher du travail à l’usine ou chez un artisan. L’ouvrage retrace son action et le contenu d’une formation centrée sur l’homme tout autant que sur l’ouvrier.

Le 7e arrondissement compte également le siège de plusieurs associations humanitaires, comme Handicap international ou Agir ensemble pour les droits de l’homme. L’association Habitat et humanisme y est également présente.

Dans le domaine de l’éducation populaire, la MJC de Gerland créée en 1945 compta parmi les précurseurs sous la direction d’ Armand Buisson.

2La Guillotière devient lyonnaise, chronique d’une annexion2

[actu] Des relations conflictuelles avec Lyon[actu]

L’annexion de la Guillotière à la Ville de Lyon par le décret du 24 mars 1852 n’est que la concrétisation de tentatives répétées de mainmise de la grande ville sur son faubourg.
Rappelons que la Guillotière était en terre Dauphinoise. Ses frontières avaient été définies par Louis Tindo, conseiller de Louis XVI, en août 1479, dans le but de placer le mandement de Béchevelin sous la juridiction des archevêques de Lyon. La Guillotière couvre alors la rive gauche du Rhône jusqu’aux limites de Villeurbanne. En 1701, un arrêt du Conseil d’Etat statue que la Guillotière est un faubourg de Lyon et l’incorpore au Lyonnais, au grand dam des habitants.
Lors de la Révolution française, ces derniers rédigent des cahiers de doléances séparés de Lyon et y expriment leur désir de réintégrer le Dauphiné. La Guillotière est cependant bel et bien rattachée à Lyon en février 1791. Ce qui n’empêcha pas la Guillotière de prendre position contre Lyon lors du siège de 1793, où les troupes de la Convention posent des batteries de canon au bord du Rhône près du pont de la Guillotière, tandis que le clocher de l’église de Picpus (à l’emplacement de l’actuelle église Saint-Louis) sert de poste d’observation pour guider les artilleurs. La Guillotière essuie en échange un tir de près de 1500 boulets de canons de la part des assiegés. La convention décide de rendre l’indépendance à la commune de la Guillotière et de la rattacher à l’Isère. Dès 1795 cependant, la Guillotière redevient un faubourg de Lyon mais reste une commune indépendante jusqu’à son annexion en 1852.

[actu]L’annexion d’un lieu de contestation sociale et politique[actu]

La guillotière est un lieu réputé dangereux en particulier lors des insurrections ouvrières (La Guillotière solidaire de la Croix-Rousse) ou encore des élections. Les émeutes y sont fréquentes et le pouvoir central souhaite assurer l’ordre à Lyon et dans ses faubourgs. Le 24 mars 1852, un décret de Louis-Napoléon réunit d’autorité à Lyon les communes de la Guillotière, la Croix-Rousse et de Vaise tout en divisant la ville en cinq arrondissements. C’est une mise à terre du pouvoir municipal au bénéfice du préfet qui voit ses pouvoirs administratifs et de police étendus. Cela n’empêchera cependant pas la Guillotière d’être encore un lieu de contestation politique, notamment lors de l’épisode de la Commune de Lyon (la Guillotière entre en insurrection le 30 avril 1781).

Quand et pourquoi la commune de la Guillotière a été rattachée à Lyon ? Voir la réponse du Guichet du savoir
24 mars 1852 : Création des cinq premiers arrondissements de Lyon sur ExploraLyon
- 118 ans d’errements administratifs pour la Guillotière, article d’Henri Cogoluenhes paru dans Rive gauche ; No 159, décembre 2001 (p. 3-7)
L’annexion de la Guillotière paru dans Rive gauche ; No 160, mars 2002 (p. 3-6)
La Belle histoire de la Guillotière des origines à 1789,articles d’Henri Cogoluenhes parus dans la revue de la Société des amis de Lyon et de Guignol entre 1999 et 2000
Quand Lyon rugit : les colères de Lyon du XIIe au XXe siècle

