Le Musée de la Mine de Saint-Étienne fête ses 20 ans !

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Le 4 décembre 2011, le Musée de la Mine de Saint-Étienne fête ses 20 ans d’existence. A travers cet anniversaire, c’est toute une région qui célèbre la mémoire d’un passé industriel et économique florissant basé sur l’exploitation des mines de charbon. Un passé présent dans les mémoires comme encore parfois dans le paysage. Un héritage que le Musée de la Mine s’attache à préserver et à transmettre alors que le dernier boulet de charbon est remonté de la mine en 1983.



Sommaire

1. Du stéphanien à la fermeture définitive : historique du bassin houiller stéphanois

2. Quelques héritages du passé minier stéphanois

3. Le Musée de la Mine de Saint-Étienne : préserver et transmettre l’héritage

Pour en savoir plus …

21. Du stéphanien à la fermeture définitive : historique du bassin houiller stéphanois2
2La formation du charbon au Carbonifère2
Il y a environ 300 millions d’années, le territoire qui deviendra Saint-Étienne et ses environs est situé sous les tropiques au cœur du continent unique appelé la Pangée. Une forêt tropicale luxuriante apporte d’énormes quantités d’éléments organiques dans un lac intérieur.

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Extrait de carte géologique (Grüner 1856)
Le bassin houiller stéphanois en gris foncé.

Coll. Bibliothèque municipale Lyon

Les gisements de charbon du bassin houiller stéphanois sont le résultat de la lente décomposition de ces éléments organiques au cours du Carbonifère.
En 1893, l’étage stratigraphique du Carbonifère correspondant à la formation de la houille du bassin stéphanois est d’ailleurs nommé le stéphanien (-304 millons d’années / -299 millions d’années).
2L’exploitation du charbon avant 18202
Le bassin houiller stéphanois est l’un des plus anciennement connu en Europe, la plupart des couches affleurant la surface. L’exploitation du charbon est restée longtemps au stade de la cueillette à même le sol, gratté pour l’utiliser comme combustible de chauffage à la place du bois.

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Une mine stéphanoise au XVIIIe siècle
Lithographie

La première trace écrite d’une extraction dans la région remonte à 1278. Le charbon est utilisé dans les forges des cloutiers, couteliers et fabricants d’armes blanches et de mousquets.
2L’âge d’or (1820-1875)2
Si le développement de l’exploitation charbonnière s’est engagé au milieu du XVIIIe siècle ce sont la révolution industrielle et le développement de la machine à vapeur qui vont surtout utiliser la houille dès le début du XIXe siècle. C’est le combustible le plus avantageux énergétiquement, et la demande industrielle croit rapidement.

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Carte postale du Puits Châtelus
Coll. Bibliothèque municipale de Lyon

Ce n’est pas tant la qualité du charbon, inégale, qui va favoriser le bassin stéphanois mais d’autres facteurs :

- Au début du XIXe siècle, la région stéphanoise est le seul gisement charbonnier d’importance connu en France et certaines couches affleurent la surface,
- Saint-Étienne est situé dans une région stratégique, loin de toute frontière, relativement protégée en cas d’invasion,
- le bassin stéphanois est proche de deux fleuves, le Rhône et la Loire, les exportations du charbon s’en trouvent facilitées. En 1827 la première ligne de chemin de fer française est ouverte entre Saint-Étienne et Andrézieux afin d’acheminer le charbon à la Loire. Très rapidement, le réseau ferré se développe et relie Saint-Étienne à Roanne au nord et Lyon à l’est.

De 1820 à 1875 environ, la production de charbon stéphanois explose : 500 000 tonnes en 1824, 1 million en 1856 (44 % de la production française), 3,5 millions de tonnes en 1873.

Cet essor assure à Saint-Étienne un décollage économique foudroyant autour de quelques activités industrielles : la verrerie ; la sidérurgie et la métallurgie ; la fabrication d’armes lourdes. D’autres industries plus traditionnelles profitent du climat économique favorable : la fabrication d’armes légère, la passementerie.

