Walker Evans à Beaubourg, du 26 avril au 14 août 2017

- temps de lecture approximatif de 3 minutes 3 min - par R.V.

Première rétrospective de Walker Evans proposée en France par une grande institution, cette exposition est l'occasion d'apprécier son œuvre entière par des documents originaux, avec la mise en évidence, sous le commissariat de Clément Chéroux, de la fascination du photographe pour la culture vernaculaire.

Walker-Evans-éd
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Walker Evans est surtout célèbre pour ses photos effectuées pour le compte de la FSA des fermiers américains touchés par la Grande Dépression. Parallèlement, il a réfléchi sur sa propre démarche de photographe qu’il a caractérisée sous l’appellation « Style documentaire » qui se base sur certains principes bien précis : clarté, netteté, frontalité, impersonnalité, travail en séries.

« C’est une question très importante. J’emploie en particulier le mot « style » car, à ce sujet, beaucoup de gens disent « photographie documentaire ». Mais, littéralement, une photographie documentaire est un rapport de police concernant un cadavre, un accident automobile ou quelque chose de ce genre. En revanche, le style distant et factuel, c’est une autre histoire. L’appliquer au monde qui nous entoure, c’est ce que je fais avec l’appareil photographique, ce que je veux voir faire avec l’appareil. »

Ainsi a-t-il continué et enrichi les travaux de prédécesseurs illustres de la photographie documentaire, courant majeur de l’histoire de la photographie, tels que Mathew Brady, Ernest J. Bellocq, Eugène AtgetLewis Hine ou August Sander. Le même chemin est emprunté de nos jours par des artistes tels que Bernd et Hilla Becher ou Charles Fréger.

Indépendamment de son apport décisif à la photographie documentaire, Walker Evans fut également précurseur dans le domaine de la photographie en séries reposant sur un protocole – entre 1938 et 1941, Walker Evans entreprend de réaliser de façon systématique des portraits de voyageurs dans le métro de New-York, son appareil posé sur les genoux, sans attendre une expression particulière -, dans la conception du livre photo moderne – son livre American Photographs publié en 1938 est une œuvre originale à part entière : succession organisée des photos disposées en pleine page, légendes et texte d’accompagnement rejetés à la fin, typographie originale de la couverture -, ainsi que dans son attention portée à la culture vernaculaire – collection des images et des objets, adoption des méthodes impersonnelles de prise de vue (photomaton, photos de famille, photo professionnelle, etc.).

L’exposition est organisée thématiquement, ce qui renforce la perception de la volonté particulière du photographe à traiter certains sujets ignorés jusqu’alors par le monde de l’art : devantures de magasins, enseignes publicitaires, signes typographiques, baraques commerciales le long des routes, anciennes demeures en bois, objets mis au rebut. Elle montre aussi comment Walker Evans s’est emparé des techniques photographiques professionnelles – photographie d’architecture, de cartes postales, de catalogue, de rue – et a utilisé un appareil photo amateur, le Polaroid,  pour servir ses projets artistiques. Elle dévoile enfin son activité de collectionneurs d’images et d’objets vernaculaires : cartes postales, tickets, images de presse, ephemera, plaques émaillées, etc. En tout, quelques trois cents photographies d’époque, ainsi qu’une centaine de documents et objets donnés à voir.

 

Pour aller plus loin :

Walker Evans : exposition, Paris, Centre national d’art et de culture Georges Pompidou, 27 avril-14 août 2017 et San Francisco, Museum of Modern Art, 23 septembre 2017-4 février 2018 / sous la direction de Clément Chéroux, 2017.
Catalogue de l’exposition.

Photographies américaines / Walker Evans, 2012.

Réédition la plus fidèle possible de l’édition originale de 1938 de American Photographs.

Le style documentaire : d’August Sander à Walker Evans : 1920-1945 / Olivier Lugon, 2001.

Étude historique du «  Style documentaire », tant aux Etats-Unis qu’en Allemagne, de 1920 à 1945, précisant le contexte institutionnel, esthétique et politique de la période. Ouvrage de référence.

Vernaculaires : essais d’histoire de la photographie / Clément Chéroux.

Analyse de la photographie vernaculaire, c’est-à-dire utilitaire, domestique, autre de l’art.

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