Grenelle de l'environnement : 40 ans après, une nouvelle révolution ?…
Publié le 01/02/2008 à 00:00
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14 min -
Modifié le 30/09/2022
par
Admin linflux
Au lendemain des élections présidentielles de mai 2007, le nouveau chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy, annonce, entre autres, la tenue d’un Grenelle de l’environnement pour le second semestre 2007. D’emblée, l’écologie et son corollaire, le développement durable, s’annoncent comme l’une des priorités gouvernementales. Aussitôt dit, aussitôt fait. Sous la houlette de Jean-Louis Borloo, ministre de l’Ecologie, du développement et de l’aménagement durable et de Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie, le Grenelle de l’environnement s’ouvre dès juillet 2007 et se déroule en quatre étapes : ateliers de travail, consultations du public, tables rondes et enfin projet de rédaction d’une loi d’orientation pour l’environnement.
« Mettre en mouvement toute la société », voici l’une des finalités du Grenelle, dont le grand mérite est de réunir pour la première fois l’Etat, les collectivités territoriales, les partenaires sociaux et les ONG.
Véritable débat multipartite et démocratique ou simple effet d’annonce d’un gouvernement fraîchement en place ? L’emploi même de l’expression « Grenelle », hautement symbolique, a été perçue par certains comme une tentative de récupération politique de la part d’un gouvernement ayant multiplié les promesses et les offensives tous azimuts. A voir donc…

Sommaire :
I. les ateliers de travail : 15 juillet/fin septembre
II. les consultations : fin septembre/mi-octobre
III. les tables rondes : du 24 octobre au 26 octobre au matin
IV. Le Grenelle de l’environnement : points d’achoppement et limites
Conclusion
I. les ateliers de travail : 15 juillet/fin septembre
Dès la mi-juillet, les ateliers de travail, réunis en six groupes thématiques, démarrent et se poursuivent jusqu’à la fin septembre.
Ces six groupes, répartis en cinq collèges (Etat, collectivités territoriales, ONG, employeurs et salariés) sont présidés par des personnalités indépendantes qualifiées, à la compétence reconnue de tous.
Les six thématiques de travail sont les suivantes :
- Lutter contre les changements climatiques
- Préserver et gérer la biodiversité
- Instaurer un environnement respectueux de la santé
- Adopter des modes de consommations et de développement durables
- Construire une démocratie écologique
- Promouvoir des modes de développement écologiques favorables au développement et à la compétitivité
Cinquante réunions ont lieu en un mois et demi et si à la surprise générale, un consensus émerge globalement, certains dossiers restent sensibles, comme celui des OGM, qui fait d’ailleurs l’objet d’un atelier intergroupe à lui seul, de même que le dossier « déchets ».
Une première série de pistes très concrètes se dessine à l’issue de ces ateliers de travail, avec pour objectif de « refroidir » la planète : rouler propre et moins vite, construire des logements autosuffisants en énergie avant 2020, donner la priorité au ferroutage en mettant les camions sur des trains, taxer le transport aérien etc.
Pour en savoir plus :
site web officiel du Grenelle

Quelques documents choisis :
Une vérité qui dérange, le DVD, d’Al GORE (Paramount pictures)
Une vérité qui dérange, le livre, d’Al GORE, aux
(éditions de la Martinière)
Candidat et adversaire malheureux de Georges W. Bush à l’élection présidentielle de 2000, Al Gore a été colauréat, avec le GIEC du prix Nobel de la paix 2007 pour « ses efforts afin de mettre en place et (de) diffuser une meilleure compréhension du changement climatique causé par l’homme, et de jeter les bases des mesures nécessaires pour contrecarrer un tel changement ».
Ces deux documents présentent l’engagement d’Al Gore pour persuader ses concitoyens de l’urgente nécessité de lutter contre le réchauffement de la planète ainsi que des commentaires sur les grandes questions climatologiques actuelles.
Ville et environnement, sous la direction d’Elizabeth ORIER-APPRILL, aux éditions Sedes.
Ce livre explique comment on peut faire des villes le lieu du développement durable, sans pour autant faire obstacle au développement écnomique.
Energie et climat, , de Michel DESTOT, chez Plon.
L’actuel maire de Grenoble ne se contente pas de dresser un bilan inquiétant de l’impact de la consommation des énergies fossiles polluantes sur l’environnement mais propose également quelques pistes, même si la voie est étroite, afin d’éviter la catastrophe humaine et écologique qui s’annonce.

