Théâtre

Théâtre et diversité culturelle : c’est pas du jeu

- temps de lecture approximatif de 5 minutes 5 min - Modifié le 06/06/2020 par le fonctionnaire inconnu

Le 3 avril prochain, la médiathèque de Vaise recevra le metteur en scène et musicien Abdelwaheb Sefsaf, ainsi que Marjorie Glas et Gilbert Clavel, chercheurs en sciences humaines et sociales. Ensemble, ils tenteront de nous faire comprendre la place occupée par la culture dans la construction de notre identité ? Et comment on devient artiste quand on a grandi dans un milieu éloigné de la culture ? Ce qui nous amène ici à interroger plus largement la place de la diversité culturelle occupée actuellement sur les scènes artistiques.

© Émile Zeizig - mascarille.com
© Émile Zeizig - mascarille.com

Mais la diversité culturelle, c’est quoi ?

Parler de “diversité culturelle”, a priori, c’est éviter de parler de “blancs” et de “non-blancs” !?! Ca ressemble en tout cas à du politiquement correct. Bon, ce n’est pas que ça, mais si ça ressemble à du politiquement correct, c’est justement parce qu’il s’agit d’un enjeu politique, de niveau national, européen et même mondial.

Il existe ainsi depuis 2001 une Déclaration universelle sur la diversité culturelle rédigée par l’Unesco. Celle-ci insiste notamment sur le nécessaire respect des multiples cultures présentes dans le monde, devant permettre d’aboutir à un interculturalisme garant “de la cohésion sociale, de la vitalité de la société civile et de la paix”.

En France, la notion de diversité culturelle a longtemps signifié la seule diversité des formes culturelles. Elle a abouti à une reconnaissance plus forte de “sous-cultures” comme le rock ou la bande-dessinée aux côtés des cultures dominantes “classiques”. Mais, comme le fait remarquer Laurent Martin, ce qui a été moins reconnu, c’est la notion de diversité culturelle en tant que “diversité ethnoculturelle de la population française et promotion de ses minorités par le biais de la culture.” Les “blancs” et les “non-blancs” en somme…

Le manque de diversité au théâtre

La question de la place occupée par la diversité culturelle touche tous les domaines de la société. C’est un problème qui ne cesse d’être préoccupant dans le monde du travail par exemple. Tous les indicateurs pointent effectivement la difficulté accentuée ou non à trouver du travail selon ses origines.

En ce qui concerne la culture, la France promeut “l’intégration culturelle sans la reconnaissance des cultures spécifiques, et la mise en place de politiques de la diversité sans la reconnaissance des groupes” selon Angéline Escafré-Dublet.

Et d’après Laurent Martin, “de là découle une insuffisante prise en compte de la diversité ethnoculturelle par les politiques publiques de la culture et ce, à deux niveaux au moins : celui des publics et celui des professionnels.”

Cette problématique mobilise aujourd’hui particulièrement le monde du théâtre. Notamment parce qu’on attend du théâtre qu’il dise le monde, qu’il l’analyse et qu’il puisse le remettre en question…

La réponse des professionnels

Comédie de Saint-Etienne

Où sont les visages noirs, arabes, asiatiques dans nos théâtres ?” s’insurge Arnaud Meunier, directeur de la Comédie de Saint-Etienne.

Conscient que les métiers de la scène reproduisent les inégalités, le directeur de la Comédie de Saint-Etienne, Arnaud Meunier, mène depuis 2014 un projet concret : une classe préparatoire intégrée pour jeunes gens issus de la diversité culturelle, sociale et géographique. Ceci en vue de les préparer aux concours des douze écoles nationales supérieures d’art dramatique en France.

Cette initiative est soutenue par la Fondation Culture et diversité. A noter que celle-ci propose d’autres programmes d’accès aux grandes écoles de la culture, comme celle concernant les métiers techniques du spectacle vivant.

 Théâtre de la Colline

“Il faut se battre pour que la couleur de peau soit dramaturgiquement neutre”, dit Arnaud Meunier. « Quand on entend un black, on s’étonne qu’il n’ait pas l’accent africain… Quand on a un comédien “rebeu”, on lui refile les rôles de voyou » résume Stanislas Nordey, ancien directeur du Théâtre de la Colline . « Il faut en finir avec ces clichés et choisir un acteur pour son talent. » Voilà donc un autre problème que l’on rencontre en France, mais aux conséquences identiques quant au manque de diversité sur scène.

Au Théâtre de la Colline ont donc été initiés des ateliers pratiques d’acteur comprenant notamment des master class avec des comédiens reconnus. Il s’agit du projet Premier acte, destiné à des jeunes gens ayant subi de la discrimination pendant leurs parcours professionnels artistiques.

D’ailleurs, certains font remarquer que de nombreux artistes et techniciens “non blancs” sont déjà formés, mais que se pose la question du recrutement… Et que, du reste, “ce n’est pas seulement en faisant jouer des acteurs non-blancs que le racisme français dans la culture sera éradiqué.” (source)

Du côté du  public

Avant d’en arriver au désir d’être actrice ou acteur, “il faut éveiller les vocations” comme le souligne Jean Bellorini. “Seul le désir – qui doit être plus fort que tout – doit être le guide et le moteur.”

Et, s’il y a un manque de diversité sur scène, il y a aussi un manque de diversité du public dans les salles, premier lieu de la découverte du théâtre. Preuve de ce manque de diversité, et la plus symbolique qui soit, avec le festival d’Avignon. Car, quand on se pose la question de savoir si Avignon est encore un festival populaire ? c’est évidemment que la réponse est non…

De nombreuses salles de spectacle font cependant des efforts importants en direction de tous les publics. L’enseignement du théâtre à l’école, par la pratique du jeu, par la mise en place de comités de lecture ou d’autres initiatives, permet d’y intéresser la grande majorité des enfants scolarisés.

Gageons pour finir que le processus est lent, mais que les efforts consentis peuvent permettre d’espérer au final des changements très profonds, du monde du théâtre… et de la société.

Agenda

C’est bien de tout cela dont il sera question, mais de bien d’autres choses encore, le mardi 3 avril à 18h30 la médiathèque de Vaise, pour le deuxième rendez-vous de notre nouveau cycle Le Monde sur un plateau ayant pour thème Quel rôle joue la culture dans les trajectoires individuelles ?

 

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