Et si on s’installait dans le Beaujolais Vert ?

- temps de lecture approximatif de 8 minutes 8 min - Modifié le 02/01/2019 par B. Yon

Non loin de la métropole de Lyon, niché entre le Mâconnais, le Lyonnais et le Roannais, constituant une partie des contreforts du Massif Central, se trouve le Beaujolais, que l’on connaît surtout pour ses vignobles. On connaît moins le Beaujolais Vert, dont les communes sont davantage tournées vers Roanne et la Loire que vers le val de Saône. Nous vous proposons un retour sur l’histoire qui a façonné cette région et un petit tour d’horizon des initiatives qui sont mises en œuvre pour rendre à nouveau ce territoire attractif.

Beaujolais
Beaujolais Photographe : Stéphane Occhipinti Source : Flickr

Le Beaujolais Vert, une histoire façonnée par ses paysages

Le Beaujolais offre une diversité de paysages rare, due à une géologie très riche, vieille de 500 millions d’années ponctuées par de grands mouvements tectoniques, formant les reliefs du territoire. La nature de ses sols est très variée d’un secteur à l’autre, façonnant ainsi une richesse des milieux naturels, des terroirs agricoles et du bâti traditionnel.

Si une partie du Beaujolais, à l’Est, a misé sur la production de vin, introduit par les romains dès le IIe siècle, l’activité agricole du Beaujolais Vert, à l’Ouest, se base essentiellement sur des activités d’élevage bovin, laitier ou allaitant, et de sylviculture de sapins de Douglas.

Mais à partir du XIXe siècle, ses paysages vont subir une importante mutation, due à deux facteurs : le passage de l’artisanat du textile à l’échelle industrielle à partir de 1850, et l’introduction de plantations de résineux à partir de 1860, soutenue par les institutions publiques.

Ces deux facteurs favorables vont engendrer une importante croissance économique et la construction de nombreuses usines et logements pour accompagner cette toute nouvelle démographie. Beaucoup de communes vont bénéficier de cette dynamique, comme Tarare, Thizy-les-Bourgs, Cours-la-Ville, Amplepuis, car elles sont installées sur la Vallée de la Turdine, de la Trambouze ou du Reins, et bénéficient d’une grande qualité d’eau de rivière, indispensable à l’industrie textile, et d’un relief moins accidenté qu’ailleurs. Des bourgs comme Grandris, Lamure-sur-Azergues ou Cublize vont également connaître un important développement économique.

Les patrons de ses industries vont commencer alors à s’installer dans ses bourgs, et le paysage urbain va en être modifié. Les quartiers industriels vont s’installer le long des cours d’eau, les métiers à tisser mécaniques ayant besoin de la force hydraulique, et les logements ouvriers, souvent précaires et accompagnés de jardins potagers, vont être construits à côté de l’usine. Les patrons, eux, vont faire construire de grandes maisons bourgeoises, des maisons de maîtres, entourées de grands parcs verdoyants, auquel vont souvent s’adjoindre un domaine agricole avec fermes et dépendances. La région va alors connaître une période faste, dont on peut voir les traces encore aujourd’hui .

À partir des années 1930, et ce jusque dans les années 60, l’activité textile décline progressivement. La qualité des produits proposés n’est plus à la hauteur des exigences de la clientèle nationale. Au début des années 60, elle donne encore du travail à deux tiers de la population locale. Les familles se partagent le travail entre usine et petites exploitations agricoles, qui arrivent ainsi à se maintenir quelques temps.

Mais l’arrivée de la modernisation de l’agriculture, le développement, au milieu des années 60, des marchés internationaux et la réduction brutale des exportations va porter un coup dur à ce modèle d’agriculture traditionnel.

De plus, la ligne de chemin de fer Lyon-Roanne, au tracé accidenté, va être délaissée au profit d’une ligne Saint-Étienne-Lyon-Tours, réduisant ainsi la fréquence des trains de marchandises et les communes du Beaujolais Vert vont ainsi se retrouver isolées, l’accès par les routes n’étant pas aisé non plus.

Les petites manufactures familiales vont avoir du mal à s’adapter face à l’arrivée de cette industrie modernisée. Tarare va réussir à se maintenir quelques temps grâce à la production plus luxueuse de soierie et à ses teintureries.

Le nombre de firmes décline en même temps qu’un exode rural massif se met en place. Les petites exploitations agricoles vont se spécialiser dans l’élevage bovin laitier, encouragé par la politique agricole commune d’après-guerre, et vont également remplacer les pâtures les moins productives, sur les hauteurs, par de la sylviculture du Douglas, conifère peu exigeant sur la nature des sols.

