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Jacques de Vaucanson

- temps de lecture approximatif de 9 minutes 9 min - Modifié le 05/05/2017 par Laurent D

Jacques de Vaucanson né le 24 février 1709 à Grenoble et mort le 21 novembre 1782 à Paris, est un inventeur et mécanicien français. Il a inventé plusieurs automates, et joua un rôle majeur dans l'industrie textile.

Portrait de Jacques de Vaucanson (1709-1782) par Joseph Boze 1745-1826
Portrait de Jacques de Vaucanson (1709-1782) par Joseph Boze 1745-1826

Une vie

Jacques Vaucanson né à Grenoble le 24 février 1709, dixième enfant d’une famille de gantiers.

Il n’a que sept ans quand son père meurt.

Enfant, Jacques accompagne souvent sa mère chez son confesseur où il passe de longue heure à sonder le mécanisme d’une horloge dont le tic-tac le fascine. Après bien des tâtonnements il réussit à en construire une en bois qui fonctionne avec assez de régularité. Le jeune prodige démonte et répare également les montres pour la plus grande joie de leurs possesseurs.

En 1725, influencé par sa mère, il embrasse le noviciat auprès des Minimes de Lyon. Malgré l’austérité de la règle, on lui permet d’installer un atelier où il peut se livrer à ses travaux favoris.

1727, il prononce ses vœux, renonce à la vie mondaine mais pas pour autant à sa passion de la mécanique. A l’occasion de la visite d’un haut dignitaire de l’ordre venu inspecter la maison de Lyon, Jacques à l’idée saugrenue de fabriquer de petits automates qui serviront les plats offerts en son honneur. « Il se peut que le « téléphérique » improvisé ait eu l’impudence d’arroser de sauce l’habit monacal du digne inspecteur », toujours est-il que l’inspecteur n’apprécie guère cette mécanique du diable et ordonne la destruction de l’atelier du jeune Vaucanson.

Désespéré, Jacques tombe malade et réussit peu de temps après à se faire relever de ses vœux.

A 19 ans et sans le sou, jacques doit se réadapter à la vie séculière. Il obtient une bourse d’un riche seigneur après lui avoir dévoilé son ambition de créer une machine reproduisant les fonctions naturelles de l’homme.

En 1728 il entreprend un voyage à Paris où il poursuit des études de mécanique de physique et d’anatomie. Il aspire bientôt à appliquer à la mécanique l’art de l’anatomie et de la chirurgie.

Jacques est envoyé en Normandie par son cousin, de 23 ans son ainé, qui espère le détourner de son goût pour les machines. C’est à Rouen cependant que Vaucanson rencontre le chirurgien Le Cat  avec lequel il éprouve une affinité immédiate. Ce dernier lui laisse entrevoir la possibilité de construire, avec son aide, des modèles anatomiques reproduisant la circulation du sang, la respiration, la digestion.

Sa première réalisation datant de 1731 serait « une machine de physique dans laquelle sont imitées les fonctions naturelles de plusieurs animaux par le mouvement du feu, de l’air et de l’eau ».

1732, ses économies consumées, Vaucanson veut tirer profit de son invention. Il sillonne les provinces de l’ouest en exhibant sa machine. De partout son invention remporte un vif succès. Un nouveau projet est rendu possible grâce au prêt d’argent qu’il reçoit d’un admirateur, Jean Colvé.

1733 Vaucanson s’installe à Paris les poches pleines et le cœur à l’ouvrage. En quête de protecteurs il use de ses quelques relations pour fréquenter le grand monde. Précédé par sa réputation d’ingénieur Vaucanson est reçu dans l’hôtel particulier du très fortuné Le Riche de la Pouplinière  où il fait la connaissance, entre autres, de Rameau, Diderot, Voltaire. Mais à trop fréquenter la vie mondaine Vaucanson néglige ses travaux. Il est rappelé à l’ordre par son « mécène » Jean Colvé.

Vaucanson se remet à l’ouvrage et s’affaire à la construction de son premier automate; le joueur de flûte traversière « Il s’agit d’un homme de grandeur naturelle habillé en sauvage qui joue onze airs sur la flûte traversière par les mêmes mouvements des lèvres et des doigts et le souffle de sa bouche comme l’homme vivant ». 

