Les débuts des boites à rythme
Une boite pour deux
Publié le 01/10/2018 à 08:32 - 6 min - Modifié le 13/06/2023 par Eric
Au début des années 70’ deux musiciens sortent deux albums utilisant de manière précurseuse les boites à rythmes. Ces deux productions, différentes par le genre et par les moyens employés, sont deux œuvres majeures : There’s a riot goin'on de Sly and the Family Stone et Naturally de JJ Cale.
Les historiens de la musique attribuent la naissance de la première boite à rythme à Wurlitzer. Puisque c’est en 1959 que le célèbre facteur d’orgue américain crée le Side man. Un accessoire qui permet aux organistes de se passer de batteur. Dépassant rapidement le statut d’accessoire, dispensable, voire méprisable, ces petites boites vont se complexifier, s’améliorer pour devenir finalement un élément important voire incontournable de la création musicale.
Deux musiciens américains de renommée sont parmi les premiers à utiliser ces appareils. Ainsi Sly Stewart & JJ Cale utilisent des boites à rythmes de marques concurrentes mais similaires : La Maestro Rythm King pour le premier et l’Ace Tone Rhythm Ace pour le second. Chacune offrant 16 ou 18 rythmes présélectionnés (Waltz, Rumba, Shuffle… ). Et chacune permettant de varier le tempo ou le style de percussions utilisées (Bass drum, Cymbals… ). C’est peu et ce n’est pourtant pas rien.
Maestro Rhythm King
Tout d’abord la Maestro Rhythm King fabriquée entre 1971 et 1974 par la Chicago Musical Instruments Company (à l’époque propriétaire de la marque Gibson).
Sylvester Stewart (aka Sly), le leader du groupe Sly and the Famiy Stone a été producteur et DJ avant de créer le groupe. Il sait comment enregistrer un album. Et pour lui la boite à rythme est une révélation et une libération.
Au début des années 70, son groupe est alors au sommet de la gloire. D’autant que leur précédent album (Stand), sorti en 1969 a été un succès. De plus leur apparition lors du festival de Woodstock a été incendiaire. Mais Sly Stewart est devenu aussi complètement dépendant aux drogues dures. Et son caractère tyrannique et instable crée des tensions dans le groupe. A tel point que son batteur historique Greg Errico jette l’éponge et s’en va.
Tel un démiurge solitaire et cramé Sly s’isole dans sa maison et compose l’album suivant, seul, appelant à la rescousse les membres du groupe ou des instrumentistes extérieurs pour enrichir le son. Pour composer il utilise la Maestro Rhythm King qu’il appelle : « Funk Box ». A la différence des humaisn, l’appareil est malléable et obéissant. Cela permet aussi à Sly d’expérimenter sans limites et de laisser sa créativité s’exprimer tous azimuts. Il mettra ainsi deux ans à enregistrer et à finaliser l’album. Il passe du studio à sa chambre à coucher, puis à une caravane devant le studio.
Au final Sly livre un album très sombre et très beau, dans lequel le musicien-compositeur est en totale liberté se permettant tout, du yodel à la psalmodie. Mais There’s a riot goin’on est un succès, le morceau “Family affair” devient N°1 pendant trois semaines aux USA. Mais c’est aussi le début de la fin pour Sly Stewart, ses problèmes d’addiction prennent le pas sur la musique, des membres importants du groupe quittent le projet et les albums perdent de leur pertinence et de leur intérêt.
Ace Tone Rhythm Ace
La seconde boite à rythme est l’Ace Tone Rhythm Ace, fabriquée par une entreprise d’orgues japonaise et commercialisée dès 1967. L’appareil est prévu au départ pour accompagner les organistes. Mais devant le succès grandissant de l’appareil, largement utilisé par tous les instrumentistes, le créateur fait évoluer le produit. Ce dernier fondera par la suite la marque Roland, à l’influence considérable dans l’industrie musicale.
Naturally est le premier album de JJ Cale. Celui-ci a souvent expliqué que l’enregistrement de cet album était une suite de rafistolages et de collages de prises issues de multiples studios d’enregistrement étalées sur plusieurs années. Et même si la liste des musiciens sur la pochette est assez longue et contient des batteurs. JJ Cale joue de pratiquement tous les instruments. Il s’accompagne d’une Drum machine (Ace Tone Rhythm Ace) et appele parfois des copains de passage pour finaliser le morceau.
A cette époque JJ Cale joue dans les clubs près de chez lui. Il a bien tenter de percer dans l’industrie musicale en émigrant à Los Angelès. Mais déçu et amer il est retourné dans son Oklahoma natal. Où il devient ingénieur du son. Mais lorsque sa chanson After midnight – qui apparaitra sur Naturally – est enregistrée par Eric Clapton, les événements se précipitent. La chanson devient un succès, et permet à Cale de signer avec un label et de produire un premier album sous son nom.
Mais Cale ne change rien. Il enregistre comme il l’a toujours fait, à l’économie. Utilisant le studio lorsqu’il n’y a personne, bricolant des bouts de prises et rassemblant des bandes éparses. Tout cela donne l’impression d’écouter une démo. Mais comme il le dit lui-même : “Les gens disent toujours que mes disques sonnent vrai. En fait, c’est tout simplement parce que je laisse dedans plein d’erreurs“.
Ainsi alors que Sly Stone réenregistre par-dessus la prise de la boite à rythmes, JJ Cale laisse le son de la machine tel quel. Cela donne un côté simple et authentique à sa musique et personne à l’époque ne remarque que le rythme provient d’une machine. Ce premier album de country-blues mettra du temps à trouver son public. Le titre Crazy Mama grimpe à la 22eme place du top américain. Le disque permettra a JJ Cale de faire reconnaître son style particulier et d’enregistrer de nombreux disques, dont certains morceaux seront à nouveau repris par Clapton.
A la même époque d’autres musiciens utilisent des boites à rythmes : Brian Wilson, Robin Gibb (des Bee Gees), Stevie Wonder, Timmy Thomas (Why can’t we live together), mais ce n’est que dans les années 80 qu’elles trouvent leur place dans les productions new wave, pop, RnB et hip hop. Certains modèles d’époque (dont la Maestro Rythm King) sont même réédités en version numérique, les réglages devenant plus précis et plus souples, tout en gardant ce son vintage.
Ainsi ces deux personnalités atypiques, aux idées très arrêtées sur ce que devait être leur musique, furent à l’origine d’une mini révolution, osant utiliser une boite à rythme rudimentaire et accordant une place véritable à ces accessoires qui allaient devenir par la suite des instruments à part entière…
Bibliographie et liens :
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