Évasion picturale en Rhône-Alpes

Le temps des peintres paysagistes en Rhône-Alpes

- temps de lecture approximatif de 19 minutes 19 min - Modifié le 16/11/2023 par Tarteàlacrème

Fin de l’été… il est pourtant encore temps de prendre le large ! Une peinture de paysage, c’est une fenêtre sensible sur le monde, qui tend à représenter le réel ou convoque davantage l’imaginaire. Des peintres célèbres et d’autres beaucoup moins se sont arrêtés en Auvergne Rhône-Alpes pour poser sur la toile couleurs, lumières, reliefs… Prenons le temps de regarder ce qu’ils ont donné à voir avec sensibilité.

1844 - Le Néron ; Le Neyron (Ancien titre). Jean Achard. © Ville de Grenoble / musée de Grenoble-J.L. Lacroix

Le paysage comme sujet

Dans la peinture de Renaissance et de l’époque classique, le paysage n’est pas un genre noble. Il est alors le cadre, où de nombreux détails ont leur importance, d’un sujet historique, religieux ou mythologique. Les scènes pastorales ont alors du succès. L’influence des peintures hollandaises et anglaises, les courants philosophiques, conduisent les artistes français à faire du paysage un sujet. C’est alors bien la place de l’homme dans la nature qui change. Il est question du « sentiment de la nature ».
Certains grands maîtres comme Turner, Jongkind, des peintres paysagistes de l’école Barbizon (Corot et Daubigny…) sont passés dans la région. D’autres peintres paysagistes, moins connus, ont livré des vues proches de Lyon, tout aussi sensibles. On appelle parfois « écoles régionales » et « petits maîtres » les peintres qui en sont issus. L’école dauphinoise, à Grenoble et alentours, a été l’une des plus importantes.

La peinture de paysage tire dans son sillage comme une notion d’exercice, un aspect laborieux. En effet, les « études documentaires » sont associées au genre. Pourtant ce thème a traversé le foisonnement des courants artistiques du 19e siècle.

Dans la peinture néo-classique, le paysage est un idéal, il n’est pas destiné à représenter la réalité. Il peut être composite en assemblant des morceaux, autant de fragments qui créent justement une composition.

Le développement des sciences, de l’industrie, changent les rapports de l’homme à la nature. Il devient explorateur, conquérant, mais peut être admirateur ou effrayé par celle-ci. La peinture romantique exacerbe cette contradiction. Imagination et sensibilité laissent l’aspect grandiose et sublime de la nature se révéler. Au final, ressortent la puissance et la vanité de l’homme (peintures des Alpes de Gustave Doré).

Le mouvement réaliste, issu de l’école de Barbizon, tend à représenter la nature pour ce qu’elle est et la présence de l’homme est anecdotique.

Les impressionnistes s’intéressent à rendre les variations de lumière, l’atmosphère des paysages et privilégient la contemplation. Les courants artistiques sont ensuite divers et parfois qualifiés de post-impressionnistes. Parmi ceux-ci, le symbolisme fera une place de choix à la représentation de la nature.

Les peintres régionaux moins connus n’ont pas suivi un courant de manière très marquée. Mais chacun à leur manière, ils reflètent des tendances de l’époque. Leurs peintures de paysages convoquent des émotions, des pensées.

Des expositions en Rhône-Alpes

Une exposition en cours : Gabriel Loppé, artiste, alpiniste et voyageur (Fort de Bard -> 14 janvier 2024).

Trois expositions récentes se sont intéressées au thème du paysage dans la région :

D’autres catalogues d’expositions de la région présentent ce thème en général, sans s’attacher à des paysages régionaux :

Des lieux de prédilection

La peinture de paysage se développe avec la peinture « sur le motif », c’est-à-dire en plein air. L’invention des tubes de peintures en étain (1841) permet de se déplacer avec un matériel presque équivalent à celui d’un atelier. Les peintres parcourent les campagnes et se retrouvent en groupes pour peindre. D’autre part, le travail « d’après nature » fait se regrouper certains peintres.
Le développement des lignes de chemin de fer permet aux peintres d’accéder à des lieux encore peu connus. François-Auguste Ravier rencontre Jean-Baptiste Camille Corot à Royat en 1839 et ils se retrouveront à Optevoz, près de Crémieu et Morestel.

