Quel mode de scrutin municipal pour Lyon ?

- temps de lecture approximatif de 28 minutes 28 min - Modifié le 12/01/2025 par Alain Caraco

Les Lyonnais le savent bien : à Lyon, on vote aux élections municipales par arrondissement. Tous les élus de l’arrondissement siègent au conseil d’arrondissement, qui élit un maire d’arrondissement. Et un tiers des conseillers d’arrondissement siègent aussi au conseil municipal, qui élit le maire de la ville. Ce mode scrutin, qui s’applique aussi à Paris et Marseille, est en vigueur depuis 1983. Mais qu’en était-il avant ?

La salle du conseil municipal de Lyon. Source : Photographes en Rhône-Alpes https://numelyo.bm-lyon.fr/BML:BML_01ICO001014ce62fc373a67
La salle du conseil municipal de Lyon. Source : Photographes en Rhône-Alpes https://numelyo.bm-lyon.fr/BML:BML_01ICO001014ce62fc373a67

Les lecteurs pressés pourront retenir que Lyon a toujours voté par arrondissement depuis 1884, sauf en 1947, 1953 et 1959. Les lecteurs curieux pourront comprendre comment s’est construite cette histoire en lisant la suite de l’article.

Préambule : les débuts du conseil municipal de Lyon

Depuis la création des communes en France, par la loi du 14 décembre 1789, Lyon a connu 26 maires. Les différents régimes électoraux qui se succèdent sous la Révolution, le Premier Empire, la restauration, La Monarchie de Juillet, la Deuxième République, le Second Empire et les débuts de la Troisième République ne sont l’objet de cet article.

Notons simplement que la ville est partagée en trois divisions ayant chacune leur conseil et leur maire, de 1796 à 1805.

En 1852, les trois faubourgs de la Guillotière, la Croix-Rousse et Vaise sont réunis à Lyon pour former une seule commune, divisée en cinq arrondissements. Sous le Second Empire, la fonction de maire est exercée par le préfet du Rhône, le plus célèbre étant Vaïsse, surnommé « l’Haussmann lyonnais », de 1853 à 1864. Un 6e arrondissement est créé en 1867, par division du 3e, en forte croissance démographique.

La fonction de maire est rétablie par la Troisième République, exercée d’abord par Jacques-Louis Hénon (1870-1872) puis par Désiré Barodet (1872-1873). En avril 1873, le gouvernement supprime à nouveau la fonction de maire de Lyon. Il la rétablit en avril 1881 et y nomme Antoine Gailleton.

1884 : la loi municipale fondatrice

La loi du 5 avril 1884 sur l’organisation municipale est la loi fondatrice du fonctionnement démocratique moderne des communes. L’article 11 indique que « L’élection des membres du conseil municipal a lieu au scrutin de liste pour toute la commune », mais précise immédiatement que, notamment pour les communes de plus de 10 000 habitants : « la commune peut être divisée en sections électorales, dont chacune élit un nombre de conseillers proportionné au chiffre des électeurs inscrits ».

Bien qu’il s’agisse d’un scrutin de liste, l’article 30 indique les voix sont comptées par candidat. Le conseil municipal peut donc être formé de candidats issus de plusieurs listes différentes. Les conseils municipaux sont élus pour quatre ans, le premier dimanche de mai. Un deuxième tour, appelé « ballottage » est organisé le dimanche suivant si, faute de majorité absolue, tous les sièges de conseillers municipaux ne sont pas pourvus au premier tour. Enfin, le maire et ses adjoints sont élus par le conseil municipal

Moyennant quelques modifications, parfois temporaires, la loi de 1884 restera en vigueur jusqu’aux lois de décentralisation de 1982.

1884 (4 et 11 mai)

La commune de Lyon est divisée en six sections électorales, correspondant chacune à un arrondissement municipal. Le docteur Antoine Gailleton, qui avait été nommé maire par le gouvernement, devient le premier maire élu démocratiquement en vertu de la loi de 1884.

Curieusement, le recueil des Actes administratifs de la ville de Lyon, qui n’existe que depuis 1881, ne publie pas les résultats des élections municipales. En revanche, on y trouve l’arrêté municipal constatant l’élection du maire et des adjoints. Outre les adjoints chargés d’une délégation thématique (finances, écoles, cimetières, voirie…), deux adjoints sont désignés dans chaque arrondissement pour remplir les fonctions d’officier de l’état civil. Cette organisation perdurera jusqu’en 1982.