À partir des années 1970, et ce jusqu’à il y a peu, la région va souffrir du manque d’attractivité et de la paupérisation de ses populations.

 

Beaujolais vert…la renaissance 

Au début des années 2000, la spécificité de ce territoire est prise en compte par les acteurs du terrain, et en 2001 se créée l’Association Beaujolais Vert. Elle regroupe 120 structures, entreprises, collectivités et associations, qui souhaitent agir pour redonner au Beaujolais Vert son dynamisme et attirer les actifs.

Il semble que les orientations privilégiées se tournent vers l’écologie et la préservation du patrimoine, paysager et historique, puisqu’en 2015, Le Beaujolais Vert a été retenu comme territoire Leader par le Comité Régional de sélection, qui lui a confié une enveloppe de 1.6 millions d’euros, à attribuer aux projets qui contribuent à faire du Beaujolais Vert un « éco territoire » et à la mise en place d’un Plan Climat.

            

 

 

 

 

Des communes mobilisées pour faire revivre leur région

Les initiatives des communes pour revitaliser les centres-bourgs sont tournées, pour partie, vers la préservation du bâti industriel.

À Tarare, l’ancienne teinturerie a été réhabilitée en 2012, et elle accueille aujourd’hui le plus grand brasseur de la région, le Ninkasi, mais aussi un marché de producteurs locaux, « le Coin de la Ferme ».

Une ancienne usine textile a également été transformée en Halle aux marchés et en jardin :

« Le projet s’organise à partir d’une valorisation de la souche industrielle existante. Une partie de cet ensemble est déconstruit. La partie la plus ancienne est conservée, notamment le socle et les charpentes des ateliers qui sont réutilisés au sein d’un jardin public. Le jardin prend la place des anciens métiers à tisser. Posé à 3 mètres du sol sur le socle conservé, il s‘expose à la ville comme un élément singulier. D’anciennes cuves enterrées sont recyclées et ouvertes en bassins (alimentés par la récupération des eaux pluviales de l’ensemble de l’opération puis utilisés pour l’arrosage du jardin). Une halle des marchés est construite en neuf à la place de la partie démolie (à la fois la plus récente et la plus dégradée). Nous avons choisi de faire écho au passé industriel du lieu en dessinant une structure sérielle qui évoque les sheds des anciens halls. Les versants nord sont transparents et les faces sud sont opaques. Les plaques transparentes, associées au graphisme de treillis bois de la charpente, produisent un jeu d’ombres qui caractérise l’ambiance du lieu. »

source : http://tectoniques.com/fr/projets/15_marche-couvert-tarare

 

 

À Thizy-les-Bourgs, qui fait partie des 54 communes choisies sur le plan national pour le projet du ministère du logement de revitalisation des centres-bourgs, la commune s’engage dans les 10 prochaines années à mener des projets visant à valoriser les centres-bourgs en créant un cadre de vie et de travail qualitatif et durable.

L’habitat vétuste et insalubre va être rénové et des travaux de mise aux normes énergétiques seront effectués, les espaces publics vont être transformés afin de permettre un meilleur partage des voies entre automobilistes et piétons, les commerces et les services seront aidés pour se maintenir et le patrimoine et l’environnement vont être mis en valeur.

Des habitants tout autant mobilisés

L’exemple de la friche Danjoux, à Thizy-les-Bourg, est intéressant, car il mêle volonté de la commune mais aussi volonté citoyenne. Ce projet envisage  la reconversion d’une friche industrielle en un parc urbain de la biodiversité. Les objectifs sont de mettre  en  valeur  le  patrimoine  industriel  de  la  commune  par  la  reconversion  de  cette  ancienne teinturerie et offrir aux habitants un espace de rencontre et de loisirs pédagogique.

Parallèlement, à l’entrée de cette friche se trouve les anciennes « maisons de maîtres » et le parc qui les entoure, qui contient des essences d’arbres remarquables (notamment un séquoia géant). L’ancien propriétaire de l’usine a revendu cette partie du domaine a un promoteur immobilier, qui voulait raser l’intégralité afin d’y bâtir un espace commercial. L’architecte de la commune s’est opposé à ce projet, et le promoteur immobilier a finalement découpé le lieu en plusieurs lots, qu’il a fait viabiliser et qu’il revend à la parcelle.