II. les consultations : fin septembre/mi-octobre
Les synthèses de chaque groupe, rendues publiques fin septembre et marquant la fin de la première étape, ont été immédiatement suivies par les consultations du public via Internet et par des réunions en régions. En tout et pour tout, 14 000 contributions en ligne et 19 villes lieux de réunion.
L’intégralité des différents rapports, contributions et bilans de ces consultations nationales est disponible sur le site officiel du Grenelle de l’environnement.
III. les tables rondes : du 24 octobre au 26 octobre au matin
Présidées par le président de la République himself, en présence d’Al Gore et de Wangari Maathaï, tous deux prix Nobel de la paix, ces tables rondes ont représenté l’aboutissement de quatre mois de travail et ont débouché sur la formulation de propositions, considérées comme des priorités :
lutter contre les changements climatiques, en agissant sur : le bâtiment et villes, l’énergie, les transports et l’urbanisme ;
préserver et gérer la biodiversité, en développant l’agriculture biologique, en veillant à la qualité écologique des eaux et en mettant en place un programme OGM (instauration d’une haute autorité des biotechnologies, loi sur ces biotechnologies, suspension de la commercialisation des OGM jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi, renforcement de la recherche etc.) ;
Préserver la santé et l’environnement en cohérence avec le développement économique
instaurer une démocratie écologique
Voici pêle-mêle quelques mesures annoncées à l’issue de stables rondes : création d’une « écotaxe » ou taxe climat-énergie, développement du ferroutage, création du « écopastille » sous forme de bonus-malus pour les voitures, programme massif de rénovation thermique dans le domaine de l’habitat, promotion de l’écoconstruction etc.
Le rapport et les conclusions des tables rondes des 24, 25 et 26 octobre 2007
Un dossier clair et didactique du Grenelle de l’environnement, de sa phase initiale à son ultime étape, sur le site de la vie publique et réalisé par la Documentation française, mis à jour régulièrement.

En complément, quelques documents sur les quatre thématiques déclarées prioritaires à l’issue des tables rondes :
Bâtiments HQE et développement durable : guide pour les décideurs et les maîtres d’ouvrage
, de Jean HETZEL, édité par l’AFNOR.
Comment concilier les impératifs écologiques et économiques, sachant que la finalité de la démarche Haute Qualité Environnementale (HQE) est de faire construire écologique, économique et confortable.
Agriculture et biodiversité : un partenariat à valoriser, , de Julie BERTRAND, édité par l’Office national de la Chasse et de la Faune Sauvage
Cet ouvrage vise à éclairer la problématique agriculture-biodiversité et donne des pistes de travail. Il recense les actions possibles à réaliser (aménagements spatiaux, usages, pratiques agricoles…) et se veut une aide à la décision.
Agriculture et santé
, de Guillaume MORICOURT, aux éditions Dangles.
Cet ouvrage présente, en s’appuyant sur des études comparatives des pratiques agricoles, les risques d’une agriculture intensive sur la santé et les avantages à opter pour une agriculture biologique raisonnée.
Le développement durable : approches plurielles , sous la direction d’Yvette VEYRET, chez Hatier.
Ce livre propose des définitions du développement durable selon les disciplines économique, géographique, juridique, des sciences de la terre et de la vie, physique et politique. Ces analyses sont complétées par une étude de la mise en application du développement durable (agriculture, ville, santé) dans les pays riches et à Madagascar.
Du développement à la décroissance
, par Jean-Pierre TERTRAIS, édité par le monde libertaire.
L’auteur dénonce le capitalisme qui, en s’appuyant sur le mythe du développement illimité, menace les ressources naturelles. Il démontre que la décroissance est la seule réponse à la situation actuelle et qu’elle nécessite une rupture avec le système capitaliste. Cette rupture doit passer par un changement de civilisation mettant l’économie au service du politique et du social.
IV. Le Grenelle de l’environnement : points d’achoppement et limites
Malgré des conclusions très médiatisées et un bilan considéré comme positif, un certain nombre de sujets de contentieux demeurent, et pas des moindres.
D’aucuns dénoncent en effet le fait que le dossier, pourtant lourd et crucial du nucléaire, ait été d’emblée écarté des débats du Grenelle, actant ainsi le « préalable pronucléaire » imposé par le président de la République.
Un autre sujet de discorde demeure le dossier des organismes génétiquement modifiés (OGM). L’examen du projet de loi sur les OGM a été en effet reporté à plusieurs reprises, au motif qu’un débat d’une telle importance ne pouvait avoir lieu dans l’urgence. Mais le contenu même du projet fâche et plus précisément le fait que soit mentionnée la liberté de « produire et consommer avec ou sans OGM ».
Aux dernières nouvelles, le projet sera présenté au Sénat à partir du 5 février 2008.
La question financière suscite également des critiques ; d’aucuns s’étonnent effectivement de l’absence de traduction budgétaire du Grenelle, notamment en matière de transports.
Enfin, le sujet des pesticides représente un autre point d’achoppement, Nicolas Sarkozy prenant trop de précautions oratoires sur cette question selon certains, en disant vouloir « si possible » réduire leur usage.
Quelques ouvrages sur les questions polémiques des OGM et de l’énergie nucléaire
Les OGM