Les premières ascensions du Mont-Blanc ont lieu entre 1786 et 1787 et le Club Alpin Français naît en 1874. Avec l’engouement pour l’alpinisme, une nouvelle appréhension de l’environnement se développe. Les paysages alpestres sont de plus en plus appréciés. Les peintres se transforment en alpinistes (Abbé Guétal, Gabriel Loppé…) et participent aux excursions.

La Mer de Glace – Gabriel Loppé, collection Mairie de Chamonix


Certains villages ont attiré et réuni de nombreux peintres : la topographie, la lumière ont joué un grand rôle. Mais la présence d’une bonne auberge a très certainement également contribué à les réunir ! Les peintres prenaient pension et laissaient parfois des peintures à l’aubergiste. Ainsi l’auberge d’Optevoz (Isère), l’auberge des Grands Gousiers (ou Grandzgousiers) à Proveysieux (Isère), l’auberge Servetoz – L’Ecu de France à Crémieu étaient-elles connues. On retient également les villes de Sassenage, Crémieu, Morestel, et en Auvergne, Murol.

Quelques références :

L’image change de statut

L’évolution des techniques change le rapport à l’image et à l’illustration. L’invention de la lithographie (1793, Aloys Senefelder) permet la représentation de paysages et sites dans des recueils pittoresques. Ceux-ci ont à la fois une vocation historique « scientifique » mais également esthétique.
La photographie (1839, Daguerre) est d’abord réservée à une élite. La technique sur plaques de cuivre est employée jusqu’en 1860. Certains peintres pratiquent la photographie lorsque ses différentes techniques deviennent moins exigeantes (Félix Thiollier…). La gravure, comme la photographie, font circuler des images de paysages et connaître ces territoires.

Les techniques de lithographie, peinture et photographie se nourrissent les unes les autres. La photographie enlève l’interprétation du peintre. Des interrogations émergent : « la photographie est-elle un art ? » (Rodolphe Töpffer).
La plupart des peintres paysagistes se sont côtoyés, influencés, ont correspondu. Mais certains peintres ont évolué de manière solitaire (Louis Jourdan …). Quelques peintres régionaux ont obtenu une forme de reconnaissance (François-Auguste Ravier …) tandis que la notoriété d’autres a été plus modeste (Antoine Chintreuil).
Certains peintres sont également collectionneurs. Citons Lucien Mainssieux, Victor Charreton (qui peindra davantage l’Auvergne que le pays de Bourgoin-Jallieu dont il est originaire).

Des musées s’attachent à faire connaître ces Antoine Chintreuil, Louis Jourdan…

Musée Louis Jourdan
Musée des peintres de l’école de Murol(s)
Musée Chintreuil
Oeuvres de Gabriel Loppé
Maison Ravier
MBJ Musée de Bourgoin-Jallieu (collections de Victor Charreton)

Mélancolie et peur des paysages grandioses : montagnes et glaciers

Paysages paisibles : étangs et lacs

Ouvrages encyclopédiques

Livres, articles sur un peintre

L’Isère et les montagnes de la rive droite – Théodore Ravanat
© Ville de Grenoble / musée de Grenoble-J.L. Lacroix, MG 1179
Le rocher au soleil couchant – François-Auguste Ravier
© Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix, MG 2918
1894 – Vallée du Vénéon à Saint-Christophe en Oisans, Charles Bertier,
MG 1001 © Ville de Grenoble / musée de Grenoble-J.L. Lacroix
1912 – La Sûre neige et soleil d’automne. Voiron (autre titre), INV.MMV.1958.1.1
© Voiron, musée Mainssieux

Pour aller plus loin

Cette année, le Louvre-Lens a mis à l’honneur le thème du paysage avec l’exposition « Paysage. Fenêtre sur la peinture ». Ce sujet fait-il réfléchir à la place de l’homme dans la nature, dans son environnement ?
Dans les tableaux d’Occident, le paysage a fait son entrée progressive avec la maîtrise de la représentation de l’espace (connaissances de la perspective), au cours de la Renaissance. Il trouve son apogée au 19e siècle en France. En Asie, le paysage faisait partie des représentations depuis des siècles…

Cascades du cirque du Fer-à-Cheval (Sixt-Fer-à-Cheval, Haute-Savoie), He Yifu

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