Pierre, habitant de Lyon, recherchait avec son amie un lieu où créer des résidences d’artistes. Séduit par le site, pour son caractère historique et industriel, ils ont jeté leur dévolu sur l’une des maisons de maître de ce parc. Il faut aussi remarquer que le prix de l’immobilier dans cette région est encore très attractif pour qui veut bâtir un projet. Depuis ce printemps, ils ont ouvert un lieu atypique, l’ »Astrolabe », sorte de résidence d’artistes expérimentale, mêlant projets culturels et permaculture. L’idée était d’offrir un lieu à l’écart de l’agitation de la vie citadine, où les artistes pourraient se consacrer pleinement à la création, sans être perturbés par les pollutions atmosphériques, visuelles, auditives, qu’engendrent les grandes métropoles. Pour Pierre, ses petites villes doivent investir pour se rendre attractives, mais l’enjeu est de ne pas dégrader le cadre, car c’est ce que vont rechercher de plus en plus les personnes cherchant à s’installer à la campagne. Avec les évolutions des modes de travail, et notamment le développement du télétravail, croissant, les actifs n’auront plus comme objectif premier d’être proche de leur lieu de travail, celui-ci sera dématérialisé. La prise de conscience collective de la nécessité du développement durable mène les actifs à rechercher avant tout un cadre de vie agréable et sain, tout en souhaitant retrouver une offre culturelle de qualité. En ce sens, l’Astrolabe trouve toute sa place à Thizy-les-Bourgs. Les artistes pourront se consacrer à leur travail en toute quiétude, et en échange de ce lieu de vie qui leur est prêté, ils pourront proposer leur création au public (expos, concerts, théâtre, etc.).

 

 

https://www.facebook.com/maisonastrolabe/

 

À Lamure-sur-Azergues, un groupe de neuf personnes, natifs du coin pour la plupart, mais aussi nouveaux arrivants, se mobilise pour faire revivre un bâtiment anciennement consacré à des activités artisanales. L’idée est d’en faire un lieu de vie pour les habitants et les voyageurs. Le Quartier Métisseur propose un lieu de partage, basé essentiellement sur la culture et la sociabilité, avec des concerts, des expositions, des ateliers ouverts à tous. Il peut aussi accueillir des projets professionnels, un espace de co-working, pour créer de l’activité.

Il est intéressant de noter ici que l’on ne conçoit pas forcément le télétravail comme activité solitaire, enfermé dans son salon, et ne rencontrant personne. Le Quartier Métisseur a compris la nécessité de créer des espaces de co-working afin de proposer aux nouveaux arrivants un lieu où travailler, bien sûr, mais aussi un lieu où on peut échanger et rencontrer d’autres personnes, ne pas s’isoler si on ne le souhaite pas, car c’est ce qui peut effrayer dans le projet de s’installer à la campagne.

À Grandris, c’est à la Librairie Compagnon, chez Gregory Compagnon, que l’on peut aller écouter des concerts. C’est en 2012, sur le site de l’ancienne usine Debize, usine de tissage et de confection, que Grégory Compagnon a ouvert sa librairie, composée de quelques 20 000 ouvrages d’occasion et de milliers de vinyles. Il en a fait un lieu de rencontre, de partage, en proposant des concerts, des lectures, des expos, ou simplement un lieu où on va prendre un café. Le respect de ce patrimoine industriel, témoin de l’histoire de ce village, était important pour lui, et il a tenu à conserver son aspect ancien, laissant même apparaître quelques graffitis laissés par les ouvriers à l’époque.

Dans ses différents exemples de reconversion du patrimoine bâtit, on voit comment les habitants eux-mêmes s’emparent de ce projet de revitalisation des centres-bourgs. Mais à la différence des communes, qui ont plus de contraintes économiques, les associations et autres structures sont vraiment tournés vers une attractivité toujours respectueuse de l’environnement, naturel et bâti, et vers des propositions culturelles alternatives.

Depuis quelques années, un site, Beaujolais Vert Votre Avenir, se propose de faciliter l’installation dans le Beaujolais Vert, en accompagnant les personnes et les familles, en proposant des locaux et des commerces à reprendre, en recherchant des financements pour l’aide à l’installation, et en mettant en avant tous les bons plans qu’offre cette magnifique région.

Alors ? On s’installe quand ?

 

Bibliographie :

Carnet de Territoire : Le Beaujolais

Vagabondage Bio entre Rhône et Loire

Tarare

Sources :

Beaujolaisvert.com

Pays Beaujolais.com

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One thought on “Et si on s’installait dans le Beaujolais Vert ?”

  1. bonjour,

    votre article est très intéressant mais la photo d’ouverture l’illustrant est-elle bien prise dans le haut Beaujolais ?

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