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Carte postale du Puits du Treuil
Coll. Bibliothèque municipale de Lyon

Au milieu du XIXe siècle, la région stéphanoise est l’un des bassins industriels majeurs de la France de la Révolution industrielle.

Ce développement s’accompagne d’une croissance démographique impressionnante : 16 000 habitants en 1801, 56 000 en 1851, 76 000 en comptant la banlieue !

2Du repli à la fermeture définitive des mines (1875-1983)2
Le dernier quart du XIXe sièclemarque le début de la stagnation des mines de la région : la production annuelle plafonne entre 3 et 4 millions de tonnes. La place stéphanoise recule en pourcentage, notamment au profit des mines du nord de la France. Ce déclin perdure tout au long du XXe siècle sauf pendant les deux guerres mondiales. La place prépondérante du pétrole dans la production d’énergie, puis l’orientation de la France vers la production d’énergie électrique essentiellement nucléaire sonnent définitivement le glas du bassin houiller stéphanois, dont la production est presque exclusivement destinée aux centrales thermiques à charbon dans les années 1950. Le Puits Pigeot, dernière mine de la région stéphanoise, le, est fermé en 1983.

Environ 500 millions de tonnes de charbon auront été extraits du bassin stéphanois en six siècles.

22. Quelques héritages du passé minier stéphanois2
2Les crassiers2
A Saint-Étienne et plus généralement dans les mines du sud de la France, on appelle crassier une colline créée artificiellement par l’accumulation des déchets de la mine, à savoir les matériaux impropres à une bonne combustion. Ces éléments dits stériles (d’où le terme terrils employé aussi pour les mines du Nord-Pas-de-Calais) ont d’abord été utilisés dans la mine pour les travaux de remblaiement.

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Les crassiers Michon du Puits Couriot
photo : D. Villafruela.

Licence Crative Commons

Mais jugés dangereux car inflammables spontanément, ils ont été ensuite été évacués en tas gigantesques auprès des puits de mines, donnant cet aspect caractéristique au paysage minier de la région stéphanoise.
2Les cités minières et les jardins ouvriers2
Le bassin houiller de la Loire a vu fleurir des cités minières, d’abord aux alentours de Saint-Étienne (Firminy, Roche-la-Molière), puis plus tardivement dans la ville même qui offrait plus de possibilité de logement. Ces cités construites par les Compagnies étaient dévolues en priorité aux « ouvriers méritants ». Quelques bâtiments existent toujours, comme à la Cité Combe (La Ricamarie, Roche la Molière) ou la Cité Chavassieux (Saint-Étienne).
Ont heureusement disparu du paysage les « baraquements » (bidonvilles serait un terme plus approprié) dans lesquels étaient logés de manière extrêmement sommaire les travailleurs immigrés et coloniaux travaillant à la mine, jusque dans les années 1960.

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Les baraquements de Méons
© Léon Leponce, Archives Municipales de Saint-Étienne

Il reste des photographies comme celle ci-dessous des baraquement de Méons, extraite de la très belle exposition en ligne Mémoires d’exils de la Bibliothèque municipale de Lyon.

Autre élément du décor hérité des mines : les jardins ouvriers. Ces parcelles étaient concédées gratuitement par les compagnies minières aux mineurs, en priorité aux familles nombreuses. Les légumes cultivés dans une parcelle moyenne (400 m²) pouvaient représenter jusqu’à 1/5 des revenus.

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Jardins ouvriers
© Puits Couriot / Parc-Musée de la Mine de Saint-Etienne

Nés à Sedan, cette pratique est développée à grande échelle à Saint-Étienne qui compte jusqu’à 17 000 jardins en 1946. Il n’en reste que 3 700 en 2010 mais ils sont très prisés.