1888 (6 et 13 mai)

Un deuxième tour est nécessaire dans les six arrondissements. On notera qu’Antoine Gailleton et Victor Augagneur sont élus dans le 2e arrondissement. Le docteur Gailleton est à nouveau élu maire de Lyon.

1892 (1er et 8 mai)

Comme en 1888, un deuxième tour est nécessaire dans les six arrondissements. Antoine Gailleton et Victor Augagneur sont élus dans le 2e arrondissement. Le docteur Gailleton est encore élu maire de Lyon.

1896 (3 et 10 mai)

Comme lors des élections précédentes, un deuxième tour est nécessaire dans les six arrondissements. Dans le 2e arrondissement, Antoine Gailleton est élu et Victor Augagneur est battu. Le docteur Gailleton est à nouveau élu maire de Lyon.

1900 (6 et 13 mai)

Un deuxième tour est nécessaire dans les six arrondissements. Antoine Gailleton est cette fois-ci élu dans le 1er arrondissement et Victor Augagneur dans le 6e. Mais c’est Victor Augagneur qui est élu maire de Lyon.

1904 (1er et 8 mai)

Un deuxième tour est nécessaire dans les six arrondissements. Deux jeunes conseillers prometteurs sont élus dans le 1er arrondissement, Edouard Herriot (né en 1872) et Justin Godart (né en 1871), tandis qu’Antoine Gailleton est à nouveau élu dans le 2e et que Victor Augagneur reste fidèle au 6e. Victor Augagneur est réélu maire.

Le docteur Gailleton meurt le 9 octobre 1904. Augagneur démissionne dès 1905, pour occuper le poste de gouverneur de Madagascar. Le 3 novembre 1905, c’est le jeune Herriot qui est élu maire. Un maire d’intérim, en attendant le retour d’Augagneur, pense-t-on à l’époque.

1908 (3 et 10 mai)

Un deuxième tour est nécessaire dans les six arrondissements. Dans le 1er arrondissement, Herriot est élu, mais Godart est battu. Herriot, le jeune « maire intérimaire » est réélu. Il occupera la fonction de maire jusqu’à sa mort, en 1957.

1912 (5 et 12 mai)

Le 1er et le 2e arrondissement sont pourvus au premier tour, tandis qu’un deuxième tour est nécessaire dans les 3e, 4e, 5e, 6e et le nouveau 7e, créé en deux mois avant les élections.

Et à la fin, c’est Herriot qui est élu, conseiller dans le 1er arrondissement et maire de Lyon.

1919 (30 novembre et 7 décembre)

La loi du 18 octobre 1919 organise ces élections municipales. Bien que le mandat du conseil soit de 4 ans en vertu de la loi de 1884, le précédent aura duré plus de 7 ans en raison de la Grande Guerre. De même, les élections sont reportées de début mai à fin novembre. Enfin, la loi fixe les prochaines élections au mois de mai 1925, soit un mandat de plus de 5 ans.

Le 2e et le 7e arrondissement sont pourvus au premier tour, tandis qu’un deuxième tour est nécessaire dans les 1er, 3e, 4e, 5e et 6e. Sans surprise, c’est Herriot qui est élu, conseiller dans le 1er arrondissement et maire de Lyon.

1925 (3 et 10 mai)

Les 1er, 3e et 6e arrondissements sont pourvus au premier tour, tandis qu’un deuxième tour est nécessaire dans les 2e, 4e, 5e et 7e. La même histoire se répète : Herriot est élu conseiller dans le 1er arrondissement et maire de Lyon.

1929 (5 et 12 mai)

Les élections municipales retrouvent leur rythme quadriennal, mais la loi du 10 avril 1929 porte à 6 ans la durée du mandat du conseil municipal. Cette durée est encore en vigueur de nos jours.

Seul le 1er arrondissement est pourvu au premier tour, un ballottage étant nécessaire dans les six autres. On notera le retour d’Augagneur, battu dans le 3e. Vous aurez deviné la suite : Herriot est élu conseiller dans le 1er arrondissement et maire de Lyon.

1935 (5 et 12 mai)

Seul le 2e arrondissement est pourvu au premier tour. Un peu de changement tout de même : Herriot se présente dans le 3e et n’est élu qu’au deuxième tour. Mais rassurez-vous : il est à nouveau élu maire de Lyon.