L’automate est exposé en 1738 et remporte un immense succès. Le tout Paris veut  voir ce « chef d’œuvre de l’esprit humain». En effet, on a le plaisir pendant plus d’un quart d’heure d’entendre l’androïde exécuter quatorze airs tous différents. L’imitation est si parfaite que certains y voient une mystification. Pour lever le doute Vaucanson demande l’agrément de l’Académie royale des Sciences.

 1738, le succès de l’automate musicien commence  à  décliner.  Prévoyant,  Vaucanson  présente deux nouveaux automates : le Joueur de tambourin et de galoubet. Celui-ci ressemble à un « homme de grandeur naturelle habillé en berger provençal qui joue vingt airs différents sur le flûtet de Provence, appelé galoubet, d’une main et du tambourin de l’autre avec toute la précision et perfection de même qu’un habile joueur ». Grâce à cet automate, Vaucanson tire des conclusions concernant la physiologie : « J’ai fait aussi des découvertes, dont on ne se serait jamais douté : aurait-on cru que cette petite flûte est un des instruments à vent qui fatigue le plus la poitrine des joueurs ? »

Mais le succès suprême revient à son canard digerateur « Un canard artificiel en cuivre doré qui boit, mange, cancane, barbotte dans l’eau et fait la digestion comme un canard vivant. ». C’est la consécration. Le fameux médecin et philosophe La Mettrie voit en Vaucanson un « nouveau Prométhée ». Selon son ami Voltaire l’oiseau mécanique qui mange, digère et défèque, contribue entre autres merveilles à « la gloire » de la France. Le roi Louis XV  en personne le tient en haute estime.

1740, Frédéric II de Prusse veut engager Vaucanson à son service. Pour le retenir en France Louis XV lui propose un poste d’inspecteur des manufactures de soie du royaume. Vaucasson accepte. Il s’installe à Lyon en 1741. Toutefois, l’idée d’une reproduction artificielle du vivant ne le quitte pas. Il présente à l’académie des Beaux-Arts de Lyon, le projet d’un nouvel automate qui imiterait la respiration et la circulation du sang, la digestion, le jeu des muscles, tendons, nerfs, etc.

Vaucanson doit cependant se consacrer exclusivement à sa nouvelle fonction et se recentre sur le secteur industriel en cours de développement.. Dans l’optique de se familiariser avec les techniques de l’industrie textile, il entreprend de nombreux voyages d’étude en France et en Italie.

1743, Vaucanson présente un long rapport intitulé:  Projet d’un nouvel établissement pour la fabrication de la soie en France. Il suggère la création de nouvelles machines, l’élaboration d’établissements modèles mais aussi une modification profonde des règlements existants, exigeant une plus grande sévérité concernant les normes de fabrication.

Approuvé et validé par le roi, le projet est cependant remis en cause en août 1744 lors de l’émeute  des ouvriers de Lyon qui accusent Vaucanson d’être responsable de la perte de leurs avantages.

Un certain Vaucanson (bis), Grand garçon, s’est fait graisser la patte, par les maîtres marchands, gare gare à la correction ,s’il tombe entre nos pattes […] (Chanson des canuts sur Vaucanson)

Vaucanson prend la fuite déguisé en moine. La répression contre les émeutiers est terrible.

Malgré cet échec, Vaucanson n’est pas décidé à tourner le dos à des années de travail et d’inventions .  Il veut consacrer à présent ses efforts au perfectionnement de ses machines. En 1745 il met au point le métier à tisser automatique.

1746, Vaucanson devient membre de l’Académie royale des sciences.

Août 1753,  il épouse Magdelène Rey sa concubine depuis 8 ans. Elle décède quelques mois plus tard après avoir donné naissance à une petite Angélique Victoire.

Vaucanson se console auprès de sa fille et par le travail. Les moulins à organiser les soies mobilisent à présent toute son attention. A l’académie des sciences il fait la rencontre de Daniel-Charles Trudaine, directeur du commerce et devient son principal conseiller pour le programme de l’industrie de la soie: “Ce que je regarde, comme l’objet principal de nos travaux, c’est d’entretenir des filatures et des moulinages et de perfectionner cet art en France […]”

Depuis des années Vaucanson  a pour projet d’établir une manufacture modèle qui lui permettrait de développer ses inventions. Ce projet se réalise en 1755 avec la construction à Aubenas (Ardèche) de la première manufacture royale. Vaucanson réside dans la petite bourgade jusqu’en 1756 pour surveiller l’édification de la fabrique. La manufacture est une réussite.