2L’école des Mines2

L’école des mineurs est crée à Saint-Étienne en 1816, place Marengo pour pallier la perte des écoles pratiques des mines de Geislautern et Pesey suite à la perte de la Sarre et de la Savoie après le traité de 1815. L’école s’affirme rapidement comme l’école de formation des directeurs des mines et houillères françaises et des ingénieurs de l’industrie métallurgique. Elle déménage en 1927 cours Fauriel et prend le titre officiel d’École de Mines. Aujourd’hui, l’École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne compte parmi les dix plus prestigieuses écoles de France avec plus de 1550 étudiants.

2Le souvenir de Michel Rondet (1841-1908)2
L’histoire retient des avancées sociales majeures en France lors du Front populaire de 1936 et des premiers gouvernements de la France libre dès 1945. Un certain nombre de ses avancées avaient déjà été obtenues, parfois arrachées, dès la fin du XIXe siècle par les ouvriers des Compagnies minières stéphanoises.
Un personnage illustre bien cette lutte : Michel Rondet (1841-1908). Ce mineur de La Ricamarie (banlieue stéphanoise) combat pour l’amélioration de la condition des mineurs. Il participe en 1866 à l’administration de la Fraternelle, une société de prévoyance des mineurs et s’oppose aux Compagnies des mines, ce qui lui vaut son renvoi des mines en 1868. Il est à l’origine de la loi de 1894 instituant les caisses de secours et de retraites cogérées par les Compagnies et les mineurs, de la loi de 1897 sur la représentation syndicale et sur la sécurité et l’assistance aux blessés et malades.
Bien que décrié par une partie de la base ouvrière (il « fréquente trop les salons de la Préfecture »), il est enterré en grande pompe à Saint-Etienne le 23 septembre 1908. Il possède sa statue à la Ricamarie et la rue reliant l’Hôtel de Ville au Musée de la Mine de Saint-Étienne porte son nom. Il est post-mortem aux premières loges pour le défilé annuel de la Sainte-Barbe (cf. ci-dessous).

2La Sainte-Barbe2
Si la mine n’est plus présente économiquement à Saint-Étienne, il reste la tradition de la Sainte-Barbe le 4 décembre. Sainte-Barbe est la patronne des mineurs (et des pompiers).Ce jour était traditionnellement férié et chômé pour les mineurs stéphanois. C’était le jour du défilé de la statue de la sainte dans les rues, portée par quatre mineurs. Puis après les discours officiels et les remises de décorations, la fête se prolongeait par un grand repas et des bals dans les café et guinguettes.

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Défilé de la Sainte-Barbe 2010
© Ville de Saint-Étienne

Aujourd’hui, le défilé de la Sainte-Barbe perdure dans les villes minières de Saint-Étienne et Roche-la-Molière notamment. A Saint-Étienne, la statue est portée de l’Hôtel de Ville au Musée de la Mine du Puits Couriot en empruntant la rue Michel Rondet. L’arrivée de Sainte-Barbe au Musée de la Mine est saluée par un feu d’artifice et différentes animations.

23. Le Musée de la Mine de Saint-Étienne : préserver et transmettre l’héritage2

2Le site historique du puits Couriot2
Le Musée de la Mine de Saint-Étienne est installé sur le site désaffecté et réaménagé du Puits Couriot, une mine aux portes de la ville. L’emplacement est exploité depuis plusieurs siècles quand en 1893, la Société des Mines de la Loire rachète le site qui présente l’avantage d’être au bord d’une voie ferrée préexistante, d’une gare (gare du Clapier), et au cœur d’une zone industrielle vouée essentiellement à la métallurgie. Deux puits peu profonds existent déjà (Chatelus I et II) mais ils ont été abandonnés suite à une explosion de grisou en 1887 ayant fait 79 victimes. La Société des Mines fonce un nouveau puits (foncer est le terme technique pour le creusement d’un puits. Foncer = creuser verticalement), qui entrera en service en 1919.
Couriot sera le principal puits du bassin de sa naissance aux années quarante. Il va traverser la grande crise des années 1930, la Seconde Guerre mondiale et la reconstruction, l’extraordinaire mutation des techniques de production au XXe siècle et la reconversion accompagnant l’usage du charbon, jusqu’à sa fermeture définitive en 1973. Une mémoire industrielle et minière inscrite dans les bâtiments, machineries conservées, les crassiers Michon tout proche. Couriot est choisi comme témoin du passé minier stéphanois et les bâtiments directement liés à l’extraction du charbon sont conservés pour abriter le Musée de la Mine de Saint-Étienne.