La guerre…

La Deuxième guerre mondiale perturbe fortement la vie municipale. Le 20 septembre 1940, le régime de Vichy suspend le conseil municipal de Lyon jusqu’à la fin des hostilités. Une commission restreinte, étroitement surveillée par le préfet, gère les affaires courantes. Herriot s’éloigne de la vie politique et est placé en résidence surveillée fin 1942, d’abord en France, puis en Allemagne à partir d’août 1944. Libéré par les Russes le 4 mai 1945, il ne reviendra à Lyon qu’après un long périple par Moscou, Téhéran, Beyrouth et Le Caire.

… et la Libération

Lyon est libérée le 3 septembre 1944. Dès le lendemain, Yves Farge, commissaire régional de la République nommé pour le général de Gaulle, met fin aux pouvoirs de la commission restreinte et rétablit un conseil municipal composite, comprenant d’anciens élus de 1935 et des résistants. Le 6 septembre, il nomme Justin Godart maire provisoire, afin qu’il convoque un conseil municipal d’installation, qui élira un maire et des adjoints. Cette séance a lieu le 10 septembre et Edouard Herriot est élu à une très forte majorité. Du fait de son absence, le conseil municipal doit élire un maire provisoire. Il confirme Justin Godart dans cette fonction.

1945 (29 avril et 13 mai)

Le décret 45-498 du 27 mars 1945 fixe les élections municipales aux 29 avril et 13 mai 1945, soit, exceptionnellement, à deux semaines d’intervalle. Pour cause de guerre, il n’y aura donc pas eu d’élection municipale pendant 10 ans.

Tous les arrondissements sont pourvus au premier tour, à l’exception du 5e. Herriot est élu dans le 3e et Godart dans le 4e. Un deuxième tour a également lieu dans le 1er en raison du décès d’un candidat élu le dimanche précédent.

Comme on pouvait s’y attendre, Edouard Herriot est réélu maire lors de la séance d’installation du 18 mai 1945, encore présidée par Justin Godart. Herriot rentre à Lyon le lendemain et Godart lui rend symboliquement les clés de la ville et sa fonction de maire.

1947 : la IVe République change la règle

Les élections de 1947 et de 1953 sont régies par la loi n° 47-1732 du 5 septembre 1947 fixant le régime général des élections municipales. L’article 1er bouleverse le mode de scrutin « Dans les communes du département de la Seine, sauf Paris, dans les communes de 9.000 habitants et plus, les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste à un tour avec dépôt de liste complète, représentation proportionnelle, signes préférentiels panachage et vote préférentiel […]. L’ensemble de la commune forme une circonscription unique ». Ce mode de scrutin est proche de celui adopté pour les élections législatives de 1946.

1947 (19 et 26 octobre)

Pour la première fois, Lyon ne va pas voter par arrondissements, au scrutin majoritaire à deux tours, mais dans une une seule circonscription, au scrutin proportionnel à un tour. Mais Lyon est rétive au changement et malgré les nouvelles règles, c’est Edouard Herriot qui est élu maire, pour la neuvième fois.

1953 (26 avril et 3 mai)

Même mode de scrutin qu’en 1947 et même résultat : Herriot est élu maire, pour la dixième et dernière fois.

Herriot meurt en cours de mandat le 26 mars 1957. Le 14 avril, un maire, intérimaire pense-t-on, est élu pour finir le mandat : c’est Louis Pradel. On connaît la suite de l’histoire : les lyonnais auraient-il oublié l’élection de 1905 ?

1959 puis 1964 : la Ve République retourne aux sources

Le général de Gaulle, appelé en 1958 pour résoudre la crise algérienne, fait adopter par référendum une nouvelle constitution et devient le premier président de la Ve République, le 8 janvier 1959. Très opposé au scrutin proportionnel, il rétablit le scrutin majoritaire à deux tours pour les élections municipales des communes de moins de 120 000 habitants.

Lyon ayant plus de 120 000 habitants, le mode de scrutin ne change donc pas… pour l’instant.

1959 (8 et 15 mars)

Un 8e arrondissement est créé le 19 février 1959, mais la commune forme toujours une circonscription unique.

Les élections de 1959 sont les premières qui ont lieu en mars. Ce sera le cas pour toutes les suivantes jusqu’à nos jours.

La liste menée par Louis Pradel, intitulée « Union et défense des intérêts de la ville de Lyon » remporte les élections. Pradel est élu maire pour la deuxième fois.