Les OGM, DVD, réalisé par la Bibliothèque municipale de Lyon, à partir d’une conférence de Nicole MOUNIER.
Ce DVD explique ce qu’est le génie génétique, le principe de modification d’un gène et ses possibles applications dans des domaines aussi divers que la médecine ou l’agroalimentaire.
Les OGM, l’environnement et la santé, de Marcel KUNTZ, chez Ellipses.
Cet ouvrage fait le point sur les connaissances concernant les organismes génétiquement modifiés et leur application agronomique, les insecticides et herbicides, les effets des OGM sur la santé publique, etc.
La querelle des OGM, de Jean-Paul OURY, préface de Claude DEBRU, chez PUF.
Ce livre fait le tour des problématiques générées par les organismes génétiquement modifiés. Evoque les controverses soulevées par les risques sanitaires et environnementaux autant que par les avantages socio-économiques et propose d’avancer dans le débat en ne négligeant ni le principe de précaution, ni le devoir de recherche et de développement.
Le nucléaire
L’énergie nucléaire du futur du COMMISSARIAT A L’ENERGIE ATOMIQUE, édité par l’Imprimerie Nationale.
Cet ouvrage offre un tableau complet des recherches en cours dans le domaine de l’énergie nucléaire civile, sous forme de courtes monographies.
L’énergie nucléaire, de Paul REUSS, chez PUF.
Plus de vingt ans après le drame Tchernobyl, l’opinion publique ne peut que s’interroger à nouveau sur l’opportunité de poursuivre, voire développer l’énergie nucléaire. Si la prise de conscience des périls liés au réchauffement climatique de la planète et les perspectives de pénurie des hydrocarbures ont apporté des arguments nouveaux en faveur de l’énergie nucléaire, encore faut-il apprécier correctement ses avantages comme ses inconvénients pour déterminer la place souhaitable à lui donner dans le » bouquet énergétique « . En termes simples, ce livre présente les principes physiques, l’histoire, les développements industriels de l’énergie nucléaire. Il en discute les atouts et les risques.
Quelques liens, parole donnée à des voix un peu dissonantes sur le Grenelle de l’environnement :

Le site du Contre-Grenelle, qui s’est tenu à Lyon le 6 octobre 2007, et qui a réuni un collectif d’opposition constitué d’associations (Attac, casseurs de pub), du journal « la Décroissance » et des structures telles que l’Université populaire de Lyon, le Réseau « sortir du nucléaire » etc. Tous dénoncent la tentative de récupération politique de l’écologie par Le président Sarkozy
Pour repolitiser l’écologie : le Contre-Grenelle de l’environnement, introduction de Paul ARIES, aux éditions Parangon.
Fruit du contre-sommet de l’environnement évoqué ci-dessus.
Acteurs de l’écologie, les auteurs s’opposent à la logique productiviste qui a été au centre de la campagne présidentielle de N. Sarkozy. Le Grenelle de l’environnement constitue à leurs yeux un double danger : de dilution de la question environnementale et de promotion de solutions alimentant les régressions environnementales et sociales.
Egalement le site de la fondation Nicolas Hulot et sa position vis-à-vis du Grenelle.
Le Grenelle de l’environnement a été à maints égards une « opération » réussie ; il a eu en premier lieu le grand mérite de mettre au premier plan la thématique environnementale, jusqu’à lors trop souvent reléguée au second plan.
Largement relayée par les médias, la question écologique est ainsi apparue pendant quelques mois comme une problématique majeure, intéressant la société dans son ensemble.
Sur le fond, certains débats restent ouverts et n’ont pu faire consensus.
Reste que ce Grenelle de l’environnement qui s’est refermé fin octobre ne doit pas être un point final, mais un point de départ. Comment se fera cette « démocratie du suivi » ? Jean-Louis Borloo promet un Grenelle par an, afin de faire le point sur les chantiers en cours.
Que cette formidable mobilisation n’ait pas été qu’un coup d’épée dans l’eau : on aimerait tant y croire…
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