2Le Musée de la Mine de Saint-Étienne2
Le projet est lancé en 1982 et le Musée est inauguré en 1991, le 4 décembre … jour de la Sainte-Barbe, évidemment !

Comme nous pouvons le voir sur le plan ci-dessous, de nombreuses structures ont été conservées en l’état depuis la fermeture de Couriot.

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Plan PuitsCouriot et Musée actuel
© Puits Couriot / Parc-Musée de la Mine de Saint-Etienne

Faisons un rapide tour du propriétaire, juste pour vous inviter à venir découvrir sur place ce très beau Musée de la Mine. Avant même d’entrer dans la cour du Musée, une structure haute saute aux yeux, le chevalement datant de 1913, emblème très photogénique du site.

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Musée de la Mine
Chevalement du Puits Couriot.

Photo : A. Forest

Cette tour de métal était destinée à supporter le poids des cages descendant et remontant dans le puits jusqu’à la profondeur maximale de – 727 mètres. Autour de la partie basse du chevalement est construit le bâtiment de la recette du jour : c’est là que se croisaient sans cesse les hommes, les bennes pleines remontant, les bennes vides descendant, le matériel pour le travail du fond…

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Musée de la Mine
Salle des pendus

Photo : A.Forest

En arrivant, le portail d’entrée conservé rappelle la fonction première de l’actuel Musée de la Mine : l’extraction du charbon pour le compte des Houillères du Bassin de la Loire.

Après avoir visité quelques locaux de surface comme les douches (terme officiel : lavabos), la salle des pendus, la lampisterie et l’impressionnante salle d’énergie, le visiteur chausse le casque de mineur obligatoire (casques pour enfants prévus) et arrive à la recette du jour.

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Musée de la Mine
La salle d’énergie

Photo : KidA42-Licence Creative Commons

Là tout le monde embarque dans un ascenseur. Les parois défilent quelques minutes à grande vitesse et la porte s’ouvre sur une galerie de mine à 600 mètres de profondeur… selon un certain guide facétieux.

Ici, commence la partie sans doute la plus impressionnante et instructive de la visite du Musée de la Mine…

… A découvrir sur place ! Bonne visite !

Musée de la Mine de Saint-Étienne
3 bvd Franchet d’Esperey
42000 Saint-Étienne
Réservation : 04.77.43.83.23

2Pour en savoir plus2

Association des amis du Musée de la Mine. Couriot, histoire d’un site. Saint-Étienne : Musée de la Mine, 1996.

Vincent Charbonnier. Mines et mineurs à Saint-Etienne . Lyon : Le Progrès, 2009.

Claude Cherrier. Michel Rondet : biographie. Saint-Etienne : Action graphique : Musée de la Mine, 1993.

Louis Grüner. Carte géologique du département de la Loire. Paris : Imprimerie impériale, 1857.

Maxime Perrin. Saint-Étienne et sa région économique. Tours : Arrault et Cie, 1937.

Philippe Peyre. Couriot, l’album. Saint-Étienne : Musée de la Mine, 2002.

Jérôme Sagnard, Joseph Berthet. Mémoires de mineurs dans le bassin stéphanois. Saint-Cyr-sur-Loire : A. Sutton, 2004.

Brigitte Vautrin : les cités minières de Chavassieux à Saint-Étienne. Christine Morel Journel : quand les signes des temps miniers s’estompent à la Cité de Combes (Le Chambon-Feugerolles, La Ricamarie, Loire). In : Cités ouvrières en devenir : ethnographies d’anciennes enclaves industrielles. Saint-Etienne : Publications de l’Université de Saint-Etienne, 2009.

La Mine. In : Saint-Etienne : histoire & mémoire , n° 233, mars 2009.

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