1965 (14 et 21 mars)

La loi n° 64-620 du 27 juin 1964 relative à l’élection des conseillers municipaux des communes de plus de 30 000 habitants instaure le retour du scrutin majoritaire à deux tours. Le décompte des voix se fait par liste et non par candidat. La liste majoritaire emporte donc tous les sièges à pourvoir.

Les membres des conseils municipaux de Paris, de Lyon et de Marseille sont élus par secteur. Pour Lyon, les secteurs correspondent à nouveau aux arrondissements, avec un petite subtilité pour le 5e arrondissement, qui est divisé en deux secteurs : le 5e, au sud et le 9e, au nord. Cette division est une anticipation de création au 9e arrondissement, qui sera effective le 9 août 1964.

La règle prévoit que le nom du candidat au poste de maire ne peut figurer que sur les bulletins de l’arrondissement dans lequel il se présente. Pour contourner cette contrainte, Louis Pradel intitule sa liste « Pour la Réalisation Active Des Espérances Lyonnaises », ce qui lui permet d’imprimer le sigle P.R.A.D.E.L. sur les bulletins de tous les arrondissements. En 1965, il sera le seul à utiliser ce subterfuge, les autres listes indiquant les sigles des partis les composant.

La liste P.R.A.D.E.L emporte tous les arrondissements au premier tour et Louis Pradel est à nouveau élu maire, pour la troisième fois.

1971 (14 et 21 mars)

Si Louis Pradel utilise à nouveau le sigle P.R.A.D.E.L, les autres listes portent les noms plus classiques comme “Union de la gauche”, “Union populaire” et “Gestion et action municipales”.

La liste P.R.A.D.E.L emporte à nouveau tous les arrondissement au premier tour et, naturellement, Louis Pradel est élu maire de Lyon pour la quatrième et dernière fois.

Comme son prédécesseur, Pradel meurt en cours de mandat, le 27 novembre 1976. On élit à nouveau un maire pour finir le mandat, Francisque Collomb. Sûrement encore un intérimaire…

1977 (13 et 20 mars)

Francisque Collomb dirige la liste P.R.A.D.E.L. Mais cette fois ci, d’autres candidats ont compris l’astuce et on trouve ainsi un Groupement Unique Indépendant Garantissant Nouvelle Orientation Lyon (G.U.I.G.N.O.L) et, pour la première fois une liste Lyon Ecologie pour autogérer la cité (liste E.L.U.E). D’autres listes font preuve moins d’imagination : le Rassemblement pour Lyon, de Jacques Soustelle, l’Union de la Gauche pour Lyon, Pour le socialisme, le pouvoir aux travailleurs et Renouveau du 7e, qui se présente uniquement dans le 7e arrondissement.

La liste P.R.A.D.E.L est élue au premier tour dans le 6e et au deuxième tour dans les 1er, 2e, 3e, 4e, 5e et 7e, tandis que la liste Union de la gauche est élue au deuxième tour dans les 8e et 9e. Le jeune Gérard Collomb entame son premier mandat de conseiller municipal dans le 9e, mais c’est à nouveau Francisque Collomb qui est élu maire.

Depuis 1982 : la loi PLM

La décentralisation faisait partie des 110 propositions de François Mitterrand, élu président de la république en 1981. Les lois Defferre, du nom du ministre de l’intérieur, seront sa traduction juridique.

La règle générale des élections municipales est fixée par la loi n°82-974 du 19 novembre 1982. L’élection se fait au scrutin de liste à deux tours. La liste majoritaire emporte la moitié des sièges, appelée couramment la « prime majoritaire ». L’autre moitié est répartie proportionnellement entre toutes les listes, y compris la liste majoritaire.

Pour Paris, Lyon et Marseille, c’est la loi n° 82-1170 du 31 décembre 1982, dite « loi PLM », qui s’applique. Elle crée des conseils d’arrondissement, qui ont chacun leur maire et leurs adjoints et organise un vote par secteur. Dans chaque secteur, l’élection se fait selon le même mode de scrutin que dans les autres villes. Le nombre de candidats élus dans chaque secteur correspond au nombre de sièges à pourvoir au conseil d’arrondissement. Les candidats figurant dans le premier tiers de la liste siègent également au conseil municipal.