[actu]La création du 7e arrondissement en 1912[actu]

Avec l’accroissement de la population se pose la question de la création d’un 7e arrondissement. Si le détachement du 6e arrondissement en 1867 comprend des motivations identitaires (quartier plus bourgeois que le reste de l’arrondissement), il n’en est pas de même entre le 3e et le 7e où la population ne diffère pas véritablement. Vu l’étendue de l’arrondissement, la création d’une nouvelle mairie répond à une nécessité de proximité : rapprocher les administrés des services municipaux permet de mieux répondre à leurs besoins mais aussi de s’assurer de la bonne réalisation des décisions administratives. On peut aussi y voir un rééquilibrage des forces politiques. Victor Augagneur s’oppose à ce projet souhaité par l’opposition. C’est finalement Edouard Herriot, maire radical, qui prend cette décision. La loi du 8 mars 1912 entérine la création du 7e arrondissement

[actu]Une mairie pour l’arrondissement[actu]

Jusqu’alors le troisième arrondissement n’avait jamais bénéficié d’une mairie digne de ce nom. Après un passage dans le clocher de l’église Saint-Louis, la mairie de la Guillotière avait élu domicile à l’angle de la place du Pont et de la Grande rue de la Guillotière, au premier étage de la maison Charbonnier (immeuble occupé actuellement par le Mac Do). La mairie du 3e y était restée après l’annexion. Plusieurs projets de nouveau bâtiment était restés sans suite.
La place Jean-Macé, projetée dès les années 1880, est réalisée en 1903-1904. Edouard Herriot décide dès 1910 d’y implanter une nouvelle mairie, avant même la création du 7e arrondissement. Le bâtiment conçu par l’architecte Charles Meysson est ainsi occupé par les premiers services municipaux dès le 1er mai 1912 et les bureaux sont ouverts au public à compter du 26 octobre 1912. Une partie des peintures murales est réalisée par le peintre lyonnais Pierre Combet-Descombes.

La naissance et l’évolution d’un espace urbain : la place Jean Macé (7e) et son environnement, article de Raymond Curtet dans Cahiers de Rhône 89, No 20, 1998, p. 69-95, suivi de La décoration picturale de la salle des mariages de la mairie du 7e arrondissement de Lyon par Pierre Combet-Descombes, par Sophie Rolland

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mairie du 7e arrondissement en 1912
(Fonds Sylvestre – BML)
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Tirage au sort des conscrits devant la mairie de la Guillotière
(BML)

[actu]Le 7e célèbre son centenaire[actu]
Cent ans plus tard, le 7e met les petits plats dans les grands pour célébrer sa naissance. Le Programme des festivités se trouve sur le site web du 7e arrondissement. Les prochaines dates à retenir :
- 31 mai 2012 : fin du jeu-parcours découverte (liste des questions disponible à l ‘adresse ci-dessus
- 1er juin 2012 : Inauguration de la Fresque du Centenaire
- 23 juin 2012 : grande fête du Centenaire au Parc de Gerland
- mi-juin 2012 : l’exposition sur l’histoire de l’arrondissement créée par les archives municipales est présentée en mairie du 7e

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Depuis sa création, le 7e arrondissement n’a cessé d’évoluer. Son histoire est riche et contrastée, si bien que de nombreux thèmes n’ont pas été abordés dans ce dossier. Pour aller plus loin, voici quelques lectures incontournables :

Lyon : de la Guillotière à Gerland : le 7e arrondissement 1912-2012, parution le 30 mai 2012. Bientôt à la bibliothèque !
Présentation de l’ouvrage.

Centenaire du 7e arrondissement : actes du colloque du 10 mai 2012, en attente de parution.