Vaucanson accepte d’autres projets, notamment à Montpelier, mais ces derniers rencontrent de nombreuses difficultés humaines et économiques qui conduisent à des échecs.

Désireux d’oublier ces déboires  Vaucanson tourne les yeux vers sa province natale. 1773, destination le Dauphiné où il doit  mettre en place de nouvelles manufactures, à Romans et à la Saône (Isère). De nouvelles difficultés d’ordre administrative et politique retardent la mise en œuvre du projet durant sept années.

1779 Vaucanson est un homme maintenant âgé, fatigué de toutes les discordes qui agitent  le monde des manufactures, de la recherche permanente de financement. Affaibli par une mauvaise chute à Grenoble, il rentre à Paris. Sa santé se détériore progressivement.

Vaucanson meurt le 21 novembre 1792. Un inventaire de tous les biens trouvés à son domicile est effectué, ce fonds donnera naissance au Conservatoire National des Arts et métiers.  “Un dépôt public de mes œuvres encouragerait ceux qui se sentent du goût pour l’invention des machines

 


Dans les collections de la bibliothèque

L’Age d’or des automates : 1848-1914
L’automate : modèle, métaphore, machine, merveille : actes du colloque international de Grenoble, 19-21 mars 2009, organisé dans le cadre du tricentenaire de la naissance de Jacques Vaucanson
Jacques Vaucanson  [catalogue d’exposition]
Jacques Vaucanson, mécanicien de génie
Je suis… Jacques Vaucanson
Le mécanisme du flûteur automate, présenté à messieurs de l’Académie royale des sciences, par M. Vaucanson
Les créatures artificielles : des automates aux mondes virtuels
L’homme fabriqué : récits de la création de l’homme par l’homme
•  Olivier de Serres et Jacques Vaucanson : deux acteurs majeurs de la filière soie
Vaucanson à Lyon, en 1744 : documents historiques pour servir à l’histoire de la ville de Lyon, au XVIIIe siècle
Vaucanson & l’homme artificiel : des automates aux robots
Vaucanson et Lyon [Article]

En PDF

Condorcet, Eloge de Vaucanson

En ligne sur Google Books

L’Homme machine… (Par La Mettrie)
Vaucanson à Lyon

Sur le web

Les trois automates et androïdes de Jacques de Vaucanson

 Carnet  pédagogique (Musée des Arts et Métiers)

Les carnets de Jacques Vaucanson

Anecdote

On rapporte que dans un des voyages qu’il fit à Lyon, il fut poursuivi à coups de pierres par les ouvriers en soie, parce qu’ils avaient oui dire qu’il cherchait à simplifier les métiers. Pour s’en venger, Vaucanson construisit une machine qui actionnée par un âne, s’avérait capable de confectionner les motifs à fleurs les plus complexes, ceux précisément qui faisaient toute la fierté des artisans lyonnais.: “Une machine avec laquelle un cheval, un bœuf ou un âne font des étoffes bien plus belles et plus parfaites  que les plus habiles ouvriers en soie...”. A la bêtise et à l’obscurantisme auraient ainsi répliqué l’esprit de finesse et la démonstration rationnelle.

On assure que la vue et l’étude approfondie d’une des machines de Vaucanson, déposée et oubliée au conservatoire des Arts, à Paris, ont beaucoup servi à notre illustre Jacquard pour découvrir le mécanisme admirable du métier qui porte son nom.


Où voir les machines de Vaucanson

Des inventions de Vaucanson ne subsiste qu’une grande partie de ses machines; les deux automates musiciens ont disparu au début du XIX e siècle, le canard est détruit lors de l’incendie du musée des Beaux-Arts de Nijni Novgorod en Russie.  Ces machines sont conservées et visibles au Musée des arts et métiers (Paris). Elles sont d’ailleurs à l’origine des collections du Musée.


Retro presse

De nombreux hommages furent rendus aux automates de Vaucanson. L’un des plus singuliers fut sans doute celui du dramaturge et librettiste Adolphe De Fleuvel avec la création d’un opéra comique; “L’Automate de Vaucanson”, inspiré du joueur à la flute traversière. Une description de cet opéra comique est à lire dans le journal “La Presse” du 8 septembre 1840, sous la plume de Gérard De Nerval.

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