Le mode de scrutin issu de la loi PLM étant encore en vigueur, cet article se limitera à donner les dates et les vainqueurs des élection municipales de Lyon depuis 1983.

1983 (6 et 13 mars)

Francisque Collomb est réélu maire.

1989 (12 et 19 mars)

Michel Noir bat Francisque Collomb.

1995 (11 et 18 juin)

Les élections municipales de 1995 se déroulent en juin, et non en mars, pour éviter qu’elles se tiennent pendant la campagne de l’élection présidentielle. Raymond Barre est élu maire.

2001 (11 et 18 mars)

Gérard Collomb, conseiller municipal d’opposition depuis 1977, est élu maire.

2008 (9 et 16 mars)

En raison d’un calendrier électoral trop chargé en 2007, les élections sont reportées d’un an, portant ainsi exceptionnellement la durée du mandat municipal à sept ans. Gérard Collomb est réélu maire.

2014 (23 et 30 mars)

Gérard Collomb est élu maire pour la troisième et dernière fois.

2020 (15 mars et 28 juin)

Le premier tour des élections municipales se tient de façon controversée le 15 mars 2020, en pleine pandémie de Covid-19. En raison de celle-ci, le second tour, initialement prévu le 22 mars, est d’abord reporté sine die, puis au 28 juin. Gérard Collomb est battu par Grégory Doucet.

Et Paris et Marseille ?

Comme nous l’avons vu ci-avant, de 1884 à 2020, Lyon a toujours voté par arrondissements (23 élections), sauf de 1947 à 1959 (3 élections). Mais qu’en est-il de Paris et Marseille, qui sont soumis au même régime électoral que Lyon depuis 1983 ?

Une étude systématique des sources, sur le modèle de celle effectuée pour Lyon entre 1884 et 1977, dépasserait les ambitions de cet article. Il est cependant possible de dégager rapidement quelques grandes lignes.

Paris

Paris est découpé en 12 arrondissements dès 1795. Ce nombre est porté à 20 en 1859, à la suite de l’annexion des territoires communes de proche banlieue situés à l’intérieur de l’enceinte fortifiée, dite « Enceinte de Thiers », construite entre 1841 et 1844.

A partir de la Troisième République, Paris dispose d’un conseil municipal de 80 membres, élus pour 3 ans au scrutin uninominal à deux tours dans chaque quartier, chacun des 20 arrondissements étant divisé en 4 quartiers. A partir de 1896, les élections ont lieu tous les 4 ans, comme dans les autres communes. Le conseil municipal de Paris n’élit pas un maire, mais un président, l’autorité exécutive étant dévolue au préfet du département de la Seine. La durée du mandat est portée à 6 ans, comme dans les autres communes, par la loi de 1929. Le nombre de conseillers est porté à 90 en 1935.

A partir de 1945, le scrutin uninominal est remplacé par un scrutin de liste dans 6 secteurs regroupant chacun plusieurs arrondissements. Le nombre de secteurs est porté à 9 en 1947, puis à 14 en 1965.

Avec la réorganisation de la région parisienne décidée par la loi du 10 juillet 1964, le conseil municipal de Paris et le conseil général de la Seine sont remplacés par le Conseil de Paris, qui exerce à la fois les compétences d’un conseil municipal et celles d’un conseil général. Celui-ci est mis en place au 1er janvier 1968. Les 109 conseillers de Paris sont élus par liste dans chaque arrondissement.

La fonction de maire de Paris ne sera rétablie qu’en 1977. Jacques Chirac sera le premier à l’occuper.

Marseille

A la différence de Paris et de Lyon, Marseille n’a été divisée en arrondissements municipaux qu’en 1946. La loi de 1947 prévoyant un scrutin de liste sur la commune formant une circonscription unique, cette division en arrondissements n’est d’aucun effet sur le mode de scrutin des élections de 1947, 1953 et 1959.

C’est la loi de 1964 qui introduit l’élection par secteurs, chaque secteur regroupant plusieurs arrondissement. Cette organisation est confirmée par la loi de 1982. En revanche, le regroupement des arrondissements en secteurs a varié plusieurs fois : 8 secteurs de 1965 à 1977, 6 secteurs en 1983, à nouveau 8 secteurs depuis 1989, mais différents de ceux de 1965.

La Loi PLM, généralisation du modèle lyonnais

La loi du 31 décembre 1982 harmonise les modes de scrutin construits par l’histoire à Paris, Lyon et Marseille et donne une véritable personnalité aux arrondissements municipaux, en les dotant d’un conseil, d’un maire et d‘adjoints.