Connaître son arrondissement : le 7e, Jean Pelletier, 1997

La Guillotière en Dauphiné, Louis Dufier, 2004

Notice historique et topographique sur la ville de la Guillotière : projet d’embellissement par Christophe Crépet, 1845

Gerland sur les traces de son passé, Cécile Mathias et des habitants de Gerland, 2010

Gerland que j’aime : la vie du quartier : 1803-1983, Emile Vasquez

En ligne : Architecture et patrimoine du 7e arrondissement de Lyon
Parcours virtuel sur l’histoire de l’architecture et de l’urbanisme à Lyon, réalisé par le Service de l’Inventaire Général du Patrimoine Culturel de Rhône-Alpes

Mais aussi, en complément des documents déjà cités au fil du dossier :

Histoire des églises de la Guillotière sur le site paroissial
Les Paroisses de La Guillotière : la paroisse Saint-André et son église, René Janin, 1989

La Guillotière, des mondes de musiques, un CD + un DVD
Cette promenade musicale dans le quartier de la Guillotière est un écho de sa diversité culturelle.

Témoignages :
La Guille c’est notre quartier : souvenirs des “ex pin-up” de la Guille, propos recueillis et mis en forme par Emmanuel Dos Santos Monteiro ; [publ. par] Bibliothèque municipale de Lyon, Bibliothèque du 7e arrondissement Jean Macé ; Foyer Soleil Dansard
J’suis de la Guille : un gone à la Guillotière, Paul Grillot, 1997
A la Guille on parle : la friterie Marti, Isabelle Macherez, 2006
Attaches [D.V.D] réal. de François Ralle-Andréoli, Eli Commins, Joseph Confavreux…[et al.]
Avec la fermeture des usines les plus importantes de la région, le quartier ouvrier de Gerland (Lyon, 7e) change de visage… interview d’anciens ouvriers de l’usine Mure, témoignant ainsi de leur attachement au quartier dont ils restent les vieux habitants…

Un patrimoine de verdure et de pierre au cœur de Lyon : le parc Blandan, Point d’actu publié en 2008

Un délaissé urbain à la Guillotière : logiques croisées de
l’aménagement
, 2002 : ilôt rue Jango/rue Gryphe
- L’îlot d’amaranthes, Emmanuel Louisgrand, Galerie Tator, 2008

La Revue Rive gauche, une mine inépuisable de renseignements sur les quartiers de la rive gauche de Lyon. Les tables de la revue sont consultables à la bibliothèque de la Part-Dieu (4e étage). Par exemple :
L’Eclairage public à la Guillotière de l’époque révolutionnaire à l’annexion, Anne-Marie Wiederkehr dans Rive gauche ; No 115, déc.1990
Au stade municipal de Gerland, article de Henri Cogoluenhes paru dans Rive Gauche ; No 144, 1998, p. 3-7 ; No 145, 1998, p. 8-12

Contribution à l’étude de l’imagerie lyonnaise de la Guillotière : Les estampes légères ou galantes de la collection Louis Dunand, Gabriel Magnien, Bulletin de la société “Le Vieux Papier”, juillet 1956

La Guillotière : origine du nom. Voir

Quand et pourquoi la commune de la Guillotière a été rattachée à Lyon ? Voir

Place du Pont. Voir

Fosse aux ours. Voir, et aussi

Vitriolerie de la Mouche. Voir

Lyon – histoire du pont de la Guillotière. Voir

La Machecroute. Voir

Centenaire du 7e, institut de chimie, hospice de vieillards… Voir

Tour Béchevelin. Voir

La Rize. Voir, et aussi

Cristallerie installée à la Guillotière au milieu du XIXe siècle. Voir

Maison des compagnons dite du Pèlerin. Voir

Implantation de l’école vétérinaire à la guillotière. Voir

Rue des Trois rois. Voir

Tour oxygène et mairie du 7e. Voir

Voute rue Saint-Michel. Voir

Berges du Rhône à Lyon. Voir

Général Frère à Gerland et fort de la Vitriolerie. Voir

Cimetière à la Guillotière et crématorium : Voir

Hôpital de l’Antiquaille et de l’Hôtel-Dieu : où sont enterrés les malades indigents ? Voir

Avaleur de grenouilles à la fosse aux ours. Voir

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