On retiendra finalement que c’est à Lyon qu’on vote depuis le plus longtemps (1884) au scrutin de liste par arrondissement.

Epilogue : la loi PLM contestée ?

Depuis l’année 2020, trois propositions de loi ont été déposées à l’Assemblée nationale, pour remettre en cause le mode de scrutin issu de la loi PLM :

Aucune de ces propositions n’a pour l’instant été adoptée.

Le président Macron a également fait part de son souhait de mettre fin au mode de vote par arrondissement à Paris, Lyon et Marseille, par exemple dans Le Monde du 17 janvier 2024 :

« La seule chose que je veux pour Paris, c’est qu’un électeur puisse avoir les mêmes droits et compter autant à Paris qu’à Amiens, à Besançon, ou ailleurs, a repris Emmanuel Macron, mardi. Et donc que le gouvernement et le Parlement puissent décider d’une réforme en profondeur de la loi “Paris-Lyon-Marseille” pour revenir au droit commun. »

Les arguments pour réformer le mode de scrutin PLM sont de trois ordres.

Le premier serait celui d‘un retour au droit commun. Cet article a montré qu’il s’agirait d’un alignement sur le droit commun, mais pas d’un retour, puisque, sous des formes diverses, on vote par arrondissement à Paris et à Lyon depuis des débuts de la Troisième République et à Marseille depuis 1965.

Le deuxième est celui que les électeurs ne comprendraient rien à un scrutin mêlant sur le même bulletin l’élection au conseil d’arrondissement et au conseil municipal. Ce type de scrutin est établi depuis plus de quarante ans. Il a même servi de modèle à la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 pour les élections des conseillers des intercommunalités. En effet, dans les communes d’au moins 1 000 habitants, ces derniers sont élus parmi les candidats au conseil municipal, et figurent sur le même bulletin de vote.

Le dernier est que, par le jeu de l’addition des résultats des différents arrondissement, une liste minoritaire en voix sur l’ensemble de la commune pourrait devenir majoritaire en nombre de conseillers municipaux et ainsi emporter l’élection du maire. Cet argument est le plus sérieux de trois, car ce cas de figure, bien que peu probable, est théoriquement possible. Les « Décodeurs » du Monde ont ainsi simulé les élections de 2020 à Paris, Lyon et Marseille dans l’hypothèse d’une circonscription unique. Suivant la ville, la liste majoritaire aurait un peu plus, autant ou un peu moins de voix qu’avec le scrutin par arrondissement, mais l’aurait emporté quand même.

Pour connaître le fin mot de l’histoire, rendez-vous en mars 2026 !

La place des Terreaux et l’Hôtel de Ville. source : Photographes en Rhône-Alpes
https://numelyo.bm-lyon.fr/BML:BML_01ICO001014cd40905aa1f4

Pour aller plus loin

Dans les collections de la bibliothèque municipale de Lyon

Deux livres permettent de faire un panorama des maires de Lyon depuis la Révolution française.

24 maires de Lyon pour deux siècles d’histoire / Bruno Benoît, Raymond Curtet, René Giri,… [et al.]. Lyon : Éd. Lugd, 1994

7 maires de Lyon depuis 1900 / Philippe Valode et Francis Guyot. Lyon : Ed. lyonnaises d’art et d’histoire, 2010

Pour une recherche plus approfondie, la consultation du Bulletin Municipal Officiel (BMO) de la Ville de Lyon est indispensable. Les années d’élections municipales ont été systématiquement dépouillées pour la rédaction de cet article. Les résultats sont publiés dans le BMO du dimanche suivant chaque tour de scrutin. Le titre varie selon la période :

  • Actes administratifs – Ville de Lyon (1882-1885)
  • Bulletin administratif de la mairie de Lyon (1886-1895)
  • Bulletin municipal officiel de la Ville de Lyon (1896-2022)

On pourra compléter avec Procès-verbal – Conseil municipal [de Lyon] : annexe au Bulletin municipal officiel

Le Bulletin administratif de la mairie de Lyon s’arrêtant à la fin de l’année 1895 et le premier fascicule du BMO datant du 5 juillet 1896, il est possible que les résultats des élections municipales de 1896 n’aient jamais été publiées par l’organe officiel de la ville de Lyon. On peut cependant les trouver dans le Progrès des 11 et 12 mai 1896.

La collection patrimoniale du Progrès conservée à la BML est en cours de numérisation, de 1859 à 1958, en partenariat avec la BNF. Sa consultation peut permettre de situer chaque élection dans son contexte.

Et au-delà…

Plusieurs ressources en ligne permettent d’approfondir les différentes facettes du sujet.

Lyon

https://www.guichetdusavoir.org/question/voir/136624

https://fr.wikipedia.org/wiki/Arrondissements_de_Lyon

https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_maires_de_Lyon

Paris

https://fr.wikipedia.org/wiki/Arrondissements_de_Paris

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mairie_de_Paris

https://fr.wikipedia.org/wiki/Maire_de_Paris

https://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_municipal_de_Paris

https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pr%C3%A9sidents_du_conseil_municipal_de_Paris

https://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_de_Paris

Marseille

https://fr.wikipedia.org/wiki/Secteurs_et_arrondissements_de_Marseille

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mairie_de_Marseille

https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_maires_de_Marseille


Mode de scrutin

« Le nouveau régime applicable aux élections municipales » / Maurice Duval, in Le Monde du 14 août 1947. Les quelques erreurs de dates sont probablement dues à des erreurs d’OCR.

« Le temps des maires. L’allongement du mandat en 1929 : une redéfinition de l’espace politique municipal » / Guillaume Marrel, Renaud Payre, in Politix. Revue des sciences sociales du politique, Année 2001 53 pp. 59-86

« Emmanuel Macron veut réformer en profondeur le mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille » / Benoît Floc’h in Le Monde du 17 janvier 2024

« Réforme de la loi électorale à Paris, Lyon et Marseille : ce qui aurait changé aux municipales 2020 » / Pierre Breteau in Le Monde du 17 janvier 2024

Les articles du Monde sont accessible aux lecteur de la BML sur Europresse.

Mairie du 7e arrondissement de Lyon.Source : Photographes en Rhône-Alpes
https://numelyo.bm-lyon.fr/BML:BML_01ICO001014cc9b2ea62178

Liste des textes régissant les élections municipales (1884-1982)

Les fac-similés des JORF peuvent être téléchargés sur Légifrance.

Loi du 5 avril 1884 sur l’organisation municipale

JORF du 6 avril 1884. Loi fondatrice du fonctionnement démocratique moderne des communes. Election à deux tours au scrutin de liste, mais décompte des voix par candidat.

Permet le vote par sections. L’article 12 donne le pouvoir de sectionnement au conseil général, ancêtre de l’actuel conseil départemental. La demande de sectionnement peut venir d’un conseiller général, du préfet, du conseil municipal ou d’électeurs de la commune concernée. Les conseillers élus dans chacune des sections forment un conseil municipal unique. Le sectionnement est systématique à Lyon, chaque arrondissement formant un section de vote.

Loi du 18 octobre 1919 fixant l’ordre et les dates des élections au Sénat, à la Chambre des députés, aux conseils généraux et d’arrondissement et aux conseils municipaux.

JORF du 19 octobre 1919. L’article 2 indique que « Le renouvellement intégral des conseils municipaux est fixé au dimanche 30 novembre 1919 » et que « Les pouvoirs des membres de ces assemblées prendront fin le premier dimanche du mois de mai 1925 ».

Loi du 10 avril 1929 portant à six ans : 1° la durée du mandat municipal ; 2° la durée du mandat des conseillers généraux de la Seine et des conseillers municipaux de Paris.

JORF du 12 avril 1929.

Loi du 8 avril 1935 relative au nombre des conseillers municipaux à élire au renouvellement général de 1935.

JORF du 9 avril 1935. Par dérogation à l’article 10 de la loi du 5 avril 1884, les communes dont la population au recensement de 1931 est inférieure à celle du recensement de 1931 conservent le même nombre de conseillers.

Décret 45-498 du 27 mars 1945 portant fixation de la date de convocations des collèges électoraux municipaux.

JORF du 28 mars 1945

Loi n° 47-1732 du 5 septembre 1947 fixant le régime général des élections municipales.

JORF du 6 septembre 1947. Dans les communes de 9 000 habitants et plus, les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste à un tour avec dépôt de liste complète, représentation proportionnelle, signes préférentiels panachage et vote préférentiel. En conséquence, Lyon ne vote plus par arrondissements. Cette loi est complétée par trois décrets :

  • décret 47-1833 du 17 septembre 1947 fixant la date de renouvellement intégral des conseils municipaux aux 18 et 26 octobre 1947 (JORF du 18 septembre 1947)
  • décret 47-1836 du 18 septembre 1947 fixant le régime général des élections municipales (JORF du 19 septembre 1947)
  • décret 47-1837 du 18 septembre 1947 fixant le régime général des élections au conseil municipal de Paris et au conseil général de la Seine (JORF du 19 septembre 1947)

Loi n° 49-844 du 29 juin 1949 abrogeant l’article 8 de la loi n° 47-1732 du 5 septembre 1947 fixant le régime général des élections municipales.

JORF du 30 juin 1949. Supprime le minimum de 5 % des voix pour participer à la répartition des sièges.

Loi n° 53-213 du 28 mars 1353 modifiant l’article 41 de la loi du 5 avril 1884 sur l’organisation municipale et l’article 13 de la loi n° 47-1783 du 5 septembre 1947 fixant le régime électoral pour les élections au conseil municipal de Paris et au conseil général de la Seine

JORF du 29 mars 1953. Fixe la date des élections au 26 avril 1953 et 2e tour le 3 mai 1953 si nécessaire.

Ordonnance 59-320 du 4 février 1959 relative à l’élection des conseils municipaux

JORF du 7 février 1959. Les membres des conseils municipaux des communes de moins 120 000 habitants sont élus au scrutin majoritaire, mais les membres des conseils municipaux des communes de 120 000 habitants et plus sont élus au scrutin de liste. Vote par liste complète, sans modification. L’ensemble de la commune forme une circonscription unique. En conséquence, Lyon ne revote toujours pas par arrondissements. Complétée par le décret 58-242 du 4 février 1959 fixant les dates du renouvellement des conseils municipaux au 8 mars 1959 et 15 mars si un 2e tour est nécessaire.

Loi n° 64-620 du 27 juin 1964 relative à l’élection des conseillers municipaux des communes de plus de 30.000 habitants

JORF du 28 juin 1964. Retour du scrutin majoritaire à deux tours. Le décompte des voix se fait par liste et non par candidat. La liste majoritaire emporte donc tous les sièges à pourvoir. Les membres des conseils municipaux de Paris, de Lyon et de Marseille sont élus par secteur. Pour Lyon, les secteurs correspondent à nouveau aux arrondissements.

Loi n°82-974 du 19 novembre 1982 modifiant le code électoral et le code des communes relative à l’élection des conseillers municipaux […]

JORF du 20 novembre 1982. Reprise dans l’article L262 du code électoral. C’est la règle générale qui s’applique aux élections municipales françaises depuis 1983, à l’exception de Paris, Lyon et Marseille. Les membres des conseils municipaux des communes de moins de 3 500 habitants sont élus au scrutin majoritaire à deux tours. Pour les communes plus peuplées, l’élection se fait au scrutin de liste à deux tours. La liste majoritaire emporte la moitié des sièges, appelée couramment la « prime majoritaire ». L’autre moitié est répartie proportionnellement entre toutes les listes, y compris la liste majoritaire.

Loi n° 82-1170 du 31 décembre 1982 portant modification de certaines dispositions du code électoral relatives à l’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille

JORF du 1er janvier 1983. Reprise partiellement dans les articles L271 et L272 du code électoral. Création des conseils d’arrondissement, qui ont chacun leur maire et leurs adjoints. A Paris et à Lyon, chaque arrondissement dispose d’un conseil, tandis qu’à Marseille, les 16 arrondissements sont regroupés en 6 secteurs. L’élection se fait par secteur , au scrutin de liste à deux tours. La liste majoritaire emporte la moitié des sièges, appelée couramment la « prime majoritaire ». L’autre moitié est répartie proportionnellement entre toutes les listes, y compris la liste majoritaire. Le nombre de candidats élus dans chaque secteur correspond au nombre de sièges à pourvoir au conseil d’arrondissement. Les candidats figurant dans le premier tiers de la liste siègent également au conseil municipal.

Loi n° 2005-1563 du 15 décembre 2005 prorogeant la durée du mandat des conseillers municipaux et des conseillers généraux renouvelables en 2007

Par dérogation aux dispositions de l’article L. 227 du code électoral, le renouvellement des conseils municipaux prévu en mars 2007 se déroulera en mars 2008.

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